Vois : je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur. […] Tu choisiras la vie pour que tu vives, toi et ta descendance »
Deutéronome 30, 15 et 19
Chère sœur, cher frère, cher visiteur de passage sur cette page, bienvenue !
J’avais prévu de parler cette semaine d’un sujet qui occupe une place non négligeable dans ma recherche spirituelle et dans mon questionnement existentiel : il s’agit de l’écospiritualité, par l’un de ses maîtres à penser, Michel Maxime Egger.
Cependant, un événement est venu bouleverser mon intention initiale : la conférence du frère Enzo Bianchi, venu à l’Université de Lausanne le 29 septembre dernier à l’occasion des journées de lancement du nouvel Institut lémanique de théologie pratique.
Je vous propose donc de faire un petit détour par l’exposé d’Enzo Bianchi, avant de reprendre le sujet de l’écospiritualité, thème qui me touche et me pousse à la réflexion tout en abordant deux pôles qui m’interpellent : l’écologie et la spiritualité.
Belle semaine à toutes et à tous, dans la paix du Christ !
Guillaume
Lundi 10 octobre
Au commencement de toutes choses, la Parole existait déjà ; celui qui est la Parole était avec Dieu, et il était Dieu. […] Celui qui est la Parole est devenu un homme et il a vécu parmi nous, plein de grâce et de vérité.
Evangile selon Jean, chapitre 1, versets 1 et 14.
J’ai envie de partager avec vous, en introduction, quelques propos tenus par le frère Enzo Bianchi, fondateur et prieur de la communauté monastique œcuménique et mixte de Bose, dans le nord de l’Italie. Pourquoi ? Parce que ses propos simples mais d’autant plus percutants méritent amplement d’être connus !
Le « frère Enzo », comme on l’appelle, est un personnage assez charismatique et très écouté, tant il joue un rôle important dans le dialogue interconfessionnel et interreligieux. Ses propos plutôt directs marquent les esprits de ceux qui le rencontrent…
Je ne reprendrai aujourd’hui que quelques-uns des points abordés dans sa conférence, qui abordait la question du témoignage chrétien aujourd’hui.
Le témoignage chrétien aujourd’hui
Entrons directement, sans détours, dans son exposé, dont voici la thèse : Le christianisme n’est pas religion mais foi chrétienne. En effet, l’idée de « religion » impliquerait une concurrence avec d’autres religions. Autrement dit, le christianisme est religion qui sort de la religion, qui la critique et la juge. La vie chrétienne est en réalité un témoignage d’humanité. Voici son raisonnement :
Quelle est la confession de foi chrétienne ? Celle d’un Dieu fait homme. LA grande question qui a parcouru tous les temps est donc : Cur Deus homo, pourquoi un Dieu homme ? En Occident, on a plutôt appuyé sur le salut : Dieu s’est fait homme pour sauver l’homme. Mais aujourd’hui, ces termes ne parlent plus. Enzo Bianchi propose alors une reformulation : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne véritablement homme ! »
Frère Enzo prend l’exemple de Jésus : il insiste sur la nécessité urgente d’un retour à une vision humaine du Christ. Par sa vie humaine, Jésus a véritablement rencontré Dieu. Il est Œuvre vivante, que l’on peut suivre. Bianchi décrit ensuite la vie de Jésus comme ayant été à la fois bonne et belle. En regardant de plus près, il nous fait remarquer que l’Evangile montre de l’amitié et de la fraternité à foison : envers les disciples, envers les femmes que Jésus rencontre, et tant d’événements heureux et joyeux… il mentionne encore les plaisirs de la table, qui parcourent les évangiles… La vie de Jésus fut résolument une vie belle.
Le bonheur, voilà la réponse à la recherche de sens : Jésus a vécu heureux parce qu’il a trouvé ce sens dans sa condition humaine de vie. Dieu s’est rendu visible car, en réalité, il ne s’exprime en plénitude qu’en l’homme !
Sa conclusion : le christianisme n’est donc pas une religion de « religiosité », mais une vie libérée des idoles aliénantes, libérée des compréhensions trompeuses de la religion, une vie porteuse de beauté et d’espérance et enfin : un témoignage d’humanité !
J’aime beaucoup sa vision du christianisme comme témoignage d’humanité. Je pense qu’il s’agit là d’un enjeu majeur pour les Eglises vivant au 21ème siècle, de réitérer leur foi en l’homme, de passer d’un christianisme moral à un christianisme de valeurs. Que de pistes de réflexions qui nous font prendre conscience de la dynamique de la foi, et qui nous font entrer en mouvement pour toujours réformer notre église !
