Prédication pour le 24 août 2025
Temple de Fleurier
Micha Weiss

Photo de Jade Stephens, Unsplash
PRÉDICATION
Revenir au commencement
Avant de lire d’une traite les 7 jours de la Création (ne vous inquiétez pas, j’ai choisi des extraits), je me permets encore quelques mots sur trois fausses pistes qui peuvent parfois nous rendre mal à l’aise ou nous empêcher d’entrer dans le texte et son message. Peut-être que c’est de la redite pour vous. Moi c’est un rappel qui me fait parfois du bien de réentendre.
Trois fausses pistes (parmi d’autres)
Se tromper de destinataire
Dans ces premiers chapitres, Dieu cherche à communiquer qui Il est à des personnes spécifiques d’une époque spécifique : l’ancien peuple d’Israël. Il communique donc dans leur contexte, dans leur compréhension du monde et de la vie.
Nous qui vivons des milliers d’années plus tard, on est évidemment pas les premiers destinataires de ces textes. Pour essayer de les comprendre, c’est donc important de prendre en compte et de respecter leur contexte, bien différent du nôtre.
Se tromper de genre littéraire
La Bible n’est pas un manuel scientifique.
Le but des premiers chapitres de la Genèse, ce n’est pas de répondre à des questions scientifiques : l’âge de la Terre/de l’Univers, l’ordre dans lequel tout a été créé ou si Eve a vraiment été créée à partir d’une « côte » humaine (ce n’est pas le cas).
On est tout simplement dans un autre registre. C’est Dieu qui cherche à communiquer qui il est avec les moyens du bord connus par l’ancien peuple d’Israël.
Se tromper de dieu
Dieu, ce n’est évidemment pas un vieil homme barbu – ce n’est pas non plus un être supérieur qui tire les ficelles. Dieu est l’être-même. Dieu est la source de tout ce qui est. C’est pour ça qu’il se présente comme « Je SUIS » (Ex 3,14).
Dieu est. Tout simplement. Sans début, sans fin. Dieu est éternel, hors du temps (le temps, c’est lui qui le met en route), complètement différent de tout ce qu’on connait.
Quand on entend le mot Dieu, c’est ce mystère inimaginable et incompréhensible qui est communiqué. Ce même Dieu qui aime se révéler et nous rencontrer.
Maintenant qu’on tout ça est dit, je vous invite à lire le texte. Quels rythmes est-ce que vous entendez ? Quels mots se répètent ? Qu’est-ce que ça fait en vous ?
Lecture Genèse 1,1-2,3 (extraits)
1,1Au commencement Dieu créa le ciel et la terre.
2La terre était un chaos, elle était vide ; il y avait des ténèbres au-dessus de l’abîme, et le souffle de Dieu tournoyait au-dessus des eaux.
3Dieu dit : Qu’il y ait de la lumière ! Et il y eut de la lumière. 4Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. 5Dieu appela la lumière « jour », et il appela les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour.
6Dieu dit : Qu’il y ait une voûte au milieu des eaux pour séparer les eaux des eaux ! 7Dieu fit la voûte ; il sépara les eaux qui sont au-dessous de la voûte et les eaux qui sont au-dessus de la voûte. Il en fut ainsi. 8Dieu appela la voûte « ciel ». Il y eut un soir et il y eut un matin : deuxième jour.
9Dieu dit : Que les eaux qui sont au-dessous du ciel s’amassent en un seul lieu, et que la terre ferme apparaisse ! Il en fut ainsi. 10Dieu appela la terre ferme « terre », et il appela la masse des eaux « mer ». Dieu vit que cela était bon. 11Dieu dit : Que la terre donne de la verdure, des plantes produisant leur semence, et des arbres dont chaque espèce porte ses graines ! Il en fut ainsi. 12Dieu vit que cela était bon. 13Il y eut un soir et il y eut un matin : troisième jour.
14Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans la voûte céleste pour séparer le jour et la nuit ! Il en fut ainsi. 16Dieu fit les deux grands luminaires, ainsi que les étoiles. 17Dieu les plaça dans la voûte céleste pour éclairer la terre, 18pour dominer le jour et la nuit. Dieu vit que cela était bon. 19Il y eut un soir et il y eut un matin : quatrième jour.
