{"id":5417,"date":"2025-12-22T10:54:37","date_gmt":"2025-12-22T09:54:37","guid":{"rendered":"https:\/\/www.eren.ch\/barc\/?p=5417"},"modified":"2025-12-22T10:54:41","modified_gmt":"2025-12-22T09:54:41","slug":"regarder-le-doigt-ou-regarder-le-ciel","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.eren.ch\/barc\/2025\/12\/22\/regarder-le-doigt-ou-regarder-le-ciel\/","title":{"rendered":"Regarder le doigt ou regarder le ciel\u00a0?"},"content":{"rendered":"\n
Pr\u00e9dication prononc\u00e9e par le pasteur Jean-Jacques Beljean au temple d’Auvernier le dimanche 21 d\u00e9cembre 2025, quatri\u00e8me dimanche de l’avent.<\/em><\/p>\n\n\n\n Textes bibliques : Esaie 7,10-15 ; Philippiens 4,4-7 ; Luc 1, 26-38<\/em><\/p>\n\n\n\n Chers fr\u00e8res et s\u0153urs en Christ,<\/p>\n\n\n\n Presque chaque ann\u00e9e ce merveilleux texte de l\u2019\u00c9vangile selon Luc, nomm\u00e9 l\u2019Annonciation,<\/em> est lu lors du temps de l\u2019Avent, souvent accompagn\u00e9 de la proph\u00e9tie du proph\u00e8te Esaie annon\u00e7ant la venue d\u2019un myst\u00e9rieux enfant.<\/p>\n\n\n\n Et, \u00e0 chaque fois l\u2019on est partag\u00e9 entre le merveilleux, l\u2019\u00e9tonnant et le scepticisme. Et l\u2019on ne peut s\u2019emp\u00eacher de se demander en quoi une si merveilleuse et \u00e9trange histoire pourrait nous parler, nous toucher par son aspect extraordinaire et miraculeux.<\/p>\n\n\n\n J\u2019entends d\u00e9j\u00e0 les sceptiques et les agnostiques sourire de ces niais de chr\u00e9tiens qui croient \u2013 encore \u2013 en de telles fariboles. Pour eux, un enfant de six ans sait bien qu\u2019il est n\u00e9 d\u2019un p\u00e8re et d\u2019une m\u00e8re et que la g\u00e9n\u00e9ration spontan\u00e9e chez les humains est une contre-v\u00e9rit\u00e9 scientifiquement parlant.<\/p>\n\n\n\n Notons tout d\u2019abord que, dans l\u2019Antiquit\u00e9, l\u2019union d\u2019un dieu avec une humaine est un th\u00e8me connu, tant chez les Grecs que chez les Romains. C\u2019est donc que le merveilleux rapport\u00e9 par Luc ne choquait pas \u00e0 l\u2019\u00e9poque. Mais pour les Anciens, \u00e9tait-ce uniquement du merveilleux ? N\u2019\u00e9tait-ce pas plut\u00f4t une mani\u00e8re de d\u00e9crire ce qu\u2019ils ne comprenaient pas ? Ainsi avons-nous \u00e0 rejeter de tels texte au nom du modernisme ? N\u2019avons-nous pas plut\u00f4t, comme les Anciens, \u00e0 rechercher le sens que peut porter une telle histoire ?<\/p>\n\n\n\n Il nous faut donc reprendre toute la probl\u00e9matique du texte de Luc \u00e0 nouveaux frais car si les contradicteurs ne sont pas stupides, les anciens chr\u00e9tiens et nous non plus. Parfois un texte veut dire autre chose que ce que l\u2019on croit au premier abord et se satisfaire des apparences n\u2019est pas une d\u00e9marche s\u00e9rieuse.<\/p>\n\n\n\n Nous allons nous faire aider. Et, pour une fois, en recourant \u00e0 une parole de sagesse attribu\u00e9e \u00e0 Confucius comme \u00e0 St-Augustin. Ce vieux proverbe\u00a0va nous aider \u00e0 comprendre notre texte, je le cite, sous l\u2019une de ses nombreuses versions:<\/p>\n\n\n\n \u00ab Quand le sage montre le ciel du doigt, l\u2019insens\u00e9 regarde le doigt \u00bb<\/em><\/p>\n\n\n\n Autrement dit ne faisons pas preuve de myopie quand nous interpr\u00e9tons les textes bibliques, en ne voyant que les apparences alors que la v\u00e9rit\u00e9 se d\u00e9voile en prenant la distance n\u00e9cessaire \u00e0 l\u2019approfondissement et \u00e0 la compr\u00e9hension.