Semaine du 17 au 23 octobre 2016. Inclure et reconnaître la diversité en Eglise

 

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Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ.

(Ga 3, 28)

Bonjour,

Une journée réflexion organisée par la Maison Verte, le Carrefour des Chrétiens Inclusifs, The American Cathedral in Paris, la Mission Populaire Evangélique de France, D&J, avec le soutien de «Réforme, hebdomadaire protestant d’actualité» s’est tenue ce lundi 17 octobre 2016 à l’Institut protestant de théologie (IPT) de Paris.

Outre un riche apport théorique et théologique sur la question de l’inclusivité, cette journée a permis de prendre acte des actions menées dans les Eglises de différentes confession dans leur chemin vers l’inclusivité.

Je vous propose cette semaine de reprendre les différentes interventions en espérant que celles-ci nous montreront que cheminer vers l’inclusivité est non seulement une vocation pour toute Eglise désireuse de marcher vers la vérité et la vie que nous propose le Christ dans son amour infini pour toute l’humanité, mais aussi que nous disposons désormais d’exemples concrets d’actes posés par certaines Eglises qui déjà portent leurs fruits.

Je vous souhaite un beau début de semaine et me réjouis de partager avec vous les riches perspectives ouvertes par cette journée d’étude,

Bien à vous

Cécile

Lundi 17 octobre

Bonjour,

Ce matin, Corinne Lanoir, doyenne de l’Intitut de théologie protestante de Paris accueille la trentaine de personnes réunies ce lundi matin en remerciant les acteurs qui ont rendu possible et apporté leur soutien au CCI pour l’organisation de cette journée.

L’inclusivité est une notion explorée depuis plusieurs années par le CCI. Tournée essentiellement vers l’accueil et la pleine reconnaissance des personnes LGBT, Corinne Lanoir ( ?) rappelle que l’inclusivité ne se cantonne pas à la question de l’inclusion des diverses orientations sexuelles, mais peut être pensée de manière plus large  comme le projet et les moyens mis en place pour accueillir et donner sa place en l’Eglise à toutes les personnes laissées en marge de l’institution : aux personnes homosexuelles s’ajoutent les personnes en situations de handicap, les migrants, etc.

Elle cède la parole à Marina Zuccon, pour préciser l’histoire et le champ d’action de la notion d’inclusivité… tout à l’écoute, je rendrai compte demain de cette première intervention.

Belle journée

Cécile

Mardi 18 octobre

Marina Zuccon ouvre son intervention en proposant de visionner une publicité de l’UCC (United Church of Christ), église américaine qui a milité pour l’inclusivité notamment à travers ce spot : une jeune maman et son bébé qui pleure, une personne handicapée, un homme vraisemblablement d’une classe sociale inférieure à la majorité de l’assemblée : tous sont successivement éjectés de leur siège. De façon burlesque, ces exclusions successives nous interrogent sur l’attitude de nos Eglises face aux minorités qui souhaitent rejoindre nos communautés.

intégrer vs inclure

Marina Zuccon rappelle qu’historiquement, on a progressivement préféré le terme inclusion à celui d’intégration. Intégrer en effet, est synonyme d’amalgamer, renouveler. Il s’agit quand on parle d’intégration d’insérer un élément dans un tout dans le but qu’il s’y mélange afin que le tout reste homogène. Cela suppose que l’on ne reconnaisse pas l’élément qui, une fois intégré, sera fondu dans la masse.

L’inclusion qui étymologiquement signifie quelque chose qui est enfermé a progressivement été préféré car le terme suppose une reconnaissance de toutes les parties qui forment le tout. L’inclusion ne gomme pas les différences entre les éléments d’un même ensemble. Inclure a pour synonymes contenir, englober, insérer : l’hétérogénéité est préservée.

Sur le plan de l’accueil en Eglise, inclure signifie introduire dans la majorité de nouveaux éléments en reconnaissants leurs spécificités propres. Intégrer signifierait demander aux personnes qui rejoignent l’Eglise de se fondre dans la masse, de gommer leurs différences pour se fondre dans la norme. L’inclusion suppose de prendre en compte les différences de chacun.