20Dieu dit : Que les eaux grouillent de petites bêtes, d’êtres vivants, et que des oiseaux volent au-dessus de la terre, face à la voûte céleste ! 21 Dieu vit que cela était bon. 22Dieu les bénit en disant : Soyez féconds, multipliez-vous et remplissez les eaux des mers ; et que les oiseaux se multiplient sur la terre ! 23Il y eut un soir et il y eut un matin : cinquième jour.
24Dieu dit : Que la terre produise des êtres vivants selon leurs espèces : bétail, bestioles, animaux sauvages, chacun selon ses espèces ! Il en fut ainsi. 25Dieu vit que cela était bon. 26Dieu dit : Faisons les humains à notre image, selon notre ressemblance. 27Dieu créa les humains à son image : il les créa à l’image de Dieu ; homme et femme il les créa. 28Dieu les bénit ; Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui fourmillent sur la terre. 31Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait : c’était très bon. Il y eut un soir et il y eut un matin : le sixième jour.
2,1Ainsi furent achevés le ciel et la terre, et tout ce qu’ils contiennent. 2Le septième jour, Dieu avait achevé tout le travail qu’il avait fait ; le septième jour, il se reposa de tout le travail qu’il avait fait. 3Dieu bénit le septième jour et en fit un jour sacré, car en ce jour Dieu se reposa de tout le travail qu’il avait fait en créant.
Quel Dieu ?
Je ne sais pas vous, mais à l’école, on m’a tellement rabâché que la répétition était une erreur de style (je perdais toujours des points à cause de ça), que de lire un texte biblique me fait souvent dire que ses auteurs auraient fait une insuffisance. Pourtant, pour eux, la répétition de mots-clés est essentielle pour mettre en avant les idées les plus importantes.
Dans notre texte, il y a un mot qui est répété inlassablement, 34 fois quand arrive au bout des 7 jours : c’est le mot « Dieu ». L’auteur nous fait comprendre que c’est Dieu qui est au centre de cette histoire, c’est Dieu l’acteur principal. Et donc on est invité à prêter particulièrement attention à qui il est – par sa manière de dire, de voir et de faire les choses.
- Un Dieu qui donne vie par sa présence
Ce qu’on découvre en premier sur ce Dieu, après qu’il ait préparé sa toile (le ciel et la terre), c’est que sa simple présence amène la vie. L’auteur nous dit qu’« il y avait des ténèbres au-dessus de l’abîme, et le souffle de Dieu tournoyait au-dessus des eaux ».
Les eaux sont déjà là, mais ces eaux sont sombres, sans vie, elles sont menaçantes et destructrices. C’est comme ça qu’un hébreux comprenait le mot abime. Mais cet abime sans vie change avec l’Esprit de Dieu qui flotte au-dessus de lui. Le mot abime est remplacé par le mot plus général pour l’eau nécessaire à la vie.
La simple présence de Dieu rend la vie possible.
- Un Dieu qui ouvre des espaces et les remplit
On a aussi entendu que « la terre était un chaos, elle était vide ». C’est de cette phrase qu’on tient notre expression « tohu-bohu », de l’hébreux tohu wa bohu.
Dans les 6 jours qui suivent, Dieu va transformer ce chaos et ce vide.
Dans les trois premiers jours, il s’occupe du chaos en mettant de l’ordre. C’est vraiment de l’aménagement du territoire : jour 1, l’aménagement du jour et de la nuit ou dit autrement, du temps / jour 2, le ciel et la mer / jour 3, la terre et les plantes.
Dans les trois jours suivants, il va remplir ces espaces encore vides de vie, d’êtres qui trouvent source dans le « Je SUIS » : jour 4, soleil, lunes et étoiles (vus comme des créatures aussi par l’auteur) / jour 5, poissons et oiseaux / jour 6, animaux et êtres humains.
Dieu ne se contente pas de flotter au-dessus du tohu-bohu. Il ouvre des espaces où la vie peut s’épanouir, il construit une maison et la remplit d’habitant·e·s divers·e·s et varié·e·s.
- Un Dieu qui se réjouit de sa création
Oui, c’est un Dieu qui aime et qui s’émerveille devant ce qu’il a appelé à la vie. Après chaque étape, Dieu pose son pinceau, et prend le temps de voir ce qu’il a créé. Et avec satisfaction et joie, il constate que c’est bon, c’est beau, c’est agréable. Une fois l’être humain créé, Dieu s’exclame même que tout est très bon.