Je souhaite à toute et à tous une belle journée !
Guillaume
Mardi 11 octobre
Bonjour !
Le thème abordé ces prochains jours n’est pas nouveau. Il me touche profondément, m’interpelle car il répond de manière spirituelle à l’un des questionnements majeurs du 21e siècle, celui de savoir quelle Terre et quelles ressources allons-nous laisser à nos enfants, mais également celui de savoir à quelle vie allons-nous devoir nous accommoder dans ce moment historique où le climat change de manière inquiétante.
J’ai eu le plaisir d’entendre à ce sujet une conférence de Michel Maxime Egger, écothéologien orthodoxe d’origine neuchâteloise, sociologue et responsable d’ONG. Je vous propose de le suivre cette semaine, au travers de quatre axes de sa pensée, repris notamment d’une conférence qu’il avait donnée à l’EPFL en 2015, ainsi que d’une série d’articles parus dans l’hebdomadaire protestant « Réforme », de novembre à décembre de la même année.
La situation de crise
La postulation de départ de Michel Maxime Egger avoue et prend en compte l’actuelle situation de crise. L’essayiste Jean-Pierre Dupuy disait : « Nous ne croyons pas ce que nous savons ». L’attitude fondamentale est alors d’admettre que le réchauffement climatique dû à l’activité humaine n’est pas qu’une mauvaise passe à traverser.
Cette crise provient de la fin d’une croyance selon laquelle on peut produire sans limite, on peut « faire comme on a toujours fait ». Son paradigme remonte au 15e siècle : « une conception dualiste, matérialiste, utilitariste, anthropocentrique et patriarcale du cosmos et de l’être humain ». Une crise climatique, donc, mais plus encore crise systémique : la première n’est en réalité qu’une petite partie d’une crise plus générale du système dans lequel nous vivons.
Face à cette crise, nous avons trois possibilités :
1) « Business as usual », c’est-à-dire continuer sur notre lancée, consommer et vivre « comme d’habitude », sans se faire de souci, avec l’espoir que la science et la technologie résoudront nos problèmes.
2) La lucidité : recenser tout ce qui ne va pas, tout ce que l’humain « fait faux ».
3) « The great turning », comme M.-M. Egger l’appelle, un « grand tournant », un changement de situation comprenant un engagement personnel et collectif pour la transition d’un système qui détruit la vie à un autre qui la garantit.
La première possibilité, ne tenant pas compte de la situation de crise, ne mène nulle part, si ce n’est droit dans le mur. La deuxième possibilité évoquée est problématique, car elle est loin d’être créatrice. Pire, elle conduit inévitablement au découragement bloquant net tout élan positif. Reste donc la troisième possibilité. Cette dernière consiste en un champ de recherche extrêmement vaste, dans lequel de nombreux acteurs viennent apporter un élément, une réflexion, une action…
La thèse de Michel Maxime Egger est la suivante : Les champs usuellement explorés au jour d’aujourd’hui par la politique (COP 21, etc.) et par l’individu (recyclage, mobilité douce, consommation réfléchie, etc.) sont bons, mais ne sont pas suffisants. Cette écologie extérieure est insuffisante, car elle s’attaque aux symptômes plus qu’aux causes. Il faut en conséquence la compléter, par une écologie intérieure.
Je remarque que je parle à nouveau de quelque chose touchant à l’intériorité, tout comme dans ma dernière chronique, en septembre. Si j’en parle autant sur ce site, c’est peut-être parce que je suis convaincu que l’Eglise a, dans ce domaine-là, quelque chose de précieux à offrir au monde, un trésor à exposer, des outils pouvant jouer un rôle majeur dans la réflexion.
L’humain dé-naturé
Michel Maxime Egger tente d’expliquer le pourquoi de notre relation déséquilibrée avec la nature et pose la question :
Pourquoi l’être humain, malgré tout son génie créatif, se comporte-t-il de manière si destructrice ? Une espèce qui s’obstine à dégrader le milieu naturel dont elle a besoin pour vivre dans la quête de chimères matérialistes et dans le déni de ce qu’elle fait n’est-elle pas malade ?
Pour lui, l’homme contemporain est hors-sol, déconnecté de la toile de vie, en un mot : dé-naturé.
Je vous propose déjà, pour les jours à venir, de ne pas rester plongés dans ce pessimisme, mais plutôt d’explorer les propositions de Michel Maxime Egger pour aller de l’avant.
