{"id":4056,"date":"2022-11-11T08:05:16","date_gmt":"2022-11-11T07:05:16","guid":{"rendered":"https:\/\/www.eren.ch\/barc\/?p=4056"},"modified":"2022-11-11T08:05:20","modified_gmt":"2022-11-11T07:05:20","slug":"prier-et-agir","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.eren.ch\/barc\/2022\/11\/11\/prier-et-agir\/","title":{"rendered":"Prier et agir"},"content":{"rendered":"\n
sur Gen\u00e8se 18, 1-10 et principalement Luc 10, 38-42<\/em><\/p>\n\n\n\n 38<\/strong><\/a>Pendant qu’ils \u00e9taient en route, il entra dans un village, et une femme nomm\u00e9e Marthe le re\u00e7ut. <\/p>\n\n\n\n 39<\/strong><\/a>Sa s\u0153ur, appel\u00e9e Marie, s’\u00e9tait assise aux pieds du Seigneur et \u00e9coutait sa parole. <\/p>\n\n\n\n 40<\/strong><\/a>Marthe, qui s’affairait \u00e0 beaucoup de t\u00e2ches, survint et dit : Seigneur, tu ne te soucies pas de ce que ma s\u0153ur me laisse faire le travail toute seule ? Dis-lui donc de m’aider. <\/p>\n\n\n\n 41<\/strong><\/a>Le Seigneur lui r\u00e9pondit : Marthe, Marthe, tu t’inqui\u00e8tes et tu t’agites pour beaucoup de choses. <\/p>\n\n\n\n 42<\/strong><\/a>Une seule est n\u00e9cessaire. Marie a choisi la bonne part\u00a0: elle ne lui sera pas retir\u00e9e.<\/p>\nLuc 10, 38-42<\/em><\/cite><\/blockquote>\n\n\n\n <\/p>\n\n\n\n Il est d\u2019usage de commencer la pr\u00e9dication de la R\u00e9formation par un rappel historique de ce qui s\u2019est pass\u00e9 il y a un peu plus de cinq cents ans, le 31 octobre 1517. Aujourd\u2019hui, je vais plut\u00f4t \u00e9voquer des \u00e9v\u00e9nements qui se sont pass\u00e9s un 31 octobre, mais durant les 25 derni\u00e8res ann\u00e9es, car je pense qu\u2019ils peuvent changer la mani\u00e8re dont nous sommes invit\u00e9s \u00e0 envisager cette f\u00eate.<\/p>\n\n\n\n Le 31 octobre 2016, pour ouvrir l\u2019ann\u00e9e des cinq cents ans de la R\u00e9formation, la F\u00e9d\u00e9ration luth\u00e9rienne mondiale a invit\u00e9 le Pape Fran\u00e7ois \u00e0 une comm\u00e9moration conjointe, \u0153cum\u00e9nique, \u00e0 Lund, en Su\u00e8de. Cette invitation est le fruit d\u2019un travail de plusieurs ann\u00e9es, intitul\u00e9 \u00ab Du conflit \u00e0 la communion \u00bb. Cette d\u00e9marche invitait notamment \u00e0 relire ensemble l\u2019histoire s\u00e9paratrice.<\/p>\n\n\n\n Elle a \u00e9t\u00e9 rendue possible par un autre important travail, qui a abouti, le 31 octobre 1999, \u00e0 la signature solennelle, entre la f\u00e9d\u00e9ration luth\u00e9rienne mondiale et l\u2019\u00c9glise catholique romaine, de la d\u00e9claration conjointe sur la doctrine de la justification. Cette d\u00e9claration affirme que sur l\u2019essentiel, catholiques et luth\u00e9riens sont d\u2019accord sur quelque chose qui est au c\u0153ur du mouvement r\u00e9formateur, la red\u00e9couverte que la gr\u00e2ce inconditionnelle de Dieu offerte \u00e0 chacune et \u00e0 chacun dans la foi est le fondement, le c\u0153ur du message chr\u00e9tien.<\/p>\n\n\n\n Et nous, alors, les R\u00e9form\u00e9s ? Eh bien apr\u00e8s les m\u00e9thodistes, et la m\u00eame ann\u00e9e que la communion anglicane, la Communion mondiale d\u2019\u00c9glises r\u00e9form\u00e9es, dont nous faisons partie, s\u2019est \u00e0 son tour ralli\u00e9e \u00e0 cette d\u00e9claration conjointe, en 2017. C\u2019\u00e9tait en juillet, et le 31 octobre 2017, la communion anglicane s\u2019y est \u00e0 son tour associ\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Je n\u2019entre pas dans les d\u00e9tails de cet accord. J\u2019en retire simplement, pour ce matin, que lors nous c\u00e9l\u00e9brons la R\u00e9formation, nous sommes invit\u00e9s \u00e0 ne pas nous centrer sur ce qui nous s\u00e9pare en particulier des catholiques, mais sur ce que nous avons en commun, et que la R\u00e9forme a particuli\u00e8rement mis en valeur : Christ seul, la gr\u00e2ce seule, la foi seule, l\u2019\u00c9criture seule.