Et Jésus leur demandait : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » Prenant la parole, Pierre lui répond : « Tu es le Christ. » Marc 8, 29
Chers amis, chère lectrice, cher lecteur,
De nombreux théologiens, historiens et sociologues se penchent depuis longtemps sur la perte rapide d’un nombre élevé de membres des Eglises Réformées. Ils analysent sous différents angles la crise profonde d’un modèle d’Eglise dépassé par l’évolution d’un monde qui ne la comprend plus.
Je n’ai pas ce mois-ci l’envie de remettre une couche en brassant des théories et en vous fournissant des comptes rendus d’auteurs connus pour leurs excellents travaux sur la question. Je vais moins m’intéresser aux causes de la crise que nos milieux traversent que me concentrer sur quelques pistes de réponse face à la question posée en titre. Je vous propose donc un parcours autour de mes réflexions tirées de lectures et de mon expérience dans notre paroisse.
Bonne lecture !
Guillaume
Dimanche 2 avril 2017.
Bonjour à chacun et à chacune !
Certains murmurent, chiffres et études à l’appui, qu’il n’y aura plus de réformés dans nos contrées à la fin du siècle. Faut-il, face à cette terrible prédiction, baisser la tête et tomber dans les affres d’un pessimisme rongeur ? Faut-il se cramponner « à ce qui reste » ? Faut-il tout remettre en question, tester par dizaines les « plans de redressement de la situation » ?
Je pense premièrement que la réponse doit prendre en compte un fait : les tendances sociétales actuelles (l’individualisme, etc.) vont continuer de progresser. Et cela, l’Eglise ne pourra pas le changer. Elle doit et devra faire avec, en s’adaptant au mieux. Pour essayer de trouver une réponse pondérée à mes questions, je vais tout d’abord me demander ce qui fait Eglise. Pour recentrer et être un peu plus humble : qu’est-ce que notre paroisse est face au monde qui l’entoure ? Pour réfléchir à cela, je vais lire Dietrich Bonhoeffer qui, à l’âge de 26 ans, donna un cours magistral autour de la nature de l’Eglise. J’ai trouvé ses propos d’une étonnante actualité. Je ne livre que quelques points épars, qui m’ont semblé pertinents.
Le premier concerne l’Eglise du Christ. Elle est pour Bonhoeffer le lieu où Dieu se révèle, le lieu où il parle et où il est présent pour nous. Bonhoeffer nous dit que l’Eglise est elle-même le Christ présent. Le Christ est la présence de Dieu sur la terre, et l’Eglise est la présence du Christ sur la terre. La communauté est le Christ. Là où elle se tient devant Dieu, elle a abandonné son existence au Christ, qui se substitue à elle. C’est peut-être là le point central du discours de l’auteur : le Christ comme clé de voûte de l’Eglise.
Je pense que la crise que nous traversons offre plusieurs opportunités fantastiques : être moins en nombre, cela signifie pouvoir mieux se regarder, mieux se côtoyer, mieux se connaître et mieux se reconnaître comme étant touchés par la grâce de Dieu. Bien entendu, être moins signifie aussi courir le risque de s’enfermer sur nous même, de se radicaliser, de se barricader. Etre moins, cela mène à remarquer plus rapidement que l’autre est différent de moi.
Je crois que dans ces temps de changements sociétaux où l’Eglise est ébranlée, il y a nécessité à se rappeler sans cesse l’unique qui nous relie : le Christ qui nous ressuscite. C’est lui le lien, ce lien qui fait de nous une église, parce qu’il est en nous celui qui opère les changements. Comme le dit Bonhoeffer, l’Eglise est la présence du Christ sur la Terre.
L’Eglise est ce lieu sans lieu, comme nous le verrons ci-dessous, où Dieu se révèle et nous bouleverse. Il nous change dans notre être le plus enfoui, le plus profond. Puisse notre communauté, en Christ et par le Christ ressuscitée à son tour, découvrir et toucher l’humain dans son besoin existentiel d’être ressuscité ! Osons formuler ce vœu, osons faire découvrir que l’Eglise est le lieu où Dieu se donne à nous ! Une ouverture sur le monde contemporain ne peut se faire, à mon sens, sans que la communauté montre en quoi Dieu l’a transformée par sa grâce.
Un deuxième point pour notre cheminement est que, selon Bonhoeffer, l’Eglise n’a pas de lieu. Cette affirmation trouve un sens fort dans le cas d’une Eglise allemande ébranlée par la montée en puissance du national-socialisme à l’époque de Bonhoeffer. Mais elle porte également un sens profond : en aucun lieu l’Eglise n’est entièrement elle-même. Elle ne dispose pas du droit de déclarer lieu de Dieu tel ou tel lieu historique. Pour Bonhoeffer, l’Eglise qui sait cela attend la Parole en faisant d’elle le lieu que Dieu occupe dans le monde. C’est là un point important !
L’Eglise comme réceptacle de Dieu se révélant par sa Parole. Dans ce moment de l’histoire, nos églises sont obligées de se poser la question du lieu. Géographiquement d’abord : se rappeler que le véritable lieu de l’église est la Parole de Dieu peut aider à vivre par-delà la dure réalité d’une église se vidant physiquement, voyant ses murs se taire dans un silence toujours plus profond. Se questionner sur le véritable fondement de l’Eglise permet de franchir des caps et d’oser avancer dans la confiance.
Osons par-là nous rassembler et aller à la découverte de l’autre, car ce dernier est source de merveilleuses richesses. Osons collaborer et attendre ensemble la parole en en préparant inlassablement le réceptacle qu’est l’Eglise. Là où certains disent que c’est la fin, je ne répondrais pas avec un optimisme un brin insolent que ce n’est que le début, mais que toute la vie de l’Eglise est une succession de débuts. Une fin amène un début.