J’espère que ce sujet vous parle, qu’il provoque en vous des réactions ! Vous pouvez à tout moment les partager en commentant ci-dessous !
A demain !
Guillaume
Mercredi 12 octobre
Bonjour à toutes et à tous !
Aujourd’hui, allons plus avant dans le décryptage des causes de la crise écologique que nous vivons, et proposons une réflexion en conséquence !
Le moment théologique (ou cosmologique)
Reprenons : Selon notre auteur, nous sommes actuellement dans le paradigme de la Modernité, régissant notre vie. C’est celui de l’expansion économique, du matérialisme, mais également celui où Dieu est relégué vers une transcendance plus ou moins lointaine. Cela a pour conséquence que la nature a été peu à peu vidée de tout mystère et de toute intériorité.
C’est donc à ce moment particulier de l’histoire (bien que l’on puisse remonter au temps de la sédentarisation de l’homme) que l’homme va concevoir la nature non plus comme un partenaire, mais comme un objet, une réalité extérieure et étrangère (Dieu étant dans sa transcendance, il n’est plus en tout).
La grande question du moment théologique sera : Comment sort-on de cette vision de la nature « objet » ou « marchandise » ?
La conviction profonde de l’ « écospiritualiste » est que le changement s’opère avant tout en l’être humain, dans son être profond, dans sa façon de concevoir le monde qui l’entoure.
Notre théologien l’explique de manière concise :
Dans notre cheminement individuel et collectif vers un nouveau paradigme, une tâche essentielle consiste donc à sortir de cette vision désenchantée de la nature pour la rétablir dans sa plénitude d’être en lui redonnant une dimension « sacrée ». Parler de sacré à propos de la nature fait souvent peur aux Eglises, qui voient tout de suite poindre le paganisme contre lequel le christianisme a lutté pendant des siècles. Dans une perspective écospirituelle, le but cependant n’est pas de prôner une nouvelle religion de la nature, mais de définir une troisième voie permettant d’aller au-delà des deux modèles entre lesquels la question écologique est souvent enfermée : le panthéisme (qui identifie la nature à Dieu) et le matérialisme qui objective la nature en lui déniant toute réalité spirituelle.
M.-M. Egger
Cette proposition attire mon attention, parce qu’elle me parle particulièrement. Je m’identifie d’autant plus aux pistes proposées par les écopsychologues et écothéologiens : par exemple cesser de voir la Terre comme un objet, mais la considérer comme un super-organisme vivant. Le chrétien peut compléter par ce que la tradition orthodoxe appelle panenthéisme. Littéralement, il s’agit de la doctrine du « tout en Dieu » et du « Dieu en tout » (à ne pas confondre avec le panthéisme : là où ce dernier dit « cet arbre est Dieu », le panenthéisme affirme : « Dieu est dans cet arbre »). La nature est aussi l’habitat de Dieu. En respectant la nature ainsi que ses ressources, c’est également Dieu que je respecte.
Je crois qu’il s’agit ici d’un point central de ma foi, de ma relation à Dieu, aux autres et au monde qui m’entoure : je me considère comme étant moi-aussi création de Dieu. Création parmi la création, c’est donc un rapport fraternel qui m’unit aux éléments naturels. L’enjeu est de trouver une relation juste entre moi, Dieu et la nature.
A demain pour la suite de la réflexion, qui entrera dans l’intériorité de l’ancrage écospirituel.
Bonne journée !
Guillaume
Jeudi 13 octobre
L’Eternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et pour le garder. Genèse 2, 15
Bonjour à toutes et à tous !
Que serait une belle théorie sans praxis, sans une application, une interprétation pratique ? L’écospiritualité fournit, je trouve, une réflexion assez complète, un système de pensée cohérent, non pas seulement une belle idée quelque peu utopiste.
Transformer notre cosmos intérieur
Michel Maxime Egger prend très au sérieux ce verset 15 du deuxième chapitre de la Genèse. On peut, bien sûr, en faire une interprétation classique, extérieure. Cultiver et « garder » la terre impliquent un certain respect, un souci de « garder en état », de « préserver ». Mais selon lui, on peut également prendre ce verset différemment.
Ce jardin n’est pas seulement le cosmos extérieur, mais également le cosmos intérieur. Etre responsable de la Création, c’est également être responsable de tout ce qui nous habite : énergies désordonnées, passions égoïstes, peurs et pulsions inconscientes dont nous sommes les jouets. Egger précise : « Pour les écopsychologues, c’est par ces ressorts intimes que nous participons (parfois à notre insu) au système de croissanciste, productiviste, consumériste qui détruit la planète ».
