Un chemin personnel qui me relie aux autres

Prédication du 1er mai 2022

3ème dimanche de Pâques

Baptême de Liam

De Patrick Schlüter

Texte biblique : Jean 21, 1-19

Aimez-vous les chiffres ?

Je n’aimerais pas vous faire peur un dimanche matin. Mais j’aimerais commencer par parler des nombres qui apparaissent dans ce récit de la fin de l’évangile de Jean. D’abord, il y a 7 disciples qui sont réunis autour du lac de Tibériade. 7 c’est le nombre de jour dans la semaine, le nombre de jour du récit de la création. 7 dans la symbolique des nombres, c’est le chiffre de la totalité. 7 disciples, c’est donc un symbole de toute l’Église qui est réunie après Pâques. Parmi ces 7 disciples, il y a des membres des 12 apôtres, Simon Pierre, Thomas, Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Il y a aussi Nathanaël qui n’est pas un apôtre et deux autres dont on ne connait pas le nom, peut-être simplement pour que nous puissions mieux nous mettre à leur place. 7 disciples donc qui figurent la totalité de l’Église. D’ailleurs comme pour renforcer cette interprétation, le mot disciple apparait 7 fois dans le début du récit, avant que Jésus ne parle à Pierre.

Il y a encore un autre nombre qui apparait un peu comme un détail : les 153 poissons. Quel est l’intérêt de ce nombre ? Sans doute y a-t-il un symbole derrière… Plusieurs explications ont été avancées. J’aimerais vous en livrer deux qui vont dans le même sens. Elles viennent des Pères de l’Église Jérôme et Augustin.

Pour Jérôme, 153 est un chiffre de totalité. En effet, il semble que les zoologistes grecs distinguaient 153 espèces de poissons différentes.

Pour Augustin, il se faut se donner la peine de calculer un peu. 153, c’est la somme des nombres de 1 à 17. Donc 1 + 2 + 3 + 4, etc jusqu’à 17 donne 153. Le nombre 17, c’est 10 plus 7. 10 est le nombre de la multitude et 7 symbolise la totalité.

J’espère que vous n’avez pas trop mal à la tête !

Dans ces deux explications, les poissons représenteraient la multitude des êtres humains appelés et touchés par la foi chrétienne. D’ailleurs, les disciples quand ils sont appelés sont invités par Jésus à devenir des pécheurs d’hommes.

Dans cette histoire, il y a une forte symbolique qui invite à voir l’Église réunie autour de Jésus et unie comme un filet qui ne déchire pas. Le partage du pain d’ailleurs ressemble à une Sainte-Cène. Ce récit commence donc par parler de l’Église réunie.

J’ai commencé par vous demander si vous aimiez les chiffres. Je crois que dans l’Église, on est souvent attentif au nombre de personnes réunies. On compte parfois le nombre de personnes au culte. On est triste quand on n’est pas assez, quand la fréquentation baisse. On se réjouit quand on est beaucoup quand une activité est bien fréquentée.

Pourtant quand on parle de chiffres, on peut aussi avoir une autre réaction : on n’aime pas être un numéro, quelqu’un dont la personnalité ne compte pas, mais la présence oui.

C’est l’Église qui est réunie, mais Jésus a une relation avec chacun. C’est ce que montre le dialogue avec Pierre. Jésus rassemble ses disciples, mais il connait chacun personnellement. Ici, c’est avec Pierre qu’il parle, mais chacun de nous est invité à avoir son propre dialogue avec le Christ qui peut être inspiré par celui de Pierre.

3 fois Jésus demande à Simon Pierre : “ M’aimes-tu ? ”

3 fois. Cela fait penser au reniement dans lequel Pierre a nié connaître le Christ au moment où celui-ci était arrêté.

“ M’aimes-tu ? ” Dans nos traductions françaises, les questions semblent presque identiques. Pourtant en grec, il y a une nuance de taille. Il y a deux verbes pour dire aimer qui apparaissent dans ce récit. Agapaô et phileô.

Agapaô, c’est le verbe le plus fort, celui de l’amour universel, l’amour du prochain envers et contre tout.

Phileô, c’est le verbe qui parle de l’affection, de l’amitié.

Alors au début du récit, Jésus demande à Pierre : est-ce que tu m’aimes vraiment-agapaô jusqu’au bout, plus que tous les autres ? Vous savez bien, comme Pierre prétendait donner sa vie en même temps que Jésus.

Et Pierre répond : Oui, Seigneur, tu sais que j’ai de l’affection pour toi, que je suis ton ami-phileô.

Jésus reconnait cette humilité et il confie une mission à Pierre : prends soin de mes agneaux.

Pourtant, Jésus insiste : “est-ce que tu m’aimes vraiment-agapaô jusqu’au bout ?

Pierre continue humblement : oui, Seigneur, tu sais que j’ai de l’affection pour toi, que je suis ton ami.

A nouveau Jésus lui confie la même mission.

Jésus continue, mais cette fois, il met même en doute cette affection de Pierre : Simon, fils de Jean, est-ce que tu as de l’affection pour moi, est-ce que tu es mon ami-phileô ?

C’est pour cela que Simon Pierre est triste. Peut-être que Jésus met en doute son affection, son amitié pour lui. Mais là, il sait qu’il dit vrai, qu’il est sincère, lucide sur lui-même : Seigneur, tu sais tout, tu sais que j’ai de l’affection pour toi, que je suis ton ami.

Et Jésus continue de lui confier la même mission. Il annonce encore à Pierre qu’il le suivra jusqu’au bout plus tard.

“ M’aimes-tu ? ” Cette question de Jésus à Pierre nous pouvons aussi nous la poser. C’est la question de notre motivation dans la foi, de la motivation de notre engagement.

M’aimes-tu plus que les autres ? Parfois aussi il arrive que l’on se compare aux autres, ou qu’on les compare entre eux. C’est bien humain, d’ailleurs, même après son dialogue avec Jésus qui l’a ramené à lui-même, Pierre continue dans cette logique : et ce disciple-là, qu’est-ce qui va lui arriver ? Jésus coupe court à la conversation : « que t’importe, toi suis-moi. »

Toi suis-moi.

Notre récit a commencé par l’Église réunie, pourtant la foi est une relation personnelle avec Jésus.

Dimension communautaire et dimension personnelle de la foi. Dans le baptême de Liam que nous venons de vivre, ces 2 dimensions sont aussi présentes. Liam est accueilli dans la communauté chrétienne et Dieu veut construire une relation personnelle avec lui en toute liberté.

Quelle est notre motivation profonde, notre amour du Christ, où en sommes-nous dans ce temps de Pâques ? Le regard de Jésus invite à entrer dans ce dialogue intérieur avec Dieu. Avec bienveillance, Jésus nous invite à revenir à la source de notre foi, à notre motivation profonde. Quelle est-elle ?

Chacun est invité à creuser jusqu’au fond de lui-même pour la trouver, pour la cueillir comme une fleur. C’est à partir qu’il est possible d’avancer. N’essayons pas de faire comme si nous n’avons pas de doute, pas de faiblesses. C’est en reconnaissant ses faiblesses, son manque que nous trouverons de la force. Ne regardons pas ce que nous n’avons pas, ce que nous croyons peut-être voir chez les autres. Chacun est invité à regarder ce qu’il a. Alors, ton affection, ton amour peut-être petit, c’est de l’amour qui peut grandir et te porter en avant pour marcher à la suite de Jésus.

Amen.