Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal;
mais recherchez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.
Soyez toujours joyeux.
Priez sans cesse.
Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ.
(1 Thessalonicien 5, 15-18)
Bonjour,
En cette troisième semaine de juillet, le beau temps est de retour… entre marches, baignades, pédalo sur le lac, grillade au jardin, je profite de notre magnifique canton. Hier, j’ai rejoins ma commune d’origine, les Brenets, en courant depuis le Crêt-du-Locle, dans la joie de me rendre au culte, traversant cette nature à maturité, les vaches mâchant paisiblement l’herbe verte. C’est donc au Temple des Brenets que j’ai célébré le Seigneur ce dimanche, en petite communauté. Nous avons ensuite pris le café sur la terrasse-jardin de la cure, avec vue sur le magnifique panorama qu’est le lac des Brenets et ses collines environnantes…
Les chroniques de la première et de la deuxième semaine de juillet, je vous ai proposé le début des Récits d’un pèlerin russe, et je vous invite à poursuivre son aventure qui le conduit sur le chemin vers la prière du coeur.
Belle semaine à vous
Cécile
Lundi 18 juillet
[…]
Le lendemain je le fis plus facilement et avec plaisir. Je ressentis d’abord de la fatigue, une sorte de durcissement de la langue et une raideur dans les mâchoires, mais sans rien de désagréable ; ensuite j’eus légèrement mal au palais, puis au pouce de la main gauche qui égrenait le rosaire, tandis que mon bras s’échauffait jusqu’au coude, ce qui produisait une sensation délicieuse. Et cela ne faisait que m’inciter à réciter encore mieux la prière.
Ainsi, pendant cinq jours, j’exécutai fidèlement les douze mille oraisons et, en même temps que l’habitude, je reçus l’agrément et le goût de la prière.
Un matin de bonne heure, je fus comme réveillé par la prière. Je commençais à dire mes oraisons du matin, mais ma langue s’y embarrassait et je n’avais d’autre désir que de réciter la prière de Jésus.
Dès que je m’y fus mis, je devins tout heureux, mes lèvres remuaient d’elles-mêmes et sans effort. Je passai toute la journée dans la joie. J’étais comme retranché de tout et me sentais dans un autre monde.
Je terminai sans difficulté mes douze mille oraisons avant la fin du jour. J’aurais beaucoup voulu continuer, mais je n’osais dépasser le chiffre indiqué par le starets.
Mardi 19 juillet
Les jours suivants, je continuai à invoquer le nom de Jésus-Christ avec facilité et sans jamais me lasser. J’allai voir le starets et lui racontai tout cela en détail. Lorsque j’eus fini, il me dit :
— Dieu t’a donné le désir de prier et la possibilité de le faire sans peine. C’est là un effet naturel, produit par l’exercice et l’application constante, de même qu’une machine dont on lance peu à peu le volant continue ensuite à tourner d’elle-même ; mais, pour qu’elle reste en mouvement, il faut la graisser et lui donner parfois un nouvel élan.
Tu vois maintenant de quelles facultés merveilleuses le Dieu ami des hommes a doué notre nature sensible elle-même ; et tu as connu les sensations extraordinaires qui peuvent naître même dans l’âme pécheresse, dans la nature impure que n’illumine pas encore la grâce. Mais quel degré de perfection, de joie et de ravissement n’atteint pas l’homme lorsque le Seigneur veut bien lui révéler la prière spirituelle spontanée et purifier son âme des passions !
C’est un état inexprimable et la révélation de ce mystère est un avant-goût de la douceur céleste. C’est le don que reçoivent ceux qui cherchent le Seigneur dans la simplicité d’un cœur débordant d’amour ! Désormais, je te permets de réciter autant d’oraisons que tu le veux, essaie de consacrer tout le temps de la veille à la prière et invoque le nom de Jésus sans plus compter, t’en remettant humblement à la volonté de Dieu, et espérant en Son secours ; Il ne t’abandonnera pas et dirigera ta route.
Mercredi 20 juillet
Obéissant à cette règle, je passai tout l’été à réciter sans cesse la prière de Jésus et je fus tout à fait tranquille. Durant mon sommeil, je rêvais parfois que je récitais la prière. Et pendant la journée, lorsqu’il m’arrivait de rencontrer des gens, ils me semblaient aussi aimables que s’ils avaient été de ma famille.
