![\"\"](\"https:\/\/www.eren.ch\/neuchatel\/wp-content\/uploads\/sites\/3\/2024\/03\/image.png\")
<\/figure><\/div>\n\n\nMais je vous propose de faire un pas de c\u00f4t\u00e9 et de nous laisser interpeller par cette lumi\u00e8re dont il est question dans ces lignes. La lumi\u00e8re, tellement pr\u00e9sente dans notre vie quotidienne qu\u2019on n\u2019y pense m\u00eame plus, sauf parfois en hiver lorsque les journ\u00e9es se font d\u00e9cid\u00e9ment trop courtes et qu\u2019on aimerait bien se coucher plus t\u00f4t et se lever plus tard.
Si nous remontons suffisamment loin dans nos souvenirs d\u2019enfants, nous pensons tout naturellement \u00e0 la lumi\u00e8re qui chasse les peurs de la nuit et qui fait dispara\u00eetre les monstres cach\u00e9s sous notre lit. Et dans notre vie d\u2019adulte, la lumi\u00e8re de l\u2019aube vient encore chasser nos cauchemars et dissiper les angoisses ressass\u00e9es durant nos insomnies.
Dans ces moments-l\u00e0, la lumi\u00e8re nous aide \u00e0 lutter contre les d\u00e9bordements de notre imagination et elle nous rassure.<\/p>\n\n\n\n
Mais parfois aussi, la lumi\u00e8re n\u2019est pas notre alli\u00e9e. Par exemple, lorsqu\u2019elle \u00e9claire un peu trop directement la poussi\u00e8re qui sommeille dans les recoins de notre salon et qu\u2019elle nous rappelle que d\u00e9cid\u00e9ment, nous ne sommes pas des as du m\u00e9nage. Ou lorsqu\u2019elle r\u00e9v\u00e8le les imperfections de notre visage dans le miroir de notre salle de bain. Dans ces moments-l\u00e0, la lumi\u00e8re devient le t\u00e9moin indiscret de nos id\u00e9aux narcissiques et on dirait qu\u2019elle prend un malin plaisir \u00e0 nous rappeler que nous en sommes bien loin.<\/p>\n\n\n\n
Moins prosa\u00efquement, la lumi\u00e8re est aussi convoqu\u00e9e pour exprimer notre rapport \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9. Quand on parle de faire la lumi\u00e8re sur une situation, on exprime le d\u00e9sir de voir \u00e9clater une v\u00e9rit\u00e9 au grand jour ou au contraire, la hantise de voir s\u2019\u00e9taler publiquement des \u00e9v\u00e8nements qu\u2019on souhaiterait cacher.<\/p>\n\n\n\n
Nous avons appel\u00e9 la lumi\u00e8re \u00e0 chaque fois que nous avons voulu qu\u2019une injustice soit r\u00e9v\u00e9l\u00e9e. Nous avons craint la lumi\u00e8re \u00e0 chaque fois que nous avons refus\u00e9 d\u2019assumer une attitude ou une parole. Nous l\u2019avons ador\u00e9e lorsqu\u2019elle nous a donn\u00e9 raison en \u00e9clairant les faits qui nous \u00e9taient favorables. Nous l\u2019avons d\u00e9test\u00e9e lorsqu\u2019elle nous a emp\u00each\u00e9s d\u2019\u00e9crire un r\u00e9cit qui pr\u00e9serve notre ego, en laissant dans l\u2019ombre certains aspects de nos exp\u00e9riences.
