Thomasmesse du 22 mai 2016

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Ce dimanche 22 mai, à 18h au Temple du Bas, portés par les accords de la guitare amplifiée d’Arnaud Paolini, nous entrons dans cette célébration par un chant qui reflète le thème du jour : « Laisse-nous, Seigneur, entrer »…

Porte fermée… ou ouverte ?

Dans la première partie dédiée à la lecture et l’approfondissement d’un texte biblique, c’est la parabole des dix vierges (Mt 25,1-13) qui a retenu notre attention. Afin de prendre du recul et de nous représenter les enjeux de cette parabole, elle nous a été jouée par trois acteurs.

IMG_2809Joyeuses, deux jeunes femmes se rendent à une noce. Devant la porte qui tarde à s’ouvrir, elles s’endorment. À leur réveil, l’une, naïve, se rend compte que sa lampe n’aura bientôt plus d’huile. La seconde, rusée, refuse de partager sa réserve tout juste suffisante et suggère à sa compagne de se rendre en ville pour acheter de l’huile, ce que la jeune étourdie s’empresse de faire. En son absence, l’époux ouvre la porte et reçoit la jeune fille prévoyante. Lorsque la seconde arrive enfin, elle se voit refuser l’entrée…

Après quelques minutes de réflexion personnelle, chacun est invité à s’exprimer. L’un des assistants constate qu’il ne peut adhérer à cette parabole qui ne reflète pas la promesse d’accueil du Christ. La jeune étourdie est de bonne foi, elle veut bien faire… comment le Royaume de Dieu pourrait-il rester fermé pour une si petite erreur ? Quant à moi, je sais que, de nature prévoyante, je n’aurais cependant jamais pu refuser de partager mon huile, quitte à en manquer moi-même…

Elisabeth Reichen qui préside ce moment de lecture et partage avec nous sa méditation sur cette parabole. Elle souligne que nos questions font partie de celles qui l’ont préoccupée lorsqu’elle a choisi ce texte pour cette Thomasmesse. Comme Thomas, nous doutons… Nous doutons que le Christ dont le premier commandement est d’aimer son prochain comme soi-même puisse accueillir la jeune fille avare de son huile et rejeter la jeune ingénue.

Le Royaume des cieux peut-il être compris à l’image d’une porte ouverte à ceux qui font preuve de vigilance et d’égoïsme? peut-il être assimilé à une porte fermée à ceux qui ont eu un moment d’inattention et ont été mal conseillés? comment peut-on alors accorder cette parabole avec la Bonne nouvelle de l’Évangile ?

IMG_2801Elisabeth Reichen explique que l’on peut donner une autre interprétation à l’allégorie traditionnellement admise de cette parabole. Considérant le contexte et le sens des mots d’alors, nous pouvons, à la suite de la théologienne allemande Luise Schottroff, en revoir le sens.

Les jeunes filles agissent au sein d’une société qui impose des normes répressives… Elisabeth Reichen souligne à quel point cette « morale » est incompatible avec l’Évangile du Christ :

L’interprétation de la porte fermée qui divise la société en ceux de dehors et ceux de dedans n’est pas acceptable du point de vue chrétien. Il n’est pas possible que les gens qui souffrent de violence et d’injustice ne puissent pas bénéficier du message d’amour du Christ. Cette histoire parle de violence, de soumission sociétale.

Nous devons donc relire cette parabole à la lumière de la révélation de Dieu en Jésus-Christ mort et ressuscité comme un Dieu d’amour. Nous pouvons considérer que le Christ nous mène par cette parabole à constater l’injustice en ce monde. Puisqu’il s’agit de veiller, il nous secoue pour nous faire prendre conscience de cette situation d’injustice et de soumission à un ordre social établi. Jésus raconte des situations que les gens connaissent et veut ainsi leur ouvrir les yeux et les faire discuter: comment faire pour changer quelque chose? comment agir pour que la vie puisse se rapprocher de plus en plus du royaume de Dieu?

En ce sens je m’interroge : l’époux aurait-il accueilli les jeunes filles à la lampe éteinte si elles s’étaient trouvées devant la porte ? J’aime à croire que oui. Il a ouvert la porte et accueilli celles qui se trouvaient devant, malgré qu’elles aient refusé de partager leur huile et qu’elles aient incité les autres par un mauvais conseil à se rendre en ville pour en acheter…

Christ nous dit de « veiller », afin d’être là lorsque les portes s’ouvrent. La parabole insiste sur l’importance première de se mettre en mouvement pour aller à sa rencontre, malgré nos manquements. En effet, rappelons que toutes les jeunes filles, sans exception, s’étaient assoupies.

Peut-être dois-je avant tout renoncer à courir dans le monde pour acheter de l’huile, mais simplement me tenir prête devant la porte ? Car qui d’autre que Christ pourra emplir la lampe de ma foi pour en entretenir la flamme ?

