Semaine du 12 au 18 septembre 2016. Schubert: foi et romantisme

 

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Le Seigneur inscrit dans le livre des peuples:  » A cet endroit est né tel homme « , mais ils dansent et ils chantent:  » Toutes mes sources sont en toi!  »

(Psaume 87, 6-7)

 

On a reproché aux romantiques d’ériger l’art en sacerdoce, de faire de l’artiste un prêtre… en dehors de la religion chrétienne. Particulièrement en France où la Révolution précède la période romantique et avait préparé le terrain à une attitude de manque de confiance en l’Eglise:  imaginez ne plus compter les années à partir de Jésus-Christ!

La Vienne de Schubert est catholique, et l’éloignement du compositeur de l’institution ecclésiale a trop souvent laissé croire qu’il avait résolument mis de côté sa propre foi…

En cette semaine de Schubertiade (ce dimanche 18, venez nombreux! programme pdf), l’événement est annoncé par une très belle affiche. Elle montre la bonne société allemande se régalant de la musique de Schubert et reflète notre propre plaisir à entendre interpréter, par de grands musiciens, l’œuvre, laïque, de Schubert.

Cette assemblée rend-elle grâce à Dieu en se réunissant autour du compositeur? Cela semble possible, en théorie du moins (je ne connais pas les sentiments religieux de ces cercles viennois) puisque les versets du psaume 98 admettent le génie individuel, « à cet endroit est né tel homme ». Cependant, une condition est donnée: reconnaître que le génie est l’oeuvre de Dieu. Admirateurs des arts, nous devons reconnaître devant Dieu que: « Toutes mes sources sont en toi », et resituer le génie de chacun à sa juste place, comme une grâce, un don de Dieu.

Je souhaite donc consacrer la chronique de cette semaine à explorer le rapport de Schubert à la foi. Nous qui allons entrer dans l’année du jubilé de la Réformation, nous pouvons peut-être ajouter aux « réformes », celles, personnelles, des artistes romantiques…

Sont-ils les psalmistes de leurs temps? sont-ils adorateurs d’idoles qui les éloignent de Dieu? Comment recevoir spirituellement les œuvres de ces artistes romantiques à qui on a souvent reproché de vouloir remplacer Dieu par l’Art?

Je me réjouis d’entrer dans ces questionnements avec vous cette semaine

Bien à vous

Cécile

Lundi 12 septembre

Bonjour à vous,

sur les traces de la foi chrétienne de Schubert, je commencerai aujourd’hui par résumer la situation en reprenant les propos d’ Olivier Bellamy. Le spécialiste de Schubert, auteur d’un livre splendide Un hiver avec Schubert, est aussi animateur de Radio Classique. Il a parcouru l’histoire et l’oeuvre du compositeur dans une vingtaine de chroniques audio inspirées de son livre, et le 14ème épisode est consacré à « La foi ».

Sans être un libre penseur ou un dévot, Schubert possède une foi teintée d’inquiétude, qui est la marque des grands esprits sensibles. Il se tient à l’écart du catholicisme rigoureux de son époque, car à ses yeux l’amour de Dieu et des Hommes ne fait qu’un.

Je crois pouvoir en cela penser que Schubert nous offre certaines oeuvres qui questionnent et interrogent la foi, pour remettre en son coeur l’amour pour le prochain, un aspect pour le moins fondamental. Olivier Bellamy ajoute:

La foi de Schubert rappelle celle de Mozart : ce sont deux catholiques amoureux des plaisirs de la vie, poètes, et philosophes. Si Mozart, lui, plaçait l’amour au-dessus de tout, Schubert – pour qui l’amour est trop associé à la douleur – place la foi au sommet de son chemin d’artiste. « Pour comprendre quelque chose », dit-il, « je dois d’abord croire à quelque chose ».

Cette vision de l’art de Schubert me semble belle, à moi protestante réformée. En effet, Schubert me semble ici réaffirmer avec force le « sola fide »: c’est au-delà des dogmes, de l’intellect, de la théologie dans laquelle nous apprenons à comprendre Dieu que nous rencontrons vraiment l’Eternel qui a décidé de nous rejoindre en Christ. Avant d’aimer Dieu ou mon prochain, je dois déjà avoir foi, confiance en sa présence en moi et sur toute la terre. Et cette confiance mène un artiste à s’exprimer… et la palette des expressions est large: chants de louange, certes, mais aussi de plainte, de désespoir, de découragement comme nous le prouvent les Psaumes.