<\/p>\n\n\n\n Premi\u00e8re focale sur notre texte\u00a0: de quel ordre est-il\u00a0? Est-il d\u2019ordre m\u00e9dical, biologique, biog\u00e9n\u00e9tique, obst\u00e9trique\u00a0? A l\u2019\u00e9vidence, non\u00a0! Luc, m\u00eame s\u2019il est m\u00e9decin selon la tradition, ne veut pas faire un cours de g\u00e9n\u00e9tique. Penser qu\u2019un texte des \u00c9vangiles veut nous faire un cours de biologie c\u2019est regarder le doigt mais pas le ciel. Notre texte est th\u00e9ologique, il existe pour nourrir notre foi et non pour nous convaincre d\u2019une pseudo-v\u00e9rit\u00e9 scientifique.<\/p>\n\n\n\n Deuxi\u00e8me focale : si le texte est th\u00e9ologique, que veut-il nous dire par ce paradoxe que reprendra le Credo que nous prononcerons tout \u00e0 l\u2019heure : incarn\u00e9 du Saint-Esprit et n\u00e9 de la Vierge Marie<\/em> ? Veut-il nous dire comment le Saint-Esprit fait des enfants ou veut-il nous dire qui est ce J\u00e9sus que nous reconnaissons comme notre Seigneur ?<\/p>\n\n\n\n En quelques mots : en empruntant au langage miraculeux de son \u00e9poque le texte veut nous transmettre non un r\u00e9cit de miracle mais, sous forme imag\u00e9e, nous dire qui est le Christ.<\/p>\n\n\n\n Il nous faut donc voir non le doigt (la lettre du texte) mais regarder le message qu\u2019il porte (le ciel). La question que le texte pose est : Qui est ce J\u00e9sus<\/em> ? Notre texte tente d\u2019y r\u00e9pondre, sous une forme imag\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n J\u2019ajoute encore quelques pr\u00e9cisions pour bien montrer ce que nos textes veulent nous transmettre, tant celui d\u2019Esa\u00efe que celui de Luc. Dans l\u2019Antiquit\u00e9 on ne donne pas simplement un joli nom aux enfants. Les noms ont une signification et sont comme porteur d\u2019un programme, d\u2019une d\u00e9finition, d\u2019une mission. Chez Esa\u00efe l\u2019enfant \u00e0 venir s\u2019appellera Emmanuel, ce qui, en h\u00e9breu, signifie Dieu avec nous<\/em>. Chez Luc l\u2019enfant s\u2019appellera J\u00e9sus, ce qui, en h\u00e9breu, signifie Dieu sauve<\/em>. Ces pr\u00e9cisions nous montrent bien que nos textes ne sont pas un plaidoyer pour les miracles mais bien des textes de r\u00e9v\u00e9lation de l\u2019identit\u00e9 de l\u2019enfant. Et nous, nous savons qu\u2019il s\u2019agit de J\u00e9sus, le Christ, car Dieu sauve \u00e0 travers lui.<\/p>\n\n\n\n Quand le sage montre le ciel du doigt, l\u2019imb\u00e9cile (ou encore l\u2019insens\u00e9) regarde le doigt.