Semaine du 19 au 25 septembre 2016. Félix Moser: une théologie de l’action

 

 

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Soyez réalisateurs de la Parole!

(Jacques 1, 22)

 

 

Bonjour

Cette (courte) semaine, je vous propose de découvrir quelques bribes du livre nouvellement paru de Félix Moser : La Théologie pratique, Esquisse et fragments. Il est le quatrième volume de la collection Etudes de théologie et d’éthique, série éditée par Denis Müller.

Je souhaite simplement me concentrer sur le dernier chapitre : Quelques fragments d’une théologie de l’action, et plus particulièrement sur la toute fin de ce chapitre qui s’interroge sur les critères pour délivrer une parole pertinente lorsque nous avons à cœur d’ annoncer l’Evangile…

Félix Moser, à partir du « Soyez réalisateurs de la parole » qui ouvre l’épitre de Jacques, propose six critères du « témoin crédible »: nous les étudierons ces prochains jours. J’ai choisi certains passages de l’épître de Jacques afin de les mettre en résonance avec les critères du théologien qui sont eux-mêmes issus de sa lecture de cette épître.

J’espère ne pas trop simplifier la brillante pensée de Félix Moser, et me réjouis de la partager avec vous,

Cécile

Lundi 19 septembre

En ce jour de jeûne fédéral, je prends le repos nécessaire pour soigner une petite grippe, je vous retrouve donc demain!

Cécile

Mardi 20 septembre

Bonjour à vous,

La crédibilité, note Félix Moser, « est liée à l’estime de soi et à la reconnaissance que nous pouvons donner et recevoir ». Comment, dès lors, être crédible lorsque nous souhaitons annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile ? Cette promesse que Dieu nous a faite en Christ qu’il serait, malgré les apparences, toujours à nos côtés et que la mort n’aura pas le dernier mot.

Cette promesse en laquelle nous avons confiance, qui fonde notre foi, nous sommes appelés à y répondre en accomplissant sa volonté contenue dans la Parole… mais nous savons qu’il n’est pas si simple de la comprendre et encore moins de la mettre en pratique : notre crédibilité peut être ainsi affaiblie.

Félix Moser note ainsi :

La vérité ne nous est pas accessible directement. L’honnêteté et la rectitude théologique nous incitent à préciser qu’il en va de la volonté de Dieu certes, mais de la volonté telle que nous la percevons.

Nous comprenons mieux qu’il est difficile d’être crédible et l’auteur de l’épître de Jacques en a bien conscience. Il nous donne ainsi des conseils, à partir desquels Félix Moser a dégagé six critères de crédibilité qui peuvent nous aider à observer avec honnêteté la volonté de Dieu et à l’annoncer dans le monde par nos paroles et nos actes

1. Un témoin commence par écouter.

Vous êtes savants, mes frères bien-aimés. Pourtant, que nul ne néglige d’être prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère, car la colère de l’homme ne réalise pas la justice de Dieu. Aussi, débarrassés de toute souillure et de tout débordement de méchanceté, accueillez avec douceur la parole plantée en vous et capable de vous sauver la vie.

(Jacques 1, 19-21)

Ecouter… et écouter avec attention. Félix Moser souligne qu’écouter seulement distraitement fait de l’appel de Dieu non un impératif mais une simple information qui n’aura aucune influence sur nos vies… et donc sur celles de ceux/celles à qui nous l’annonçons.

Nous devons donc écouter d’une façon qui nous engage. L’appel à l’obéissance ne doit pas se muer en savoir, nous devons vivre l’Evangile, nous l’approprier. Nous devons faire ce que nous disons. Nous ne devons pas faire semblant.

Il s’agit donc premièrement d’être honnête avec soi-même, à l’écoute de soi, de ce qu’il se passe en nos profondeurs : sommes-nous réellement engagés à vivre de la Parole de Dieu ?

Plus haut dans le chapitre, Félix Moser rappelle qu’annoncer l’Évangile c’est se faire porte-parole d’une promesse. Jésus lui-même nous a enjoint à le devenir.

Nous devons bien comprendre que c’est une promesse que nous faisons en son nom lorsque nous annonçons la Bonne nouvelle, nous ne transmettons pas simplement une information. Félix Moser propose de comparer la promesse à la menace pour mieux comprendre ce que cela implique. Contrairement à la menace, la promesse ne contraint pas la personne à accomplir un acte ou accepter des conditions : elle engage celui ou celle qui la prononce.