Au niveau des décisions, intégrer signifie demander à la minorité accueillie de se plier à la majorité, de gommer tout ce qui pourrait l’en différencier, à savoir cacher son homosexualité, laisser son enfant en bas âge à la maison, et donc souvent renoncer à participer.  Au contraire, dans le processus d’inclusion, c’est à la majorité de tenir compte des différences du nouvel élément et de prendre en compte ses besoins pour qu’il trouve la place qui lui convienne. Comment, par exemple, permettre l’accès à une personne handicapée, comment s’assurer que le couple homosexuel ne se sente pas jugé, etc. Choisir une perspective inclusive, c’est donc concevoir l’action à mener comme un processus de reconnaissance de la diversité des membres de la communauté, de laisser place à des éléments qui ont d’autres caractéristiques que celles du tout en présence.

L’inclusivité, c’est revendiquer et rendre possible le même accès à toutes et tous, ne pas demander à une personne d’être comme les autres, mais au contraire la reconnaître et l’accepter avec ses différences.

Inclusivité n’est pas facilité…

Marina Zuccon conclut que l’inclusion n’est pas une voie facile, concilier des éléments disparates dans un tout sans gommer les différences, en tenant compte de tous les besoins a quelque chose d’utopique, mais c’est néanmoins le défi que plusieurs Eglises relèvent, pas à pas, avec des résultats qui peuvent nous encourager, et Marina Zuccon rappelle quelques étapes de l’Eglise canadienne, pionnière de l’inclusivité.

Pour finir, Marina Zuccon rappelle quelques pistes pour que l’inclusivité ne soit pas une simple pétition de principe mais devienne une action concrète de nos Eglises. Dans un premier temps, la communauté peut repérer et nommer les groupes auxquels elle souhaite s’ouvrir. Les nommer, c’est le premier pas vers la reconnaissance, et l’Eglise se doit de mettre en place un langage inclusif. Il s’agit surtout de ne pas imposer une vision majoritaire aux groupes à accueillir, mais de déconstruire au contraire les préjugés que peut partager la majorité à leur sujet afin de créer progressivement un espace dans lequel ils se sentiront bien. Pour cela, il est essentiel de donner la parole à ceux que l’on accueille, à construire avec eux les bonnes conditions pour qu’ils se sentent à l’aise et pleinement reconnus dans la communauté. Il s’agit de donc de dialoguer, mais surtout de mettre en œuvre les demandes et les attentes des personnes qui nous rejoignent en accord et avec la participation (active ou passive) de tous et toutes. Finalement, l’Eglise a tout intérêt à faire de ce processus inclusif l’objet d’un affichage, d’une charte, d’une déclaration, afin que tous et toutes, anciens ou nouveaux dans la communauté, rejoignent le projet et se mettent en route pour accueillir ou être accueillis.

Cela semble une montagne? Nous verrons qu’il s’agit avant tout d’y aller pas à pas, selon les réalités de nos paroisses.

Bien à vous

Cécile

Mercredi 19 octobre

Bonjour,

après avoir conceptualisé le champ de l’inclusivité, Jean Vilbas prend la parole pour évoquer les positionnements actuels… Voyons avec lui ce que signifie être inclusif hier et aujourd’hui.

L’inclusivité, rappelle Jean Vilbas, émane du refus d’exclusion au nom de l’Evangile. Cette définition en creux exprime la conviction que le cœur de l’Evangile est l’accueil inconditionnel du Dieu en Christ, accueil que l’Église est appelée à réaliser à son tour… théorie sur laquelle tout chrétien s’accordera qui cependant pose des problèmes et suscite des réticences lorsqu’il s’agit de la mettre en pratique. Ce décalage entre paroles et actes a été particulièrement marqué lorsque l’Église a souhaité accueillir et reconnaître les personnes LGBT.