C’est pour cela que je crois qu’il faut tenir bon et oser découvrir en profondeur ce qui nous unis. J’ai eu par exemple la chance de collaborer ces derniers temps à la mise en place de plusieurs projets faisant intervenir des paroissiennes et paroissiens de plusieurs Lieux de Vie. Quelle joie de rencontrer à chaque fois des gens que je n’aurais jamais connu si j’étais resté dans mon quartier ! Lors de séances de préparation, il n’est pas rare que j’aie entendu (et prononcé) des phrases telles que « nous, à la Coudre / à Serrières, on fait comme-ci » et d’entendre l’approbation de tous quant à la reprise de l’idée, ou encore : « A l’Ermitage, nous possédons cela et nous le mettons à disposition », à la question : « Ici, nous manquons de tel objet ». L’échange nous rend plus conscient qu’au final, l’Eglise dépasse les murs.
Un bel exemple d’évènement à venir nécessitant une interaction semblable est la fête paroissiale qui se tiendra en septembre. Des organisateurs de tous les âges en vue d’une fête pour tous les âges, une fête préparée par des paroissiens de tous les horizons en vue d’une fête pour des gens de tous horizons. Réfléchissons-y, car une seule chose nous lie à coup sûr, c’est l’Esprit de Dieu traversant nos cœurs.
Le fait que je cherche des réponses en me questionnant sur la nature de l’Eglise est symptomatique et c’est probablement également ce que je voulais montrer ici : lorsque l’on constate une crise, un passage difficile, on est obligé de reprendre les questions fondamentales, qui n’existent pas (ou peu) lorsque tout va bien.
Je pense que le temps est court pour s’adapter et trouver une voie réformée audible pour le 21e siècle. Beaucoup d’efforts sont entrepris de tous les côtés pour réfléchir à la question et il faut reconnaître cela. Si je condamne une tendance au sein de nos églises à être trop prudents, à être dans le déni du besoin de changement, je condamne également un courant qui semble vouloir opérer à tout (et n’importe quel) prix d’énormes chantiers, de grands coups de balais et de chamboulements inconsidérés.
On parle beaucoup, en ces temps de jubilé des 500 ans de la Réforme, de tous les efforts qui doivent être réalisés. J’entends si souvent des « Il faut que… », des « sinon on va vite se retrouver dans le mur ! », etc. Vouloir tout renverser relève d’une utopie amenant certes un élan nécessaire, mais qui peut se concrétiser au détriment des efforts quotidiens faits par les ministres et les paroissiens déjà à l’œuvre.
Le changement est déjà en train de s’opérer. N’attendons pas un sauveur muni de plans de redressement de la situation. Le Sauveur nous est déjà révélé, allons donc joyeux hors nos murs exposer sa grâce à l’œuvre en nous ! Restons conscients de nos limites et avançons avec bienveillance face au travail, aux efforts et aux difficultés de chacune et de chacun avançant sur le chemin d’une église ouverte, visible et comprise par le monde qui l’entoure.
Fraternellement,
Guillaume
Dimanche 9 avril
Les vacances scolaires induiront un petit retard de publication… La suite, c’est promis, sera disponible dès mercredi 12 avril le matin! Avec nos excuses, et avec reconnaissance pour la joie de savoir que nous sommes lus, Cécile et Guillaume
Mercredi 12 avril
Chers amis,
Je voudrais aujourd’hui avancer dans notre problématique : je parlais la semaine dernière de la crise que traversent nos Eglises réformées comme un kaïros, comme un « moment opportun » ou, pour reprendre les mots du pasteur J.-P Rive, de l’Eglise Protestante Unie de France (EPUdF), la crise comme moment à la fois tragique et inespéré d’un renouveau.
Cette fois, je vais me pencher sur l’agir que cette crise permet de renouveler, en optant pour la réaffirmation d’une éthique spécifique à notre Eglise.
L’expression centrale de ma réflexion de ce jour sera d’oser agir, agir pour une église de convictions sociétales, éthiques, politiques et écologiques. Un vaste programme que je vais développer au travers de deux axes : le premier a pour point de départ une expérience que j’ai faite en week-end de ski avec deux amis de l’Aumônerie de Jeunesse de notre paroisse. La seconde traitera, la semaine prochaine, d’une proposition sur la perspective écologique. N’hésitez pas à réagir en commentaires ci-dessous, pour que la réflexion vive et fructifie.
Bonne lecture !
Retrouver une éthique spécifique
… voilà le titre d’un chapitre rédigé par le théologien Eric Fuchs dans l’ouvrage qu’il a coécrit avec Pierre Glardon, Turbulences, Les Réformés en crise (2011).
Selon Fuchs, l’éthique est une réflexion sur l’agir humain et les règles que cet agir réclame. Il y a deux plans à distinguer : celui des règles, désigné par le terme de « morale », et celui des valeurs qui légitiment ces règles, il s’agit du plan « éthique ». Je n’irai pas plus loin dans cette définition, très incomplète, simpliste et ne rendant pas honneur au travail d’E. Fuchs mais qui, toutefois, me permet déjà de commencer ma réflexion.
Il existe des règles, fixées pour que nous puissions vivre ensemble. Mais cela ne suffit pas : il est nécessaire que des valeurs ayant force d’absolu viennent légitimer ces règles. Il en va de même pour nos actions : il y a là aussi une nécessité de se questionner : quelles sont les valeurs pour lesquelles je suis prêt à agir ultimement ? Quelles sont les valeurs que l’Eglise se doit de défendre absolument ? Voilà quelques questions qui se sont posées à moi après mon expérience…
Un week-end de ski…
J’étais donc au mois de février dernier en week-end de ski avec une équipe de joyeux drilles de l’Aumônerie de Jeunesse de Neuchâtel. Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans un autre article, nous avons chaque année le plaisir de nous retrouver. Ce weekend, c’est également l’occasion de débattre et de partager autour d’un verre, dans la diversité des opinions de chacun.