La lumi\u00e8re joue donc un r\u00f4le ambivalent dans notre existence.<\/p>\n\n\n
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<\/figure><\/div>\n\n\nElle est l\u2019amie de notre qu\u00eate de v\u00e9rit\u00e9 et de justice et le soutien de notre besoin de nous arrimer \u00e0 une r\u00e9alit\u00e9 tangible et solide. Mais elle est aussi l\u2019ennemie de nos secrets et de nos hontes et la r\u00e9v\u00e9latrice impitoyable de nos failles et de nos bassesses.<\/p>\n\n\n\n
L\u2019auteur de l\u2019\u00e9vangile de Jean \u00e9tait bien conscient de la force \u00e9vocatrice des images qu\u2019il employait. Et sous ses dehors un peu dogmatiques, ce texte veut nous rejoindre jusque dans les infimes replis de notre v\u00e9cu.<\/p>\n\n\n\n
\u00c9videmment, ces quelques lignes sont un condens\u00e9 th\u00e9ologique qui nous fait passer \u00e0 la vitesse de la lumi\u00e8re \u2013 c\u2019est le cas de le dire \u2013 de la croix \u00e0 la Vie \u00e9ternelle en passant par le jugement tout en cherchant la V\u00e9rit\u00e9 et il peut para\u00eetre quelque peu indigeste. Une lecture superficielle peut nous laisser confus voire nous causer une attaque de paupi\u00e8res suivant le moment de la journ\u00e9e.
Les histoires sont plus faciles \u00e0 \u00e9couter que les expos\u00e9s, surtout lorsqu\u2019ils sont tr\u00e8s synth\u00e9tiques comme celui-ci. Alors je vous propose de cheminer \u00e0 travers un conte quelque peu revisit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n
Le petit Poucet des temps modernes \u00e9tait sorti depuis longtemps de la for\u00eat de l\u2019obscurantisme et des superstitions o\u00f9 il s\u2019\u00e9tait jadis perdu. Il avait emprunt\u00e9 le chemin de l\u2019exp\u00e9rimentation scientifique et il avait d\u00e9couvert la lumi\u00e8re des grands espaces, de la curiosit\u00e9 et de la raison. L\u2019univers qui l\u2019entourait ne lui faisait plus peur. Il avait trouv\u00e9 les lois qui r\u00e9gissent les ph\u00e9nom\u00e8nes naturels et aussi celles qui conditionnent les interactions sociales. Le monde lui \u00e9tait devenu plus familier et l\u2019avenir plus pr\u00e9visible. A tel point, qu\u2019il se disait qu\u2019il n\u2019aurait peut-\u00eatre plus tellement besoin d\u2019un Dieu pour s\u2019orienter dans la vie.<\/p>\n\n\n
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<\/figure><\/div>\n\n\n
Mais c\u2019\u00e9tait plus fort que lui, il avait beau se dire que l\u2019esprit humain pouvait tout r\u00e9soudre et que les myst\u00e8res n\u2019\u00e9taient que des ph\u00e9nom\u00e8nes en attente d\u2019\u00e9lucidation, il ne se sentait ni satisfait ni apais\u00e9. Il y avait en lui cette soif de vivre et de vivre pleinement qui n\u2019\u00e9tait jamais vraiment combl\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n
Et les multiples distractions qu\u2019il trouvait en chemin n\u2019y faisaient rien. Au gr\u00e9 de ses errances, il finit par arriver chez un ogre qui \u00e9tait avide de pouvoir et qui pr\u00e9tendait d\u00e9tenir la v\u00e9rit\u00e9. Dans son royaume, la lumi\u00e8re \u00e9tait interdite. Mais on distribuait un livre unique qui retra\u00e7ait l\u2019histoire officielle de l\u2019humanit\u00e9 et qu\u2019il fallait apprendre par coeur sans poser de questions. Cette histoire faisait peur. Elle racontait que tous ceux qui n\u2019\u00e9taient pas d\u2019accord avec la politique du lieu \u00e9taient de dangereux ennemis. Petit Poucet remarqua que ce r\u00e9cit \u00e9tait truff\u00e9 de sottises, d\u2019approximations et d\u2019inventions. On lui r\u00e9pondit que ce qu\u2019il appelait des erreurs \u00e9taient des faits alternatifs. Parce qu\u2019au pays de l\u2019ogre, m\u00eame les faits n\u2019avaient pas le droit d\u2019\u00eatre t\u00eatus.<\/p>\n\n\n
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<\/figure><\/div>\n\n\n
Il entendit alors sonner des cloches dans la r\u00e9gion voisine. On \u00e9tait dimanche, il \u00e9tait l\u2019heure du culte et il se dit que \u00e7a faisait fort longtemps qu\u2019il n\u2019\u00e9tait plus all\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00c9glise. Il quitta le domaine de l\u2019ogre pour rejoindre l\u2019assembl\u00e9e des paroissiens.<\/p>\n\n\n\n
L\u00e0, il entendit l\u2019histoire du peuple qui avait err\u00e9 dans le d\u00e9sert et qui s\u2019\u00e9tait r\u00e9volt\u00e9 contre Dieu.<\/p>\n\n\n\n
Il y \u00e9tait question d\u2019un serpent d\u2019airain qui avait le pouvoir de sauver, comme si le symbole du rejet de Dieu pouvait \u00eatre d\u00e9tourn\u00e9 en instrument de la bienveillance divine. Comme si ce qui donnait la mort pouvait donner la vie. Tout ceci lui parut bien \u00e9trange.