Bellamy à ce titre, pense que malgré l’inquiétude et la mélancolie qui parcourt la musique de Schubert, elle nous aide à faire naître en nous cette prise de conscience de la réalité de Dieu dans nos vies, en Christ et par l’Esprit. Si petits que nous sommes, sa musique nous appelle à nous relever spirituellement, à nous mettre en marche sur le chemin de vie et de lumière du Christ, animés et soutenus par son Esprit dans la confiance et dans l’humilité:

Cette foi s’exprime tout naturellement dans son Ave Maria dont Yehudi Menuhin disait que c’était une mélodie qui faisait naître chez toute personne un sentiment d’élévation spirituelle. Schubert s’est rendu compte du pouvoir de ce chant, né spontanément sous sa plume. « Cela provient je crois », disait-il, « de ce que je ne me force jamais au recueillement ». Car Schubert, tout en étant un génie, sait s’agenouiller devant le mystère.

Oui, dans la musique, je constate l’infinie puissance de Dieu qui nous rend capable de participer à la beauté de sa création par nos propres moyens. Tout humains que nous soyons, la grâce nous est donnée de participer au mystère de Dieu, ici et maintenant. Cette grâce, nous pouvons l’exprimer de mille manières: un verre d’eau offert à celui qui a soif, une parole de vie pour notre voisine aigrie, mais aussi par un poème, un tableau ou un chant créés pour la gloire du Seigneur…

Nous le verrons, Schubert semble bien plus ancré dans la foi qu’on a bien voulu le dire… et je vous propose de revenir, ces prochains jours, sur les aspects chrétiens de sa vie, pour ensuite les étudier dans sa musique.

Je vous souhaite à tous une très belle journée

Cécile

Mardi 13 septembre

 

Bonjour,

Pour mieux comprendre le contenu spirituel chrétien des œuvres de Schubert, nous évoquerons aujourd’hui son parcours de vie et de foi, détaillé par Jason Jye-Sung Moon dans sa thèse de doctorat, en anglais, que je mets à la disposition de ceux qui voudraient approfondir le sujet : A Guide to Franz Robert Religious Songs. La musique religieuse de Schubert y est analysée de façon pointue, et l’accent est mis sur les chants religieux.

Schubert a donc entretenu une certaine distance avec la religion passé sa jeunesse, mais sa foi chrétienne reste manifeste durant toute sa vie. Sa jeunesse est fortement marquée par les pratiques catholiques strictes de sa famille qui ont laissé de bonnes et mauvaises impressions sur lui. Puis, tout au long de sa vie, ce sont diverses rencontres qui ont modulé sa foi de façon.

Durant son enfance, son père l’élève dans la peur de Dieu, alors que sa mère est beaucoup plus tendre et conçoit une foi ancrée dans l’amour et le dévouement. C’est surtout son premier professeur de musique, Michael Holzer, très affectionné et qui reconnaît le génie naissant de Schubert, qui lui donne une vision positive de la religion, mais surtout de sa condition d’enfant de Dieu : il lui présente son talent comme un don de Dieu, qui procure de la joie, mérite d’être cultivé à la gloire du Seigneur. En 1826, Schubert dédiera sa première messe à Holzer.

Schubert est alors garçon de chœur et adore la richesse musicale du répertoire catholique religieux, on le dit zélé durant les offices et plein de dévotion dans son chant. Lors de ses études musicales, en internat, il s’affranchit de la stricte autorité paternelle. Lors de ses études, il réaffirme certaines croyances religieuses, mais rejette celles qu’il trouve trop limitées. Schubert est marqué par la taille des messes et leurs qualités musicales, qui renforcent ses convictions. Schubert est zélé et remet souvent ses premières compositions à Dieu. L’école tenue par des moines, et l’instruction religieuse est complète, très conservatrice, mais beaucoup des élèves viennent de familles moins strictes que la sienne. Avec ses amis, il discute librement des dogmes, peut-être surpris par leur relation moins anxieuse à Dieu. Il n’aime pas la rigidité des professeurs qui veulent tout garder sous contrôle, et finit par concevoir de l’animosité pour l’Eglise en tant qu’institution, c’est peut-être pour cela qu’il supprimera systématiquement du Credo de ses messes le Et Unam Sanctam Catholicam et Apostolicam Ecclesiam qu’il associe à la volonté prosélyte de l’Eglise catholique.