En annonçant l’Evangile du Christ, nous ne cherchons pas à dominer autrui, mais nous nous engageons à faire des choses pour et avec lui. Contrairement à la menace qui ouvre sur la peur, la promesse ouvre sur la confiance.

Pensons-y avant de parler de la volonté de Dieu, car trop souvent, nous remettons notre prochain à Dieu… pour mieux nous en débarrasser. Ecoutons la Parole en ancrons-là en nous.

Mêlons à notre prière, autant qu’il est possible, une présence concrète auprès de la personne pour laquelle nous avons prié, engageons-nous à ses côtés à vivre chaque jour davantage la réalité de la promesse faite à l’humanité en Christ, à l’aider à son tour à en vivre : alors seulement nous serons de bons porte-paroles, alors seulement nous accomplirons sa volonté.

Avant de parler, nous devons donc être à l’écoute, à l’écoute de la parole et à l’écoute de notre prochain. Pour réellement être aux côtés de notre prochain, nous devons l’écouter de tout notre être, sans jugement, et nous verrons demain le critère qui nous permettra de mettre en place une écoute vraie de l’autre.

Je vous souhaite une belle journée

Bien à vous

Cécile

Mercredi 21 septembre

Bonjour,

Il me semble que le point suivant nous donnera une méthode pour montrer à notre interlocuteur que nous l’écoutons vraiment : en reconnaissant nos propres limites.

Nous l’invitons à se sentir égal, en confiance et nous lui montrons que notre écoute n’est pas un jugement, mais une écoute large et bienveillante… Ce qu’il nous dit est peut-être une vérité plus grande que celle que nous croyions connaître…

C’est aussi en se taisant que l’on évite de se tromper soi-même, comme le dit l’auteur de l’épître de Jacques :

En effet, si quelqu’un écoute la parole et ne la réalise pas, il ressemble à un homme qui observe dans un miroir le visage qu’il a de naissance : il s’est observé, il est parti, il a tout de suite oublié de quoi il avait l’air. Mais celui qui s’est penché sur une loi parfaite, celle de la liberté, et s’y est appliqué, non en auditeur distrait, mais en réalisateur agissant, celui-là sera heureux dans ce qu’il réalisera. Si quelqu’un se croit religieux sans tenir sa langue en bride, mais en se trompant lui-même, vaine est sa religion. (Jacques 1, 23-26)

2. Un témoin crédible avoue son imperfection.

Logique suite de la nécessité d’être à l’écoute, nous devons, insiste Félix Moser, livrer une « parole vraie ».

Nous devons avouer que nos sentiments et notre manière de vivre sont toujours en décalage avec « les exigences absolues de la Parole divine ». Nous devons toujours montrer à notre interlocuteur « la radicalité du message évangélique » et souligner que notre engagement à le vivre est toujours timide et partiel.

Au sujet de la promesse, Félix Moser précisait plus haut : « La promesse de Dieu appelle chaque être humain à la liberté et à la responsabilité ».  Cette promesse, Dieu nous l’a faite en Jésus-Christ. En se faisant homme pour nous… il nous reconnaît tels que nous sommes. Ce faisant, il nous fait confiance, et nous appelle à répondre à sa confiance en annonçant sa Bonne nouvelle au monde.

Cela ne veut cependant pas dire que nous sommes garants de la promesse divine… nous avons besoin de l’Esprit, et il souffle là où il veut… Il y a toujours un écart entre Dieu et les discours que nous adressons en son nom. La vérité ne nous est pas accessible directement. Nous ne connaissons jamais pleinement la volonté de Dieu. Raison de plus, il me semble, pour l’avouer et mettre ainsi en confiance notre interlocuteur : nous ne possédons pas plus la vérité que lui.

Ce qui nous amène au critère suivant, pesons donc nos paroles. Voici ce qu’en dit l’auteur de l’épître de Jacques :

Ne médisez pas les uns des autres, frères. Celui qui médit d’un frère ou juge son frère médit de la loi et met la loi en jugement. Or si tu mets la loi en jugement, tu n’es plus applicateur de la loi mais un juge. Un seul est législateur et juge : celui qui peut sauver et perdre. Qui es-tu, toi, pour juger le prochain ? (Jacques 3, 11-12)

Ce passage veut nous dire que chaque fois que nous contrevenons au commandement d’amour du prochain auquel le Christ nous exhorte, chaque fois que nous médisons, critiquons, nous ne sommes plus applicateurs de la loi, mais juges. Nous nous prenons pour Dieu alors que nous sommes de simples créatures qui essayent, avec plein d’imperfection, de réaliser sa volonté et d’annoncer sa Parole. Ne l’oublions pas, et le troisième critère nous y aidera:

3. Un témoin crédible pèse ses paroles.

« Nous sommes ambivalents, ballotés entre le bien et le mal » rappelle Félix Moser. Nous devons « refuser le pouvoir de la parole manipulée ». Nous ne devons pas nous considérer comme les « maîtres d’un savoir », mais « demeurer à égalité avec les autres » selon Félix.

