Chronique de novembre 2017. Discerner ensemble…

 

Certaines gens descendirent alors de Judée, qui voulaient endoctriner les frères : « Si vous ne vous faites pas circoncire selon la règle de Moïse, disaient-ils, vous ne pouvez pas être sauvés. » Un conflit en résulta, et des discussions assez graves opposèrent Paul et Barnabas à ces gens. On décida que Paul, Barnabas et quelques autres monteraient à Jérusalem trouver les apôtres et les anciens à propos de ce différend. (Actes 15, 1-2)

 

Bonjour à vous,

Ces premiers versets du chapitre 15 des Actes des Apôtres nous montrent que les premières communautés chrétiennes étaient loin d’être toujours d’accord. Ces différences de points de vue ont amené des délibérations qui se sont terminées sur des prises de décision engageant des actions :

D’accord avec toute l’Eglise, les apôtres et les anciens décidèrent alors de choisir dans leurs rangs des délégués qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabas. Ce furent Judas, appelé Barsabbas, et Silas, des personnages en vue parmi les frères. (Actes 15, 22)

Conflits, délibérations, prises de décision et actions conséquentes sont bien évidemment toujours au cœur d’un conseil paroissial, et plus généralement de toute la vie paroissiale.

Or donc, comment gérons-nous ces conflits ? comment délibérons-nous ? et comment prenons-nous nos décisions ? En tant que communauté chrétienne, qu’est-ce qui distingue nos délibérations et nos prises de décision de celles d’un conseil communal ? A-t-on vraiment conscience qu’il se joue quelque chose au niveau spirituel lorsque nous débattons des sujets qui nous sont proposés en séance ?

Ces questions, non exhaustives, me taraudent, et j’y ai trouvé quelques éléments de réponse dans un livre de Jean-Claude Dhôtel, Discerner ensemble. Guide pratique du discernement communautaire paru aux éditions Vie chrétienne, en 2010.

L’auteur, en introduction, pose la question suivante :

Quels sont les moyens, quelle est la démarche offerte à un groupe ou une communauté pour prendre une décision selon la volonté de Dieu et qui engage le groupe et chacun de ses membres à une action en vue d’un meilleur service ? (p. 7)

Jean-Claude Dhôtel, jésuite, s’inspire, pour répondre à cette question, des délibérations menées par les premiers compagnons d’Ignace de Loyola (que l’on voit sur l’image en tête de cette chronique) qui, en 1539, ont pris la décision de fonder la Compagnie de Jésus.

En tant que membre d’un conseil de paroisse, je me rends compte que cette question du « discerner ensemble » est primordiale, et je vous propose ces prochaines semaines un résumé des chapitres de ce livre, articulé comme suit :

  1. Les trois conditions préalables et Les vérifications nécessaires (chapitres 2 et 3)
  2. Une question en vue d’une décision et De la tête au cœur (chapitres 4 et 5)
  3. Le rassemblement des données, Les plateaux de la balance (chapitres 6 et 7)
  4. Le souffle des esprits, le poids de la gloire, comment conclure ? (Chapitres 8, 9 et 10)

En espérant que quelques éléments de cette démarche de discernement pourront nourrir nos délibérations et nos prises de décisions, afin que nous soyons tous unis dans une même action, je vous souhaite une très bonne lecture,

Cécile

Semaine du 5 novembre

Bonjour,

Souvent, nous nous précipitons dans le débat : nous donnons nos arguments, nous cherchons des solutions, nous proposons des changements, nous défendons nos avis, nous nous rallions à l’avis d’un autre, etc.

Souvent, nous avons hâte, aussi, que la décision soit prise, nous mettons le poing dans notre poche si celle-ci ne nous convient pas, et nous nous plaignons ensuite longuement, nous rechignons à nous mettre en marche pour la mettre en pratique, nous nous désolidarisons (à moins que nous faisions partie des « gagnants » du débat)…

Ceci, peut-être, car nous allons trop vite… En effet, avant même d’entre en débat, Jean-Claude Dhôtel montre l’importance de satisfaire…

Trois conditions préalables

Jean-Claude Dhôtel rappelle le contexte des délibérations des premiers compagnons d’Ignace. En 1534, ils avaient fait le vœu de partir à Jérusalem et, si cela se révélait impossible (à cause des menaces de guerre), ils avaient prévu de se mettre à la disposition du pape : ce qui arriva…

Cette situation soulevait un grand problème : comment continuer à vivre la communauté, le compagnonnage, si le pape est libre de les envoyer, souvent séparément, où bon lui semble ?

Jean-Claude Dhôtel tire une condition de ce contexte :

pas de délibération communautaire si ne se pose pas une question communautaire qui appelle une réponse communautaire (p. 16)

Certes, cela paraît évident, mais il ne faudrait pas confondre avec les cas où une personne demande pour elle-même de l’aide à un groupe.

Quant à moi, j’ajouterais que ce contexte montre qu’il faut que la communauté soit lucide sur la situation. Ici, plus moyen de reculer devant la promesse faite au pape… Il ne s’agissait pas de changer d’avis, mais de discerner quelles décisions prendre pour que la communauté vive le mieux possible ce nouvel engagement. Fallait-il garder des liens particuliers avec les compagnons envoyés au loin, ou les considérer comme en dehors de la Compagnie ?

Cet aspect me semble important. En effet, cela signifie, au niveau d’une paroisse, qu’elle doit prendre en compte les contraintes extérieures ou internes avec lesquelles elle doit composer, par exemple, une réduction des postes, des rentrées financières moindres, etc. Il ne s’agit pas de prendre une décision qui aille contre ces états de fait, mais qui permette de les vivre autrement, d’y faire face ensemble.

La deuxième condition préalable est un accord de base commun. Jean-Claude Dhôtel rappelle cette phrase du compte-rendu des compagnons d’Ignace : « Une seule et même pensée, un seul et même vouloir : chercher la volonté de Dieu, dans la ligne de l’appel qu’il nous avait adressé » (p. 16). Ainsi est posée la deuxième condition :

Pas de délibération communautaire si tous les participants ne sont pas d’accord sur une visée commune (p. 16)

et il ajoute « si l’on est pas d’accord sur les buts, inutile de chercher les moyens » (p. 17).

La troisième condition est de prendre conscience des désaccords, mais surtout de les situer correctement. Notamment, ne pas confondre le but et les moyens. Si les arguments portent contre le but, cela bloque la délibération. Imaginons par exemple qu’un des compagnons d’Ignace ait proposé de briser l’allégeance au pape, alors que le groupe avait posé comme but d’y satisfaire ; de même, imaginons qu’un conseiller de paroisse propose d’abandonner un lieu de culte alors que le conseil avait posé comme but de faire vivre l’ensemble des lieux de vie d’une paroisse… Il s’agira donc de « trier » les arguments, afin que ceux-ci portent exclusivement sur les moyens, mais ne remettent pas en question le but.

Le compte-rendu des compagnons d’Ignace explique qu’il ne faut pas avoir peur des désaccords : « Personne ne s’étonnera de ces divergences de vues entre nous, pauvres faibles hommes, puisque les apôtres en personne […] se sont trouvés d’opinions diverses, parfois mêmes adverses » (p. 9).

Jean-Claude Dhôtel appelle à voir ces divergences comme « source d’une nouvelle créativité dans le groupe » (p. 18) et résume :

Les membres du groupe ont des avis divergents quant aux moyens à prendre, mais ils sont déterminés à trouver un chemin qui les mènera au but  (p. 18).