<\/p>\n\n\n\n Aujourd\u2019hui, nous cherchons de nouvelles mani\u00e8re de parler de la gr\u00e2ce. Une mani\u00e8re contemporaine de redire la gr\u00e2ce est est de parler de reconnaissance. Le philosophe Paul Ric\u0153ur, dans son Parcours de la reconnaissance<\/em>, est attentif aux diff\u00e9rentes significations du mot et \u00e0 la mani\u00e8re dont le verbe se conjugue. Reconna\u00eetre, c\u2019est d\u2019abord, \u00e0 l\u2019actif, identifier, classer, rapporter \u00e0 ce que l\u2019on conna\u00eet.<\/p>\n\n\n\n Nous avons soif de reconnaissance, par l\u00e0, nous voulons dire que nous avons besoin d\u2019\u00eatre reconnu, personnellement, pour ce que nous sommes. Cette reconnaissance ne passe pas par un actif, mais par un passif. La v\u00e9ritable reconnaissance se re\u00e7oit. Il en va d\u2019\u00eatre reconnu, dans sa personne, dans ses droits, dans son travail\u2026 Mais avant tout cela, nous affirmons que la reconnaissance premi\u00e8re, inconditionnelle, nous est offerte de Dieu, en J\u00e9sus-Christ. C\u2019est elle qui nous permet, \u00e0 notre tour, d\u2019exprimer notre reconnaissance, qui est un autre mot pour dire la foi, et d\u2019offrir, \u00e0 notre place, un t\u00e9moignage de cette reconnaissance \u00e0 celles et ceux que nous rencontrons, en \u00e9changeant, avec simplicit\u00e9, des signes de reconnaissance, en nous mettant au service les uns des autres.<\/p>\n\n\n\n On peut aussi lire l\u2019histoire de Marthe et de Marie comme une histoire de reconnaissance. Dans l\u2019histoire de Marthe et Marie, selon J\u00e9sus, Marie a choisi la bonne part.<\/p>\n\n\n\n Et vous ? Avez-vous choisi la bonne part ? Quelle est-elle, cette bonne part ? L\u2019\u00e9coute attentive ou le service ? La contemplation ou l\u2019action ? La part spirituelle ou les besoins mat\u00e9riels ? Minist\u00e8re de la parole ou minist\u00e8re du service ?<\/p>\n\n\n\n Est-ce vraiment l\u2019une ou l\u2019autre ? Si l\u2019on s\u2019en r\u00e9f\u00e8re aux deux lectures bibliques du jour, la r\u00e9ponse n\u2019est pas si tranch\u00e9e, car Abraham et Marie sont bien \u00e0 l\u2019\u00e9coute du Seigneur, chacun \u00e0 sa mani\u00e8re, mais les deux passages r\u00e9sonnent aussi comme un \u00e9loge du service : Abraham accueille les trois voyageurs chez lui, il les d\u00e9salt\u00e8re et les nourrit. Quant \u00e0 Marthe, elle accomplit la t\u00e2che essentielle d\u2019accueillir le Christ chez elle et de le servir. Sur cet aspect, J\u00e9sus ne lui adresse aucun reproche, au contraire. Il lui parle affectueusement, en r\u00e9p\u00e9tant son nom : Marthe, Marthe. Peut-\u00eatre essaie-t-il par l\u00e0 d\u2019atteindre la personne, au-del\u00e0 de ce qui la pr\u00e9occupe \u00e0 l\u2019instant et qui suscite son irruption.<\/p>\n\n\n\n Comme on la comprend, Marthe ! On dit parfois : \u00ab qu\u2019il est bon d\u2019\u00eatre assis quand tout s\u2019agite autour de vous ! \u00bb En fait, c\u2019est difficile de rester assis quand on a eu l\u2019habitude de se lever et d\u2019\u00eatre actif. Peut-\u00eatre est-ce plus dur encore pour les femmes de rester assises quand il y a du travail \u00e0 faire.