{"id":3636,"date":"2022-05-10T06:17:57","date_gmt":"2022-05-10T04:17:57","guid":{"rendered":"https:\/\/www.eren.ch\/barc\/?p=3636"},"modified":"2022-05-11T15:06:04","modified_gmt":"2022-05-11T13:06:04","slug":"sandwich-au-feminin","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.eren.ch\/barc\/2022\/05\/10\/sandwich-au-feminin\/","title":{"rendered":"Sandwich au f\u00e9minin"},"content":{"rendered":"
Deux r\u00e9cits, deux femmes.
\nDans l’Evangile de Marc, elles sont au centre d’un dispositif litt\u00e9raire appel\u00e9 \u00ab\u00a0sandwich\u00a0\u00bb.\u00a0 Cela nous apprend comment J\u00e9sus gu\u00e9rit.<\/p>\n
Marc 5<\/p>\n
\n21<\/span><\/a>J\u00e9sus regagna l’autre rive en bateau, et une grande foule se rassembla aupr\u00e8s de lui. Il \u00e9tait au bord de la mer.\u00a0<\/span><\/div>\n22<\/span><\/a>Un des chefs de la synagogue, nomm\u00e9 Ja\u00efros, arrive ; le voyant, il tombe \u00e0 ses pieds\u00a0<\/span><\/div>\n23<\/span><\/a>et le supplie instamment : Ma fille est sur le point de mourir ; viens, impose-lui les mains, afin qu’elle soit sauv\u00e9e et qu’elle vive.\u00a0<\/span><\/div>\n24<\/span><\/a>Il s’en alla avec lui. Une grande foule le suivait et le pressait de toutes parts.<\/span><\/p>\n<\/div>\n<\/div>\n25<\/span><\/a>Or il y avait l\u00e0 une femme atteinte d’une perte de sang depuis douze ans.\u00a0<\/span><\/div>\n26<\/span><\/a>Elle avait beaucoup souffert du fait de nombreux m\u00e9decins, et elle avait d\u00e9pens\u00e9 tout ce qu’elle poss\u00e9dait sans en tirer aucun avantage ; au contraire, son \u00e9tat avait plut\u00f4t empir\u00e9.\u00a0<\/span><\/div>\n27<\/span><\/a>Ayant entendu parler de J\u00e9sus, elle vint dans la foule, par-derri\u00e8re, et toucha son v\u00eatement.\u00a0<\/span><\/div>\n28<\/span><\/a>Car elle disait : Si je touche ne serait-ce que ses v\u00eatements, je serai sauv\u00e9e !\u00a0<\/span><\/div>\n29<\/span><\/a>Aussit\u00f4t sa perte de sang s’arr\u00eata, et elle sut, dans son corps, qu’elle \u00e9tait gu\u00e9rie de son mal.<\/span><\/div>\n30<\/span><\/a>J\u00e9sus sut aussit\u00f4t, en lui-m\u00eame, qu’une force \u00e9tait sortie de lui. Il se retourna dans la foule et se mit \u00e0 dire : Qui a touch\u00e9 mes v\u00eatements ?\u00a0<\/span><\/div>\n31<\/span><\/a>Ses disciples lui disaient : Tu vois la foule qui te presse de toutes parts, et tu dis : \u00ab Qui m’a touch\u00e9 ? \u00bb\u00a0<\/span><\/div>\n32<\/span><\/a>Mais il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela.\u00a0<\/span><\/div>\n33<\/span><\/a>Sachant ce qui lui \u00e9tait arriv\u00e9, la femme, tremblant de peur, vint se jeter \u00e0 ses pieds et lui dit toute la v\u00e9rit\u00e9.\u00a0<\/span><\/div>\n34<\/span><\/a>Mais il lui dit\u00a0: Ma fille, ta foi t’a sauv\u00e9e\u00a0; va en paix et sois gu\u00e9rie de ton mal.<\/span><\/p>\n<\/div>\n<\/div>\n35<\/span><\/a>Il parlait encore lorsque arrivent de chez le chef de la synagogue des gens qui disent : Ta fille est morte ; pourquoi importuner encore le ma\u00eetre ?\u00a0<\/span><\/div>\n36<\/span><\/a>Mais J\u00e9sus, qui avait surpris ces paroles, dit au chef de la synagogue : N’aie pas peur, crois seulement.\u00a0<\/span><\/div>\n37<\/span><\/a>Et il ne laissa personne l’accompagner, si ce n’est Pierre, Jacques et Jean, fr\u00e8re de Jacques.