Prédication – Guillaume Klauser
Temples de Môtiers et des Verrières
27 et 28 septembre 2025
Evangile : Matthieu 6, 25-34 (TOB)
25« Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez.
La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? 26Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent point dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit ! Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? 27Et qui d’entre vous peut, par son inquiétude, prolonger tant soit peu son existence ? 28Et du vêtement, pourquoi vous inquiéter ? Observez les lis des champs, comme ils croissent : ils ne peinent ni ne filent, 29et je vous le dis, Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a jamais été vêtu comme l’un d’eux ! 30Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien plus pour vous, gens de peu de foi !
31Ne vous inquiétez donc pas, en disant : “Qu’allons-nous manger ? qu’allons-nous boire ? de quoi allons-nous nous vêtir ?” 32– tout cela, les païens le recherchent sans répit –, il sait bien, votre Père céleste, que vous avez besoin de toutes ces choses.
33Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît. 34Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain : le lendemain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.
Prédication
Chers frères et sœurs, chers amis,
Il est beau, ce passage biblique qui nous demande de ne pas nous inquiéter ! Le raisonnement est valable : pourquoi s’inquiéter ? Regardez les oiseaux du ciel, en effet ne sèment ni ne moissonnent, ils ne font pas de réserves, et Dieu les nourrit. Pourquoi donc s’en faire ? Pourquoi donc être si inquiet, tout le temps ? Pourquoi courrons-nous sans arrêt, soit physiquement, soit dans notre tête, avec tous ces soucis qui nous assaillent ?
A première lecture, le texte m’a semblé bien beau et j’aurais eu envie de le suivre, de regarder les oiseaux du ciel plus souvent pour m’en inspirer. Ne vous inquiétez pas, Dieu pourvoit et pourvoira ! Mais en regardant ma vie, force est de constater qu’à titre personnel, des inquiétudes, j’en ai, et de tous ordres. Et de manière plus pragmatique, je vois mal comment je pourrais en être libéré juste en regardant les oiseaux qui reçoivent à manger sans n’avoir semé ni amassé. Et on peut aussi se demander comment un tel texte peut résonner aux oreilles de personnes qui galèrent à finir le mois.
D’autre part, ce conseil est joli sur le papier. « Ne vous inquiétez pas ! ». Mais est-ce que se faire du souci ou non se commande ? Avez-vous déjà ordonné à quelqu’un de ne pas se faire du souci ? Le fameux « ne t’en fais pas ! »… Il n’en faut en général pas moins pour que le rythme cardiaque s’emballe ! C’est comme ordonner à quelqu’un de dormir, vous pouvez toujours essayer, ça ne fonctionne pas !
Il nous faut donc chercher ailleurs. Ce bon conseil de Jésus de ne pas nous inquiéter cache autre chose. Car je ne pense pas que Jésus nous demande de nous contrôler nous-mêmes d’une manière si excessive, de faire des exercices mentaux et spirituels pour surmonter nos soucis. La foi chrétienne ne consiste pas en une série d’exercices à accomplir. Elle parle bien plutôt du cheminement d’une relation, celle que Dieu entame toujours à nouveau avec nous.
C’est qu’il faut lire le texte jusqu’au bout : « 31Ne vous inquiétez donc pas, en disant : “Qu’allons-nous manger ? qu’allons-nous boire ? de quoi allons-nous nous vêtir ? […] 33Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît. 34Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain »
Jésus n’oppose pas nos inquiétudes du quotidien au fait de ne rien faire et de juste attendre que les choses nous tombent toutes cuites dans la bouche. Jésus n’oppose pas le souci que nous nous faisons à une passivité, mais à la recherche du Royaume de Dieu.
Rechercher le Royaume et la justice de Dieu. Voilà qui parait bien énigmatique. Des grands mots pour parler de l’amour de Dieu qui vient dans le monde. Des grands mots pour rappeler ce que Jésus a toujours cherché à faire de son vivant : rendre Dieu présent dans le quotidien des gens, dans le quotidien de ses contemporains. Rechercher le Royaume de Dieu, ce n’est pas attendre un futur lointain. Rechercher le Royaume de Dieu, c’est chercher à donner une place, dans le monde qui est le nôtre aujourd’hui, à Dieu et à son amour pour l’humanité.
Que se passe-t-il lorsque l’inquiétude prend le dessus ? Que se passe-t-il quand l’angoisse de notre propre vie nous submerge ? Que se passe-t-il quand les soucis prennent toute la place ? On tourne en rond. On est focalisé sur nous-mêmes, comme la personne que Jésus présente, qui est focalisée sur ses vêtements, sur sa nourriture, sur sa survie. Centrés sur nous-mêmes, nous oublions que nous faisons partie d’un monde plus vaste. Centrés sur nous-mêmes, nous oublions les autres et nous oublions Dieu.
Et que nous propose Jésus, lorsqu’il nous demande à la place de rechercher le Royaume de Dieu ? Que nous propose Jésus lorsqu’il nous responsabilise et nous demande en quelque sorte d’aider Dieu à installer son règne ? Voilà qu’en mettant la priorité sur la recherche du royaume de Dieu, nos regards se déplacent, de notre personne centrée sur elle-même vers Dieu et le bien qu’il veut pour l’humanité.
Rechercher le Royaume, c’est se préoccuper de Dieu et des autres. La vie n’en demeure pas moins un défi, les questions liées à notre subsistance et les aspects matériels de notre vie restent bien concrets. Mais la priorité devient autre, et un équilibre sain et libérateur se profile entre « s’occuper de soi-même » et se « préoccuper des autres ».
« 31Ne vous inquiétez donc pas, en disant : “Qu’allons-nous manger ? qu’allons-nous boire ? de quoi allons-nous nous vêtir ?” 33Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît. »
Ne vous inquiétez pas d’abord, mais mettez-vous en quête. En quête de la réalisation du Royaume de Dieu, par l’engagement, par l’opposition aux extrêmes qui se manifestent partout de plus en plus fort, par l’opposition à l’injustice, par la défense de la vérité dans un monde où règne la désinformation.
Ne pas s’inquiéter, ce n’est pas être passifs et attendre que Dieu pourvoie. C’est être « de la partie », c’est rayonner par sa vie et au-delà de tous les abattements et de toutes les angoisses de la confiance que Dieu place en l’humanité.
Amen !