Une discussion avec deux de mes amis m’a marqué et m’a interrogé. L’un d’eux a exprimé le fait qu’il regrettait le manque de visibilité de notre Eglise dans la société. Selon lui, il y a une nécessité à ce que l’Eglise prenne position clairement lors de votations ou d’événements de l’actualité pour lesquels la mobilisation est nécessaire et où la passivité est condamnable. C’est par sa prise de position que l’Eglise se rendrait visible.
Je lui ai répondu qu’il existe déjà plusieurs organes faisant ce travail, comme par exemple la Fédération des Eglises protestantes de Suisse par sa commission éthique. Pour mon ami, le rayonnement des prises de positions de la FEPS ne semble pas suffisant pour se développer dans la base des paroisses, d’où un certain manque de courage de nos institutions à prendre clairement position, rendant leur visibilité moindre dans la société.
Je suis à la fois convaincu par le fond de ses propos, car ils m’apparaissent comme très sincères et comme une sorte de constatation emprunte de tristesse. Voici mon avis : je pense également qu’il faut avoir le courage d’exprimer nos valeurs fondamentales, celles qui portent nos actions et qui ont un caractère absolu. Pour moi, cela concerne plus les prises de positions concrètes face à des événements ponctuels que des déclarations qui entérineraient des positions figées à propos de sujets sociétaux. Je suis conscient que la FEPS et bien d’autres font déjà ce travail. D’ailleurs, plus localement : notre Eglise cantonale a par exemple pris à bras le corps le sujet de l’asile, qui préoccupe! Ce travail est magnifique.
Cependant j’ai comme l’impression que ce travail, en soi d’une grande utilité, ne « pénètre » pas suffisamment la « base » de l’Eglise, le socle que constituent les paroissiens. Non que ces derniers n’aient pas de conscience éthique sur les débats en question, mais je trouve que l’Eglise en tant qu’assemblée ne fait pas assez corps autour de ces positions éthiques qui me semblent pourtant fondamentales.
Retrouver une éthique spécifique
Pour y voir plus clair, Fuchs nous propose dans le même livre de nous retrouver urgemment une éthique spécifique. Pour lui, il ne s’agit pas (ou plus) de rechercher une éthique universelle dont l’Eglise chrétienne aurait la charge. Il s’agit bien plutôt pour l’Eglise d’apporter sa contribution spécifique à la recherche de solutions moralement justes aux multiples problèmes éthiques que pose l’évolution rapide de nos sociétés. Et ce sans taire ce qu’il peut y avoir dans cet apport spécifique de non conforme avec la culture dominante. Pour Fuchs, accepter de renoncer à faire la leçon à tout le monde ne signifie pas accepter de devenir comme tout le monde, et de se taire, par crainte de déplaire en s’opposant aux dérives morales qui méprise la Loi de Dieu.
Puisque c’est en formulant des propositions, assez naïvement d’abord, que l’Eglise avance sur le chemin de l’histoire, j’aimerais à mon tour exposer une idée.
Et si le débat éthique, suivi d’un positionnement, était replacé comme une priorité au milieu de la discussion de l’assemblée d’église ? L’éthique, ce n’est pas une vague préoccupation d’intellectuels, elle n’est pas réservée à cette sphère, mais elle est réflexion sur les valeurs fondamentales que notre assemblée toute entière souhaite porter. Et pour cela, les paroissiens eux-mêmes devraient avoir la possibilité, avec leurs convictions profondes, de se positionner clairement sur certaines questions nécessitant humainement et chrétiennement une réponse.
Plus pratiquement : ne pourrait-il pas y avoir, par une commission au sein du Conseil paroissial, une reprise des thèmes et sujets de l’actualité nécessitant un positionnement et d’une recherche sur le sujet, aboutissant sur des propositions concrètes sur lesquelles l’assemblée de paroisse voterait ? L’idée serait, au sens où Fuchs l’entend, de formuler une réponse qui soit spécifiquement celle de l’Eglise, au plus proche de ce que nous considérons comme juste en regard de notre foi chrétienne.
Qu’en pensez-vous ? Peut-être pourrez-vous me dire s’il existe déjà un mode de fonctionnement s’approchant de cela… Pour moi, une fois que les sujets sont clairement exposés et les décisions pratiques prises, apparaît la visibilité éclatante d’une institution osant affirmer sa voix et agir d’une manière originale, d’une manière qui lui est propre.
Je parle ici de l’Eglise en tant qu’assemblée… reste à discuter de la place accordée aux convictions de chacun, et à préserver le respect de la diversité, postulat fondamental de notre église confessant un Dieu accueillant sans condition… De même, comment tracer les limites de la mission de l’Eglise ? Comment articuler tout cela et faire tenir ensemble ces idées? Commentaires bienvenus !
Une très belle montée vers Pâques à chacune et à chacun !
Guillaume
Dimanche de Pâques, 16 avril
Une belle fête de Pâques à toutes et tous !
Chère sœur, cher frère en Christ,
Celui qui était couché s’est levé ! Il s’est éveillé : il est vraiment ressuscité ! Mes amis, d’ici et d’ailleurs, célébrons Dieu en ce jour de fête ! Allons, et puissions-nous dans nos vies témoigner de ce passage vers la vie. Non, la mort n’est pas chassée d’un revers de la main. Elle n’est pas balayée ou survolée. Elle est traversée dans toute sa terrible dimension. Cependant, là, au plus noir de la nuit, une lumière luit. Ça y est, l’espoir est rendu possible ! Le malheur a une chance de prendre fin. Une naissance nouvelle est alors imaginable. Une traversée victorieuse de la mort à la vie se dessine. Au jour de Pâques, c’est même plus que ça : c’est l’affirmation de l’échec surmonté, de la libération du captif ! Dans notre monde présent, vivons cette vie donnée, cet espoir toujours nouveau insufflé par Dieu !