rappels historiques

Il rappelle les grandes étapes historiques de cette « problématique » LGBT à travers les différents « temps de l’Église » qu’il a décrit dans sa contribution à L’Accueil radical (ed. Yvan Bourquin et Joan Charras Sancho, Labor et Fides, 2015). Il rappelle qu’en dehors des Églises, les groupes chrétiens et homosexuels en Europe se sont constitués autour de deux aspects fondamentaux : l’affirmation de soi et la reconnaissance de son identité sexuelle d’une part, offrir un lieu de refuge, d’accueil et de partage d’autre part. Il rappelle enfin que certaines paroisses, face au manque d’adaptation de leur Église, se sont constituées indépendantes aux USA et comptent de ce fait une majorité de paroissiens LGBT sans pour autant tomber dans le communautarisme ni se couper du monde dans un repli identitaire.

que signifie « accueil »?

La question de l’accueil des personnes LGBT en Église touche entre autres le problème des besoins liturgiques spécifiques, principalement lorsqu’il s’agit de bénir l’union d’un couple. Mais c’est également par la constitution de groupes de parole et de partage, par l’affirmation d’une théologie résolument reconnaissante de la diversité sexuelle comme projet de Dieu, par une acceptation pleine et entière de la personne par les membres non LGBT qu’une Église se profile comme réellement inclusive. Jean Vilbas rappelle à ce titre qu’une paroisse doit réfléchir à une pastorale spécifique en regard des besoins spécifiques des personnes qu’elle accueille. Devenir inclusif, ce n’est pas seulement imposer législativement le droit à la bénédiction pour un couple de même sexe, mais c’est ouvrir la possibilité d’une pastorale qui reconnaisse pleinement les besoins de ses membres par des changements et des actions concrètes et visibles.

oppositions à l’inclusivité

Il rappelle enfin que l’avancée de la cause LGBT a corollairement provoqué des réactions de plus en plus fermes de la part des opposants, comme par exemple le mouvement des Attestants. Cependant, la « bonne nouvelle » est, constate-t-il que, la plupart du temps, leur refus de reconnaître l’union LGBT s’ancre plutôt dans la peur de devoir abandonner l’autorité des Ecritures (notamment dans la perspective d’une théologie de la création) que dans un réel sentiment homophobe. L’enjeu est plutôt de garder en place une certaine vision de l’Église que de blâmer le chrétien LGBT. Les ministères de guérison se sont par ailleurs, dans la plupart des Églises, véritablement effondrés.

Par ailleurs, les mouvements inclusifs ne sont pas non plus sans rencontrer des limites qui, dans le temps, deviennent de vrais problèmes. Un certain conservatisme mène certains à refuser d’étendre l’inclusivité à d’autres causes que celles des personnes LGBT et font par exemple le choix d’affirmer une identité chrétienne basée sur la fidélité absolue aux dogmes de sa confession à l’exception de l’exclusion des personnes LGBT…

un humanisme prophétique?!

Etre inclusif, conclut Jean Vilbas, c’est somme toute se charger d’une mission prophétique dont la cohérence tient à ce que l’hospitalité de Dieu ne se divise pas : il ne s’agit pas de privilégier l’accueil de certain au détriment d’autres, de mettre des limites à l’accueil à certaines catégories de personnes triées sur le volet. L’humanisme, qu’il est de bon ton de décrier, reste selon Jean Vilbas au cœur de l’Evangile. En Christ, nous sommes appelés à devenir pleinement humain et à mettre au cœur de l’Église cette reconnaissance inconditionnelle du prochain et particulièrement de ceux et celles en marge de cette humanité à laquelle nous nous plaisons à mettre des limites, limites que le Christ a explicitement abolies en étendant la notion de prochain à l’humanité entière.

Cela reste très « théorique »? Comment mettre ces beaux principes en pratique? Nous y viendrons, mais avant cela, quelques apports théologiques nous rappelleront que l’inclusivité n’est pas une mode de notre temps, une tentative de l’Eglise de redorer son image et d’attirer à elle de nouveaux membres, mais une nécessité affirmée bibliquement par Paul lorsqu’il décrit ce que doit être une communauté de personnes réunies en Christ.