Je pense à sa suite que c’est en se montrant réellement humble devant Dieu et respectueux de l’autre que nous arriverons à nouer une relation vraie, et que seule une relation vraie permet que notre interlocuteur entende avec bienveillance et ouverture la Bonne nouvelle que nous souhaitons lui annoncer.

Plus haut dans le chapitre, Félix Moser analyse les actes de langage : que faisons-nous quand nous prenons la parole ? Nous cherchons à transmettre l’Evangile, mais souvent nous jouons avec le langage sans nous rendre compte qu’il peut être manipulateur ou destructeur.

Donc, soyons vrai : pour cela, nous pouvons toujours nous demander : est-ce réellement à l’autre que je souhaite du bien ou est-ce à moi-même ? lorsque j’agis ainsi est-ce par amour pour Dieu et le prochain ou par amour pour moi ? Est-ce que je ne suis pas en train de déformer la Parole pour mieux arriver à mes fins ? ces questions peuvent déjà nous aiguiller et nous renseigner sur nos intentions profondes.

Nous pouvons aussi sans cesse nous rappeler les paroles du Christ qui nous demande avant tout d’aimer Dieu puis d’aimer notre prochain comme nous-mêmes : nos paroles reflètent-elles ce commandement ?

Félix Moser insiste en outre : l’expérience comme le savoir sont importants, ils doivent être réunis et se questionner l’un l’autre. L’expérience ancre notre parole dans le vécu, et le savoir nous permet de croire que ce vécu a un sens, et d’éviter que ce sens ne soit que la projection de nos désirs imparfaits. Nous pouvons tester le savoir avec l’expérience et tester l’expérience avec le savoir.

En effet, les manipulations peuvent être perverses et inconscientes. Sous prétexte que « Dieu m’a dit que », « La Bible dit que », « Le pape dit que », … on impose des vérités qui n’en sont pas… le savoir est alors détrourné…

A l’inverse, Félix Moser note qu’on peut tomber dans le positivisme, avec la méthode historico-critique, sans reconstituer ensuite le sens, l’intention du texte, on oublie alors que la Bible parle à notre vécu, n’est pas simplement un texte historique.

On sera conformiste, ajoute Félix Moser, si au lieu d’affirmer nos valeurs nous chercherons à donner raison à la majorité à laquelle nous faisons face. Il ajoute que le relativisime nous guette si nous nous dévoyons en affirmant que « tout se vaut ». Nous pouvons ici nous rappeler le premier commandement qui est de n’avoir et de n’adorer qu’un seul Dieu : ce premier commandement doit être à la source du second qui est d’aimer notre prochain. En l’aimant, nous ne cherchons pas à lui faire plaisir, mais nous le reconnaissons comme une créature de Dieu, et nous lui annonçons que ce Dieu l’aime, nous souhaitons lui annoncer cette Bonne nouvelle, mais non le conforter dans ses propres représentations.

Nous devons faire attention à nos intentions de parole. Félix Moser note que la fin ne justifie pas tous les moyens. Nous devons toujours, en premier lieu, respecter le destinataire de notre message et ne pas abuser de sa confiance. Je connais un ami qui a été anéanti lorsqu’on lui a dit qu’il n’aurait jamais eu de cancer s’il avait véritablement eu la foi, car Jésus l’a dit : « ta foi t’a guéri ». Venant de son pasteur bien-aimé, il a accepté tel quel cet argument, et sa contrition n’a pas aidé sa guérison… bien au contraire.

Soyons donc vrai, tout en reconnaissant que cette vérité ne nous appartient pas… voilà ce que je retiens pour ma part des deux critères abordés aujourd’hui,

Que vous inspirent-ils ? Je serais heureuse que vous puissiez poster en commentaire quelques mots de votre expérience et/ou de votre savoir, puisque tous les deux se conjuguent si bien !