Réformés en crise : vers de nouveaux horizons
Pour renouer avec le thème de ce mois, j’ai choisi de parler d’une naissance nouvelle rendue possible : se lancer à la recherche positive de pistes face à la crise écologique.
« Plusieurs situations de crises, présentes ou à venir, caractérisent notre temps »
Il faudrait discuter cette affirmation, tant elle traverse les époques, tant elle repose sur des éléments subjectifs. Introduire dans cette chronique la notion de « crise de notre temps » est pour moi délicat, tant je redoute l’escalade des « peurs paniques » qu’elle est capable de susciter. Je crois cependant que l’on peut, sans être alarmiste, soulever certains points de crise et proposer positivement de relever le défi d’œuvrer en vue de les surmonter, car le déni serait tout aussi irresponsable…
De la réflexion…
La notion de crise est, comme je viens de le dire, difficile à traiter. A la lumière de l’événement pascal, je me fais cette réflexion : si les chrétiens sont amenés à montrer par leur vie la joie, la paix et l’espérance du Christ, n’ont-ils pas également une tâche importante dans le visage qu’ils peuvent arborer face à des situations inévitables de crise ? Aidés par l’Esprit qui donne la force de mettre en œuvre de nouvelles actions, osons créer de nouveaux lieux où l’amour fraternel du Christ s’offre et se vit comme une possibilité réelle !
Jean-Pierre Rive, pasteur de l’EPUdF, nous dit cela dans des mots que je trouve pertinents en ce temps de Pâques :
« ‘Voyez comme ils s’aiment’, nous dit l’évangéliste, d’où la nécessité de soutenir toutes ces initiatives, chrétiennes ou non, qui cherchent, dans la confiance et la convivialité fraternelle, à montrer que la création est bonne, que l’œuvre de l’homme peut être très bonne et qu’un avenir heureux, sans esclavage et sans domination peut toujours se déployer dans la simplicité, la fraternité et la reconnaissance » (Journal Réforme N°3644 du 11 février 2016).
Loin d’attiser les peurs, non ?
… à l’action !
Je ne vais pas faire le coup de dire qu’il nous faut de l’action et en rester aux élucubrations théoriques. J’aimerais aujourd’hui vous faire une proposition plus concrète. Tout d’abord, j’en profite pour exprimer ici une profonde reconnaissance pour tous les efforts accomplis ces dernières années pour rendre nos lieux de vie et de culte plus économes en énergie. Cela témoigne d’une véritable prise de conscience et je suis heureux de voir que notre Eglise participe à cet élan !
Mon idée résulte d’une lecture d’un autre article du journal Réforme, journal que je recommande d’ailleurs vivement. J’ai malheureusement dû arrêter mon abonnement, la lecture me prenant trop de temps… L’année passée, un article m’avait particulièrement marqué. Il relatait la création de jardins potagers par le diocèse épiscopal de Los Angeles, aux Etats-Unis. En adaptant leur concept, j’ai imaginé la création d’un jardin potager communautaire et paroissial, qui aurait plusieurs objectifs :
Premièrement, le jardin aurait une fonction didactique. Possibilité d’un contact avec la terre nourricière, il permettrait une réflexion sur notre lien avec l’essentiel, sur notre contact direct avec la création de Dieu. Il serait également une respiration au cœur même de la ville, un espace « saint », c’est-à-dire mis à part spécialement. Les liens bibliques ne manquent d’ailleurs pas !
Deuxièmement, également dans une vision pédagogique, rien de plus ludique pour des familles avec enfants de venir passer quelques heures à jardiner, échanger : simplement passer du temps ensemble ! Voir croître une plante bien soignée peut se révéler d’une beauté et d’un étonnement incroyable pour celui qui jardine. Un jardin qui apprend l’émerveillement, une porte vers la contemplation de Dieu ?
Troisièmement : le fruit du travail des hommes pourrait être vendu, par exemple sous forme de paniers, au profit de personnes défavorisées ou d’œuvres d’entraide. Un jardin à la portée éthique, donc. C’est d’ailleurs ce qui a motivé l’association « Seeds of hope », de Los Angeles : son directeur, Tim Alderson, cité par Noémie Taylor-Rosner dans le « Réforme » du 17 mars 2016, nous dit :
« L’idée est venue, en 2012, de l’évêque Joseph Jon Bruno, alors qu’il se battait contre la leucémie. Il avait très peu de chances de s’en sortir, mais après plusieurs chimiothérapies, il a guéri. Alors qu’il récupérait sur son lit d’hôpital, il s’est mis à réfléchir sur ce qu’il pourrait faire du reste de sa vie et aux causes qui lui tenaient à cœur. Il a très vite pensé aux problèmes d’alimentation qui touchent les communautés défavorisées du sud de la Californie et qui sont la cause de nombreuses maladies ».
Un jardin communautaire, donc, favorisant le lien social et fraternel, la solidarité, l’entraide, l’amour de l’autre et de la création… voici une idée pour notre paroisse qui me séduit et à laquelle je suis prêt à réfléchir plus pratiquement ! Qu’en pensez-vous ? Cela vous semble-t-il une idée pertinente ?
Ce serait génial pour moi de vous lire en commentaire ou de vous entendre de vive voix, avant que je ne me lance dans des procédures de recherche plus approfondie…
En vous souhaitant encore un magnifique temps de Pâques !
Bien fraternellement,
Guillaume
Dimanche 23 avril
Bonjour à chacun et à chacune !