<\/p>\n\n\n\n Vous l\u2019avez sans doute remarqu\u00e9, du reste, l\u2019histoire de Marthe et Marie est une histoire de femmes. A ce sujet, il y a aussi deux ou trois choses \u00e0 dire. Ce pourrait \u00eatre une cl\u00e9 de lecture du r\u00e9cit : Marthe fait tout le boulot, et se plaint du fait que Marie ne fait pas sa part, alors que c\u2019est un travail de femmes. Ce sont les hommes qui se forment \u00e0 l\u2019\u00e9coute du Christ pour devenir \u00e0 leur tour les t\u00e9moins du Seigneur. Le r\u00f4le des femmes d\u2019assurer le service. Marie ne serait doublement pas \u00e0 sa place, en ne faisant pas sa part de travail, d\u2019une part, et en \u00e9tant assise au pied du Seigneur, d\u2019autre part.<\/p>\n\n\n\n Cette lecture ne r\u00e9siste pas au texte. D\u2019abord, \u00e9videmment, le Christ met en valeur la place et l\u2019attitude de Marie. Elle a choisi la bonne part, celle qui ne lui sera pas enlev\u00e9e. Pr\u00e9cis\u00e9ment, m\u00eame si ce n\u2019est pas l\u2019accent donn\u00e9 au r\u00e9cit, la parole du Christ remet en cause une vision de l\u2019organisation sociale et religieuse o\u00f9 les hommes auraient une place diff\u00e9rente de celle des femmes. Marie a choisi la bonne part. C\u2019est dit avec toute l\u2019autorit\u00e9 du Seigneur. Le choix des mots n\u2019est jamais anodin dans l\u2019\u00c9vangile de Luc. C\u2019est bien du Seigneur qu\u2019il s\u2019agit, et de ce fait Marie est ici une figure de la croyante, du croyant, qui se voit invit\u00e9 \u00e0 travers elle \u00e0 choisir \u00e0 son tour la bonne part.<\/p>\n\n\n\n Ensuite, le Christ refuse pr\u00e9cis\u00e9ment d\u2019opposer Marthe \u00e0 Marie, alors que la premi\u00e8re le souhaiterait. Le dialogue entre les deux le met bien en \u00e9vidence. Marthe se plaint. Elle ne se plaint pas aupr\u00e8s de Marie, sa s\u0153ur, mais aupr\u00e8s du Seigneur. Elle se plaint du fait que Marie lui laisse tout le travail. Mais peut-\u00eatre se plaint-elle encore plus de ce qu\u2019elle per\u00e7oit comme de l\u2019indiff\u00e9rence de la part du Christ. Il devrait remettre Marie \u00e0 sa place : dis-lui de venir m\u2019aider.<\/p>\n\n\n\n J\u00e9sus n\u2019entre pas dans le jeu d\u2019opposition dans lequel Marthe voudrait l\u2019entra\u00eener. Marthe se sent l\u00e9s\u00e9e. Elle se sent ignor\u00e9e. Elle en fait tant, il lui semble que personne ne le voit. Elle se sent d\u00e9valoris\u00e9e, non reconnue.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est sur ce plan l\u00e0 que le Seigneur la rejoint, en l\u2019appelant deux fois par son nom. Il pose le diagnostic, non pas de ce qu\u2019elle a fait, mais de l\u2019\u00e9tat dans lequel elle se trouve : tu t\u2019agites et tu t\u2019inqui\u00e8tes. Il le voit bien, ce tourbillon int\u00e9rieur dans lequel il est si facile de se laisser entra\u00eener, et qui nous fait perdre de vue l\u2019essentiel.<\/p>\n\n\n\n Le Christ ne reproche rien \u00e0 Marthe. Il refuse d\u2019entrer dans son jeu, mais il la reconna\u00eet dans sa d\u00e9tresse, dans son besoin de reconnaissance. Et la voie de la reconnaissance ne passe pas par le service redoubl\u00e9, par le souci de bien faire et de parfaire ce qu\u2019on entreprend. Elle passe par la bonne part, celle qu\u2019on ne peut enlever. Par l\u00e0, le Christ ne d\u00e9valorise pas le service, au contraire, mais il l\u2019enracine. Il l\u2019enracine dans la reconnaissance premi\u00e8re qui se trouve en Christ, si l\u2019on veut bien s\u2019asseoir \u00e0 ses pieds et la recevoir.