En 1812, sa voix mue… il ne peut continuer à chanter dans le chœur et décide de quitter l’école pour se destiner à l’enseignement. Il devient alors assistant de son père, ce qui est probablement difficile vu l’extrême rigidité de ce dernier. Il quitte la maison paternelle en 1816 pour vivre avec un ami, Schober. Exact inverse de la figure paternelle, cet ami, pas très religieux… Brillant mais peut-être aveuglé par son intelligence, il le pousse à plusieurs reprises à la dissipation. A cette période, au quatuor familial et à la communauté ecclésiale se substitue un public composé de jeunes intellectuels. Ses amis lui ouvrent les portes de salons bourgeois et aristocratiques, et ses œuvres sont jouées dans des soirées musicales, celles notamment de la noble famille Esterházy, dont il deviendra le maître de musique des enfants.

Mais dès 1819, lorsque Schubert décide de se consacrer à la composition, il n’a plus aucune assurance de revenu et doit se battre pour être indépendant, ce qui donnera une tout autre teinte à sa musique qui exprimera davantage ses états d’âme. Il se passionne pour la poésie romantique et connaît un succès auprès de ce public sensible et lettré qui caractérise les amoureux de cette nouvelle tendance artistique. À partir de 1821, les réunions d’amis autour de la musique de Schubert s’institutionnalisent et prennent le nom de Schubertiades, dont nous perpétuons aujourd’hui le souvenir…

Il s’impose comme le maître incontesté du lied. Côté personnel, il oscille entre des phases enthousiastes et de profondes dépressions, il contracte, on le sait, la syphilis qui sera cause de sa mort. Du côté de la foi, il s’éloigne radicalement des institutions ecclésiales, mais cela ne signifie pas qu’il a abandonné une fois plus personnelle. Ni évangélique ni conservateur, plusieurs témoignages affirment qu’il a gardé la foi toute sa vie, et nous le verrons demain, son œuvre musicale religieuse montre bien que si la confiance en l’Eglise est perdue, la quête de Dieu reste centrale pour Schubert.

Pour moi, Schubert évoque la difficulté du chrétien de vivre dans le monde sécularisé tout en maintenant sa foi vivace. Faire de chacun de nos gestes une louange à Dieu… une volonté difficile à tenir dans notre monde. Que penser, en tant que protestants, de l’éloignement de Schubert de l’Eglise? et, par prolongement, que penser aujourd’hui de nos connaissances et amis réformés qui disent avoir la foi mais ne plus avoir envie de rejoindre nos paroisses? Comment mieux faire passer le message de l’Evangile? Comment nous adapter aux questionnements de nos contemporains sans toutefois renier nos fondements théologiques réformés?

Bref… comment accueillir chaque individu pleinement, sans renier pour autant le message premier de l’Evangile du Christ?

Nous verrons demain comment Schubert a trouvé sa voie/voix personnelle dans le chant religieux… aurait-il été reconnu par l’Eglise en milieu protestant comme un porteur de l’Evangile?

Bien à vous

Cécile

Mercredi 14 septembre

Bonjour,

Suite au parcours biographique de Schubert, Jason Jye-Sung Moon évoque ses œuvres religieuses. Il rappelle qu’en 1825, Schubert dans une lettre parle de sa piété exprimée dans un hymne à la sainte Vierge et dit ne pas pouvoir composer de telles pièces sans se sentir lui-même plein de dévotion. Cette lettre écrite à son père était peut-être destinée à le « rassurer », mais à cette période, il semble qu’il exprime réellement dans son œuvre des questionnements et des réflexions profonds sur ses sentiments religieux.

En fait, les aigreurs et l’amertume de Schubert face aux dogmes et rigidités catholiques de ce début de XIXe siècle seraient certainement partagées par nous aujourd’hui. Par ailleurs, déjà à l’époque, Schubert se rapproche de la tradition réformée en composants des chants au Seigneur en dehors de la stricte liturgie catholique.

Aujourd’hui encore, notre Eglise évangélique réformée cherche à renouveler le répertoire pour trouver d’autres manières d’exprimer sa foi. Parfois, ces tentatives contemporaines laissent un peu sceptique, parfois elles semblent réellement inspirées par l’Esprit. Du côté des compositeurs, nous faisons appel encore aujourd’hui à ceux qui nous semblent à même de traduire notre foi. Pour le Jubilé de la Réforme, Daniel Mabongo a composé un chant que nous reprendrons dans tout le canton. En voici les paroles :

L’humanité

Unissons nos esprits et nos voix
Pour chanter l’humanité
Unissons nos esprits et nos mains
Pour porter l’humanité

Refrain

Viens Esprit, Esprit de feu
Restaurer l’humanité
Viens Esprit, esprit d’amour
Façonner l’humanité

Nous voulons préserver dans la joie
L’avenir de nos enfants
Nous croyons à l’amour du prochain
Gage d’un monde vivant

Refrain

Jésus-Christ guide-nous dans nos choix
Sur cette terre des vivants
Pour la vie, aujourd’hui et demain
Toi le Fils du Dieu vivant

Refrain

Que l’Eglise témoigne par sa foi
Le bien de l’humanité
Que sa prière appelle d’une seule voix
La paix de l’humanité

Refrain.