Cette semaine encore, une réflexion sur le présent et l’avenir de notre Eglise…
En me posant, tout au long de ce mois, la question de savoir que faire face à une Eglise qui se vide et semble simplement ne plus avoir de pertinence dans la vie de la majorité de mes contemporains, j’ai d’abord réfléchi à ce sujet comme je le traitais dans ma tête jusque-là. Constatant une série de « problèmes » ecclésiaux, l’idée de tout vouloir changer, bouleverser, déménager, chambouler me venait jusqu’à présent à l’esprit. Or, en y regardant bien, je m’achoppe à des questions plus complexes : Exhorter au changement, c’est bien. Mais qui doit se sentir visé ? Qui doit réellement et pratiquement opérer le changement espéré ? C’est alors qu’en plus de l’élan révolutionnaire (un brin naïf propre et à mon âge) s’est inséré dans mon processus de réflexion la notion d’acceptation. Non pas une acceptation d’abandon ou de découragement. Non ! Une acceptation qui me pousse à envisager le changement non plus contre l’état actuel de notre communauté, mais avec toutes les composantes de notre vie communautaire ! Communauté vient d’ailleurs du latin « cum », avec, ensemble : Porter ensemble un bien commun, l’Evangile. Ainsi, plus de quoi vouloir tout envoyer valser ! Une église ayant une moyenne d’âge élevée ? Allons donc, voici une source de partage de tout ce que des vies bien remplies ont pu comporter ! Une église moins bondée ? Une source de fraternité ! Après tout, les disciples ayant vécu autour de Jésus n’étaient que 12…
Tout en ayant un esprit de reconnaissance pour les dons de Dieu et la richesse des liens que nous permet de découvrir l’Eglise en l’état actuel, il ne s’agit pas non plus de fermer les yeux sur les difficultés que rencontre notre famille en Christ. Quand bien même tout irait bien, il faudrait se souvenir de la maxime disant Ecclesia reformata, semper reformanda : l’Eglise Réformée est à réformer sans cesse !
Ces jalons posés, je peux avancer avec reconnaissance sur le chemin de la découverte…
Reprenons donc… Face à la « crise » que nous traversons, dans laquelle notre visibilité est réduite, que peut-on faire ? Doit-on tout remettre en question ? Doit-on opérer mille changements (au risque de déboussoler les fidèles paroissiens qui, eux, se retrouvent dans la pratique actuelle) ? Non, je ne le pense pas… ce que je propose ci-dessous serait plutôt de l’ordre de l’évolution, du « tendre vers », d’une direction à prendre, sans que cela soit pour autant vécu comme une cassure…
Revenir à la Source pour retrouver la Vie
Je pense pour cela que qu’une porte d’entrée en vue de cette évolution peut se faire en se posant certaines questions : Qu’est-ce qui fait notre spécificité ? Qu’est-ce qui est proprement ‘notre trésor’ ? Qu’est-ce que la société n’a pas et que nous avons ?
Et j’ai trouvé une réflexion intéressante chez Pierre Glardon, dans le livre qu’il a cosigné avec Eric Fuchs, intitulé « Turbulences, Les Réformés en crise » (2011) : « Les Eglises devront vraisemblablement réapprendre à se dé-préoccuper d’elles-mêmes pour se recentrer sur le message oublié de l’Evangile ».
Propos appuyés par ceux du pasteur Daniel Bourguet : « L’Eglise n’a pas à se soucier de sa propre croissance ; elle ne devrait même pas mettre cela à l’ordre du jour d’un synode ! Elle doit se soucier de la croissance de la Parole ! (…) Si la Parole s’est répandue jusqu’aux extrémités de la terre, il lui reste aujourd’hui encore à atteindre l’extrême profondeur de nos cœurs, y compris dans l’Eglise » (Daniel Bourguet, Pour une Eglise qui veut grandir, 2002, cité dans Fuchs, G. et Glardon P., Turbulences. Réformés en crise, 2011).
J’ai été surpris en lisant le livre de MM. Glardon et Fuchs de voir quelle place prenait pour eux la spiritualité, thème auquel j’avais pensé depuis longtemps et pour lequel j’avais le sentiment durant ces dernières années que j’étais plus influencé par mes racines familiales catholiques que par mon éducation et de ma foi protestante… Je remarque qu’il n’en est rien et que la spiritualité pourrait bien jouer un rôle dans l’évolution future de notre Eglise protestante… Et que les points de vue sur ce sujet que j’ai pu exprimer dans mes précédentes chroniques ne sont pas si déplacés que ça…
Dans l’histoire…
Éric Fuchs souligne un axe théologique étant au cœur de la foi protestante : c’est que, pour le protestant, le salut est offert gratuitement à quiconque croit. Avec cela, plus besoin de multiplier les gestes et les actes de piété pour « faire son salut ». Ce qui est important pour le protestant, c’est la rectitude morale, car ses actes doivent témoigner de sa reconnaissance envers Dieu pour le salut que ce dernier lui donne gratuitement.
Cet axe théologique est en effet fondamental. Cependant, il y a eu dans l’histoire dont nous sommes héritiers une manière excessive de défendre ce principe, souvent pour se démarquer du catholicisme, ce qui a une conséquence que je trouve, à la suite de Fuchs, tout à fait dommageable, à savoir une dévalorisation de la spiritualité. Cela se remarque encore et toujours, soit dit en passant… Denis Müller, dans l’article « Spiritualité » de l’Encyclopédie du Protestantisme cité par Fuchs, est assez dur dans ses propos : « (…) En se démarquant parfois brutalement des spiritualités à orientation mystique et des tentations illuministes, elle [la spiritualité protestante] succomba à un certain assèchement rationaliste ainsi qu’à des travers activistes et moralisateurs ».
Et aujourd’hui ?
Mon cœur de paroissien respire en lisant ces mots. Depuis longtemps je me questionne sur mon ressenti favorable à une nouvelle interprétation protestante de la spiritualité, et lire ces passages pointant du doigt ce sujet redouble mon élan d’imagination quant à de possibles solutions à la « crise » que nous, protestants, traversons.
« Connaître Dieu, c’est Le connaître tel qu’il est pour nous, non seulement dans son action mais dans son être même, tel qu’il se rend présent à nos vies par son Esprit, Ce qui signifie se laisser connaître par Lui, ne pas susciter des obstacles à Sa présence par notre indifférence, notre paresse spirituelle, la dispersion de notre vie, nos soucis : ‘Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et prendrai le repas avec lui, et lui avec moi’ (Apocalypse 3, 20). Dieu se tient toujours à la porte de nos vies, prêt à entrer. Encore faut-il lui ouvrir la porte ! Toute la vie spirituelle n’a pas d’autre but ». Par ces mots d’Éric Fuchs, la messe est dite !