On est ici au cœur de la pensée écospirituelle et écopsychologique ! Dans le profond de notre être se joue quelque chose de capital !
Mais késako ?
Il faudrait donc voir le jardin comme terre intérieure : c’est par là que passe la remise en cause du système qui érige la consommation comme mode d’être. C’est donc à l’intérieur de nous-même que l’on peut changer les choses. Comment ? Listons :
- Yeux de prédateurs ou regard d’amour ?
Comment usons-nous de notre capacité rationnelle, de notre liberté et notre puissance créatrice ? Avec des yeux de prédateurs ou avec un regard d’amour ? Comme des personnes égocentrées ou comme des personnes en quête de communion ? Dans une logique d’exploitation ou selon une dynamique de coopération et d’autolimitation ? Ce choix est de notre responsabilité. Michel Maxime Egger est clair : Nous avons à en répondre.
- Réorienter notre puissance de désir
Pour faire court, il s’agit pour l’humain du 21ème siècle de sortir de l’illusion que nous pouvons satisfaire des aspirations qui sont de l’ordre de l’être par des biens et des agréments qui relèvent de l’avoir. Passer ainsi de la peur du manque à une conscience de l’abondance : de la vie, de l’Esprit et de leurs dons.
- Sobriété heureuse
Marcher légèrement sur la terre en réduisant notre empreinte, c’est-à-dire habiter la terre comme notre propre maison et celle de Dieu. D’un point de vue écospirituel, nous sommes appelés à « aimer la terre comme nous-même », c’est-à-dire comme faisant partie intégrante de notre être le plus intime.
En préparant ce point, je constate à quel point le christianisme a déjà à sa disposition les éléments et outils nécessaires à ce changement. Les communautés de vie monastiques nous en offrent un exemple parlant : si des hommes et des femmes choisissent de ne plus se concentrer sur ce qui relève de l’avoir, c’est bien pour répondre d’une autre manière aux aspirations qui sont de l’ordre de l’être.
Peut-être que ce renversement par rapport au fait « d’être par l’avoir » pourrait être porté par nos communautés, afin de revaloriser l’écoute, la communion, le partage, … Je suis persuadé que ma génération et celle de mes enfants ne pourront plus vivre avec tant de confort. Nous sommes appelés à considérer sérieusement une nouvelle sobriété de vie, non dans l’affliction et dans la « privation », mais dans la joie heureuse d’une qualité de vie renouvelée et d’une communion retrouvée.
Moment ascétique
Evidemment, un chemin aussi complexe ne s’accomplit pas du jour au lendemain. L’écospiritualiste, comme d’autres croyants, sait que sa pratique (de quelque nature qu’elle soit) et ici plus particulièrement le travail qu’il opérera en lui, demande de l’exercice. Cultiver son jardin est donc une tâche ascétique (en effet, dans son sens premier grec askêsis signifie exercice).
Sur ce, une belle journée à toi, chère lectrice, cher lecteur !
Guillaume
Vendredi 14 octobre
Mais interroge donc les bestiaux, ils t’instruiront, les oiseaux du ciel, ils t’enseigneront. Cause avec la terre, elle t’instruira, et les poissons de la mer te le raconteront.
Job 12, 7-8
Bonjour!
Nous voici presque arrivés à la fin de notre parcours. Il s’agit donc de se diriger vers une conclusion, la plus concrète possible. Le plus important reste à faire : reconnecter le travail sur soi et le politique. L’agir prend ainsi une forme et une couleur, profondément ancré en un être nouveau : le méditant-militant. Celui-ci s’engage, mais pas de la même manière qu’auparavant.
Moment Politique : le méditant-militant
Malgré mon jeune âge pouvant faire dire que j’ai « toute la vie devant moi », je me demande si un jour j’arriverai à opérer en mon être profond un tel bouleversement. Egger ne sous-estime pas ce point : une telle mutation est l’œuvre d’une vie. Mais je pense que ma foi chrétienne peut m’apporter des outils importants : la méditation, la prière, le jeûne… Notre écothéologien souligne l’importance de redécouvrir la dimension écologique de ces outils. Je pense que notre église (comme les autres) peut être lieu d’une spiritualité réfléchie, profonde, ancrée.