\u00a0<\/span><\/div>\n38<\/span><\/a>Ils arrivent chez le chef de la synagogue ; l\u00e0 il voit de l’agitation, des gens qui pleurent et qui poussent de grands cris.\u00a0<\/span><\/div>\n39<\/span><\/a>Il entre et leur dit : Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort.\u00a0<\/span><\/div>\n40<\/span><\/a>Eux se moquaient de lui. Mais lui les chasse tous, prend avec lui le p\u00e8re et la m\u00e8re de l’enfant, ainsi que ceux qui l’accompagnaient, et il entre l\u00e0 o\u00f9 se trouvait l’enfant.\u00a0<\/span><\/div>\n41<\/span><\/a>Il saisit l’enfant par la main et lui dit\u00a0:\u00a0Talitha koum,\u00a0<\/span>ce qui se traduit : Jeune fille, je te le dis, r\u00e9veille-toi !\u00a0<\/span><\/div>\n42<\/span><\/a>Aussit\u00f4t la jeune fille se leva et se mit \u00e0 marcher \u2014 en effet, elle avait douze ans. Ils furent saisis d’une grande stup\u00e9faction.\u00a0<\/span><\/div>\n43<\/span><\/a>Il leur fit de s\u00e9v\u00e8res recommandations pour que personne ne le sache, et il dit de lui donner \u00e0 manger.<\/span><\/div>\n<\/div>\n<\/div>\n<\/blockquote>\n\n\n
- Les deux r\u00e9cits sont ench\u00e2ss\u00e9s\u00a0:\u00a0Marc commence en nous racontant une histoire, puis en entame une autre, avant de terminer la premi\u00e8re\u00a0; on appelle cela une \u00ab\u00a0construction en sandwich\u00a0\u00bb. La partie jambon<\/em> ou fromage<\/em>, c\u2019est l\u2019exp\u00e9rience de cette femme\u00a0; le pain<\/em>, celle de la fille de Ja\u00efros. Les deux r\u00e9cits s\u2019\u00e9clairent l\u2019un l\u2019autre.<\/li>\n
- L\u2019intelligence du c\u0153ur<\/em>. La femme en \u00ab\u00a0vision interne\u00a0\u00bb, empathie du lecteur, touch\u00e9 par le r\u00e9cit des souffrances de cette femme. Donc \u00e9motion.
\nPuis les perceptions\u00a0:
\nattention \u00e0 la rumeur (elle avait appris ce qu\u2019on disait de J\u00e9sus)
\nintention, projet (si j\u2019arrive \u00e0 toucher ses v\u00eatements, je serai sauv\u00e9e)
\nr\u00e9action intime (elle ressentit en son corps qu\u2019elle \u00e9tait gu\u00e9rie)
\nconscience de la situation (sachant ce qui lui \u00e9tait arriv\u00e9)J\u00e9sus partage<\/em> cette perception intuitive mais ne sait pas qui l\u2019a touch\u00e9, tout en cherchant \u00ab\u00a0celle\u00a0\u00bb qui a fait cela\u2026 Le partage des intuitions\/perceptions rapproche singuli\u00e8rement cette femme de J\u00e9sus (Marc l\u2019a r\u00e9dig\u00e9 ainsi pour que nous en ayons conscience).<\/li>\n<\/ul>\nLa r\u00e9action des disciples (\u00ab\u00a0Tu vois la foule qui te presse et tu demandes\u00a0: \u201cQui m\u2019a touch\u00e9\u00a0?\u201d\u00a0\u00bb) est totalement d\u00e9phas\u00e9e. Comme la foule, ils ne per\u00e7oivent que l\u2019arr\u00eat du cort\u00e8ge dans une situation d\u2019urgence.<\/p>\n
\n
- \u00ab\u00a0Fille\u00a0\u00bb <\/em>Marc \u00e9voque ainsi la fillette de Ja\u00efros dans la demande de son p\u00e8re\u00a0: ma fillette<\/em>. Puis dans les termes des messagers\u00a0: ta fille<\/em>. Ensuite, en arrivant chez Ja\u00efros, par trois fois, il est question du petit enfant<\/em>. Enfin, dans la parole de gu\u00e9rison et dans la fin du r\u00e9cit, c\u2019est le mot petite fille<\/em>, mais aussi jeune fille<\/em> qui est utilis\u00e9.<\/li>\n<\/ul>\n