Je suis vraiment d’avis que c’est l’une des cartes principales que notre Eglise pourra désormais jouer : celle d’être véritablement un lieu pénétré de vie spirituelle et fraternelle. Sans rien enlever à notre richesse qu’est la prédication d’une excellente qualité, sans rien retrancher des cinq « solae » qui constituent le socle de notre conviction protestante. Il est seulement question d’imaginer notre présent et notre avenir en reconsidérant la spiritualité comme un élément important, une richesse porteuse plutôt que comme un élément dont on doit soigneusement se méfier et dont on doit s’écarter par crainte de perdre notre identité.
Je suis ravi, d’ailleurs, en lisant le rapport paroissial de l’année passée, de constater que la spiritualité prend place dans de nombreuses activités proposées. Allons encore plus loin. Osons être porteurs d’une spiritualité qui s’exprime dans notre ouverture. Cela amène un point qu’il nous faut encore travailler : pour être un lieu de spiritualité ouvert, il y a la nécessité d’être à l’écoute du monde entourant notre Eglise, d’être à l’écoute de la soif spirituelle de nos contemporains.
Sortir de notre mode de pensée pour accueillir différentes formes de spiritualités, voilà peut-être l’enjeu majeur de la réflexion. Prendre en compte les besoins spirituels des gens qui vivent autour de nous, c’est penser différemment et sans cesse se questionner en repensant notre pratique. Repenser par exemple l’esthétique de nos divers lieux : le temple est-il dans une configuration adéquate pour que tout le monde puisse vivre sa spiritualité ? Car le culte et la liturgie, ce n’est pas que l’affaire du pasteur. On écoute la Parole et on la fait infuser en nous dans une position corporelle : cette dimension n’est plus à négliger, le lieu de réception de cette Parole joue donc un grand rôle. L’expérience même devient vraiment un critère premier. Il faut à tout prix que nous prenions conscience de cela.
De même, la dimension communautaire a besoin d’être affinée : le partage fraternel d’un verre après le culte, d’un petit-déjeuner avant le culte…tout cela favorise le contact des uns et des autres : la fructification de la Parole se développe davantage si la communauté se connaît bien et que ses membres sont ainsi capables de se porter spirituellement…
Par ces quelques exemples, je voulais surtout inciter à continuer les efforts entrepris pour que notre communauté soit toujours plus un lieu où la possibilité d’une transformation de soi par Dieu soit possible, transformation dont on sait que la réception change avec le temps : pour reprendre un mot de P. Glardon, c’est la fin d’un Christianisme non la fin du Christianisme. Questionnons-nous donc encore et toujours pour savoir sous quelle forme notre communauté peut le mieux rayonner de Dieu !
Belle semaine à toutes et à tous !
Guillaume
Mardi 2 mai
Bonjour à toi chère lectrice et à toi cher lecteur !
Tout d’abord, toutes mes excuses pour le retard dans la publication du dernier volet de cette chronique… Le temps file, l’année académique également, ce qui implique une intensification des tâches à accomplir…
Accepter nos doutes et en parler
J’arrive donc au bout de mon temps de parole sur ce sujet qui me remet tant en question… Avant d’écrire les lignes de ce mois, c’est l’esprit un peu carré que j’imaginais l’avenir de notre église. Je pensais notamment qu’un grand bouleversement des structures ainsi qu’un changement dans la conscience collective de notre Eglise serait nécessaire pour cesser d’avoir un comportement trop « mou » face au monde qui évolue si vite autour de nous. Peut-être même que, dans mon imaginaire, j’ai rêvé d’une sorte de « réveil », non pas un réveil évangélique, mais plutôt spirituel, ainsi qu’une forme de radicalité dans l’affirmation de notre identité… Je crois que ce parcours m’a permis de nuancer ma pensée.
Je constate que je suis plein de doutes. Ces doutes, je veux m’efforcer de les partager, car dans cette réflexion, rien n’est tout noir ou tout blanc. J’ai vraiment l’envie de discuter de ce vaste sujet avec vous ! N’hésitez pas à commenter. Je serais également ravi de dialoguer de vive voix ! Je crois que c’est par l’échange qu’ensemble nous pourrons vivre l’aujourd’hui du don de Dieu et imaginer le demain d’une assemblée que le Christ lui-même convoque.
Affirmer son identité
Premièrement, je reviens sur la question de l’affirmation de notre identité, cela me travaille vraiment : affirmer notre foi, et les conséquences éthiques qui en découlent, d’une manière plus forte, plus marquée ? On court avec cette vision des choses le risque d’un repli sur soi néfaste voire dangereux et un risque d’exclusion contraire à l’esprit de l’Evangile. Mais j’ai également la peur qu’en restant en retrait, en n’affirmant pas clairement une voix forte (cela peut par exemple être celle de l’ouverture et de l’inconditionnalité de l’amour de Dieu !), nous nous noyions dans le flot d’une société qui tend à suggérer que tout est égal à tout…
Dans la conclusion de leur livre et au terme de leur étude très complète, Pierre Glardon et Eric Fuchs sont catégoriques : « Nos Eglises réformées doivent toutes se redonner une Confession de foi, soit définir les affirmations qui sont constitutives de leur ‘être ecclésial’ et corolairement, des critères d’appartenance. Il sera intéressant de clarifier théoriquement à cette occasion ce qui distingue théologiquement et ecclésialement les protestants réformés des protestants évangéliques (ou évangélicaux) ». Des commentaires ou réactions ?