Bien à vous

Cécile

Jeudi 20 octobre

Bonjour

pour ce temps biblique centré sur Paul, c’est d’abord avec Yvan Bourquin que nous avons parcouru les passages où Paul parle de « nature » et, de là, de « contre-nature » : phusis/para-phusis. Je vous invite ainsi à relire les passages suivants : Romains 1, 26-17 ; 2, 14. 27 ; 11, 21. 24 ; 1 Corinthiens 11, 14 ; Galates 2, 15 ; 4, 8 et Ephésiens 2, 3. Dans ces passages, Paul traite de la nature sur le plan biologique (la greffe du chrétien sur l’arbre juif), philosophique ou ontologique (Dieu et faux dieux) et éthique (honte/honneur : avoir les cheveux longs pour un homme est ainsi contre-nature…)

Le concept de nature critiqué par Pascal

Comment lire ces textes ? Yvan Bourquin nous propose de reprendre la critique pascalienne de la notion de nature, déjà présentée dans L’Accueil radical (op.cit). Blaise Pascal rappelle que ce que nous considérons comme naturel relève en réalité de coutumes. De là, il soupçonne que la nature n’est qu’un concept derrière lequel se cache… une coutume. Il va de soi pour nous aujourd’hui qu’un homme aux cheveux longs ne relève pas d’une question de nature ou de contre-nature mais d’un phénomène culturel… De même, l’homosexualité n’est pas plus « contre-nature » que le fait d’être gaucher, comme l’hétérosexualité n’est pas plus naturelle que le fait d’être droitier : qualifier de « contre-nature » ce que notre culture rejette ou a pu rejeter par le passé est donc un non-sens. Yvan Bourquin tire trois constatations de ce point de vue pascalien : premièrement, la nature humaine n’est pas une notion pertinente, deuxièmement, cela ne nous permet pas, par conséquent, de spécifier ce qui est de l’ordre de la nature divine et donc, troisièmement, la « normalité », la nature « bonne » ou « mauvaise » sont autant de concepts à jeter aux oubliettes.

Embarras paulinien quant au concept de nature

Reprenant certains passages de Paul cités ci-dessus, Yvan Bourquin note d’une part que le « contre-nature » n’est pas forcément pour l’apôtre synonyme de négativité : au contraire, la greffe contre-nature caractérise l’adjonction de la branche païenne à l’arbre du peuple de Dieu dont les racines sont juives. Cette vision positive du « contre-nature » s’explique par le fait que Paul reconnaisse le païen comme créature de Dieu. Le contre-nature est alors synonyme de minorité et le danger, dans lequel tombe Paul lorsqu’il rejette les hommes aux cheveux longs, est de faire de cette minorité une branche non à greffer mais à couper menu et jeter au loin. Paul entre donc en contradiction avec sa propre pensée lorsqu’il porte un jugement sur le « contre-nature » qui est simplement synonyme d’exception à la norme.

Contre la nature humaine: l’humanité aimée et pardonnée

Il s’agit donc de remettre au cœur de nos vies l’amour par lequel Christ a mis fin à la fatalité du péché qui touche notre humanité. Son pardon nous ouvre une nouvelle voie, une voie dans laquelle nous n’avons plus à chercher à faire partie de la norme, à chercher la reconnaissance de la majorité. Bultmann posait la question : Christ m’aide-t-il car il est fils de Dieu ou est-il fils de Dieu parce qu’il m’aide ? Yvan Bourquin note que l’un n’exclut pas l’autre, mais explique que, par cette question, Bultmann indique que la confession de foi et le renouvellement de l’être en Christ provient surtout de la reconnaissance de la présence de Jésus dans nos vies : le vécu permet de passer le savoir (Christ est fils de Dieu donc il m’aide) pour atteindre la confiance et la reconnaissance de son action au cœur de notre être intime (Christ est fils de Dieu parce qu’il m’aide).