Concernant la femme \u00e0 la perte de sang, elle est d\u00e9sign\u00e9e dans le r\u00e9cit par l\u2019expression \u00ab\u00a0une certaine femme \u2013 une femme quelconque\u00a0\u00bb. Cependant, lorsque J\u00e9sus l\u2019a entendue dire \u00ab\u00a0toute la v\u00e9rit\u00e9\u00a0\u00bb, il s\u2019adresse \u00e0 elle en l\u2019appelant \u00ab\u00a0fille\u00a0\u00bb, avec sens de filiation<\/em>.<\/p>\n
Pour la femme, il est question de douze ans de maladie. Quant \u00e0 la fillette, elle a douze ans. Ce parall\u00e9lisme permet de relier la femme et la fille de Ja\u00efros par ce laps de temps\u00a0: cette p\u00e9riode signe un moment dans lequel ni l\u2019une ni l\u2019autre n\u2019a \u00e9t\u00e9 pleinement f\u00e9minine. Dans les deux cas, nous rencontrons des cr\u00e9atures nouvelles qui renaissent<\/em> gr\u00e2ce \u00e0 J\u00e9sus\u00a0; les verbes employ\u00e9s pour la fillette (se r\u00e9veiller, se relever) nous confortent dans cette interpr\u00e9tation.<\/p>\n
Il convient d\u2019aller plus loin. Comment s\u2019op\u00e8re cette renaissance, cette \u00ab\u00a0r\u00e9surrection\u00a0\u00bb\u00a0? Cela passe par le niveau relationnel<\/em>. Pour la femme, isol\u00e9e et malade, le lien social est dissous\u00a0; elle doit se cacher. En lui adressant publiquement la parole, J\u00e9sus la restitue comme \u00ab\u00a0fille\u00a0\u00bb, autrement dit la fait entrer dans un r\u00e9seau de filiation<\/em>\u00a0; elle est adopt\u00e9e, r\u00e9int\u00e9gr\u00e9e<\/p>\n
Tout autre est le cas de la \u00ab\u00a0fille de Ja\u00efros\u00a0\u00bb. Son anonymat cache une appartenance<\/em>\u00a0: \u00ab\u00a0fille de\u00a0\u00bb. Il peut \u00eatre terriblement pesant d\u2019\u00eatre \u00ab\u00a0fille de\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0s\u0153ur de\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0femme de\u00a0\u00bb\u00a0! Que de souffrance\u00a0! Serait-ce l\u00e0 l\u2019origine de son anorexie (sugg\u00e9r\u00e9e par les psychanalystes qui se penchent sur ce texte)\u00a0? \u00c0 part le souci de lui assurer la nourriture indispensable, J\u00e9sus la d\u00e9livre de son appartenance en l\u2019appelant jeune fille<\/em>. Elle devient une personne \u00e0 part enti\u00e8re<\/em>.<\/p>\n
Elle est pass\u00e9e du stade de \u00ab\u00a0ma<\/em> fille\u00a0\u00bb, c\u2019est-\u00e0-dire objet poss\u00e9d\u00e9 par son p\u00e8re \u00e0 une existence propre de fille autonome<\/em>. \u00a0Une amie ex\u00e9g\u00e8te pr\u00e9cise\u00a0: \u00ab\u00a0C\u2019est le seul exemple dans lequel un p\u00e8re supplie J\u00e9sus pour une fille ; cela est important dans le contexte social de l\u2019\u00e9poque, quand on sait qu\u2019\u00e0 Rome, par exemple, on ne donnait pas de pr\u00e9nom aux filles mais on les nommait avec le nom gentilice au f\u00e9minin.\u00a0\u00bb<\/p>\n
Conclusion<\/strong><\/p>\n
Tout ce jaillissement montre que l\u2019important (la femme dit \u00e0 J\u00e9sus toute la v\u00e9rit\u00e9 = sa<\/em> v\u00e9rit\u00e9) se situe au niveau de l\u2019existence personnelle<\/em>, de ce qui est v\u00e9cu dans la souffrance<\/em>, avec passion<\/em>\u2026 et intelligence du c\u0153ur\u00a0<\/em>!<\/p>\n
Puissions-nous tous nous laisser inspirer par cette femme, devenue pour J\u00e9sus \u00ab\u00a0ma fille\u00a0\u00bb.<\/p>\n
Yvan Bourquin<\/p>\n<\/div>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
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Sandwich au f\u00e9minin • Paroisse r\u00e9form\u00e9e de La BARC<\/title>\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\t\n\t\n\t\n\n\n\n\n\n\t\n\t\n\t\n