À la Collégiale, en ce 22 mai 2016, nous célébrons le dimanche de la Trinité. Le culte est accompagné par Simon Péguiron, l’Ensemble vocal de la Collégiale ainsi que des musiciens qui nous ont interprété la cantate BWV 194 de Bach intitulée Höchsterwünschtes Freuden Fest.
La pasteur Delphine Collaud a remis en contexte cette cantate, composée pour la consécration de l’orgue de l’église de Störmthal, le mardi 2 novembre 1723. Elle sera reprise ensuite plusieurs fois à Leipzig pour la fête de la Trinité.
Quel lien entre de nouvelles orgues et la fête de la trinité? Je pense qu’il s’agit de la louange. Dans le premier cas, la communauté consacre un instrument qui concourra à la louange du Seigneur. Lors du dimanche de la trinité, nous exaltons Dieu qui s’est révélé à nous comme Père en Jésus-Christ et qui nous unit au cœur de leur Amour par le don de l’Esprit-Saint.
La joie de célébrer le Seigneur par le culte et par la musique est rendue dans le chapitre 6 d’Esaïe que j’ai lu devant l’assemblée par le chant des anges qui apparaissent à Esaïe au Temple
Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Tout-Puissant, sa gloire remplit toute la terre
Pourtant, cette louange n’est pas si évidente, comme le montre le titre de la prédication choisi par Delphine Collaud : La brûlure de l’amour.
Le Seigneur : brûlure ?
Le choeur demande:
Aide-nous, Dieu, à faire en sorte que ton feu nous pénètre
En effet, louer Dieu n’est pas de l’ordre de l’évidence, rendre gloire à Dieu est hors de notre portée. Lorsqu’Esaïe reçoit le don de devenir une voix célébrant le Seigneur et découvre sa vocation de prophète, cela ne va pas sans difficultés, c’est au prix d’un geste purificateur que le Seigneur lui accorde de devenir son porte-parole :
L’un des séraphins vola vers moi, tenant dans sa main une braise qu’il avait prise avec des pinces sur l’autel
Delphine Collaud nous a rappelé que nous avions tendance, depuis une dizaine d’années, à enfermer Dieu dans une image un peu mièvre, jusqu’à aller parfois à le considérer comme une sorte d’énergie diffuse d’amour dans le monde…
Esaïe nous rappelle que l’Amour de Dieu nous touche et nous marque comme un feu imprime une brûlure… Delphine Collaud nous rappelle qu’Esaïe, face à l’apparition du Seigneur, n’est pas en joie, mais pense qu’il mourra suite à cette vision. Nous ne pouvons supporter la vue du Seigneur, et la pasteur rappelle que cette certitude traverse tout l’Ancien testament, elle nous exhorte à rendre à Dieu sa Toute-Puissance, à nous rappeler sa sainteté.
Nous devons éviter cette attitude trop complaisante envers nous-mêmes lorsque nous considérons égaler l’amour de Dieu par le culte que nous lui rendons chaque dimanche. Avec Esaïe, nous pouvons reconnaître :
Je suis perdu car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures
Le récitatif de la cantate nous invite aussi à faire preuve d’humilité :
Comment une maison peut-elle te plaire, à toi, regard du Très-Haut, toi dont la lumière sans fin te permet de voir jusque dans les profondeurs cachées ? La vanité s’y faufile partout, dans tous les recoins…
Nous ne pourrons jamais nous élever à la sainteté de Dieu, c’est un fait à reconnaître… Lui seul, par sa grâce, peut bénir notre louange. Ainsi Esaïe se voit purifié par l’ange qui lui dit :
Dès lors que ceci a touché tes lèvres, ta faute est écartée, ton péché est effacé.
