Semaine du 11 au 17 juillet 2016. Lecture. Récits d’un pèlerin russe (2)

 

pèlerin

Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal;
mais recherchez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.
Soyez toujours joyeux.
Priez sans cesse.
Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ.

(1 Thessalonicien 5, 15-18)

Bonjour,

Les nombreux départs parmi les Neuchâtelois et l’arrivée des touristes dans notre beau pays le confirment: c’est les vacances! Je vous propose donc cette semaine, entre la grillade et la baignade de continuer de découvrir les Récits du pèlerin russe.

Le début du récit, la semaine passée, nous a présenté cet homme en quête d’édification. Après s’être posé de nombreuses questions sur la prière perpétuelle recommandée par saint Paul, notre pèlerin semble sur la bonne voie lorsqu’il rencontre un sage starets qui l’ouvre à la prière du coeur…

Lundi 11 juillet

Pour ne pas me séparer de ce sage vieillard et satisfaire plus tôt mon désir, je m’empressai de lui dire :

— Je vous en prie, père vénérable, expliquez-moi ce qu’est la prière intérieure perpétuelle et comment on peut l’apprendre : je vois que vous en avez une expérience profonde et sûre.

Le starets accueillit ma demande avec bonté et m’invita chez lui :

— Viens chez moi, je te donnerai un livre des Pères qui te permettra de comprendre clairement ce qu’est la prière et de l’apprendre avec l’aide de Dieu.

Nous entrâmes dans sa cellule et le starets m’adressa les paroles suivantes:

— La prière de Jésus intérieure et constante est l’invocation continuelle et ininterrompue du nom de Jésus par les lèvres, le cœur et l’intelligence, dans le sentiment de sa présence, en tout lieu, en tout temps, même pendant le sommeil. Elle s’exprime par ces mots : Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi !

Celui qui s’habitue à cette invocation ressent une grande consolation et le besoin de dire toujours cette prière ; au bout de quelque temps, il ne peut plus demeurer sans elle et c’est d’elle-même qu’elle coule en lui. Comprends-tu maintenant ce qu’est la prière perpétuelle ?

— Je le comprends parfaitement, mon père ! Au nom de Dieu, enseignez-moi maintenant comment y parvenir, m’écriai-je plein de joie.

[…]

Mardi 12 juillet

— Comment on apprend la prière, nous le verrons dans ce livre, reprit le starets. Il s’appelle Philocalie. Il contient la science complète et détaillée de la prière intérieure perpétuelle exposée par vingt-cinq Pères ; il est si utile et si parfait qu’il est considéré comme le guide essentiel de la vie contemplative et, comme le dit le bienheureux Nicéphore, « il conduit au salut sans peine et sans douleur ».

— Est-il donc plus haut que la sainte Bible ? demandai-je.

— Non, il n’est ni plus haut, ni plus saint que la Bible, mais il contient les explications lumineuses de tout ce qui reste mystérieux dans la Bible en raison de la faiblesse de notre esprit, dont la vue ne parvient pas jusqu’à ces hauteurs. Voici une image : le soleil est un astre majestueux, étincelant et superbe ; mais on ne peut le regarder à l’œil nu. Pour contempler ce roi des astres et supporter ses rayons enflammés, il faut employer un verre artificiel, infiniment plus petit et plus terne que le soleil. Eh bien, l’Écriture est ce soleil resplendissant et la Philocalie ce morceau de verre.

Écoute, maintenant, je vais te lire comment s’exercer à la prière intérieure perpétuelle. Le starets ouvrit la Philocalie, choisit un passage de saint Syméon le Nouveau Théologien et commença :

Demeure assis dans le silence et dans la solitude, incline la tête, ferme les yeux ; respire plus doucement, regarde par l’imagination, à l’intérieur de ton cœur, rassemble ton  intelligence, c’est-à-dire ta pensée, de ta tête dans ton cœur. Dis sur la respiration : « Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi », à voix basse, ou simplement en esprit. Efforce-toi de chasser toutes pensées, sois patient et répète souvent cet exercice.

Puis le starets m’expliqua tout ceci avec des exemples et nous lûmes encore dans la Philocalie les paroles de saint Grégoire le Sinaïte et des bienheureux Calliste et Ignace. Tout ce que nous lisions, le starets me l’expliquait en des termes à lui. J’écoutais avec attention et ravissement et m’efforçais de fixer toutes ces paroles dans ma mémoire avec la plus grande exactitude.

[…]

Mercredi 13 juillet

Nous passâmes ainsi toute la nuit et allâmes aux matines sans avoir dormi. Le starets, en me renvoyant, me bénit et me dit de venir chez lui, pendant mon étude de la prière, pour me confesser avec franchise et simplicité de cœur, car il est vain de s’attaquer sans guide à l’œuvre spirituelle.

A l’église, je sentis en moi un zèle ardent qui me poussait à étudier avec soin la prière intérieure perpétuelle, et je demandai à Dieu de vouloir bien m’aider. Puis, je pensai qu’il me serait difficile d’aller voir le starets pour me confesser ou lui demander conseil ; à l’hôtellerie, on ne me gardera pas plus de trois jours et près de la solitude, il n’y a pas de logis…

Heureusement, j’appris qu’un village se trouvait à quatre verstes. J’y allai pour chercher une place et pour mon bonheur, Dieu me favorisa. Je pus me louer comme gardien chez un paysan, à condition de passer l’été tout seul dans une hutte au fond du potager. Dieu merci – j’avais trouvé un endroit tranquille.

C’est ainsi que je me mis à vivre et à étudier par les moyens indiqués la prière intérieure, en allant souvent voir le starets. Pendant une semaine, je m’exerçai dans la solitude de mon jardin à l’étude de la prière intérieure, en suivant exactement les conseils du starets.