Un temps de veille

Lors de la deuxième partie de la cérémonie, nous sommes appelés à la prière et à la méditation à travers sept espaces. Ce temps de veille nous est donné comme la possibilité de nous tenir avec patience devant la porte de notre cœur, priant pour que l’Esprit l’ouvre.

IMG_2796Les doux accords de la guitare d’Arnaud Paolini nous accompagnent. Sa mélodie évolue, elle me semble parfois sereine pour nous aider à sonder nos profondeurs, pour ouvrir certaines portes encore fermées. Elle me paraît parfois être un souffle d’espoir et de joie, et reflète ainsi les paysages lumineux que l’on aperçoit depuis les portes que nous ouvrons. Parfois mélancolique, elle reflète notre impuissance et notre découragement devant certaines portes qui nous restent fermées. Dans ces modulations sonores, nous évoluons entre les différents espaces… je décrirai ceux que j’ai parcouru.

IMG_2816L’espace intitulé « Car mon joug est doux…. », nous propose de nous décharger des fardeaux qui nous pèsent. Nous pouvons simplement déposer une pierre devant une icône du Christ, ou nommer ce fardeau en l’écrivant sur la pierre que nous déposons ensuite. Une manière concrète d’avouer notre faiblesse et de s’en remettre au Christ, sans garder pour nous ce qui nous pèse. Une manière de nous tenir, tels que nous sommes, devant sa porte.

Sur le mur des lamentations, nous osons nous insurger sur ce qui nous révolte, ne pas rester muet devant toutes les portes fermées de notre monde, mais frapper énergiquement pour que quelqu’un nous entende et ouvre. Tout proche, l’espace « Vivre ensemble – pensées pour toi ! » nous invite à prendre conscience que nous aussi nous maintenons certaines portes fermées, et nous propose de prendre le temps de penser à « nos ennemis » ou aux personnes de notre entourage auxquelles nous ne prêtons pas une attention particulière. Cet espace m’a permis de mieux cerner mes limites, et de demander à Dieu d’ouvrir chaque jour en moi de nouvelles portes pour accueillir le monde qui m’entoure.

IMG_2815Dans l’espace « Silence », chacun est invité à allumer une bougie et à méditer. En allumant la mienne, j’ai ressenti du réconfort : ensemble, nous sommes ces petites flammes, parfois vacillantes, mais reflets de la lumière divine.

 

Finalement, une bénédiction toute personnelle m’a affermie dans ma foi et ma confiance d’être enfant de Dieu, et c’est avec la porte de mon cœur plus ouverte que je suis retournée parmi l’assemblée pour célébrer la cène. Avant de nous séparer, nous avons chanté

Ne rentrez pas chez vous comme avant

… et pour ma part, cette Thomasmesse a ouvert des portes nouvelles à ma foi, et m’invite à « vivre en femme nouvelle » pour ouvrir à mon tour des portes dans mon quotidien.

Bien à vous

Cécile

 

2 réflexions sur « Thomasmesse du 22 mai 2016 »

  1. Merci, chère Cécile, pour ce magnifique reportage, de nouveau si bien exprimé avec tant de coeur. Tantôt je t’engagerai à écrire mes textes que je peine à traduire et mettre en forme (pour l’expo sur la nuit)….
    Je relèverai juste une de tes questions, celle où tu te demandes: si l’époux aurait accueilli les filles sans les réserves d’huile… Justement, vu la pression de la société patriarcale de l’époque, il n’en voulait pas de filles qui oublient, qui ne sont pas prévoyantes. Selon des recherches dans d’autres récits (rabbiniques entre autre) de l’époque, il y avait des règles strictes et Jésus met le doit sur cette injustice. Évidemment si Jésus était l’époux, la porte resterait ouverte même si quelqu’un-e tarde à venir- je suis persuadée de cela. Si tu dois courir chercher un truc parce que tu as oublié, parce que tu as reçu un mauvais conseil mais que ton élan te porte vers lui, eh bien, il sera là. Oui, j’en crois fermement.
    Bises Elisabeth

    1. merci Elisabeth pour ce retour et ta précision sur le sens de cette parabole si difficile à cerner!
      Il n’est pas facile pour moi de me savoir aimée de Dieu… Souvent je me trouve indigne de son amour, j’ai peur de franchir le seuil lorsqu’il m’ouvre sa porte… Du coup, je trouverais « normal » que l’on ne m’ouvre pas la porte… mais, et aussi grâce à cette Thomasmesse, je progresse chaque jour vers une confiance plus affermie. Puisse l’Esprit m’ouvrir à la confiance en Son amour inconditionnel, pour que mon élan vers lui soit de plus en plus assuré!

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