 

J’aime beaucoup ce chant, pour moi Daniel est un « psalmiste » d’aujourd’hui, comme je l’ai dit dans mon article sur la cérémonie des vingt ans de la PAC. Dans un tout autre genre, nous aurons l’occasion en novembre prochain d’entendre interprété un oratorio de Schyder composé spécialement pour le Jubilé. Toutes ces œuvres musicales contemporaines composées à la gloire du Seigneur me réjouissent ! Si leur contenu théologique n’est peut-être pas aussi rigoureux que celui de nos théologiens, ils sont le signe pour moi que notre foi est vivante, que nous sommes sans cesse en chemin à la suite du Christ, malgré certainement quelques imperfections bien humaines… Qu’en pensez-vous ?

Revenons à Schubert. S’il compose moins de musique religieuse à la fin de sa vie, il ne laissera jamais tomber la composition de musique sacrée. Celle-ci est soit liée à un texte liturgique, soit purement instrumentale, elle s’éloigne des normes litugriques catholiques pour s’approcher de plus en plus des compositions plus fluides et libres du protestantisme, comme en témoigne le choix de textes de Klopstock. Sa Messe allemande témoigne des libertés prises face aux « dogmes musicaux » catholiques, il y mêle divers textes écrits en allemand, elle lui a été commandée par Neumann qui voulait une musique assez simple pour que la communauté puisse participer, et convient pleinement à une liturgie dont le principal souci est la transmission de l’Evangile. Je suis pour ma part convaincue que la musique est un vecteur de la foi…

Schubert écrit des chants à partir de textes poétiques religieux qui le touchent particulièrement, ses chants religieux font une plus large place à l’expression musicale, comparés à la nécessité, pour la liturgie catholique, de mettre en avant le texte. Son thème de prédilection est le salut spirituel, à travers l’expérience individuelle, il raconte souvent l’expérience de la grâce divine, des sortes de témoignage de foi, qui pour ma part me touchent.

Schubert met aussi en musique le psaume 92 pour la synagogue de Vienne, signe de son œcuménisme. Il compose d’ailleurs à plusieurs reprises sur des textes de la Bible : l’évangile de Jean, l’épître aux Corinthiens, les psaumes, etc. ou d’inspiration biblique comme l’Air d’Abraham sur un texte de Métastase, ou Marie, un poème de Novalis. En cela, de nombreux de ces chants pourraient facilement être intégrés à un culte réformé d’aujourd’hui…

A travers les chants religieux, il exprime sa dévotion personnelle. Il n’a certes pas vécu la vie religieuse conventionnelle d’un bon catholique, mais l’œuvre qu’il laisse prouve la profondeur de sa foi, ses chants religieux peuvent servir de supports pédagogiques de catéchèses ou du moins comme témoignage d’une foi sincère en quête de sens, comme le disait Guillaume dans sa dernière chronique, nous avons divers moyens d’évangéliser notre intérieur, et la musique en fait pour moi partie.

Schubert souscrit parfois à la tendance romantique d’évoquer le divin à travers la nature, aspect panthéiste du romantisme qui personnellement me dérange un peu parfois, mais qui rend grâce aux beautés de la création, ce qui, de nos jours où nous mettons en danger notre terre par nos agissements anti-écologiques ne peut certainement que nous appeler à en respecter les beautés. Je propose demain de parler plus généralement de la musique romantique et de son rapport au divin…

Belle journée, et que la musique la berce!