Suspendre son jugement sur ce qui est « naturel »

L’amour de Christ pour l’humanité, le pardon qui y est lié et la reconnaissance de toute personne, y compris les hommes aux cheveux longs, sont inconditionnels. Il s’agit donc de rejeter une conception duelle de l’humanité  « nature » ou contre-nature, majorité face à laquelle une minorité devrait être rejetée. La généralité n’est pas synonyme d’essence, la normalité n’est pas synonyme de juste et de bien. Le péché ne touche pas que certaines catégories de personnes, mais englobe toute l’humanité (voir P. Bühler dans L’Accueil radical, op. cit.)

Suspendre son jugement quant à ce qui est naturel ou ce qui ne l’est pas est donc une attitude à adopter, l’attitude digne du chrétien qui reconnaît que toute l’humanité sous le coup du péché est aimée et pardonnée, appelée à vivre de et par ce pardon accordé dans l’amour que Dieu nous a manifesté en son Fils crucifié et ressuscité.

Sur ce chemin de vérité de lumière et de vie,

je vous souhaite une belle journée

Cécile

Vendredi 21 octobre

Bonjour,

aujourd’hui nous approfondirons une lecture de Paul en relation avec l’inclusivité avec Valérie Nicolet  qui propose de commenter ce célèbre verset:

« Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ. » (Gal 3, 28)

et commente pour nous les aléas de l’emploi d’un verset clé dans les questions d’inclusivité

Une bonne nouvelle… et après?

Les interprétations de ce verset de Paul méritent d’être revues pour en souligner à la fois la bonne nouvelle qu’il nous a permis d’annoncer, mais aussi pour relever toutes les choses qu’il ne dit pas et qu’il a permis d’occulter. En somme, au-delà de l’universalité de la bonne nouvelle de l’Evangile qu’il affirme, ce verset a peut-être trop souvent mené à conclure un peu rapidement, à ignorer les problèmes qui persistent une fois reconnu que nous sommes tous égaux aux yeux de Dieu, unis par notre foi en Christ.

Contexte paulinien

Valérie Nicolet rappelle le contexte paulinien de ce verset qui s’insère dans le cadre d’un constat d’un changement d’identité qui s’opère dans la foi en Christ, questionnant ainsi le rôle de la loi. Paul est très en colère contre les Galates qui souhaitent circoncire les nouveaux convertis. La circoncision, rappelle Valérie Nicolet est le rituel d’entrée qui manifeste l’appartenance du jeune homme au peuple élu d’Israël. Pour Paul, l’appartenance au peuple élu, à la descendance d’Abraham, est désormais indépendante de ce rite et est donnée par la foi en Christ. Outre une déclaration d’ouverture de la promesse faite à Abraham aux païens, aux esclaves et aux femmes et non aux seuls hommes juifs, libres et circoncis, la colère de Paul sur la question de la circoncision s’explique aussi par la tradition apocalyptique juive dans laquelle il inscrit son ministère prophétique.

Dans cette tradition, l’un des signes eschatologiques, outre la venue du Messie, est le mélange de païens et de juifs et l’abandon du rite de la circoncision. C’est donc dans ce souci que les communautés qu’il a évangélisées incarnent ce signe apocalyptique et manifestent ainsi l’entrée du monde dans le temps eschatologique qu’il a particulièrement à cœur de blâmer la généralisation du rituel de la circoncision, alors qu’il se montre conservateur à l’égard de nombreux autres points rituels et comportementaux.

Un slogan qui enferme?

Reste que ce verset manifeste clairement l’ouverture de l’accès au peuple de Dieu pour l’humanité entière. Beaucoup d’Églises l’ont adopté comme slogan d’inclusivité : un accueil inconditionnel à quiconque confessera Christ comme Seigneur. Cependant, prendre pour slogan cet appel à l’unité en Christ a tendance également à gommer les différences qui subsistent dans la réalité.