Au début, tout semblait aller bien. Puis je ressentis une grande lourdeur, de la paresse, de l’ennui, un sommeil insurmontable et les pensées s’abattirent sur moi comme les nuages. J’allai chez le starets plein de chagrin et lui exposai mon état.

[…]

Jeudi 14 juillet

Il me reçut avec bonté et me dit :

— Frère bien-aimé, c’est la lutte que mène contre toi le monde obscur, car il n’est rien qu’il redoute tant que la prière du cœur. Il essaye de te gêner et de te donner du dégoût pour la prière. Mais l’ennemi n’agit que selon la volonté et la permission de Dieu, dans la mesure où cela nous est nécessaire. Il faut sans doute que ton humilité soit encore mise à l’épreuve : il est trop tôt pour atteindre par un zèle excessif au seuil même du cœur, car tu risquerais de tomber dans l’avarice spirituelle.

Je vais te lire ce que dit la Philocalie à ce sujet. Le starets chercha dans les enseignements du moine Nicéphore et lut :

« Si, malgré tes efforts, mon frère, tu ne peux entrer dans la région du cœur, comme je te l’ai recommandé, fais ce que je te dis et, Dieu aidant, tu trouveras ce que tu cherches. Tu sais que la raison de tout homme est dans sa poitrine… A cette raison enlève donc toute pensée (tu le peux si tu veux) et donne-lui le « Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi ». Efforce-toi de remplacer par cette invocation intérieure toute autre pensée et, à la longue, cela t’ouvrira sûrement le seuil du cœur, c’est là un fait prouvé par l’expérience. »

— Tu vois ce qu’enseignent les Pères dans ce cas, me dit le starets. C’est pourquoi tu dois accepter ce commandement avec confiance et réciter autant que tu le peux la prière de Jésus. Voici un rosaire avec lequel tu pourras faire au début trois mille oraisons par jour. Debout, assis, couché ou en marchant dis sans cesse : Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi ! doucement et sans hâte. Et récite exactement trois mille oraisons par jour sans en ajouter ou en retrancher aucune. C’est ainsi que tu parviendras à l’activité perpétuelle du cœur.

[…]

Vendredi 15 juillet

Je reçus avec joie ces paroles du starets et m’en retournai chez moi. Je me mis à faire exactement et fidèlement ce qu’il m’avait enseigné. Pendant deux jours, j’y eus quelque difficulté, puis cela devint si facile que lorsque je ne disais pas la prière, je sentais comme un besoin de la reprendre et elle coulait avec facilité et légèreté sans rien de la contrainte du début.

Je racontai cela au starets, qui m’ordonna de réciter six mille oraisons par jour et me dit :

— Sois sans trouble et efforce-toi seulement de t’en tenir fidèlement au nombre d’oraisons qui t’est prescrit : Dieu te fera miséricorde.

Pendant toute une semaine, je demeurai dans ma cabane solitaire à réciter chaque jour mes six mille oraisons sans me soucier de rien autre et sans avoir à lutter contre les pensées ; j’essayais seulement d’observer exactement le commandement du starets. Qu’arriva-t-il ? Je m’habituai si bien à la prière que, si je m’arrêtais un court instant, je sentais un vide comme si j’avais perdu quelque chose – dès que je reprenais ma prière, j’étais de nouveau léger et heureux. Si je rencontrais quelqu’un, je n’avais plus envie de parler, je désirais seulement être dans la solitude et réciter la prière ; tellement je m’y trouvais habitué au bout d’une semaine.

Le starets qui ne m’avait pas vu depuis dix jours vint lui-même prendre de mes nouvelles ; je lui expliquai ce qui m’arrivait. Après m’avoir écouté, il dit :

— Te voilà habitué à la prière. Vois-tu, il faut maintenant garder cette habitude et la fortifier : ne perds pas de temps et, avec l’aide de Dieu, prends la résolution de réciter douze mille oraisons par jour ; demeure dans la solitude, lève-toi un peu plus tôt, couche-toi un peu plus tard et viens me voir deux fois par mois. Je me conformai aux ordres du starets et, le premier jour, c’est à peine si je parvins à réciter mes douze mille oraisons que j’achevai tard dans la soirée.

2 réflexions sur « Semaine du 11 au 17 juillet 2016. Lecture. Récits d’un pèlerin russe (2) »

  1. Bonjour,
    la prescription que le starets et notre Pèlerin trouvent dans la Philocalie s’apparente à la méditation actuelle accompagnée d’un « mantra ». Celui-ci, dans la méditation chrétienne, est souvent « Maranatha »: Viens, Seigneur Jésus… Pour ma part, lors de la méditation, j’opte souvent pour « Kyrie Eleison », qui s’apparente davantage à la prière du coeur de notre pèlerin, mais le grec permet à la pensée de se fixer sans toutefois restée bloquée par le sens des mots. Méditez-vous? Je serais curieuse de connaître comment vous pratiquez la prière du coeur dans la méditation…
    Belle journée
    Cécile

  2. Bonjour,
    en ce 14 juillet, je suis très touchée par les obstacles que rencontre notre pèlerin. La solution donnée par le starets me semble intéressante. Sans l’appliquer à la lettre, je note que la foi, la confiance pleine et entière en Dieu, est un mélange entre persévérance et abandon. C’est personnellement dans cette tension entre volonté et lâcher-prise, entre assurance et humilité, que j’approfondis chaque jour mon parcours de fille de Dieu en marche sur le chemin de vie…
    Qu’en pensez-vous?
    Bien sincèrement
    Cécile

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