Pr\u00e9dication du dimanche 28 septembre 2025 \u00e0 Colombier. Lectures bibliques: Jonas 3,10 + 4,1-11 ; \u00e9vangile de Luc 15,1-10<\/p>\n\n\n\n
Tout \u00e7a pour \u00e7a ?!? Toutes ces aventures o\u00f9 Jonas a fr\u00f4l\u00e9 la mort pour que finalement, il ne se passe rien. Je comprends la col\u00e8re de Jonas. Sa frustration.<\/p>\n\n\n\n
Le livre de Jonas n\u2019est semblable \u00e0 aucun autre. Plus proche du conte oriental que du livre proph\u00e9tique, il trouve pourtant sa place dans l\u2019Ancien Testament parmi les 12 livres de ce que nous appelons les petits proph\u00e8tes. Non pas qu\u2019ils ne seraient pas importants, mais simplement parce que les textes sont courts. L\u2019Ancien Testament compte 3 livres de grands proph\u00e8tes : Esa\u00efe, J\u00e9r\u00e9mie et Ezechiel. Et 12 petits. Je vous mets au d\u00e9fi de me les citer tous! Os\u00e9e \u2013 Jo\u00ebl \u2013 Amos \u2013 Abdias \u2013 Jonas \u2013 Mich\u00e9e \u2013 Nahoum \u2013 Habacuc \u2013 Sophonie \u2013 Agg\u00e9e \u2013 Zacharie \u2013 Malachie. Le livre de Jonas ne comporte que 4 chapitres, il est tr\u00e8s narratif et facile \u00e0 lire. Je vous le recommande si cet apr\u00e8s-midi vous voulez vous plonger dans la lecture.<\/p>\n\n\n\n
Le livre de Jonas, je le disais, n\u2019est semblable \u00e0 aucun autre. Rappelons-nous son histoire. Un jour, Dieu demande \u00e0 Jonas d\u2019aller annoncer \u00e0 Ninive sa prochaine destruction. Ninive est la capitale de l\u2019Assyrie, grande puissance d\u2019alors et ennemi du royaume de J\u00e9rusalem. Jonas ne veut pas remplir cette mission. Le texte ne nous dit pas pourquoi mais on peut imaginer qu\u2019il a peur. La perspective de se confronter \u00e0 une grande puissance pour lui annoncer qu\u2019elle va subir les foudres de son Dieu n\u2019est pas rassurante. Si Jonas y va, il risque sa peau. Jonas d\u00e9cide donc d\u2019embarquer pour Tarsis. Il est difficile de situer cette ville, peut-\u00eatre est-elle m\u00eame imaginaire. En tout cas, ce qui est s\u00fbr, c\u2019est qu\u2019il part dans la direction oppos\u00e9e. Il fuit sa mission et cherche \u00e0 partir loin, peut-\u00eatre m\u00eame l\u00e0 o\u00f9 Dieu lui-m\u00eame ne le retrouvera pas. Mais Dieu ne le laisse pas tranquille. Il d\u00e9clenche une \u00e9norme temp\u00eate. Jonas est jet\u00e9 \u00e0 l\u2019eau par les marins convaincus que cette temp\u00eate hors norme ne peut \u00eatre que le fruit de la col\u00e8re d\u2019un Dieu extr\u00eamement puissant. Mandat\u00e9 par Dieu, un gros poisson avale Jonas et le ram\u00e8ne sur la plage. Le proph\u00e8te r\u00e9sign\u00e9 marche finalement jusqu\u2019\u00e0 Ninive et annonce \u00e0 la ville sa destruction prochaine. Puis il attend\u2026 et rien ne vient. Dieu ne met pas sa menace \u00e0 ex\u00e9cution. Jonas d\u00e9sesp\u00e8re et, comme nous l\u2019avons lu, souhaite une mort que Dieu ne lui accorde pas.<\/p>\n\n\n\n