Bien à vous

Cécile

Jeudi 22 septembre

Ecouter, retenir sa langue, s’assurer de d’accueillir pleinement l’autre sans oublier Dieu, s’appliquer à mettre en pratique la parole… la tâche pourrait vite paraître insurmontable. La tentation bien légitime serait ainsi de se cantonner à des cercles de connaissance chrétiens, à ne pas chercher la rencontre en dehors de ceux et celles qui déjà partagent notre foi afin de se soutenir, s’édifier, prier, etc.

Mais ce n’est pas le projet de Dieu pour nous, si l’on se remémore l’exemple du Christ qui mangeait avec les pécheurs, les prostituées, les collecteurs d’impôts à la solde de l’envahisseur, etc. Luther disait très joliment qu’être chrétien, ce n’est pas vivre sur un lit de lys et de roses entre gens parfaits… et c’est aussi l’avis de l’auteur de l’épître de Jacques qui, pour nous dire de nous exposer au-dehors pour annoncer l’Evangile, nous exhorte à la patience et surtout au non-jugement :

Prenez donc patience, frères, jusqu’à la venue du Seigneur. Voyez le cultivateur : il attend le fruit précieux de la terre sans s’impatienter à son propos tant qu’il n’en a pas recueilli du précoce et du tardif. Vous aussi, prenez patience, ayez le cœur ferme, car la venue du Seigneur est proche. Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, pour éviter d’être jugés. Voyez : le juge se tient aux portes. Pour la souffrance et la patience, le modèle à prendre, frères, ce sont les prophètes, qui ont parlé au nom du Seigneur. (Jacques 5, 7-10)

4. Un témoin crédible s’expose au réel.

La patience devant des résultats qui tardent à se faire attendre, qui ne sont pas visibles comme les fruits du cultivateurs, et le non-jugement qui va avec l’annonce de la parole (nous devons être prophètes, mais ne pas nous faire juges à la place de Dieu) : deux clefs pour aller dans le monde et vivre de l’Evangile partout, sans refuser l’épreuve.

Félix Moser note que l’auteur de l’épître de Jacques nous propose de tester notre foi, « tant du point de vue de sa pertinence du point de vue de la crédibilité de témoin ». L’essentiel, est surtout d’être dans le monde, nous dit-il, de ne pas fuir le réel, « de tenir tête aux puissants » mais surtout « d’aller à la rencontre de tous ceux qui souffrent ». Félix Moser note encore :

La soumission à la loi de la liberté confère aux croyants une capacité d’interpellation[…] l’avenir appartient à ceux qui gardent les pieds sur terre et qui ont les forces de la patience et de la ténacité.

Pour être comme ce cultivateur décrit par l’épître de Jacques, nous pouvons reprendre l’opposition de Félix Moser entre la menace et la promesse afin d’ajuster notre attitude face au réel. La menace signifie la volonté de maîtriser la réalité, mais la promesse, nous dit Félix Moser, s’expose aux aléas de l’existence. Elle nous libère de l’égocentrisme et nous centre sur les besoins d’autrui. En effet, la menace fait appel à la violence, la promesse présuppose le consentement d’autrui. La menace c’est imposer, la promesse c’est espérer. La promesse nous permet d’accepter le temps qui passe et d’en faire notre allié, pour des projets, des possibilités d’avenir.

Mais qu’est-ce que le réel ? Félix Moser explique que nous ne percevons pas le réel, mais nous le construisons. Le réel est en cela la somme des réalités que nous percevons, comprenons, analysons, imagineons… Une personne qui ignore Dieu n’a pas la même réalité que nous, mais tous deux sommes dans le réel.

Sur ce constat, Félix Moser souligne que pour être crédible nous devons prendre en compte le contexte, connaître si possible les réalités de la personne à qui on s’adresse. Il faut que notre interlocuteur partage certaines de nos valeurs de bases pour entendre et comprendre notre message. Par exemple, je doute qu’un ami ayant été abusé par un prêtre étant enfant soit très réceptif si je lui parle de la Bonne Nouvelle à travers la figure d’un curé, d’un moine ou d’un pasteur. Je serai pour ma part certainement pas convaincue de la même façon d’une parole identique selon qu’elle soit présentée comme venant de Luther que comme venant du Pape…

Comment nous faire entendre ? Pour que notre interlocuteur reçoive notre parole, Félix Moser donne quelques recommandations : retenir son attention, sans le surcharger d’informations, éveiller sa curiosité, par exemple par une question qui le mette face à ses propres réalités.