Un but commun dans la reconnaissance des avis partagés, ces deux dernières conditions amènent Jean-Claude Dhôtel à son chapitre suivant :

Les vérifications nécessaires

La première vérification concerne la « vocation commune », cette visée, ce but, sur lequel tout le monde doit être d’accord avant de délibérer des moyens. Ce « critère ultime » est simple en milieu chrétien, à savoir qu’il consiste à « l’adhésion au dessein universel de Dieu » (19)… Cette phrase un peu pompeuse paraîtra plus limpide et simple après les quelques explications qui suivent.

Jean-Claude Dhôtel part de Luc 4, 18-19, quand Jésus exprime sa mission à partir de la prophétie d’Esaïe : « L’esprit de Dieu est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue […] » (p. 19). La mission est donc double : Jésus sauve et rassemble : c’est à partir de là que nous pouvons poser notre vocation communautaire.

Dans « la reconnaissance d’un Dieu libérateur de tous les hommes et de tous les esclavages » et dans la volonté de « regrouper en Eglise ce peuple des humbles en qui l’espérance s’est réveillée »(p. 19) : là se situe notre vocation commune.

Jean-Claude Dhôtel conseille à la communauté de prendre un temps de prière pour se resituer dans cette vocation commune, accompagné d’un ou plusieurs textes bibliques qui la définissent (on peut tout à fait choisir un autre passage que Luc 4).

Cette vocation commune ne doit pas faire oublier les vocations personnelles. Chacun est appelé différemment à participer…. Là se pose la délicate question : « comment faire pour que chacun se reconnaisse dans la décision commune ? » (p. 20).

Jean-Claude Dhôtel note que si chacun se sent reconnu pour ce qu’il est dans la communauté, et que la communauté se considère comme responsable de chacun de ses membres, alors elle saura prendre une décision qui convienne à tous.

Il conseille de prendre le temps de percevoir les motivations qui suscitent le comportement de chacun et arriver à une reconnaissance mutuelle. Aussi, faut-il prendre le temps de laisser chacune et chacun s’exprimer sur ces motivations, son histoire, sa foi, ses peurs, ses envies, etc.

Ceci afin « de créer le climat d’estime et de confiance qui permet d’entrer dans le discernement communautaire avec l’espérance fondée que la décision commune s’inscrira dans son histoire personnelle » (p. 21).

Finalement, la dernière vérification concerne les exigences du dialogue que tous doivent accepter. Le désir d’être vrai, la possibilité de s’exprimer librement dans un temps de parole qui convienne à son propre rythme et que les autres sachent l’écouter sans l’interrompre.

Pour cela, Jean-Claude Dhôtel conseille de « réserver des temps de partage où une discussion sera exclue, où la parole sera prise à tour de rôle dans un climat de simple écoute » (p. 21).

Il met ensuite en garde : il ne s’agit surtout pas d’éliminer tout conflit ! « L’harmonie, c’est le conflit résolu : elle n’est pas préétablie » souligne-t-il. Chacun doit donc accepter d’être exposé, contesté, remis en question. Le groupe ne devra pas régler d’emblée les conflits, mais les laisser venir au jour, avec bienveillance.

L’idée est de comprendre que l’Esprit agit différemment en chacun, et de progresser ensemble pour unifier les différences dans un projet commun. Cela suppose de prendre du temps, ce qui nous manque souvent en paroisse.

Toutes ces choses paraissent simples… mais elles sont d’autant plus nécessaires qu’on a tendance à les considérer comme acquises. On croit connaître une personne, et on ne l’écoute plus. On croit connaître ses motivations, mais on ne la laisse pas s’exprimer. On croit débattre, avant d’avoir même posé le but. On débat sans avoir posé d’abord les contraintes qui s’imposent… à méditer !

Pour résumer les étapes préliminaires à un discernement communautaire, je rappellerai quelques points :

  • Prendre acte ensemble du contexte et de ses exigences contre lesquelles il est inutile de débattre.
  • S’entendre sur un but commun dans le cadre de ces exigences.
  • Ecarter les arguments qui viennent s’inscrire contre ce but, ne retenir que ceux qui portent sur les moyens.
  • Remettre ce but dans notre vocation chrétienne et ecclésiale, dans la prière, textes bibliques à l’appui.
  • Accepter les désaccords ; reconnaître les vocations personnelles.
  • Prendre le temps pour connaître les motivations, les laisser s’exprimer, dans des moments de simple écoute.

 

Voilà… la semaine prochaine, nous verrons comment poser la question à la base du discernement, et j’espère que cette accroche vous donnera envie d’en savoir plus…

Bien à vous

Cécile

Semaine du 12 novembre

Bonjour à vous !

Je vous propose de reprendre ce résumé de l’essai « Discerner ensemble » par Jean-Claude Dhôtel là où nous en étions restés. Rappelez-vous, nous avions vus quelles étaient les étapes préalables à un discernement communautaire.

Cette semaine, nous aborderons la réflexion centrale du livre : quelle question poser afin de discerner ensemble, et comment mener la première phase, la plus importante, du processus de discernement.

J’ai déjà eu l’occasion de « tester » cette démarche, avec grand succès, et, sans revenir sur les détails confidentiels de cette expérience, je me permettrai quelques commentaires plus personnels.

Une question en vue d’une décision

Comme le note Jean-Claude Dhôtel:

quand un groupe entre en délibération, il sait évidemment à propos de quoi il se réunit. Mais il ne s’est pas toujours posé clairement la question qui va permettre de résoudre son problème. (p. 23)

Cette constatation paraît banale… mais ne l’évinçons pas trop vite…

En effet, autour d’un même problème à résoudre, chacun et chacune peut percvoir des enjeux différents, ou réfléchir à un autre niveau. Prenons l’exemple banal d’une planification d’événements dans le temps : certains songeront à ce qui s’est fait par le passé et se poseront la question : comment faire perdurer ce que nous avions mis en place ? d’autres songeront à des projets innovants et se demanderont : dans quelle mesure doit-on remplacer les anciennes activités ? D’autres songeront à un mélange de l’ancien et du nouveau, et se préoccuperont : dans quels lieux les organiser ?

Tous ces questionnements sont légitimes, mais il s’agit de ne pas les mélanger ! Tout d’abord, une discussion permettra rapidement d’en écarter certains (imaginons par exemple que garder l’ancien planning et y ajouter du nouveau n’est pas possible du point de vue des forces humaines, le groupe pourra écarter cette possibilité), ensuite on pourra poser les questions les unes après les autres.

C’est ce qu’ont fait les premiers compagnons d’Ignace : ils ont d’abord discerné sur la question de fonder ou non une Compagnie, et ensuite ont posé la question de savoir s’il était préférable ou non d’avoir une personne à la tête de celle-ci.

L’exemple des compagnons d’Ignace conduit Jean-Claude Dhôtel à deux constats (p. 23) :

  • La question est posée en forme de simple alternative : ou bien ceci, ou bien cela.
  • Cette question est « posée en termes de liberté » : « Est-il préférable de » : c’est une préférence et non une obligation : « pre-fero : je porte en avant » : «ce qu’on préfère, c’est ce qu’on met en avant pour être soi-même porté en avant » (p. 23).
La bifrucation et le carrefour :

Nous sommes sur un chemin qui se divise en deux : à droite ou à gauche ? plusieurs choses nous viendrons alors en tête : à droite, cela va plus vite, à gauche, c’est plus long, mais plus agréable : tout cela est à peser.