<\/p>\n\n\n\n Regarder le doigt c\u2019est consid\u00e9rer que notre texte est un miracle du pass\u00e9 qui n\u2019a plus rien \u00e0 nous dire. Regarder le ciel c\u2019est comprendre que dans cet enfant qui na\u00eetra dans la cr\u00e8che de Bethl\u00e9hem, c\u2019est la mani\u00e8re dont Dieu veut, d\u00e9sormais, \u00eatre et agir dans notre monde. Non dans la toute-puissance politique, psychologique ou sociale, mais dans la p\u00e2te humaine. La naissance de J\u00e9sus c\u2019est la venue de Dieu dans le monde des humains, d\u2019abord comme un nourrisson, puis un enfant puis un adulte. Dieu n\u2019est plus, depuis J\u00e9sus, un dieu perdu dans le ciel mais celui qui agit \u00e0 travers les \u00eatres humains.<\/p>\n\n\n\n Avec l\u2019incarnation de Dieu en l\u2019homme J\u00e9sus, la pr\u00e9sence divine n\u2019est plus confin\u00e9e au ciel d\u2019o\u00f9 Dieu agirait. La pr\u00e9sence divine se d\u00e9couvre en l\u2019\u00eatre humain, en soi comme dans le prochain, tout \u00eatre humain que nous rencontrons.<\/p>\n\n\n\n Longtemps l\u2019on s\u2019est battu sur ce texte, sur son interpr\u00e9tation miraculeuse que l\u2019on \u00e9tendra \u00e0 l\u2019infini. L\u2019on a pein\u00e9 \u00e0 voir son originalit\u00e9 dans l\u2019histoire humaine : En J\u00e9sus Dieu s\u2019est fait \u00eatre humain comme l\u2019un ou l\u2019une d\u2019entre nous, enfant dans la cr\u00e8che de Bethl\u00e9hem et non prince \u00e0 la cour du roi H\u00e9rode, voire en dieu antique venant sur terre berner les humains.<\/p>\n\n\n\n Il est l\u00e9gitime de tordre le cou \u00e0 l\u2019interpr\u00e9tation biologique miraculeuse, ou tout au moins de ne pas la consid\u00e9rer comme centrale. L\u2019Evangile ne nous propose pas un cours de gyn\u00e9cologie miraculeuse. Luc, tout au travers de son Evangile, et par ce langage imag\u00e9 emprunt\u00e9 \u00e0 son \u00e9poque, veut nous dire qui est le Seigneur de l\u2019Eglise : c\u2019est J\u00e9sus, le Christ, vrai Dieu devenu l\u2019un d\u2019entre nous pour partager notre destin\u00e9e humaine et l\u2019inspirer. Dieu se fait serviteur dans la p\u00e2te humaine. C\u2019est le sens de la naissance humble dans la cr\u00e8che de Bethl\u00e9hem.<\/p>\n\n\n\n Plus de Dieu ma\u00eetre des batailles mais Dieu avec les humains, Emmanuel, et Dieu sauve, J\u00e9sus. Dieu s\u2019est incarn\u00e9 dans la faiblesse humaine, tout en restant lui-m\u00eame. Toute puissance politico-militaire est abandonn\u00e9e. Plus de Dieu nationaliste et g\u00e9nocidaire pris\u00e9 dans l\u2019Antiquit\u00e9 comme tout au long de l\u2019Histoire ! C\u2019est pourquoi Dieu s\u2019est confi\u00e9 \u00e0 la jeune femme de Nazareth, afin d\u2019\u00eatre l\u2019un de nous tout en restant lui-m\u00eame. Les vieilles notions de Dieu guerrier, tout puissant au sens politico-militaire sont p\u00e9rim\u00e9es au profit d\u2019une nouvelle vision d\u2019un Dieu mis\u00e9ricordieux, qui s\u2019incarne dans la p\u00e2te humaine.<\/p>\n\n\n\n Une nouvelle lecture de Dieu s\u2019imposera d\u00e8s le christianisme naissant : un Dieu qui se confie en l\u2019humanit\u00e9. H\u00e9las cette lecture ne subsistera pas longtemps. Puisse-t-elle rena\u00eetre \u00e0 notre \u00e9poque et pour chaque \u00e9poque !<\/p>\n\n\n\n Amen !<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Pr\u00e9dication prononc\u00e9e par le pasteur Jean-Jacques Beljean au temple d’Auvernier le dimanche 21 d\u00e9cembre 2025, quatri\u00e8me dimanche de l’avent. 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