Histoire \u00e9tonnante. Celle d\u2019un proph\u00e8te qui, partout o\u00f9 il se rend, apporte le chaos et le danger de mort. Les marins, la grande ville, les plantes. Tous fr\u00f4lent la destruction. Mais, presque malgr\u00e9 lui, Jonas apporte aussi la vie. Gr\u00e2ce \u00e0 Dieu, les marins sortirons sains et saufs de la temp\u00eate. Gr\u00e2ce \u00e0 Dieu, la ville ne sera pas d\u00e9truite.<\/p>\n\n\n\n
Dans cette histoire, tout le monde ob\u00e9it aux ordres de Dieu. Les marins pa\u00efens, les habitants de la ville, jusqu\u2019au roi. Les animaux. Le poissons, le ver. Les plantes. Tous ob\u00e9issent \u00e0 Dieu\u2026 sauf son proph\u00e8te ! Quelle dr\u00f4le d\u2019histoire que celle de la destruction d\u2019une ville qui n\u2019a pas eu lieu. On ne raconte jamais les non-\u00e9v\u00e9nements.Jonas pourrait \u00eatre le symbole des h\u00e9ros anonymes des catastrophes qui ont \u00e9t\u00e9 \u00e9vit\u00e9es. Et dont on n\u2019a jamais entendu parler parce qu\u2019elles n\u2019ont pas eu lieu. Le symbole des hommes et des femmes qui ont d\u00e9jou\u00e9 des attentats, qui ont s\u00e9curis\u00e9 des infrastructures avant qu\u2019elles ne deviennent dangereuses, ou qui ont sign\u00e9 des accords avant que la situation ne s\u2019envenime.<\/p>\n\n\n\n
Apr\u00e8s toutes ses tribulations, apr\u00e8s avoir tent\u00e9 de fuir, Jonas s\u2019est r\u00e9solu \u00e0 accomplir la mission pour laquelle Dieu l\u2019avait envoy\u00e9. Il se rend \u00e0 Ninive, annonce sa destruction. Et contre toute attente, les Ninivites prennent au s\u00e9rieux l\u2019avertissement, font amende honorable et renoncent au mal. Et Dieu les \u00e9pargne.<\/p>\n\n\n\n
Il y a plusieurs mani\u00e8res de comprendre la col\u00e8re de Jonas face \u00e0 cette situation. Tout cela pour \u00e7a ? Valait-il le coup de vivre tous ces dangers si Dieu avait d\u00e9cid\u00e9 de les \u00e9pargner ? On touche l\u00e0 \u00e0 la grande question de la gr\u00e2ce. Si le pardon de Dieu est le plus fort, existe-t-il encore la menace de la punition ?<\/p>\n\n\n\n
Si l\u2019on consid\u00e8re que l\u2019Assyrie est l\u2019ennemi du peuple de Jonas. Comment celui-ci pourrait-il se r\u00e9jouir de son salut ? Si Dieu \u00e9pargne Ninive, n\u2019est-ce pas faire courir un immense danger \u00e0 son propre peuple ? Dieu peut-il \u00e0 la fois les prot\u00e9ger et sauver son ennemi ??<\/p>\n\n\n\n
Ou bien Jonas est-il en col\u00e8re parce qu\u2019il ne comprend plus son Dieu ? Dieu peut-il changer d\u2019avis ? Lui qui vit de toute \u00e9ternit\u00e9, lui le seul point d\u2019ancrage s\u00fbr et solide ? Si Dieu vacille ou retourne sa veste, \u00e0 qui peut-on encore faire confiance ? C\u2019est une question fondamentale. Dans nos cantiques, nous chantons \u00ab Dieu toujours le m\u00eame \u00bb. Nous avons besoin de l\u2019immuabilit\u00e9 de Dieu. En ne comprenant plus son Dieu, Jonas perd pied. Il perd sens. Au point de ne plus avoir de raison de vivre. Mais quelque part, Jonas le savait. Il le dit : Je savais que tu es un Dieu bienveillant et compatissant, patient et d\u2019une immense bont\u00e9, toujours pr\u00e8s \u00e0 renoncer \u00e0 tes menaces. Int\u00e9ressant de voir comment des paroles am\u00e8res peuvent dire une v\u00e9rit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n