Dans tous les cas, on gagne et on perd lorsqu’on choisit : « car tout choix est une élimination de ce qu’on ne choisit pas » (p. 25). Il faut aussi peser les conséquences : on ne revient pas en arrière…

Du coup, nous sommes en fait à un carrefour : à l’horizontale, la ligne de ma vie ; la verticale, la proposition qui m’est faite : au centre : je décide. « La décision est une libération, provoquée par une proposition extérieure à moi, et qui va me mettre en route vers un avenir à réaliser » (p. 25) : et… on décide entre un oui ou un non qui va partager notre vie entre un avant et un après.

L’image du carrefour… le symbole de la croix : le choix qui est à faire nous dépasse, il concerne aussi l’histoire du « peuple de Dieu » : « il est capital, dans le discernement spirituel, d’avoir toujours devant les yeux l’universalité du dessein de Dieu et de maintenir l’objet de la délibération dans cette perspective » (p. 27).

Bien poser la question

Revenons au concret : pour entrer dans cette perspective de la « largeur de vue » que Dieu déploie, il serait bon

  • De poser une question précise. Si la question est trop vaste ou vague, nous rappelle Jean-Claude Dhôtel, on s’enlise : débats fumeux, énumérations de moyens trop nombreux… il faut à tout prix éviter la question : « Comment faire pour… ? », sinon nous n’obtiendrons qu’un déluge d’idées.
  • Il faut donc opter pour le schéma de la bifurcation : pour cela, « on posera d’abord la fin que l’on poursuit » (p. 27), et « on posera ensuite l’alternative de deux solutions ou hypothèses à mettre en délibération » (p. 28).

POUR QUE …(la fin)…. EST-IL PRÉFÉRABLE de FAIRE CECI (moyen) ou CELA (moyen)

Il est tout à fait possible que la réponse laisse surgir une autre question… à traiter sur le même modèle.

Cela paraît simpliste… mais Jean-Claude Dhôtel rappelle que la réponse ne sera souvent pas aussi simple que la question. Expérience faite, je lui donne entièrement raison.

En effet, nous avions posé en groupe la question de savoir s’il fallait ou non fonder une association. Nous avons posé la question en ces termes : « est-il préférable d’être visible ou invisible ? ». La pesée des oui et des non a fait apparaître toutes les complexités d’une telle décision, mais en même temps en a dénoué les difficultés. Ainsi, nous avons pu répondre « oui », tout en modifiant notre point de vue sur comment ce « oui » devait être mis en œuvre : à savoir que nous nous sentions tous appelé à la visibilité du groupe, sans que celle-ci concerne tous ses membres. Le plus important, est que, même ceux qui souhaitaient rester « invisibles » ont été partisan du « oui », et ceux qui voulaient la visibilité ont eu à cœur d’offrir l’invisibilité à ceux qui le souhaitaient. Aussi nous avons créé l’association, tout en préservant un groupe de rencontre intime où l’anonymat et la confidentialité sont précieusement observées. Je reviendrai, au fil des étapes, sur comment les choses se sont déroulées dans le détail…

Et… comme le dit Jean-Claude Dhôtel : « si la question est trop compliquée, il n’y aura pas de réponse du tout ! » (p. 28).

Un autre point abordé par l’auteur, est que « la question soit comprise par tous », à savoir s’assurer que tout le monde accorde la même valeur aux mots. Par exemple, « invisibilité » ne voulait pas dire, dans notre cas, fermeture d’accès à de nouveaux membres, mais simplement « confidentialité », « espace protégé ». Il est donc important de faire un tour des membres pour s’accorder sur le sens donné aux mots mis dans la pesée.

Enfin, Jean-Claude Dhôtel rappelle qu’il faut poser « une question propre à un discernement spirituel », à savoir qu’elle ne peut pas être indifférente « au travail de Dieu dans le monde auquel nous sommes invités à coopérer » (p. 29) : donc, si le politique ou le social ont leur place, la pure idéologie ne peut entrer en compte : « Dieu ne s’est pas incarné dans une idée, mais dans le sein d’une femme, pour mener une tâche à son terme » (p. 29)

De la tête au cœur

Ce cinquième chapitre est, de mon point de vue, le plus essentiel.

Les compagnons d’Ignace consignent avoir d’emblée placé la délibération dans la sphère de l’Esprit, se remettant dans la confiance en Dieu, persuadés « qu’il nous assisterait dans sa bonté avec une magnificence bien supérieure à ce que nous pourrions demander ou concevoir », affirment-ils (p. 31). Leur foi, au sens fort de confiance, les a engagés à « déployer de notre côté tous nos efforts » (p. 31), à savoir : y penser sans cesse, méditer, célébrer, prier, proposer devant tous leurs réflexions, écouter les avis des autres, et se décharger des autres soucis quotidiens et personnels.

A la lumière de ce témoignage, Jean-Claude Dhôtel note :

Le discernement spirituel est une activité humaine menée sou la lumière et dans les motions de l’Esprit (p.32),

ce que nous allons approfondir avec lui…

Le premier danger : « prendre des décisions d’après la seule pesée des raisons » (p. 32) : laissons cela aux entreprises… On ne cherche pas l’utile, les avantages, le profit… Jean-Claude Dhôtel rappelle à très bon escient l’exemple de Paul qui, évoquant sa conversion, note dans l’épître aux Philippiens : « Toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ » (Ph 3, 4), à savoir qu’il était persuadé qu’il tirerait des avantages en persécutant les chrétiens, en observant la loi à la lettre, etc.

Jean-Claude Dhôtel conclut :

ce que nous considérons comme des avantages, d’après des critères intellectuels d’efficacité, peut se révéler comme des inconvénients si l’on se réfère à d’autres critères. On ne peut donc prendre une décision spirituelle seulement avec sa tête, parce que le lieu du discernement n’est pas la tête mais le cœur. (p. 32)

Ceux qui me connaissent savent à quel point je suis rationnelle, et j’espère qu’ils me feront confiance : je ne vous emmène pas dans un délire mystique ni ne vous proposerai une démarche qui consiste à appeler Dieu au téléphone… Considérons simplement un peu de quoi est faite notre raison :

Jean-Claude Dhôtel remarque que lorsque nous exprimons un jugement ou un sentiment, il se cache beaucoup « d’opérations » derrière leur formulation dont nous n’avons pas toujours conscience :

Je connais mes pensées, mes sentiments, mes raisons, mes jugements, mes décisions[…] mais je ne connais pas toujours ce qui se passe pendant l’élaboration, c’est-à-dire quand je pense, délibère, juge et décide, parce que cette activité se produit dans une zone plus obscure qui est celle de l’affectivité profonde .(p. 33)

L’auteur donne un exemple simple mais frappant : imaginons un lecteur qui médite l’épisode du jeune homme riche à qui le Christ dit : « va, vends tous tes biens, donne aux pauvres, et suis moi ». En méditant cette parole, on peut se sentir tout joyeux ou au contraire tout attristé, comme c’est le cas du jeune homme riche. La parole a fait naître un sentiment, et c’est cette « zone intermédiaire » que le discernement doit explorer.

Dans le cas de nos deux alternatives, nous pouvons commencer par la question: quels sentiments, réactions, éveillent-elles en moi? mais devons surtout nous demander: pourquoi ai-je ce sentiment? quelle est son origine?

Lorsqu’on accepte ou rejette une alternative, on peut toujours trouver après coup des raisons pour justifier son choix, des raisons « objectives », mais par contre, on oublie souvent que cette raison naît en fait « d’un présupposé qui est en-deçà de mes idées et de mes jugements clairement exprimés » (p. 34). Il faut ainsi avoir le courage de sonder « la zone obscure où je fabrique mes raisons, pensées et jugements » (34) : mes parents, mon éducation, ma classe sociale, mes peurs, mes ambitions, mes complexes, mes manques : c’est tout cela qu’il faut exposer à la lumière du discernement.