Les pensées s’étaient apaisées et je ne vivais qu’avec la prière ; je commençais à incliner mon esprit à l’écouter et parfois mon cœur ressentait de lui-même comme une chaleur et une grande joie.
Lorsqu’il m’arrivait d’entrer à l’église, le long service de la solitude me paraissait court et ne me lassait plus comme auparavant. Ma cabane solitaire me semblait un palais splendide et je ne savais comment remercier Dieu de m’avoir envoyé, à moi pauvre pécheur, un starets à l’enseignement si bienfaisant.
Mais je n’eus pas longtemps à jouir de la direction de mon starets bien-aimé et sage – il mourut à la fin de l’été. Je lui dis adieu avec des larmes et, en le remerciant pour son enseignement paternel, je lui demandai de me laisser comme bénédiction le rosaire avec lequel il priait toujours.
Jeudi 21 juillet
Ainsi je restai seul. L’été s’acheva, on récolta les fruits du jardin. Je n’avais plus où vivre. Le paysan me donna deux roubles d’argent comme salaire, remplit mon sac de pain pour la route et je repris ma vie errante ; mais je n’étais plus dans le besoin comme jadis : l’invocation du nom de Jésus-Christ me réjouissait tout le long du chemin et tout le monde me traitait avec bonté ; il semblait que tous s’étaient mis à m’aimer.
Un jour je me demandai que faire avec les roubles que m’avait donnés le paysan. A quoi me servent-ils ? Oui ! Eh bien, je n’ai plus de starets, personne pour me guider ; je vais acheter une Philocalie et j’y apprendrai la prière intérieure. J’arrivai dans un chef-lieu de gouvernement et me mis à chercher par les boutiques une Philocalie ; j’en trouvai bien une, mais le marchand en voulait trois roubles et je n’en avais que deux ; j’eus beau marchander, il ne voulut rien rabattre ; enfin, il me dit : — Va donc voir dans cette église, demande au sacristain ; il a un vieux livre comme ça, qu’il te cédera peut-être pour tes deux roubles. J’y allai et achetai en effet pour deux roubles une Philocalie fort vieille et abîmée ; j’en fus tout heureux. Je la raccommodai comme je pus avec de l’étoffe et la mis dans mon sac avec la Bible.
Vendredi 22 juillet
Voilà comment je vais maintenant, disant sans cesse la prière de Jésus, qui m’est plus chère et plus douce que tout au monde.
Parfois, je fais plus de soixante-dix verstes en un jour et je ne sens pas que je vais ; je sens seulement que je dis la prière. Quand un froid violent me saisit, je récite la prière avec plus d’attention et bientôt je suis tout réchauffé. Si la faim devient trop forte, j’invoque plus souvent le nom de Jésus-Christ et je ne me rappelle plus avoir eu faim.
Si je me sens malade et que mon dos ou mes jambes me fassent mal, je me concentre dans la prière et je ne sens plus la douleur. Lorsque quelqu’un m’offense, je ne pense qu’à la bienfaisante prière de Jésus ; aussitôt, colère ou peine disparaissent et j’oublie tout.
Mon esprit est devenu tout simple. Je n’ai souci de rien, rien ne m’occupe, rien de ce qui est extérieur ne me retient, je voudrais être toujours dans la solitude ; par habitude, je n’ai qu’un seul besoin : réciter sans cesse la prière, et, quand je le fais, je deviens tout gai. Dieu sait ce qui se fait en moi.
Naturellement, ce ne sont là que des impressions sensibles ou, comme disait le starets, l’effet de la nature et d’une habitude acquise ; mais je n’ose encore me mettre à l’étude de la prière spirituelle à l’intérieur du cœur, je suis trop indigne et trop bête.
J’attends l’heure de Dieu, espérant en la prière de mon défunt starets.
Ainsi, je ne suis pas encore parvenu à la prière spirituelle du cœur, spontanée et perpétuelle ; mais, grâce à Dieu, je comprends clairement maintenant ce que signifie la parole de l’Apôtre que j’entendis jadis :
« Priez sans cesse ».
Bonjour,
j’aime beaucoup ce passage (mardi 19 juillet)… La prière comme un don du Seigneur à laquelle nous pouvons/devons collaborer… Une belle image de notre Dieu qui souhaite une étroite relation avec nous, tout en préservant notre liberté et notre volonté.
Belle journée
Cécile