Un horizon: le monde réconcilié
Deuxièmement, ma réflexion s’est vue réellement enrichie et nourrie par quelques mots de Sœur Pierrette de Grandchamp, prononcés lors du colloque international sur l’actualité de la vie monastique qui a eu lieu à Taizé en 2015. Mon envie est simplement de vous les partager :
« L’horizon de notre marche, une terre unie, un monde réconcilié. A nous d’apprendre à lever les yeux vers cet horizon et le laisser éclairer le présent, notre vie, nos engagements et orienter nos choix au quotidien ; de changer de regard quand les épreuves, les conflits, les bouleversements que traverse le monde risque de nous entraîner dans la désespérance ou la résignation. Non pas fermer les yeux sur ce qui va mal, mais voir ce qui est aussi là, les gestes de solidarité, de partage, de réconciliation et de pardon. Autant de petits signes de la résurrection qui ne s’imposent pas mais s’offrent au regard éveillé. »
Vivre la communion… malgré tout!
J’aimerais enfin dire quelques mots à celui ou celle qui vit sa foi avec le souvenir d’un temps où l’Eglise brillait au sein de la société, à celui ou celle qui est attristé : Réjouis-toi ! Ta foi est belle et vivante ! Puisses-tu rejoindre ton frère et ta sœur dans ta communauté. Profitez ensemble de moments vécus sous le regard bienveillant de Dieu. Ne te tourmente pas. Bien sûr, il arrive des temps de changements : vente de biens immobiliers, restructuration de la fréquence des cultes, et j’en passe. Je souhaite que, lorsque la légitime tristesse s’empare de toi, lorsque tu as l’impression que le tout s’écroule autour de toi, tes frères et tes sœurs soient là pour te rappeler que ce n’est pas la fin de l’histoire. Qu’ils soient-là pour te montrer que là où deux ou trois sont réunis en son nom, le Christ est au milieu d’eux.
Prions :
Seigneur, toi seul connais le chemin. Donne-nous la joie de ton amour, afin que jamais notre recherche ne se teinte de cynisme, de défaitisme ou de haine. Donne-nous la paix, pour que notre service puisse être pénétré de ta Parole et ne soit pas terni par une agitation du cœur qui nous éloignerait de notre mission et de toi. Seigneur, éclaire notre vie : qu’elle soit toujours un témoignage de ton amour inconditionnel.
Amen.
Guillaume
Suite à la réflexion sur l’éthique du mercredi 12 avril… Merci Guillaume, pour ce questionnement sincère et pointu. La question est fort complexe… et amène en moi d’autres questions… que je n’ai pas résolues!
Pour moi, l’Eglise est corps du Christ, un corps fait d’individus différents qui auront autant de réponses différentes face aux questions que posent l’actualité sociale et politique. L’Eglise se doit-elle de prendre position (par vote!?) et ainsi réduire au silence une partie de ses membres?
En ce moment, je m’engage pour la reconnaissance des chrétien.nes LGBTI… Passer d’emblée la question au niveau du conseil paroissial ou même du synode me semblerait très précipité. C’est pourtant ce à quoi j’ai souvent pensé: seule la reconnaissance officielle permettra aux personnes LGBTI de se sentir pleinement accueillies par notre Eglise… Cependant…imaginons que si vote il y a, on reconnaisse le droit à la bénédiction des couples de même sexe: la minorité (et qui est peut-être majorité au delà des conseils synodal ou paroissiaux) qui ne se rallierait pas à notre lecture de la Parole qui justifie cette union engendrerait la résistance silencieuse de beaucoup et rendrait cette officialité problématique.
Pour l’instant, j’ai l’impression que la priorité est d’accueillir ces personnes, et de proposer aux paroissiens de, petit à petit, changer leurs coeurs. J’ai l’impression aussi que nous devons sans cesse prier pour mieux discerner, pour suivre une voie qui sera peut-être moins engagement officiel que chemins de tâtonnement… ce qui me semble certain: je préfère voir une personne LGBTI pleinement accueillie au sein d’un petit groupe de chrétiens que la totalité des personnes LGBTI reconnues par l’Eglise mais ignorées et laissées en marge. Je rêve bien sûr qu’un jour toute la communauté se sentira pleinement heureuse devant l’engagement mutuel de deux personnes de même sexe en Christ… mais je doute que ce soit une prise de position éthique de l’Eglise qui opère comme un coup de baguette magique…
Je suis heureuse de l’engagement de notre Eglise, notamment les oeuvres d’entraide, une telle officialité permet de développer « en grand » certains projets. Mais je ne suis pas sûre que dans tous les cas, une prise de position officielle soit, dans un premier temps du moins, le meilleur moyen de travailler au service de Dieu et de notre prochain. Je remercie de tout coeur mon Eglise de porter un regard bienveillant sur les rencontres du groupe Arc-en-Ciel! Quant à son officialité… je prie Dieu de nous montrer les voies qu’il sera bonnes de prendre au fil du temps, dans la patience et la confiance en sa présence avec nous chaque jour de nos vies. Voilà… je n’ai fait qu’emmêler un peu plus les choses… mais je crois, Guillaume, que tu mets le doigt sur une problématique complexe et essentielle que nous ne devons pas voiler… prions, méditons, parlons-en, portons cette problématique devant nos frères et soeurs et soyons à l’écoute…
Merci, Guillaume! Je me réjouis de lire la suite. Je me sens comme une pâte dans laquelle tu ajoutes du levain!
Cécile
Chère Cécile, merci infiniment pour tes lignes !
Effectivement, je me sens aussi vraiment dépassé par le sujet… permets-moi de répondre à ton commentaire par une réaction qui peut paraître un peu tranchée et extrême, mais qui n’est en réalité que l’expression et une continuation de l’immense chantier que cela provoque en moi, d’où son côté un peu provoquant par endroits… Mais sois sûre que je suis plus dans la recherche que dans l’avis tranché.