Et cela est possible sans soumettre le groupe à une thérapie freudienne d’une dizaine d’années… mais, nous dit Jean-Claude Dhôtel, en prenant conscience de la présence trinitaire en nous : « Nous viendrons à lui et nous établirons en lui notre demeure » (Jn 14, 23).

Donc. Il n’est pas nécessaire « d’exposer en détail ce qui se passe dans cette zone », rien ne sert de fouiller dans la vase de nos marais intérieurs avec son lot de sables mouvants et de crocodiles (enfin oui, peut-être, mais pas dans ce cadre-là). Jean-Claude Dhôtel propose de voir les choses simplement : en nous, deux influences : celle qui accueille ce que Dieu veut pour nous et qui accueille son dessein universel de salut, celle qui lui met des obstacles. L’idée est alors de repérer ces influences, qu’Ignace de Loyola nomme « motions », c’est-à-dire, rappelle Jean-Claude Dhôtel, « des poussées ou des attirances qui mettent l’âme en mouvement dans un sens ou dans un autre » (p. 36)

Par rapport aux deux alternatives de la question posée, nous aurons donc des « motions ». L’enjeu est celui-ci : quelle alternative nous engagera vers un meilleur service ? et ça, on ne le sait pas d’avance…

Dans le cas de notre groupe, plusieurs ont pu ainsi se rendre compte que la visibilité leur faisait peur non en tant que groupe, mais car ils avaient vécu de mauvaises expériences personnelles: cela nous a engagé à réfléchir à comment donner une visibilité au groupe sans mettre en péril la vie privée et l’intimité de ses membres.

Par ailleurs, on sait qu’on « a choisi de dire oui à Dieu et que Dieu va nous aider à lui dire oui en agissant dans le cœur de chacun » (p. 37). C’est ce que Jean-Claude Dhôtel nomme « l’indifférence » : non qu’on ne se sente pas concerné, mais plutôt qu’on admette que nos « préférences personnelles » ne pèsent pas beaucoup par rapport à « la décision finale » (p. 37).

Du coup, plutôt que ne parler que de nos « raisons », parlons de nos « motions »… à savoir: plutôt que de parler d’arguments extérieurs (« il est clair que si nous déplaçons le lieu de cette activité, plus personne ne viendra »), parlons de nos mouvements de pensées et de sentiments (« je suis attaché à ce que cette activité reste dans ce lieu car je m’y suis beaucoup investi » ou « j’ai peur que plus personne ne vienne »): on remarquera ici l’importance de parler en « je » (pense, ressens, etc.) et pas en « il faut », « nous devons ».

Mais comment faire ? Jean-Claude Dhôtel donne plusieurs pistes :

  • La prière : pour intérioriser la question. Simplement prier les deux alternatives devant Dieu.
  • Ceci mène à peser les mots de l’alternative. Dans le cas de mon expérience de discernement communautaire, nous avons évoqué les passages bibliques qui résonnaient en nous avec les mots visible (on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau) et invisible (quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, etc.)
  • On peut aussi simplement laisser émerger des images, des sensations, des situations face aux deux alternatives. Nous avions par exemple fait un tour de table avec les images que nous évoquaient « visible » et « invisible », en les notant sur une grande feuille. Nous avions par exemple avec invisible : sécurité, enfermé, ne pas exister, se préserver… et grâce à cela, nous avons pu prendre conscience de nos zones d’ombres personnelles, et des besoins de chacun et chacune. Par ailleurs, nous avons pu remarquer que si « visible » et « invisible » s’opposent, « sécurité » ne s’oppose pas à « enfermé », pas plus que « ne pas exister » ne s’oppose à « se préserver » : ici se dessinait la voie d’une décision qui convienne à tous et toutes.

Tout cela, sans les relier à des « idées », des « moyens », des « solutions »… Non, il s’agit simplement de « faire descendre la question de la tête au cœur » (p. 39).

Nous verrons la semaine prochaine comment rassembler les données de cette descente de la tête au cœur, afin d’en faire le matériau du discernement.

Avant de vous quitter, je rappellerai les points qui me semblent essentiels dans les deux chapitres que je vous ai résumé aujourd’hui :

  • Se rappeler les contraintes (voir la semaine passée) : « sachant que… » (les postes vont être réduits, les paroissiens sont de plus en plus occupés ailleurs, nous avons des forces dans tel et tel domaine, etc.)
  • Poser le but : par exemple, « pour…. » (réorganiser les activités X en vue de porter la Parole dans toute notre ville)
  • Le présenter comme une liberté de choix: « est-il préférable de… »
  • Donner deux alternatives (par exemple : « répartir les activités selon les identités des différents lieux », « répartir le nombre d’activités équitablement sur tous les lieux » ?)
  • S’assurer que tout le monde est d’accord sur le sens des deux alternatives.
  • Remettre cette question et ces alternatives à Dieu ; y penser, les prier, y réfléchir, évincer les autres « problèmes » qui n’ont pas de rapport avec la délibération. Approcher un état « d’indifférence », à savoir avoir à cœur de faire primer le service de Dieu sur nos préférences personnelles.
  • Repérer et exprimer les « motions » qui nous attirent ou nous repoussent pour chacune des alternatives: pensées et sentiments.
  • Prier ; se rappeler des passages bibliques qui résonnent avec nos motions ; laisser venir des images, des mots, pour chacune des alternatives. Les exprimer en groupe, et les réunir, pour chacune des deux alternatives.
  • Ne pas résumer ces motions en raisons, ne pas en faire des idées, des moyens, des solutions… Cela… c’est pour la semaine prochaine !!

Avec l’espoir que mon résumé ne paraisse pas trop abstrait, avec aussi la conscience que ce ne sont que des propositions parmi d’autres possibles, avec le souhait que vous puissiez garder ce qui vous semble pertinent et rejeter ce qui vous semble inapproprié, avec la confiance que ce qui doit porter du fruit en portera,

Tout en étant curieuse de connaître vos réactions, de pouvoir évoluer à partir de vos remarques (mon contact : cecile.guinand@unine.ch),

Je vous souhaite une très belle semaine,

Cécile

Semaine du 19 novembre

Bonjour à vous !

La semaine passée, nous avons vu que le discernement communautaire pouvait reposer sur un but (pour que…) soumis à une alternative posée en termes de liberté (… est-il préférable de ceci/cela). Nous avons vu également que cette alternative n’était pas abordée en premier lieu à travers un débat, mais par un travail qui menait à faire descendre la question de la tête au cœur. Prière, évocation de textes bibliques, idées, images et surtout affects liés à chacune des alternatives… Tout cela pour que chacun et chacune, dans le groupe, soit appelé.e à sonder ses « motions », mouvements qui l’attire ou le/la repoussent vers chacune des alternatives : sonder moins nos « raisons » que ce qui se cache derrière nos raisons, particulièrement nos peurs, nos préjugés, nos non-dits, mais aussi nos intuitions, nos affects positifs, nos espérances.

Aujourd’hui, nous continuerons notre parcours avec le chapitre dans lequel Jean-Claude Dhôtel aborde

Le rassemblement des données

Les éléments pour le choix de l’une ou l’autre des alternatives, nous dit Jean-Claude Dhôtel, seront de deux ordres : intellectuel (les raisons) et affectif (les motions), sans privilégier l’un ou l’autre. Donc, après avoir mis à jour nos motions, il s’agit maintenant de rassembler et organiser nos raisons.

En effet, il ne s’agira pas de débattre sur les motions, car elles concernent la personne dans sa profondeur. Cependant, assuré que chacune et chacun a intériorisé la question au niveau du cœur, le groupe pourra considérer les raisons « intellectuelles » sur la base de ces motions affectives mises au jour qui ne s’imposeront plus comme des obstacles, mais comme des données relatives de notre raisonnement.