Nous pouvons l’interpeller, pour le renvoyer à une autre dimension de pensée, à d’autres réalités qui lui sont jusque-là restées inconnues. Jésus procède souvent ainsi pour mener son interlocuteur à voir un autre aspect de la réalité… Lorsqu’il dit à la foule sur le point de lapider la femme adultère: « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre… », il les renvoie à leur intériorité, à leur propre péché, afin qu’ils portent ensuite un autre regard sur la femme adultère.

Félix Moser conclut que si nous devons prendre en compte le contexte dans lequel nous parlons, nous ne devons pas oublier que nous pouvons construire ce contexte : nous pouvons aider notre destinataire à nous comprendre. Nous ne pouvons pas changer le réel, mais nous pouvons faire prendre conscience d’autres réalités, comme l’a fait Jésus. Ce faisant, nous pourrons mener les autres à comprendre une autre manière d’appréhender les choses.

Soyons donc dans le réel avec patience et ténacité, sans peur de l’épreuve. Car nous osons avoir confiance en Dieu et à la promesse qu’il nous a fait en Christ, une promesse qui l’engage à toujours être à nos côtés, en communion avec nous par le Saint-Esprit : c’est forts de cette confiance que nous œuvrerons dans le monde avec joie et espérance.

J’utilise à dessein le verbe œuvrer, puisque, nous le verrons demain, les deux derniers critères concerneront les actions concrètes qui naturellement découleront d’une foi ancrée.

D’ici là je vous souhaite une très belle journée qui s’annonce pleine de soleil en ce début d’automne radieux !

Cécile

Vendredi 23 septembre

Bonjour,

Aller dans le monde, faire face au réel : cela peut sembler un peu abstrait… L’épître de Jacques nous en dit plus sur l’attitude à avoir face au monde, au réel. Il nous indique que notre attitude ne doit pas être plus autoritaire dans le cadre ecclésial, et cela me paraît primordial…

Mes frères, ne mêlez pas des cas de partialité à votre foi en notre glorieux Seigneur Jésus Christ. En effet, s’il entre dans votre assemblée un homme aux bagues d’or, magnifiquement vêtu ; s’il entre aussi un pauvre vêtu de haillons ; si vous vous intéressez à l’homme qui porte des vêtements magnifiques et lui dites : « Toi, assieds-toi à cette bonne place » ; si au pauvre vous dites : « Toi, tiens-toi debout » ou « Assieds-toi là-bas, au pied de mon escabeau », n’avez-vous pas fait en vous-mêmes une discrimination ? N’êtes-vous pas devenus des juges aux raisonnements criminels ? (Jacques 2, 1-4)

5. Un témoin crédible pratique sa religion.

Félix Moser ajoute suite à ses conseils de Jacques que, pour nous aujourd’hui, cela signifie avant tout que nous devons pratiquer notre foi, qu’elle n’est pas ni une affaire privée, ni un petit moment à part le dimanche matin au culte. La Parole doit atteindre l’ensemble de la vie du croyant :

La soumission à la loi parfaite de la liberté signifie se mettre à l’école de la liberté inouïe du Christ. Cette liberté a le courage de proposer de nouvelles règles du jeu face à une réalité qui semble bloquée et face à des pouvoirs qui imposent leur vision unidimensionnelle de la réalité.

Pour moi, cela est absolument essentiel sur deux points.

Tout d’abord, dans notre communauté, nos cultes et nos activités d’Eglises. C’est le texte de Jacques : il nous montre que nous avons tendance à davantage juger lorsque nous sommes réunis en l’Eglise… Je remarque que c’est malheureusement vrai : on excuse volontiers un homme un peu sale dans le hall de la gare, on prie pour les jeunes sous l’emprise de la drogue : mais si ceux-ci se retrouvent un dimanche sur nos bancs d’église, irons-nous à leur rencontre ? Je crois que bien souvent, nous ne ferons que murmurer à part : « qui est-ce ? », « il n’est jamais venu au culte », « que fait-elle ici »… J’exagère surement, mais nous devrions faire attention à la qualité de notre accueil qui souvent est bien trop réservé et parfois jugeant.