Bien à vous

Cécile

Jeudi 15 septembre

Bonjour,

Parler en quelques paragraphes du romantisme et de la religion est très difficile. D’une part car le Romantisme dépend d’abord beaucoup des pays, mais plus encore des individualités propres à chaque artiste. Côté religion, que de choses ont changé ! Finalement, les rapports entre les deux ont souvent été simplifiés… Je souligne que mes réflexions du jour seront très partielles…

Lorsqu’on étudie le Romantisme en littérature française (mon domaine professionnel), il est souvent convenu de dire que les écrivains s’éloignaient de la foi. En réalité, en France, ils s’éloignaient surtout de l’orthodoxie catholique. En cela, beaucoup d’ « hérétiques » nous semblent aujourd’hui tout à fait pieux, ils entretiennent souvent de nombreux points communs avec la tradition réformée et protestante puisque, en un mot, nous pouvons dire que l’artiste romantique cherche à exprimer une vision personnelle de la foi.

Cela correspond assez à notre posture actuelle qui reconnaît que Dieu nous aime tels que nous sommes, dans notre diversité. Par ailleurs, ces artistes issus du catholicisme cherchent un sens à leur foi qui les mènent à revenir à nos grandes préoccupations protestantes et réformées. Notre sola scriptura est visible dans le rapport plus direct qu’ils entretiennent aux écritures. Leur revendication d’un rapport au texte à la fois immédiat et sacralisé, respectueux et libre fait penser à notre souci de rendre l’Evangile compréhensible à chacun pour que la personne se l’approprie dans sa vie.

Beaucoup d’artistes romantiques, comme nous, cherchent un mode d’appropriation du texte sacré. Remettre au coeur les Ecritures, particulièrement le Nouveau Testament, c’est assez naturellement revenir à la figure du Christ…solo Christo!

Leurs doutes, notamment la remise en question de l’idéal de la raison des Lumières, les mènent souvent à admettre que la volonté de Dieu seule est première: sola fide et sola gratia sont ainsi affirmées à plusieurs reprises.

Cependant, issu des réactions au rationalisme des Lumières, le courant romantique n’a pas toujours cherché dans la bonne voie, et certains effets n’ont pas été très bons : certains se sont jetés à corps perdu dans un fidéisme accentué, un mysticisme parfois douteux ou, au contraire ont tenté de rationaliser la foi à l’extrême, pour battre la raison sur son propre terrain. D’autres ont affirmé un agnostisme profond issu de leur désœuvrement, doutant que Dieu agisse réellement dans cette humanité qui vit, en France, révolution, guerres et absolutisme… ce qui les mène parfois jusqu’à l’athéisme.  On a alors accusé les romantiques de participer à la déchristianisation de la société.

Ce n’est pas l’avis de Max Milner qui pense au contraire que la plupart des artistes ont travaillé à une rechristianisation post-révolutionnaire originale. On leur a reproché de « s’approprier Jésus-Christ » : mais était-ce une erreur ? n’est-ce pas ce que tout chrétien est appelé à faire pour lui-même ?

Cela dit, les réactions romantiques nous mettent en garde contre l’exégèse parfois trop arbitraire que l’on fait lorsqu’on témoigne, par l’art notamment, de notre foi. Les théologiens n’ont pas été épargnés par cette tendance humaine : on a longtemps, au XIXe siècle, justifié le « progrès » sans limites des sciences au nom de la Genèse où il est « dit » que l’homme a le « droit » de disposer librement de la création qui lui est soumise.

Je pense donc qu’il est nécessaire, afin de se garder de plaquer nos propres idées et désirs sur la volonté de Dieu, de penser notre foi avec l’histoire de notre église et les fondements théologiques qu’elle affirme. Toujours se réformer, mais aussi toujours réaffirmer nos fondements qui sont, à mon avis, les 4 soli : Fide, scriptura, gratia, christo !

Pour beaucoup d’artistes romantiques en effet, il s’agit moins de vivre sans Dieu que de remettre en question la liturgie, à trouver une forme plus authentique d’exprimer sa foi : attitude très « réformée ». Cependant, ils montrent aussi tous les dangers que cela représente : celui d’enfermer Dieu dans des idéaux personnels…

L’art religieux ou spirituel romantique peut donc, selon moi, être vu comme un « laboratoires de recherche » dont le but était noble : retrouver les racines de la foi et l’ancrer dans sa vie personnelle. Il n’est pas, comme on a trop souvent voulu le dire, uniquement l’expression d’états d’âme.

Voilà, je vous laisse sur ces quelques considérations, en concluant que l’art romantique, mais aussi toute parole sur Dieu doit être prise au sérieux… Nous devons les questionner afin de savoir dans quelle mesure cet art ou cette parole pourront nourrir notre foi ou, au contraire, nous en éloignent…

Je dirais donc que nous devons, et cela n’est pas toujours facile, suivre ce que le Christ nous dit dans Matthieu 10, 16 :

Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups.

Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes.

Il y a de quoi méditer… et prier pour que le Seigneur nous aide par son Esprit à chaque jour vivre plus intensément la réalité de la présence de son Fils dans nos vies humaines qu’il a sanctifiées par son incarnation, sa vie, sa mort et sa résurrection ! Quelle grâce…

Pleine de reconnaissance et de confiance entre notre Dieu vivant,

Je vous souhaite une très belle journée

Cécile

Vendredi 16 septembre

Bonjour

je souhaite partager aujourd’hui deux témoignages, un sur la musique et l’autre sur la culture, en lien avec la foi et la religion.

Le premier concerne directement Schubert et sa musique, il s’agit de l’interview de Niklaus Harnoncourt, grand chef d’orchestre qui a une profonde affinité avec la musique religieuse de Schubert. Il dit de la Messe n° 5 de Schubert (je traduis de l’anglais) :

Je pense que cette messe est un témoin du combat pour augmenter la foi et les sentiments religieux. La religion n’est pas un cadeau « ready-made » (« prêt-à-porter ») : c’est une question de recherche. Et je pense que Schubert était un homme profondément religieux.

Le compositeur ajoute que la Messe n° 5 apporte une profonde expérience de mouvement depuis le début, car Schubert la base sur les trois mots ouverts : kyrie, Christe, eleison.

« Kyrie ; christe ; eleison. La traduction de ces mots est Seigneur, prends pitié. Mais eleison peut avoir des centaines de traductions, il peut vouloir dire « pourquoi ne m’écoutes-tu pas ? », « s’il te plait écoute-moi », « merci de me donner la consolation dont j’ai besoin », « j’ai peur de m’éloigner de toi si tu ne m’écoutes pas »,… Je crois qu’écouter ce mot met en mouvement et que cela signifie plus que simplement « prends pitié »

 

Ces mots du chef Nikolaus Harnoncourt correspondent à un des aspects de la musique religieuse que j’aime beaucoup : le texte et la teinte musicale nous donnent une base, une teinte générale, mais nous nous approprions toujours aussi personnellement la musique, selon nos besoins du moment, la messe nous donnera courage, reflétera nos doutes, ou nous emplira de paix…

Car comme le chef d’orchestre le dit si bien, la foi n’est pas un plat tout prêt à simplement réchauffer au micro-ondes, nous devons d’abord la cultiver, la laisser croître, sans cesse replanter des graines, en récolter les semailles,  et … les cuisiner nous-même ! Je vous donne ici un lien vers la messe n° 5 de Schubert, et je vous conseille d’écouter le Kyrie d’ouverture… Je ne l’ai pas trouvée dirigée par Harnoncourt, mais par Neumann, filmé par arte et donc de bonne qualité…

Je terminerai cette chronique en citant le grand intellectuel Jean Starobinski dont j’étudie la pensée sur la littérature et le romantisme depuis longtemps. Dans un interview par Emmanuel Rolland et Jean-François Berger en 2016 pour la VP, il s’est exprimé ainsi sur les liens entre culture et Dieu :

La culture est de l’ordre de l’éveil ; de l’éveil à une joie nourrie par un apport extérieur qui ne vient pas de soi, qui n’est pas le produit de notre simple vie organique mais du monde humain qui nous entoure et qui nous est offert, dans un acte de don.

Oui, pour moi, la musique, les arts et les lettres sont une expression humaine, mais aussi un don qui nous vient de Dieu qui montre à quel point il nous réserve une place toute spéciale dans sa création. Je laisserai Jean Starobinski clore cette chronique et vous invite à méditer cette idée :

Je dirais que je crois en l’homme dans la mesure où il est apte à chercher ce qui le dépasse. Autrement dit, je crois en l’homme tant qu’il a besoin de ce qui le dépasse et qu’il le cherche.

J’ajouterai simplement que « ce qui le dépasse » est ce Dieu, Tout-Autre, mais qui dans sa grâce infinie s’est fait homme en Christ pour nous montrer son amour. En Christ, nous sommes pardonnés et sanctifiés, et par son Esprit aujourd’hui nous pouvons lui témoigner notre confiance, notre amour, notre reconnaissance, mais aussi nos doutes, nos malheurs et nos espoirs parfois sur le point de s’éteindre… Pour cela, il nous a couvert de dons, parmi lesquels l’expression musicale…

Je vous souhaite un bon week-end et espère vous voir à la Schubertiade !

Bien à vous

Cécile

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