Où aller chercher les raisons, d’ordre intellectuel, qui vont élargir et éclairer la question ?

Les signes des temps

Que ce titre ne vous trompe pas… il ne s’agit, pas, précise Jean-Claude Dhôtel, de céder à « cette plaie de l’Eglise […] ces chrétiens qui abusant de l’expression « signes des temps » […] croient voir l’action de l’Esprit Saint à travers les lunettes de leur préjugés sociaux et politiques » (p. 41)…

Rassurés, nous pouvons donc le suivre lorsqu’il recommande de poser des questions comme

« quels sont les besoins, les attentes, et les aspirations des hommes d’aujourd’hui ? », « quels événements contemporains sont en rapport avec la question ? », « que voit-on du côté d’autres groupes qui ont vécu la même situation ? », etc.

Chacun peut s’exprimer sur le rapport entre la question et le monde d’aujourd’hui. Le but est de cerner « le monde où devra s’exercer notre action », quelle que soit la décision prise.

La perspective du salut

Regarder le monde à travers l’Ecriture, dans la prière, afin « d’orienter la question dans le sens apostolique et à lui donner sa dimension universelle » (p. 43).

Les compagnons d’Ignace ont consacré du temps à cette réflexion priée :

« Nous y pensions et y réfléchissions pendant la journée ; la prière nous était aussi un moyen de recherche » (p. 43).

Notons ce terme de « recherche »: la prière ne donne pas une réponse toute faite, mais participe à prendre une décision par « la prière et la réflexion conjuguée de tous et de chacun » (43).

Prier à haute voix devant les autres est aussi une manière de porter le débat à un autre niveau : « la prière, même si elle est faite de mots, exprime plus que des mots, car, avant même que les mots viennent aux lèvres, elle est déjà communion » (p. 44).

Osons prier devant le Seigneur les termes précis de ce qui nous occupe aujourd’hui… Cela permet un tri intérieur entre ce que nous jugeons digne d’être débattu devant Dieu, et cela permet aux autres de discerner la dimension spirituelle de nos raisons.

La récapitulation du passé

La décision engagera un passage entre un avant et un après… la mémoire du groupe est donc un élément essentiel. Dieu chemine avec les hommes dans la Bible ; les psaumes, rappelle Jean-Claude Dhôtel, « ne se lassent pas de rappeler les merveilles de Dieu accomplies dans le passé » (p. 45).

La première chose consiste donc à se rappeler les bienfaits reçus, en lien avec nos questionnements. Rendons grâce pour ce qu’il nous a donné, ce qui nous met en position aujourd’hui de prendre une décision.

Ensuite, il s’agit de s’assurer que la question est bien enracinée dans l’histoire du groupe et, si elle l’engage dans une voie nouvelle, penser à une continuité historique.

Les compagnons d’Ignace ont considéré avec sérieux le fait que « le Seigneur […] dans la clémence et la bonté paternelle, nous a unit en un groupe, hommes pauvres venus de pays si divers », un argument qui a pesé lorsque la dissolution menaçait le groupe : « nous ne devions pas briser l’unité de ce groupe, œuvre de Dieu, mais plutôt continuer à l’affermir et à le stabiliser en ne faisant qu’un seul corps » (45).

En résumé, note Jean-Claude Dhôtel :

Il s’agit donc, pour le groupe qui délibère, de rassembler les données de son histoire par rapport à la question qui se pose. Comment cette question a-t-elle germé, d’aussi loin qu’on puisse l’apercevoir, et comment est-elle venue à maturité au point de nécessiter cette délibération ? […] On se demandera comment ces événements ont été reçus par les membres du groupe, mais aussi par ceux dont il est responsable (p. 45).

Une fois tout cela réuni : les signes des temps, la perspective du salut, la récapitulation du passé, il faut classer ces données dans…

Les plateaux de la balance

A partir de toutes les données, nous pouvons chercher les raisons qui vont peser dans un sens et dans l’autre. Pour les deux alternatives, il faut trouver du « pour » et du « contre » .

Nous pourrons donc répartir les données ainsi :

  • Les avantages de la première alternative
  • Les désavantages de la première alternative
  • Les avantages de la seconde alternative.
  • Les désavantages de la seconde alternative.

L’idée des compagnons d’Ignace était que chaque personne, qu’elle soit pour ou contre une alternative, participe à y trouver des avantages et des inconvénients:

« Nous décidâmes de nous rencontrer, tous préparés, le jour suivant, pour exprimer chacun les objections qui pourraient être faites contre […] Un autre jour, nous discutions du point de vue contraire en présentant l’ensemble des avantages et des bienfaits […] » (p. 48)

Comme le dit Jean-Claude Dhôtel : « Cette méthode est tellement simple qu’on s’étonne qu’elle ne soit pas ordinairement appliquée » (49). En effet, le plus souvent, les tenants d’une alternative la défendent et les autres l’attaquent, c’est ce qu’on appelle un débat… mais on le refusera, en acceptant de trouver, sincèrement, des avantages à chacune des alternatives, car :

« Il ne s’agit pas de savoir qui est pour ou qui est contre, et pourquoi. Il s’agit de chercher ensemble la volonté de Dieu, c’est-à-dire une opinion extérieure, en quelque sorte, à celle de chacun et même à celle du groupe » (p. 49)

Donc, je continue de citer, tant cela me semble essentiel :

« Puisqu’il s’agit de chercher une vérité qui, de prime abord, n’est ni en moi, ni dans l’autre ni dans le groupe, et qu’on ne veut pas faire triompher une opinion, on examinera les raisons aussi objectivement que possible, c’est-à-dire que tous vont d’abord se livrer à la recherche des raisons contre […] et, dans un temps distinct, on fera de même pour les raisons pour » (p. 49)

Ignace notait dans ses Exercices spirituels :

«Chacun doit penser qu’il progressera en toutes choses spirituelles dans la mesure où il sortira de son amour, de son vouloir, et de ses intérêts propres ».

Chercher des raisons qui ne vont pas dans le sens de mon opinion, note Jean-Claude Dhôtel, c’est « commencer à me faire sortir de moi », c’est « s’obliger à se délivrer des préjugés et des conditionnements » (50).

On cherchera ainsi les raisons dans :

Les signes des temps. Dans le cas du discernement au sujet de la fondation d’une association, nous avions considéré qu’un des désavantages d’une association était d’être connotée comme « militante » aujourd’hui, et que nous avions aucune vocation revendicatrice ; c’est un des aspects que nous savons devoir aujourd’hui souligner, ce que nous faisons bien, car nous l’avions anticipé. Chacun des membres est libre de militer, mais notre association n’est pas militante.

La perspective du salut. Toujours dans le cadre de mon expérience vécue, il s’agissait de peser si la visibilité allait contribuer à nous faire connaître, et si oui, espérer qu’elle ne rebute pas des personnes soucieuses de leur anonymat. Là encore, cette anticipation nous a permis d’être visible tout en soulignant, notamment auprès de la presse, la confidentialité que nous maintenions en groupe. Résultat, plusieurs personnes nous ont rejointes, pour notre bonheur et le leur.

La récapitulation du passé. Ici, il s’est agi pour moi de partager avec le groupe mon expérience vécue auprès d’une autre association du même type, de mentionner aussi d’autres orientations, par exemple une « antenne » de l’Eglise, ou la possibilité de rejoindre une association suisse romande prête à nous accueillir, etc. Bref : si nous n’avions pas de passé en tant que groupe, d’autres associations avaient eu le leur, et cela a beaucoup contribué à nous éclairer.