Mais selon Egger:
le mode d’être (éthos) issu de l’écospiritualité ne prend sa plénitude que s’il s’incarne dans des engagements concrets, quotidiens et politiques, sur tous les plans : personnel, professionnel, familial, citoyen et ecclésial. Car il concerne toutes les dimensions de notre existence : la manière dont nous respirons, habitons, travaillons, consommons, gérons notre argent, nous alimentons, nous soignons et nous déplaçons. Là, nous retrouvons l’écologie extérieure, mais ancrée ailleurs dans l’être… (Egger)
Je ne peux que laisser les derniers mots à Michel Maxime Egger, qui conclut si bien :
La clé est de nous connecter à notre désir profond. Dans quel monde ai-je envie de vivre ? Chacun de nous possède le fil (parfois caché et inconscient, souvent ténu mais non moins réel) d’un autre possible. L’enjeu est de mettre en boucle transformation de soi et transformation du monde. Le moteur de cette double transformation est spirituel. Il passe par un retour au centre de l’être. Car c’est dans le lieu du cœur qu’action et méditation s’unissent pour donner naissance à un nouveau mode d’engagement écocitoyen : le « méditant-militant ». Fort de son encrage intérieur, le méditant-militant agit différemment . (M.-M. Egger)
Un point essentiel m’est resté de la conférence de Michel Maxime Egger, un point qui résonne en moi d’autant plus fortement que c’est une posture essentielle de ma foi : il s’agit paradoxalement du « non-agir », qui n’est aucunement passivité : cela signifie simplement que mon action ne relève pas de la volonté de l’égo. Ce n’est pas moi qui veux changer le monde, mais un Souffle, cosmique (ou divin selon les personnes, et j’en suis), qui va changer les choses à travers moi. Les fruits de mon action ne m’appartiennent donc pas.
J’ai voulu, par cette traversée rapide de la pensée écospirituelle, aborder des thèmes résonnant fortement en moi. Ces derniers font partie de mes questions « existentielles », car j’ai le rêve de vivre une vie harmonieuse d’être créé parmi les êtres créés, portant des valeurs de simplicité et de vie.
A toutes et tous une très belle fin de semaine !
Guillaume
Bonjour cher Guillaume,
merci pour cette chronique. Elle me fait penser à une anecdote: lors de la soirée de présentation de la campagne d’automne Terre Nouvelle, les intervenants ont présenté quelques produits issus des cultures du Chiapas où les communautés redécouvrent à travers le programme du DM les traditions culturelles ancestrales. Ce programme, il me semble, prend en compte la dimension spirituelle, du moins communautaire, et en cela je suis fière que notre Eglise soutienne un tel projet.
Une des questions posées à l’issue de la présentation: « peut-on acheter ces produits? » La réponse est non, puisque le but est qu’ils servent à la consommation courante des communautés locales… Mais cet instinct de vouloir toujours posséder (qui n’est pas forcément mauvais: il y a aussi un aspect d’échange culturel à ne pas négliger) m’a frappée… Aussi, à mon sens, si nous devons retrouver au plus profond de nous le rapport créature-création, nous ne devons pas oublier non plus que Dieu nous a élu responsable de celle-ci. Contrairement aux arbres et aux animaux, la complexité de la créature humaine la mène à faire des erreurs, à se couper de Dieu et de sa création pour assouvir ses désirs. Je sens qu’il en va de ma responsabilité de maîtriser mes envies pour davantage de justice, et cela ne va pas de soi, même avec la meilleure volonté. Par exemple: ces crevettes ont l’air délicieuses, et leur apport en oméga 3 sera bon pour moi, elles sont garanties issues de la pêche responsable… mais: de Norvège elles ont fait des kilomètres en avion pour arriver au Maroc pour être lavées et décortiquées, puis sont retournées en Norvège pour être emballées, avant de reprendre l’avion jusqu’à moi! Face au marché d’aujourd’hui, nous devons donc faire jouer notre intellect, notre sens éthique: c’est à devenir fou tant les marchés sont complexes, opaques. Je me trouve souvent face à des contradictions: poire pas bio de la région ou poire bio d’Afrique du Sud ?
Mais ce que tu m’apprends cette semaine, c’est que cette « lutte » qui parfois me décourage peut être faite dans la joie et dans l’approfondissement de notre rapport à Dieu et à la création. En somme, serait-ce faux de dire qu’avec Egger nous pouvons passer du « il faut » qui ressort de notre responsabilité à « il est bon de » qui ressort de notre élan spirituel à vivre comme créature de Dieu? A savoir que notre action responsable deviendra source de joie et de bonheur par un lien spirituel renforcé à la création et à notre Créateur? En tout cas, je me réjouis de découvrir la suite et de pouvoir approfondir cet aspect de la spiritualité auquel je n’avais jamais pensé en ces termes! Merci pour cette nouvelle perspective!
Cécile