Prendre le temps de se réjouir de sa création est tellement important pour Dieu qu’il va y dédier un jour entier : le 7ème jour. Ce 7ème jour, on peut dire que c’est l’apogée de la Création. C’est un jour tellement important qu’il deviendra un commandement pour le peuple d’Israël.
Avec notre compréhension moderne du travail et du repos, on pourrait croire que Dieu, crevé de sa semaine, a juste un besoin : de partir en weekend loin de son boulot ! Mais dans la compréhension biblique, Dieu ne se retire pas – il se repose en plein milieu de sa Création. Cette maison qu’il a construit et rempli de vie, il vient finalement l’habiter lui-même.
Et ce 7ème jour est important pour une autre raison encore : c’est qu’à la différence des 6 autres, celui-là ne connait pas le refrain « Il y eut un soir et il y eut un matin ». Ce 7ème jour, l’auteur de la Genèse nous dit qu’il n’a pas de fin. Que c’est là le souhait de Dieu et la raison de la Création : de vivre ensemble en harmonie dans cette Maison commune.
Créé·e à son image
Il y aurait encore tellement de choses à dire et à méditer sur comment Dieu est présenté, mais j’aimerais terminer avec ce point que l’auteur souligne. C’est que ce Dieu qui donne vie par sa présence, qui ouvre des espaces et les remplit, qui se réjouit de sa création. Ce Dieu nous crée à son image. L’auteur insiste vraiment là-dessus, encore une fois par la répétition.
Chacun·e et tou·te·s ensemble, nous avons été créé·e·s à l’image de Dieu. Pas le vieux bonhomme barbu, mais le « Je SUIS », source de toute existence. On a l’habitude de l’entendre, donc on ne remarque même plus que c’est une des convictions les plus folles de la Bible. Que chaque être humain rencontré est une image vivante de ce mystère qui nous dépasse et qui est si proche en même temps.
Alors bien entendu, nous ne sommes pas Dieu. Nous sommes des créatures, avec nos fragilités, nos limites, notre finitude. Mais à son image, nous avons ce potentiel en nous de refléter qui Il est :
- Nous avons le potentiel de donner vie simplement en étant là. Par notre regard, notre sourire, notre empathie, notre écoute attentive, des partages intentionnels. Dans l’abime que les personnes peuvent traverser dans leur vie – comme le deuil, la maladie, l’exclusion – de simplement être avec elles peut parfois à nouveau rendre la vie possible.
- Nous avons le potentiel d’ouvrir des espaces et de les remplir de vie. Des espaces de confiance et de respect, où chaque personne est reconnue et respectée comme image de Dieu, dans toute sa dignité. Où l’épanouissement du vivre-ensemble est plus important que d’avoir raison ou de chercher son propre bénéfice.
- Nous avons le potentiel de nous réjouir de la création de Dieu. En tant qu’image de Dieu, nous avons reçu la responsabilité de prendre soin de la Création aux côtés de son Auteur. C’est dans ce sens-là qu’il faut comprendre les verbes « dominer » et « soumettre ». De régner non pas par la violence, mais par le service et la recherche du bien d’autrui. Ça signifie cultiver la Création et apprécier ce qu’elle est et permet sans l’abuser. Ça signifie prendre le temps de ralentir et de s’émerveiller par la Création plutôt que de l’exploiter sans limites.
On est tou·te·s conscient·e·s que le monde n’est pas aussi paisible et harmonieux que ce texte nous le présente. Ce chapitre 1, il n’est pas à lire isolé des 10 autres chapitres du mouvement, et du reste de la Bible. On est très vite confronté à l’égoïsme, la violence et la folie de l’être humain.
Mais je crois que l’auteur nous invite à faire confiance et d’espérer que l’acte de Création de Dieu, que sa vie et sa bénédiction est et sera plus forte que les forces du chaos et du vide. Et que, comme image de Dieu, nous sommes aussi appelés à le représenter au milieu du tohu-bohu de notre monde et de nos vies.
En donnant vie par notre présence. En ouvrant des espaces et en les remplissant de vie. En nous réjouissant avec Dieu de sa création.
Amen.