L’Eglise corps du Christ, formé de membres aux convictions différentes, je suis tout à fait d’accord ! D’ailleurs, ma conviction est tout à fait nette sur les questions théologiques relatives à cela, par exemple le don des sacrements à toutes et tous sans distinction, etc. Mais le corps du Christ ne devrait-il pas aussi justement bouleverser l’ordre établi comme Jésus guérissant le jour du Shabbat ? Ne devrait-il pas à certains moments élever la voix (à tout le moins) comme Jésus devant les marchands du Temple ? Ne devrait-il pas au moins discuter en assemblée de ces questions éthiques, permettant par là un positionnement ?
La question d’une église réduisant au silence certaines voix qui en font partie est aussi une de mes grandes préoccupations. Tu parles d’une résistance qui s’organiserait et, bien malheureusement, c’est ce que l’on peut observer dans nos églises sœurs ayant pris position sur ce genre de sujet (Attestants dans l’EPUdF, R3 dans l’EERV, …). Et ces divisions me font mal au cœur… Mais à mon avis, l’époque dans laquelle nous vivons offre de toute manière un large choix sur le « marché religieux ». Je pense que la réflexion éthique et politique d’une église joue un rôle dans le choix qui se présente à la personne cherchant à se rapprocher d’une église. Pa ailleurs, on observe de plus en plus de « tourisme religieux »… Alors à quel point faut-il accepter le relativisme au sein de l’Eglise réformée ? Là je dois dire que je sèche et que je balance entre mon envie profonde de n’exclure personne et mon constat d’une église qui voit de toute façon partir certains de ses membres en partie vers des Eglises aux convictions éthiques fortement prononcées et pas toujours à mon goût…Certaines communautés chrétiennes de notre paysage neuchâtelois sont ouvertement anti-LGBT. Ton engagement (que j’admire !) en faveur de la reconnaissance des chrétiennes et chrétiens LGBTI me fait justement rêver du moment où les gens pourront dire, grâce à la visibilité gagnée : « regardez, cette église vit réellement l’ouverture avec son accent mis sur l’amour inconditionnel de Dieu » … En fait, je pense que dans un monde dans lequel le relativisme prend de plus en plus de place, on remarque que ce sont les églises qui prennent position qui sont visibles. Mais les églises aux positions réactionnaires, patriarcales, anti-LGBTI voire xénophobes n’ont pas à avoir le monopole de la visibilité ! Je pense qu’une force inverse est nécessaire, et la vision théologique réformée me semble toute indiquée pour affirmer les idées d’ouverture qui sont souvent déjà portées à l’intérieur des murs, soit par la prédication et les prises de positions de nos pasteurs soit par l’engagement des membres de notre église… En fait, dans mon esprit, l’idéal serait une église affirmant par exemple la valeur d’ouverture, en osant à la fois poser des actes forts dans les moments cruciaux (comme par exemple l’arrivée de migrants en terre neuchâteloise) et en écoutant profondément l’opinion de chacun de ses membres (peut-être alors serait-il plus pertinent de parler de consultation que de vote…)
Je remarque bien que mon propos, même s’il révèle un certain utopisme bénéfique à la réflexion, frôle l’extrémisme, et que c’est une voie avec laquelle il est potentiellement dangereux de flirter avec cette tendance. Ton idée que les cœurs changent petit à petit est une réponse bien plus fine et adaptée, qui me fait beaucoup réfléchir. Merci à toi pour cela !
Soyons effectivement, et comme tu le dis si bien, reconnaissant pour tous les efforts réalisés (car il y en a beaucoup !), notamment par les œuvres d’entraides, mais également par chaque geste de justice et d’amour posé par les membres de notre Eglise !
Bref, chantier ouvert, super vaste, très intéressant et loin d’être résolu 😊
Bien amicalement, fraternellement et au plaisir de continuer à réfléchir avec toi!
Guillaume
Cher Guillaume,
Oui, Christ est ressuscité! Merci pour ta chronique qui rappelle que cet événement change nos vies aujourd’hui, ce qui me touche et rejoins mon propre vécu pascal!
Merci aussi pour ta longue réponse, cela m’encourage et me montre aussi que mes questionnements ne sont pas simplement une procrastination voilée, mais reflètent la complexité réelle de nos situations d’Eglise(s). L’important est que je suis en chemin, que je ne voile pas les difficultés, mais suis (je crois) capable de me retourner et voir qu’un chemin a déjà été parcouru et qu’il ne peut que continuer… comme un jardin à cultiver! il faudra faire certains choix pour que ce verger donne de beaux fruits, et ces choix dépendent certes des jardiniers, mais il doit aussi tenir compte de la météo, des plantes que l’on avait pas prévues et qui poussent, des mauvaises herbes qu’il faudra prendre le temps d’arracher, etc.
Bref, au-delà de la métaphore: ton idée de jardin me plaît beaucoup… et je souhaite effectivement que de la réflexion, on puisse passer à l’action… et là, je me pose une question: nous avons (et d’autres aussi, ce qui est réjouissant) de nombreuses idées… mais nous manquons de possibilités humaines pour les mettre en pratique… la « crise » qui nous touche est aussi celle du manque de forces vives (à commencer par les nôtres qui sont sollicitées presque à saturation)… Cependant, je souhaite vivement que ton projet puisse voir le jour: compte sur moi si tu as besoin de diffuser le message auprès du CP ou des différents groupes de la paroisse qui pourraient s’y intéresser!
Belle semaine à toi, et que la joie de Pâques qui nous met en mouvement se prolonge dans le temps, reste vive et porteuse de nos actions chaque jour!
Cécile
Quelques pistes pratiques vues par un pasteur retraité, concrètement face à la situation actuelle dans laquelle se trouve son Église :
L’EERV Église évangélique réformé du canton de Vaud et ses « retraités » dont je fais partie (Armin Kressmann)
http://www.ethikos.ch/10469/leerv-eglise-evangelique-reforme-canton-de-vaud-retraites-dont-fais-partie-armin-kressmann