<\/p>\n\n\n\n Ce n\u2019est pas par hasard si l\u2019histoire de Marthe et Marie est rapport\u00e9e imm\u00e9diatement apr\u00e8s la parabole du Bon Samaritain. Le service du prochain prend sa source dans la compassion re\u00e7ue du Christ.<\/p>\n\n\n\n Il en va du service. Le Christ lui-m\u00eame est venu pour servir et non pour \u00eatre servi. \u00catre croyant implique d\u2019accepter pour soi le service offert par le Christ, comme Marie, au pied de son Seigneur. C\u2019est cela qui enracine et rend possible tout service chr\u00e9tien. Car encore une fois, le service assur\u00e9 par Marthe est bon et n\u00e9cessaire. Elle assume sa responsabilit\u00e9 en accueillant chez elle \u2013 ici aussi, le vocabulaire est pr\u00e9cis : elle accueille dans sa maison, c\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019elle en est la ma\u00eetresse, et qu\u2019\u00e0 l\u2019image d\u2019Abraham qui re\u00e7oit les trois voyageurs, elle accueille le Christ chez elle. Elle assure une t\u00e2che essentielle, mais elle est sous la menace de faire de cette t\u00e2che sa raison d\u2019\u00eatre, sa bonne part \u00e0 elle, au risque, alors, de se sentir ignor\u00e9e et sans valeur. Tout service se fonde dans la reconnaissance inconditionnelle re\u00e7ue du Christ.<\/p>\n\n\n\n Marie a choisi la bonne part. Le r\u00e9cit met en valeur une figure de la foi, une proximit\u00e9 de J\u00e9sus que la tradition a associ\u00e9e \u00e0 la m\u00e8re de J\u00e9sus, au point que pendant longtemps, le r\u00e9cit de Marthe et Marie a \u00e9t\u00e9 lu le 15 ao\u00fbt. On conna\u00eet deux pr\u00e9dications de Luther sur ce texte, qui sont toutes deux des pr\u00e9dications du 15 ao\u00fbt.<\/p>\n\n\n\n Luther, tout \u00e0 son \u0153uvre de r\u00e9tablissement de la primaut\u00e9 de la gr\u00e2ce seule, interpr\u00e8te les deux figures de Marthe et Marie dans sa c\u00e9l\u00e8bre opposition entre la foi et les \u0153uvres. Marthe est la figure de la vaine recherche de la justifiation par les \u0153uvres, tandis que Marie a retenu la seule importante, la foi marqu\u00e9e par son attitude de totale r\u00e9ceptivit\u00e9 au pieds du Seigneur.<\/p>\n\n\n\n Depuis, beaucoup d\u2019interpr\u00e8tes ont r\u00e9habilit\u00e9 la figure de Marthe. Le 19\u00e8me<\/sup> si\u00e8cle protestant a cr\u00e9\u00e9 de nombreuses \u0153uvres. Des filles ont \u00e9t\u00e9 nomm\u00e9es Marthe. Le service assur\u00e9 par toutes les Marthes, que ce soient des femmes ou des hommes, est essentiel. Il prend racine dans le service re\u00e7u du Christ, comme l\u2019amour du prochain, la compassion humaine prend source dans la compassion divine re\u00e7ue du Christ.<\/p>\n\n\n\n Tel est l\u2019essentiel : vous \u00eates reconnus, chacune et chacun. C\u2019est l\u00e0 la bonne part, celle qui vous est offerte, celle qui ne peut vous \u00eatre enlev\u00e9e. Amen.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Pr\u00e9dication par Nicolas Cochand lors du culte de la R\u00e9formation \u00e0 Colombier, le 6 novembre 22 sur Gen\u00e8se 18, 1-10 et principalement Luc 10, 38-42 38Pendant qu’ils \u00e9taient en route, il entra dans un village, et une femme nomm\u00e9e Marthe le re\u00e7ut. 39Sa s\u0153ur, appel\u00e9e Marie, s’\u00e9tait assise aux pieds du Seigneur et \u00e9coutait sa … Continuer la lecture de « Prier et agir »<\/span><\/a><\/p>\n","protected":false},"author":20,"featured_media":4058,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[2204],"tags":[],"class_list":["post-4056","post","type-post","status-publish","format-standard","has-post-thumbnail","hentry","category-cultes"],"yoast_head":"\n\n