Dans la pratique, Jean-Claude Dhôtel conseille, et mon expérience l’avalise, de prendre un temps où chacun fera la liste de ses raisons « pour » la première hypothèse, puis chacun les exprimera à tour de rôle et on les inscrira sur une feuille commune. Nous passerons ensuite au contre. Idem pour la deuxième hypothèse.

Cela paraît enfantin, mais votre expérience ne vous dit-elle pas que, dans les faits, nous ne procédons jamais ainsi, mais débattons en opposant nos idées, sans entrer dans cette recherche commune de toutes les options possibles ?

Nous aurons donc 4 tableaux au terme de cette démarche : 1ère alternative « pour » ; 1ère alternative « contre » ; 2ème alternative « pour » ; 2ème alternative « contre »…

et le moment est venu pour…

La pesée des raisons

Les compagnons d’Ignace témoignent avoir « discuté dans les deux sens quantité de points concernant la solutions », et d’avoir d’abord « pes[é] et examin[é] les raisons les plus sérieuses et les plus puissantes » (51)

Il faut donc éliminer les raisons qui nous paraissent secondaires.

Chaque membre du groupe a devant les yeux des raisons qui ne sont plus seulement celles qu’il a découvertes personnellement

Ici intervient l’essentiel : nous devons reprendre les motions que nous avions découvertes en nous, et les confronter à ces raisons, pour les approfondir et nous permettre de faire le tri :

« il ne s’agit pas de dire seulement ce qu’on retient et ce qu’on élimine. Il faut aussi, avec l’aide du groupe, examiner les motivations de son choix » (p. 51).

Dans le cas de l’association que nous avons fondée : sur la raison « devenir une association, c’est perdre la confidentialité », nous avons pu dire que cette raison était moindre, car elle rejoignait des peurs personnelles qui pouvaient être rassurées en inscrivant, au sein même des statuts de l’association, par l’inscription officielle d’un groupe dans lequel l’anonymat et la confidentialité seraient jalousement gardés. Nos peurs personnelles n’ont pas influencé la décision finale, et la décision finale a pris en compte les peurs personnelles : un paradoxe s’est résolu sans efforts, un petit miracle…

Au terme de cette pesée des raisons, nous aurons ainsi comparé toutes nos motions aux raisons proposées et nous serons, comme le dit Ignace dans ses Exercices : « comme l’aiguille d’une balance pour suivre ce que je sentirai davantage à la gloire et à la louange de Dieu notre Seigneur » (52)

En effet, dépouillé de beaucoup de nos motivations subjectives, de nos entraves, nous serons prêts à être une balance prête à peser impartialement les raisons pour et contre nos alternatives, ce qui nous mène à…

La conversion de l’intelligence

La conversion de l’intelligence, nous dit Jean-Claude Dhôtel, « ne se traduit pas forcément par un changement d’opinion, mais par la reconnaissance que notre opinion n’est pas le fruit d’un raisonnement pur de tout sentiment et de tout préjugé » (53).

Prendre en compte nos motions (affects, conditionnements, préjugés, etc.), c’est s’en dégager. Admettre que notre jugement est subjectif… c’est donc avancer vers davantage d’ouverture à une objectivité qui dépasse nos motivations personnelles, souvent nées de… la peur.

L’auteur rappelle que la peur « de perdre une sécurité » ou tout simplement « de se perdre » (53) est le principal sentiment qui se manifeste dans une délibération qui nous mène à  nous orienter dans une voie nouvelle. Mais si cette peur se prolonge, elle devient « paralysante », signe, selon Ignace de Loyola, « de l’esprit mauvais » qui veut bloquer le progrès spirituel par l’inquiétude et le trouble. Jean-Claude Dhôtel conseille, outre de mettre à jour ces peurs à travers les « motions » confrontées aux « raisons », de prier ensemble pour recevoir, nous citons Ignace de Loyola : « le courage et la force qui diminuent et suppriment tous les obstacles, afin que l’on aille de l’avant » : cette prière nous rendra moins sensibles à cette peur, et nous pourrons peser les raisons avec davantage de liberté, d’objectivité.

Pour prendre la décision, nous réunirons donc en une synthèse les raisons principales pour et contre que nous avons retenues suite à ce tri, nos quatre tableaux seront ainsi plus réduits.

Pour résumer en quelques points les chapitres abordés cette semaine :

  • Tout en maintenant présentes à notre esprit nos « motions » (affects, émotions), penchons-nous sur nos « raisons ».
  • Trois domaines à explorer : les signes des temps (dans quel monde va se réaliser notre décision ?), la perspective du salut (prier nos raisons, c’est les estimer dignes de les présenter devant Dieu, c’est les faire entrer dans une dimension spirituelle), la récapitulation du passé (quels ont été les bienfaits de Dieu dans notre passé de groupe ? comment s’inscrire dans une continuité ? et SURTOUT : comment faire sentir cette continuité, malgré tous les changements parfois radicaux qu’elle induit, aux paroissiens que nous représentons ???)
  • Rassembler les données et les peser, et chacune et chacun s’y met (!!), en quatre temps successifs
    • Le « pour » en faveur de la première alternative
    • Le « contre » à l’encontre de la première alternative
    • Le « pour » en faveur de la seconde alternative
    • Le « contre » à l’encontre de la seconde alternative.
  • Insistons : « Il ne s’agit pas de savoir qui est pour ou qui est contre, et pourquoi. Il s’agit de chercher ensemble la volonté de Dieu, c’est-à-dire une opinion extérieure, en quelque sorte, à celle de chacun et même à celle du groupe » (p. 49), donc: il s’agit ’entrer avec sincérité dans la quête de raisons pour chacune des possibilités pour et contre les deux alternatives.
  • A partir des réponses que nous aurons distribuée dans un tableau, « peser » et éliminer les raisons qui nous semble secondaires. Pour ce faire : confronter nos motions à nos raisons afin de discerner ce qui relève de nos peurs, et discerner si on peut les apaiser, et ainsi éliminer une raison pour ou contre.
  • Une fois nos motions mises à jour, nous pourrons retenir les raisons les plus pertinentes.
  • Une fois nos peurs remises à Dieu dans la prière, nous serons presque aussi neutres qu’une balance prête à pencher d’un côté ou de l’autre

 

Quel Suspense !

La semaine prochaine, nous verrons comment prendre la décision et

… en fait, vous le verrez, tout cela, dans la pratique, n’a rien de spectaculaire…

Il s’agit surtout, nous l’avons vu, de renouer avec des choses simples trop souvent oubliées : chercher tous ensemble le pour et le contre…. prendre conscience que notre opinion personnelle compte moins que les intérêts du groupe…

des choses basiques !? mais pourtant…

En espérant que ces réflexions ne vous apparaitront pas comme des règles à suivre, mais comme des propositions qui recèlent quelques éléments intéressants (et plus ?) pour une réflexion communautaire,

Je vous souhaite une très belle semaine

Bien à vous

Cécile

Semaine du 26 novembre

Bonjour à vous,

Nous arrivons cette semaine au terme du parcours de discernement communautaire proposé par Jean-Claude Dhôtel.

Avant de parler de la prise de décision, l’auteur remarque que les compagnons d’Ignace ont eu d’une part beaucoup de facilité à prendre la décision de fonder la Compagnie, mais par contre ont fait face à beaucoup de difficultés avant de décider si oui ou non il fallait mettre un homme à sa tête. Jean-Claude Dhôtel propose, pour éclairer cette disparité, de revenir sur le « discernement des esprits » selon les Exercices d’Ignace de Loyola.