Puis il \u00e9couta un passage tr\u00e8s dense de l\u2019\u00e9vangile de Jean. Ce langage lui sembla d\u2019abord bien complexe. Mais il comprit que l\u2019\u00e9l\u00e9vation de J\u00e9sus d\u00e9signait sa crucifixion.
Et il se demanda pourquoi il avait fallu qu\u2019il meure ainsi. Puis il plongea dans son propre pass\u00e9. Il se souvint \u00e0 quel point la mort de ses proches avait \u00e9t\u00e9 traumatisante et douloureuse. Il ressentit \u00e0 nouveau le sentiment de solitude et d\u2019incompr\u00e9hension qu\u2019il avait \u00e9prouv\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9poque. Il sentit son coeur se r\u00e9volter contre cette mort qui fait irruption dans la vie et qui s\u00e9pare les \u00eatres. Il se demandait pourquoi Dieu ne luttait pas contre ce fl\u00e9au, puisqu\u2019il voulait sauver le monde. Puis il entendit cette phrase : \u00ab Dieu a tant aim\u00e9 le monde qu\u2019il a donn\u00e9 son Fils unique pour que quiconque croit en lui ne p\u00e9risse pas, mais qu\u2019il ait la vie \u00e9ternelle \u00bb. Un rayon de lumi\u00e8re traversa un vitrail qui repr\u00e9sentait Mo\u00efse et le serpent d\u2019airain et vint \u00e9clairer la croix qui se dressait au fond de l\u2019\u00c9glise.
Il y eut une sorte de d\u00e9clic en lui. Comme si les pi\u00e8ces du puzzle de sa vie se mettaient en place dans son esprit.<\/p>\n\n\n
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<\/figure><\/div>\n\n\n
Dieu n\u2019\u00e9tait donc pas une id\u00e9e ou une croyance d\u00e9connect\u00e9e de la r\u00e9alit\u00e9. Dieu \u00e9tait un visage d\u2019amour pour le monde. Dieu \u00e9tait vraiment venu partager son existence. Il \u00e9tait m\u00eame pr\u00e9sent au coeur de la mort. Dieu \u00e9tait l\u00e0 o\u00f9 on n\u2019attendait plus rien de la vie. Et \u00e7a changeait tout. On ne lui demandait pas d\u2019adh\u00e9rer \u00e0 des sp\u00e9culations bizarres. La Vie \u00e9ternelle n\u2019\u00e9tait pas un fait alternatif. C\u2019\u00e9tait une force d\u2019amour \u00e0 l\u2019oeuvre dans la r\u00e9alit\u00e9 quotidienne. Une autre phrase de l\u2019\u00e9vangile de Jean qu\u2019il avait entendue au cat\u00e9chisme lui revint en m\u00e9moire : \u00ab Celui qui croit en moi vivra. M\u00eame s\u2019il meurt \u00bb. Petit Poucet se sentit redress\u00e9 de l\u2019int\u00e9rieur au-del\u00e0 de toute attente.