Une unité parfaite est utopique, et si l’identité première du chrétien est de revêtir Christ, son identité propre n’est pas pour autant effacée. Si je vois Christ en mon prochain, je vois avant tout les traits particuliers de cette personne. Affirmer une unique identité en Christ devient alors une façon de clore une discussion qui pourtant ne fait que commencer : que se passe-t-il une fois que tous et toutes sont accueilli.e.s dans l’Église ? Comment la révélation de l’unité de l’humanité en Christ s’incarne-t-elle une fois qu’elle est reconnue ? Force est de constater que nous ne vivons pas alors dans la parfaite unité décrite par ce beau verset paulinien…

Aller plus loin… avec Paul

Valérie Nicolet signale que les épîtres de Paul et les multiples exhortations, directives et conseils donnés aux communautés par l’apôtre témoignent bien qu’il ne suffit pas d’annoncer et reconnaître l’universalité de l’Evangile qui, une fois posée, n’en constitue pas moins un défi pour ceux et celles qui s’engage dans ce chemin de vérité, d’amour et de vie, entrepris dans notre cheminement à la suite du Christ, mais jamais pleinement réalisé, d’autant plus que nous sommes moins prompts que Paul à penser que son retour est imminent…

Cependant, plutôt que de nous décourager et de blâmer Paul pour ce slogan un peu trop beau pour être vrai, c’est par une autre considération de l’apôtre que Valérie Nicolet nous propose de nous engager dans cette vie renouvelée en Christ. A partir de 1 Co 7, 17-24, nous pouvons, nous dit Paul, rester dans l’état où nous nous trouvions au moment où nous nous sommes sentis appelés par Dieu. Cela ne signifie pas que nos vies et nos personnes n’en seront pas transformées, mais que ce renouvellement appartient à Dieu et pas à notre volonté. Une fois appelés, nos différences subsistent, elles ne sont pas effacées, et cela, loin de nous chagriner doit nous réjouir tout en nous faisant reconnaître que nous ne sommes pas devenus Christ, et qu’il subsistera des difficultés de cohabitation.

Paul reconnaît, et nous pouvons le suivre dans cette constatation, que la communauté chrétienne doit composer avec la diversité de ses membres, et le premier il s’est engagé à édicter règles de conduites et de comportement, à établir des hiérarchies, etc., solution qui n’est peut-être pas à imiter. Les limites de Paul qui lui-même se montre incapable de mettre en œuvre son beau slogan énoncé en Galates 3, 28 doivent nous mettre en garde sur nos propres capacités à prétendre réaliser la peine inclusivité supposée par ce verset. De Paul, nous devons apprendre à réfléchir sur la façon dont les textes bibliques peuvent ou non nous aider et force est de constater que ce verset de Galates reste utopique dans le monde où nous vivons : Christ n’a pas effacé nos différences…

Ne pas toujours suivre Paul

Valérie Nicolet conclut que la lecture de Paul nous mène à prendre conscience que lorsqu’il s’agissait de donner une forme concrète à la vie communautaire, Paul a été influencé par les normes culturelles de son temps, tout en reconnaissant que le Christ appelait l’humanité à se dégager de ces mêmes normes pour vivre de et par son évangile. Cela appelle peut-être notre Église à faire un pas de plus que Paul et à moins fonder ses valeurs sur celles véhiculées par notre société. Là où Paul s’est conformé à la société de son temps, nous devons peut-être nous désolidariser et Valérie Nicolet espère une Église qui soit un sanctuaire où l’on se sente protégé tel que l’on est.

Cela ne signifie pas que Paul n’a plus rien à nous apprendre aujourd’hui, et Valérie Nicolet rappelle par exemple que l’insistance de l’apôtre le soin particulier à donner aux plus « faibles » en priorité est importante encore aujourd’hui.

Je vous laisse sur ces apports bibliques, et me réjouis de vous retrouver la semaine prochaine pour aborder le deuxième volet de cette journée consacré à des situations concrètes dans notre actualité…

Très beau week-end

Cécile

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