Consolations et désolations

Ignace parle de « l’expérience des consolations et des désolations » qui entre en compte dans le discernement. C’est-à-dire, dans le cas du discernement communautaire, qu’une relecture du passé porte les signes de la décision à venir. Les compagnons d’Ignace ont une claire conscience qu’avoir été réunis est une bénédiction de Dieu, qui leur a amené des « consolations », et, pour citer les Exercices ignaciens,

« un accroissement d’espérance, de foi, et de charité » (56).

Lorsque nous devons prendre une décision communautaire, nous pouvons donc nous demander ce qui, dans notre communauté, a été une « consolation », ce qui nous a donné cet « accroissement d’espérance, de foi, et de charité ».

Jean-Claude Dhôtel tire un parallèle très intéressant entre le discernement des esprits ignacien et le discernement communautaire :

De même que dans une élection personnelle, le critère ultime est la paix et la joie, qui signifient la fin du combat entre les forces adverses, l’unification du cœur et la concentration du désir vers une réalisation concrète, de même, dans un groupe, lorsqu’on sent que les débats, et parfois les combats ont pris fin, résolus dans un accord qui n’est pas une motion de synthèse faussement réconciliatrice, mais une décision d’action où tous se retrouvent et sont décidés à agir, c’est finalement le même critère de consolation… (Jean-Claude Dhôtel,57)

Sur quoi sommes-nous unanimes ? qu’estimons-nous être une grâce de Dieu pour notre communauté ? en vue de quoi avons-nous envie d’agir tous ensemble ?

Nos « consolations » peuvent nous diriger vers le choix de l’une ou l’autre solution.

A l’inverse, l’idée de mettre un chef à la tête de la compagnie a donné du fil à retordre aux compagnons d’Ignace… à force de débattre de la question, le compte-rendu montrent qu’ils arrivent dans une impasse : « nous avions passé bien des jours à prier instamment et à réfléchir sans que rien de satisfaisant ne se présentât à nos esprits… » écrivent-ils.

Cet état, explique Jean-Claude Dhôtel, est proche de ce qu’Ignace dit de la désolation :

J’appelle désolation tout le contraire de la consolation. Par exemple, ténèbres de l’âme, trouble intérieur, motion vers ce qui est bas et terrestre, inquiétude devant les diverses agitations et tentations, qui pousse à perdre confiance, sans espérance, sans amour ; l’âme s’y trouve toute paresseuse, tiède, triste et comme séparée de son Créateur et Seigneur (Ignace de Loyola)

Ce constat d’Ignace de Loyola me touche beaucoup, tant j’ai parfois l’impression de m’enfoncer lorsque je réfléchis, que j’ai envie de tout laisser tomber, de choisir une solution de facilité, d’oublier les autres pour privilégier mon petit confort, sans espoir, fataliste et loin d’avoir pleinement confiance que nous vivons les prémices du Royaume…

Bref… Jean-Claude Dhôtel résume cet état de désolation en deux points :

  1. La personnalité est disloquée, on perd confiance, on ne se retrouve pas.
  2. On a l’impression d’être séparé de Dieu, comme Jésus à Gethsémani.

En groupe, ces deux points peuvent être considérés ainsi :

  1. Le groupe se disloque, formation de clans, on discute dans le dos des autres, on ne fait pas confiance, on a l’impression d’être manipulé.
  2. Les membres se séparent, perdent de vue ce qu’ils avaient mis en route et qui était de servir mieux.
Le courage de s’arrêter

Les compagnons d’Ignace, dans ce contexte de désolation ont eu le courage de s’arrêter :

Comme pour résoudre cette question nous avions passé bien des jours à prier instamment et à réfléchir sans que rien de satisfaisant ne se présentât à nos esprits, nous mîmes notre espoir dans le Seigneur et commençâmes à discuter entre nous de quelques moyens de résoudre plus heureusement notre doute. (Compte-rendu des Compagnons d’Ignace, 60).

Les compagnons ont donc mis le débat entre parenthèse pour recadrer les choses. En gros, ils n’ont plus débattu de la question, mais de quoi faire pour que les conditions du débat soient à nouveau possibles.

Ils ont d’abord décidé de continuer le débat à Rome, plus proche de leur autorité ;

Et surtout, ils proposèrent à chacun des membres de leur groupe de « réaliser en son âme les trois dispositions suivantes » :

  • L’indifférence : à savoir se dégager de ses préjugés et présupposés à la base des arguments, et oser pencher vers la solution qui ne leur plaisait pas de prime abord.
  • Le respect des personnes. L’idée était de ne pas chercher à influencer les autres, mais de permettre que chacun puisse librement chercher et exprimer « ce que la prière et la méditation lui auraient fait apparaître comme plus profitable », notent-ils.
  • L’espace de liberté : « chacun se considérait comme personnellement étranger à notre groupe […] voyant ainsi les choses, aucun sentiment ne le portera à penser et à juger davantage d’une manière », c’est-a-dire, prendre du recul.

De ces trois dispositions, il faut retenir une chose : lorsque le groupe n’arrivait plus à dialoguer, les compagnons d’Ignace ont pris la décision de renvoyer chacun et chacune à sa propre intériorité :

Pour que le groupe existe, et dans l’intérêt du groupe, il faut que les personnes existent pleinement en liberté, qui seule permet l’ouverture à l’Esprit Saint. […] Le fait que les personnes se soient ressaisies en face de Dieu et de leur vocation permet de venir à bout de l’isolement où l’on se sentait enfermé. (Jean-Claude Dhôtel)

Après ce préambule qui nous indique quoi faire si notre décision ne semble jamais pouvoir advenir, passons maintenant à la prise de décision.

Les critères « ultimes »

Une fois toutes les étapes résumées ci-dessus, le groupe se trouve, si tout va bien, dans la disposition suivante :

  • Chacun est disposé, dans son cœur, à ne vouloir pas plus ceci que cela tant qu’il n’aura pas senti que c’est la plus grande gloire de Dieu qui exige ceci plus que cela.
  • Chacun est disposé, par rapport au groupe, à faire sienne, même contre son jugement propre, la décision qui sortira du groupe et, pour la suite, à mettre tout en œuvre pour que cette décision soit exécutée.

Ad majorem Dei gloriam

Ainsi se résume la formule qui devra, au final, faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Jean-Claude Dhôtel précise que

cette formule ne prétend pas ajouter quelque chose à Dieu, mais elle est le moteur d’une action humaine visant à faire connaître à un plus grand nombre de personnes qui est le Dieu de Jésus Christ, et quel est son dessein de salut (66).

Evidemment, les deux alternatives vont dans le sens du service, mais, tout en sachant que dans les deux cas nous serons loin d’atteindre la gloire de Dieu, nous pouvons nous demander ce qui la reflètera davantage. Dans mon expérience, il a été assez déterminant qu’une association œcuménique plutôt qu’une « antenne » de l’Eglise réformée visait plus large, toucherait davantage de personnes.

Ensuite, il est clair pour Ignace de Loyola que « plus le bien est universel, plus il est divin » : ce critère est certes quantitatif, mais aussi et surtout qualitatif. Jean-Claude Dhôtel propose de confronter les deux alternatives aux critères suivant : le plus universel, le plus durable, le plus urgent.

Finalement, Jean-Claude Dhôtel conseille de considérer la décision à la lumière de la Croix. La décision est un moment « crucial » qu’il est bon de remettre à la lumière de notre confession de foi, un passage par la mort pour s’ouvrir à une vie plus abondante. Tout choix implique la mort d’une des possibilités ; quelque chose meurt en nous quand nous adhérons à la communauté ; mais quelque chose prend vie aussi quand nous nous livrons à ce qui nous dépasse, dit Jean-Claude Dhôtel… et il est bon d’en prendre conscience.