Lui qui n\u2019avait jamais \u00e9t\u00e9 vraiment consid\u00e9r\u00e9 par ses semblables parce qu\u2019il n\u2019avait pas de talent particulier et qu\u2019il n\u2019avait pas tellement confiance en lui, se voyait soudain rayonner d\u2019une dignit\u00e9 que rien ni personne ne pourrait lui \u00f4ter. M\u00eame pas l\u2019ogre qui r\u00e9gnait par le mensonge et par la peur.<\/p>\n\n\n\n
Il eut envie de partager sa nouvelle joie de vivre et d\u2019en t\u00e9moigner autour de lui. Il n\u2019avait plus honte de ce qu\u2019il \u00e9tait et il n\u2019avait plus peur que la lumi\u00e8re \u00e9claire sa vie.
Il avait compris que la foi n\u2019est pas un instrument qui sert \u00e0 \u00e9lucider tous les myst\u00e8res de la vie. Mais qu\u2019elle est une ouverture \u00e0 l\u2019amour qui vient habiter notre monde pour lui ouvrir un avenir. La foi n\u2019est pas un d\u00e9ni de r\u00e9alit\u00e9. Elle est une br\u00e8che d\u2019esp\u00e9rance dans un environnement satur\u00e9 de d\u00e9terminismes et d\u2019inqui\u00e9tudes. La foi ne rejette pas la mort. Elle la croit transcend\u00e9e par un projet de vie que rien ne peut mettre en \u00e9chec. Nous n\u2019avons pas \u00e0 craindre que la lumi\u00e8re \u00e9claire nos fragiles r\u00e9cits de vie. Car ils sont porteurs d\u2019une dignit\u00e9 que rien ne peut d\u00e9truire.
L\u2019amour comme ultime v\u00e9rit\u00e9. Voil\u00e0 ce qui nous est offert.<\/p>\n\n\n
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<\/figure><\/div>\n\n\n
Cette v\u00e9rit\u00e9 n\u2019est pas une croyance ou un savoir, mais une exp\u00e9rience \u00e0 saisir dans la relation que Dieu veut tisser avec nous. Elle nous invite \u00e0 une certaine humilit\u00e9. Car avant d\u2019avoir la pr\u00e9tention de transformer le monde, nous devons d\u2019abord nous laisser transformer par sa pr\u00e9sence dans les creux de notre existence. Nous ne ma\u00eetrisons pas tout. Nous ne comprenons pas tout.
Mais sommes porteurs d\u2019une \u00e9tincelle de vie que rien n\u2019a le droit d\u2019\u00e9teindre. Cette conviction nous invite \u00e0 voir la vie de nos semblables comme un espace de cr\u00e9ativit\u00e9 et de libert\u00e9 qui ne nous appartient pas. La lumi\u00e8re qui \u00e9claire cette humanit\u00e9 ne r\u00e9v\u00e8le pas un monde en noir et blanc, mais un cal\u00e9idoscope aux combinaisons de couleur infinies.
Nous avons encore un r\u00f4le \u00e0 jouer dans le monde. Nous ne sommes pas condamn\u00e9s \u00e0 nous retrouver entre nous et \u00e0 voir nos assembl\u00e9es d\u00e9cliner et nos paroisses s\u2019\u00e9teindre.
Nous pouvons t\u00e9moigner autour de nous d\u2019un art d\u2019\u00eatre en chemin et de se relier aux autres avec l\u2019amour pour seule boussole. Cet amour n\u2019est pas seulement une capacit\u00e9 \u00e0 s\u2019\u00e9mouvoir du sort des autres. Il est une force agissante capable de renverser la mort. Nous pouvons d\u00e8s \u00e0 pr\u00e9sent relire le livre de notre vie \u00e0 la lumi\u00e8re de cette puissance de changement. Nos hontes et nos sentiments de culpabilit\u00e9 n\u2019auront pas le dernier mot. Dieu n\u2019est pas venu pour nous juger, mais pour nous aimer.<\/p>\n\n\n\n
Amen<\/p>\n\n\n\n
Marianne Chappuis, 10 mars 2024<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"