La cantate de Bach évoque ce passage d’Esaïe, et avec la voix soprano nous pouvons prier :
Aide-nous à faire en sorte que ton feu nous pénètre, à ce qu’il conserve aussi à cette heure, comme dans la bouche d’Esaïe, l’effet de son pouvoir et à ce qu’il nous rende saints devant toi
Cette prière, c’est en somme demander à dieu de nous marquer par cette « brûlure de l’amour », par laquelle nous ne serons pas de tièdes participants au culte, mais d’ardents fidèles…
Car Dieu est Amour
Osons donc demander à Dieu son secours pour que nos paroles de louanges soient transformées par son Esprit et deviennent reflets de son amour. Tout en sachant que nous ne pouvons que pâlement refléter sa perfection dans notre louange, nous savons aussi que nous pouvons compter sur sa grâce.
La deuxième lecture de ce dimanche, le chapitre 24 de l’Evangile selon Luc nous rappelle précisément qu’en Jésus-Christ mort et ressuscité, nous pouvons compter sur l’amour de Dieu qui par l’Esprit Saint nous donne de recevoir un souffle nouveau dans nos vies. Luc raconte que les disciples, alors que leur maître vient de disparaître à peine ressuscité, ne se consument pas en doléances et en désespoir:
Ils retournèrent à Jérusalem, pleins de joie et ils étaient sans cesse dans le temple à bénir Dieu
De même, un très beau duo de la cantate de Bach met en scène les doutes (le ténor) et la foi (la soprano). A l’objection « un être humain peut-il s’élever dans le ciel jusqu’à Dieu ? », la foi répond « La foi peut faire que le créateur se penche vers lui ». Lorsque le doute réplique : « Elle est souvent bien trop faible », la voix confiante de la soprano répond : « Dieu dirige et fortifie lui-même la main de la foi afin d’atteindre ce but ».
Au terme du dialogue, les deux voix s’unissent dans un magnifique air et clament « Qu’il est bon pour nous que le Seigneur ait souhaité une demeure ! ».
La louange ne doit pas être un motif d’orgueil. Nous ne sommes pas dotés d’une perfection particulière, nous qui venons au culte le dimanche… Cependant, au-delà de la peur et des doutes, au-delà de la conscience de notre imperfection, nous pouvons être dans la joie : Dieu nous accueille et nous transforme.
Joie de la louange
Par la foi et la louange, nous pouvons goûter la paix profonde en la certitude de sa pleine sainteté, de son plein Amour.
Bach avait d’abord écrit cette cantate pour une festivité profane, et il l’a retravaillée pour en faire cette cantate destinée au culte. Par son origine profane, chacun des quatre airs est fondé sur un mètre de danse. Bach rehausse l’ensemble des cordes d’un chœur de bois, trois hautbois et un basson. Autant dire que cette cantate était destinée à accompagner un culte qui rende gloire à Dieu de nous donner par sa grâce, de le louer…
Toute louange, qu’elle soit parlée, chantée ou jouée est profane, et c’est pourquoi avec le ténor nous pouvons prier :
Toi que nulle demeure, nul temple ne sauraient contenir, toi qui n’a ni fin, ni limite, permets que cette maison te plaise
Pour ma part, je souhaite simplement relever la joie que j’éprouve chaque dimanche à célébrer le Seigneur, et combien cette joie a été sublimée ce dimanche par la magnifique interprétation de cette cantate à la Collégiale. Oui, pour moi le culte est un don de Dieu, une grâce qui nous est faite, un moment où Dieu, présent parmi nous, peut transformer notre louange et lui donner vie. Et dans la confiance en ce Dieu qui s’est révélé Père, Fils et Esprit, je ne peux que reprendre avec le chœur :
Jour de joie tant attendu ! Aujourd’hui le Seigneur, pour sa gloire, nous laisse pénétrer, comblés, dans son sanctuaire. Jour de joie tant attendu !
Au plaisir de célébrer avec vous le Seigneur un de ces prochains dimanches, je vous adresse mes plus joyeuses pensées
Cécile