A l’inverse, nous avons peut-être tendance à un peu trop soigner les personnes dont le titre nous impressionne, ou dont la foi est attestée de longue date parmi nous. J’ai remarqué cela parfois lors des baptêmes à la Collégiale. Lors de mon baptême, moi qui étais déjà très engagée parmi vous, nous en avons  fait une fête. Par contre, s’il s’agit d’une famille un peu tiède dans sa pratique, qui ne viendra peut-être à l’Eglise qu’à cette occasion, souvent nous ne prenons même pas le temps d’aller la saluer avant ou après l’office, nous ne leur proposons pas un verre de l’amitié après la cérémonie… nous manquons alors peut-être l’occasion de les faire renouer avec leur Eglise… et je comprends qu’ils ne se sentent pas appelés à revenir plus régulièrement.

Hors de nos cultes et activités de paroisse, je remarque avec tristesse que nous ne sommes pas ou peu allés à la rencontre des communautés de migrants chrétiens qui pourtant pratiquent leur culte dans nos locaux. La communauté malgache et la communauté érythréenne célèbrent à la Maladière : leur avons-nous manifesté l’envie de venir prier une fois ou l’autre avec eux ? leur avons-nous proposé de nous rencontrer autour du Seigneur à d’autres occasions ? Non… pas que je sache. Je me repens la première de cette attitude, et je promets (la promesse positive et qui engage) d’aller à leur rencontre et d’essayer de mettre en route d’autres paroissiens dans cette démarche d’aller au-devant de l’autre malgré ses différences, sans jugement.

Nous avons en effet tendance à nous décharger : nous leur offrons un lieu de culte, n’est-ce pas suffisant ? Pour ma part, je pense que non… et l’auteur de l’épître de Jacques serait certainement d’accord puisque pour lui, les œuvres sont le corollaire de la vraie foi, et Félix Moser en fait le dernier critère de crédibilité.

A quoi bon, mes frères, dire qu’on a de la foi, si l’on n’a pas d’œuvres ? La foi peut-elle sauver, dans ce cas ? Si un frère ou une sœur n’ont rien à se mettre et pas de quoi manger tous les jours, et que l’un de vous leur dise : « Allez en paix, mettez-vous au chaud et bon appétit », sans que vous leur donniez de quoi subsister, à quoi bon ? (Jacques 2, 14-16)

6. Un témoin ne sépare pas la foi des œuvres.

Nous évitons souvent la question des œuvres en nous repliant sur le Sola fide qui fonde le protestantisme. Certes Luther avait raison d’insister sur le fait qu’on n’achète pas sa place au paradis…

Dans le même genre, on a souvent privilégié l’attitude de Marie à celle de Marthe : la foi intérieure et contemplative prime sur l’action qui nous épuise… Cette lecture est fausse à mon avis… Jésus accueille Marie et Marthe, ce sont deux faces d’une même médaille et je crois que nous sommes appelés à être Marthe et Marie à la fois.

Félix Moser revient sur le débat animé entre le rapport de la foi aux œuvres. Pour lui il ne faut pas tout confondre… quelle foi ? quelles œuvres ? comment ? pourquoi ? Voici sa réponse :

A mes yeux, l’œuvre au sens où l’entend l’auteur de l’épître de Jacques n’est donc pas un rempart que l’homme construit entre Dieu et lui pour se donner bonne conscience. Elle ne balise pas non plus un chemin qui conduirait vers une perfection illusoire. […]l’œuvre est portée par l’élan créateur de la foi. Elle se définit comme la possibilité d’agir dans la société. Le terme action traduit mieux à mon sens ce que Jacques entend par le mot « œuvre » en ce qu’il conjugue précisément le dire et le faire. (Félix Moser)

Donc, l’œuvre telle qu’elle est entendue par Félix Moser dans sa lecture de Jacques n’est pas simplement un acte de bonne conscience ou qui nous justifie, elle ne mène pas à la perfection. L’œuvre découle naturellement de notre engagement de vivre dans la confiance en Dieu et elle nous donne la possibilité d’agir dans la société. « Faites ce que je dis pas ce que je fais » : nous devrions prendre garde… trop souvent nous correspondons à cette triste image proverbiale…

Félix Moser appelle en fin d’ouvrage à une théologie de l’action, une théologie qui viserait à la construction sociale du lien de la confiance. Cette théologie conjuguerait l’action de Dieu et celle des hommes et des femmes, la spiritualité et l’action, la confiance et le combat. Je ne peux qu’espérer que nos pasteurs et théologiens nous engage à vivre une telle vision de la foi, que nous en ferons l’expérience réaliserons ainsi chaque jour un peu plus cette magnifique exhortation de Jacques :

Soyez réalisateurs de la Parole !

Oui… Soyons-le!

Je vous souhaite un très beau week-end

Cécile

 

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