Mais… me direz-vous,

Comment conclure ?

Jean-Claude Dhôtel résume le parcours :

Nous nous sommes exprimés dans la prière et le travail ; nous avons laissé venir au jour les différences, le pour et le contre, les motivations les plus profondes dont nous avons essayé de discerner les origines ; des raisons contre ont pu devenir des raisons pour et inversement.

L’histoire du groupe est entrée en compte, ce qui a été ses consolations et ses désolations.

Nous pouvons alors reparcourir les étapes de ce discernement, sans les juger, mais pour considérer comment elles ont été vécues pour nous encourager mutuellement à poursuivre, dans la certitude que la grâce de Dieu est toujours à l’œuvre.

La délibération, si on prend le temps, trouve un terme de manière spontanée, quand le groupe « sent » :

une certaine unanimité se dégage, non sur la décision elle-même, mais sur le sentiment éprouvé qu’il est maintenant possible de conclure (72).

La décision ne doit pas dépendre de la fatigue, ni de la réponse à la question. Si trop d’incertitudes subsistent, mieux vaut prendre le courage de ne pas décider tout de suite.

Jean-Claude Dhôtel note qu’il faut une unanimité, mais que celle-ci ne concerne pas la décision, l’unanimité doit concerner la volonté commune de trouver un chemin pour atteindre le but qu’on s’est fixé. L’unanimité est donc une espérance. Il faut nous rappeler que cette décision n’est qu’un moment de notre histoire, et que l’unanimité adviendra peut-être dans sa réalisation, y compris par ceux qui ne voulaient pas l’adopter.

Du coup, il faut chercher la meilleure manière de conclure en sachant qu’il y aura nécessairement une majorité et une minorité pour ou contre la décision prise. La majorité l’emportera, mais elle devra être sensible à la minorité :

si l’on recourt au vote seulement « pour en finir », il n’est qu’un pis-aller qui, par la suite, durcira les oppositions et introduira les rapports de force. Chacun, après avoir prié, doit pouvoir donner son avis sur la procédure envisagée, et l’on tiendra particulièrement compte de l’avis de ceux qui se sentent minoritaires  (75)

L’opinion des minoritaires doit apporter les nuances à l’application de la décision prise. Souvent, ce que la minorité a dit de manière négative, peut apparaître positivement dans la motion finale. Reconnaître la minorité, c’est surtout s’assurer qu’elle aura sa place dans l’action qui découlera de la décision, et la minorité ne pourra s’y impliquer que si elle a la certitude d’être écoutée et comprise.

La minorité est appelée à collaborer à l’action future, totalement intégrée au groupe, et même avec un rôle privilégié : c’est elle, en effet, qui sera mieux en mesure de promouvoir les remises en questions toujours nécessaires dans bien des décisions humaines et, par là, d’être source de dynamisme pour des progrès ultérieurs (77)

Toutes ces considérations semblent peut-être un peu pauvres et floues par rapport au riche et relativement clair parcours suivi jusqu’ici. Que vous dire, sinon que je n’ai reconnu la validité de cette expérience qu’après coup ?

Deux ou trois points que je retiendrais aujourd’hui, et pour conclure :

  • Quelles sont nos consolations qui nous donnent espoir, paix et espérance ?
  • La désolation (dislocation, perte de confiance) nous gagne-t-elle ? Prenons le temps de nous arrêter et de travailler en nous l’indifférence, le respect des personnes et la prise de recul.
  • Penser à la gloire de Dieu : non que nous y soyons pour quelque chose, mais comme critère qui peut nous faire pencher, un critère de bien le plus universel, le plus durable, le plus urgent. Se rappeler aussi que notre décision est une décision pour un meilleur service, et non une lutte d’opinions.
  • Dans la prière, seul ou en groupe, placer la prise de décision à la lumière de la Croix : l’accepter comme une souffrance, une mort, mais dans la confiance que nous allons vers une vie plus abondante.
  • Reparcourir les étapes du discernement jusqu’à ce que tous les membres du groupe soient unanimes que le moment est venu de prendre la décision, prêts à s’y engager.
  • Donner à la minorité sa pleine place dans les actions à venir, en écoutant ses besoins, et en lui donnant d’avance un rôle dans les actions futures

 

Voilà… j’espère que ces quatre semaines consacrées au discernement communautaire auront éveillé votre intérêt, vous auront donner envie de tester de nouvelles possibilités pour réfléchir en groupe, vous auront donné des idées, des envies,

Pour ma part, j’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir cette page de l’histoire d’Ignace de Loyola et de ces compagnons, de lire le compte-rendu de leurs délibérations,

J’ai aussi changé de perspectives sur les décisions que nous prenons en groupe

A un niveau très personnel, je retiens particulièrement : le but unique à poser ensemble, la nécessité de poser une alternative claire quitte à recommencer plusieurs fois, l’idée de chercher ensemble des arguments, même pour la solution qui n’avait pas notre suffrage (la posture d’indifférence), de prendre le temps d’écouter en moi ce qui se cache derrière mes « raisons », d’écouter et de prendre en compte les motions de chacun des membres du groupe, de sans cesse remettre le débat dans le cadre plus large du service de Dieu, pour sa gloire, dans la confiance en sa présence et sa grâce. Voilà ce qui m’a particulièrement touchée dans ces différentes étapes,

Sur ce, je vous souhaite un mois de décembre empli de l’attente fébrile et de la pleine joie de la naissance de notre Seigneur et Sauveur, lui qui s’est fait homme pour partager nos chemins de vie hier, aujourd’hui et demain,

Bien à vous

Cécile

Une réflexion sur « Chronique de novembre 2017. Discerner ensemble… »

  1. Chère Cécile, merci pour ta chronique qui me touche beaucoup.

    En elle, une réflexion qui va loin et permet un questionnement tant personnel que communautaire, l’un impactant l’autre… J’aime l’articulation entre ces deux choses que tu exprimes si bien : d’une part au niveau de la communauté, celle de n’avoir qu’« une seule et même pensée, un seul et même vouloir : chercher la volonté de Dieu, dans la ligne de l’appel qu’il nous avait adressé », tout en prenant conscience, d’autre part et plus personnellement, de la présence trinitaire en nous : « Nous viendrons à lui et nous établirons en lui notre demeure » (Jn 14, 23). Ce lien entre ce qui se passe en nous et ce qui se passe communautairement me fait bien réfléchir, merci pour cela. Cela me fascine de penser à la fois la visée commune et le respect de l’individualité de chacun.

    L’exemple de la visibilité ou de l’invisibilité pesant dans la décision « pour » ou « contre » la création d’une association me marque profondément parce qu’il fait émerger, à la fin, une décision colorée et riche. Si je me mets à la place de ceux et celles qui étaient face à un tel choix, je me rends compte qu’aucune décision prise sans cette ouverture du dialogue n’aurait pu déboucher sur la création d’une association qui contente véritablement ses membres aux diverses opinions et sensibilités.
    Merci aussi parce que cette chronique est profondément œcuménique, dans un sens que j’applaudis, celui qui veut rencontrer l’autre. Vouloir aller à l’autre et accepter d’être enrichi par ce qu’il peut nous apporter de neuf, voilà ce que tu montres aussi ici. Pour cela il faut, je crois, prendre l’autre tout à fait au sérieux, ce que je sens être le cas dans le témoignage de ta lecture.

    Je me réjouis de lire la suite et d’en discuter avec toi à l’occasion!
    Belle journée et à bientôt!

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