Oui Dieu est bienveillant et compatissant. Et bien des fois, nous en sommes profond\u00e9ment heureux et reconnaissants. Mais parfois, nous pouvons aussi en \u00eatre d\u00e9rang\u00e9s voire bless\u00e9s. Il n\u2019est pas toujours simple de se r\u00e9jouir du bonheur ou de l\u2019\u00e9panouissement de l\u2019autre. De constater qu\u2019une personne qui nous a fait du mal a surmont\u00e9 la situation et trouv\u00e9 la paix. Le pardon offert \u00e0 l\u2019autre peut rester en travers de la gorge. Moins facile \u00e0 avaler encore qu\u2019un proph\u00e8te par un poisson.<\/p>\n\n\n\n
P\u00e9tri de col\u00e8re, Jonas se retire. Il boude. Et il se construit une cabane pour s\u2019y asseoir et attendre de voir ce qui allait se passer. Mais manifestement cette cabane n\u2019est pas de tr\u00e8s bonne facture. Elle ne parvient pas \u00e0 le prot\u00e9ger de la chaleur accablante du soleil. Rien ne lui r\u00e9ussit. Une boule de nerf ne peut construire quelque chose de bien. Argh il enrage !<\/p>\n\n\n\n
Et Dieu, magnanime, fait pousser une plante pour lui donner de l\u2019ombre. Ah cette plante ! C\u2019est tout une histoire. Le mot h\u00e9breu qui la d\u00e9signe est peu connu. On traduit ricin. J\u2019ai lu aussi qu\u2019il avait \u00e9t\u00e9 traduit par courge. Mais ce ne sont pas de hautes plantes. Font-elles suffisamment d\u2019ombres ? Jean-Fr\u00e9d\u00e9ric Osterwald, qui, comme vous le savez, a publi\u00e9 une traduction de la Bible en fran\u00e7ais. Traduction qui a fait autorit\u00e9 \u00e0 Neuch\u00e2tel durant bien longtemps. Osterwald, donc, avait choisi de garder le mot h\u00e9breu. Quiquayon. Devenu quiquajon. Terme que les neuch\u00e2telois utilisent encore volontiers pour d\u00e9signer un cabanon de jardin.<\/p>\n\n\n\n
Dieu fait donc pousser un quiquajon pour \u00e9pargner son proph\u00e8te. Comme il a \u00e9pargn\u00e9 les marins et les ninivites, Dieu prend soin de tous. Qu\u2019ils soient incroyants, immoraux ou r\u00e9volt\u00e9s. Il est le m\u00eame Dieu bienveillant et compatissant. Mais voil\u00e0 qu\u2019apr\u00e8s le poisson, Dieu se sert d\u2019un autre animal pour influer le destin de son proph\u00e8te. Un ver. Un petit ver de rien du tout qui, comme un grain de sable dans des rouages, vient ass\u00e9cher le quiquajon. Et le soleil tape de plus belle sur le cr\u00e2ne du proph\u00e8te d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9.<\/p>\n\n\n\n
Jonas aurait bien voulu pouvoir choisir qui serait destinataire de la mansu\u00e9tude divine. S\u2019il avait eu le choix, il aurait volontiers \u00e9pargn\u00e9 le quiquajon. Peut-\u00eatre aussi les marins et sans doute le poisson. Mais assur\u00e9ment pas les Ninivites. Mais ce choix l\u00e0 ne lui appartient pas.<\/p>\n\n\n\n
Le livre du proph\u00e8te Jonas n\u2019est semblable \u00e0 aucun autre dans notre corpus biblique. Les 4 chapitres de ce conte d\u00e9roulent avec simplicit\u00e9 des questions fondamentales et existentielles et nous invitent \u00e0 les explorer.<\/p>\n\n\n\n
Des questions sur Dieu d\u2019abord :<\/p>\n\n\n\n