Regarde autour de toi : entends et vois

Prédication – 14.12.25 – Temple de Fleurier

Baptême d’Anaïs Piazza

Prédication de Guillaume Klauser

Lecture : Matthieu 11, 2-6

Chers amis,

Un jour de baptême, c’est un jour de fête, et un jour où l’on célèbre la foi. Et ça tombe bien, l’Evangile du jour, commun aux lectionnaires protestants et catholique, questionne la foi, la foi en Dieu.

Jean le baptiste est en prison. Il a bien connu Jésus, comme en témoigne le début de l’Evangile selon Matthieu. Jean, avant même sa rencontre avec le Christ, annonçait venue de ce dernier. Il était donc plus au courant que n’importe qui de l’importance de celui qui devait venir. « Moi, » disait-il, « moi je baptise d’eau, mais lui baptisera d’Esprit » (Mt 3, 11).

Puis, voici que Jean rencontre celui qu’il attendait, au jour de son baptême. Il le voit de ses propres yeux, le reconnait et constate qu’il est bien le messie. Dans un élan de foi, il lui dira même : « C’est plutôt moi qui devrais être baptisé par toi et c’est pourtant toi qui viens à moi » (Mt 3, 14).

Le temps a passé, Jésus a débuté puis confirmé son ministère, et marche de la Galilée à la Judée. Il marque celles et ceux qu’il croise, en soignant et en enseignant, en annonçant le Royaume de Dieu. Et, dans le souci de bien faire comprendre que Jésus est bien celui qui a été annoncé par les prophètes comme Esaïe, l’évangile selon Matthieu nous relate effectivement une guérison d’aveugle, une de paralytiques, une de lépreux, une de sourd et une résurrection.

Et nous retrouvons Jean le Baptiste en prison.

La prison, c’est une coupure avec le réel. La prison est un monde à part. Et voilà que chez Jean s’installe un doute : « Celui que j’ai baptisé est-il véritablement celui qui devait venir ? ». Celui en qui j’ai mis tant d’espoir, et d’énergie pour l’annoncer à tous, celui dont je croyais qu’il devait venir libérer le peuple, est-ce vraiment ce Jésus ?

Penchons-nous sur la réponse de Jésus, qui est d’une simplicité déconcertante : « cher Jean, entends et vois ! Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. »

On pourrait faire continuer Jésus ainsi : « La réponse à ta question tient dans ce que tu feras de ce que tu vois et entends. Si tu ne vois là que des faits extraordinaires, du fantastique, tu passes à côté de l’essentiel ».

Car c’est vrai, si nous voyons dans le miracle que ce qui est inexplicable, comme quelque chose d’extraordinaire ou de fantastique, on passe à côté du but du miracle. Un exemple : dans les temps anciens,« une éclipse était un miracle. Aujourd’hui, on en calcule les apparitions des siècles à l’avance »[1].Le miracle d’un jour peut être expliqué scientifiquement le jour d’après. Non, là n’est pas le but du miracle, car il n’y a en fait de miracle que pour la foi. Il n’y a de miracle que pour susciter et aider la foi à grandir.

Les gestes de Jésus qui nous sont présentés dans l’Evangile nous parlent avant tout de celui qui en est à l’origine, un Dieu qui renverse les choses, qui fait vivre ce qui paraissait mort, qui rend la vue, qui guérit. « Si, dans ce qui arrive je discerne l’action de Dieu et surtout de son amour manifesté en Jésus, alors je salue le miracle »[2] et me voici dans le champ de la foi.

Ainsi la réponse de Jésus à Jean est celle-ci : « Je suis celui par lequel Dieu te parle. C’est bien moi. Regarde autour de toi : entends et vois, constate-le par toi-même, ressens-le au plus profond de tes tripes : ce qui était annoncé se réalise. Sois tu n’y vois que de l’extraordinaire, du fantastique, sois tu y vois l’action de Dieu, tu me reconnais au plus profond de toi et tu comprendras que je suis bien celui qui devait venir, celui avec lequel tu peux tisser un lien de confiance et que tu peux aimer.

Prêter attention à la trace de Dieu dans nos vies. Nous fêtons aujourd’hui le baptême d’Anaïs et la vie qui lui est donnée. Le voici, le vrai miracle !

Ainsi Jésus donne la clé à Jean et à nous tous, la clé pour nous faire comprendre que la foi n’a rien d’abstrait et qu’elle n’est pas de l’ordre d’une vague adhésion à une histoire fantastique. La foi chrétienne reconnaît la trace de Dieu là où il sème la vie. Elle est vivante, dans le sens où elle est « un échange de parole entre Dieu et le croyant », une relation dans laquelle Dieu n’est pas vague ou lointain, ou juste présent lorsque mentionné dans une tradition, mais une relation dans laquelle il est « écouté, aimé, fréquenté jusqu’à la communion »[3].

Chers amis, cela est le chemin de la foi. Et l’Eglise, depuis très longtemps, a reconnu que ce chemin nécessite du temps. Elle le matérialise particulièrement avec l’Avent. Reconnaître dans nos vies les traces de Dieu qui agit, cela ne se peut que par un chemin d’écoute et d’attente patiente. Une quête longue qui attend Anaïs mais qui est la nôtre aussi.

Jean nous ressemble énormément, au fond. Face à ce qu’il vit, face à son quotidien, il doute, il questionne. Est-il juste et bon de mettre toute sa confiance en Jésus ? Et Jésus lui répond, et nous réponds dans le même temps : « Regarde autour de toi : que vois-tu ? Comprends-tu Dieu en contemplant le miracle de la vie qui renaît là où je passe, quand tout semblait mort, désertique ? »

La fin de la réponse de Jésus est un peu énigmatique. « Heureux es-tu si je ne suis pas pour toi ‘une occasion de chute’ ». Imaginez-vous marchant sur un chemin. L’occasion de chute, ce trou ou ce caillou, voire cette plaque de glace mal placée qui vous ferait tomber. Et votre course est stoppée nette. Vous ne pouvez plus atteindre votre but[4]. « Heureux es-tu si je ne suis pas pour toi ‘une occasion de chute’ » signifie : tu es heureux si je ne suis pas quelque chose qui entrave ta marche vers la reconnaissance de Dieu ». « Heureux es-tu si tu peux percevoir en mon action Dieu lui-même qui agit. »

Chers frères et sœurs, que ce chemin vers Noël nous aide à ouvrir les yeux. Ouvrir les yeux pour voir la misère et la peine de nos frères et sœurs en humanité, mais ouvrir les yeux aussi pour voir tout le bien et l’amour vécu, trace de Dieu dans notre monde. « Regarde autour de toi : que vois-tu ? Comprends-tu Dieu en contemplant les miracles autour de toi, le miracle de la vie d’Anaïs, de ta vie et de celles des autres ?

Amen !

Introduction au baptême d’Anaïs Piazza

Chère Sophie, cher François,

Vous avez demandé pour votre fille Anaïs le sacrement du baptême.

Un geste tout en simplicité, loin des grandes effusions et des impressionnants effets spéciaux, mais si porteur de sens. Un signe posé sur Anaïs, un signe qui dit la proximité de Dieu et sa tendresse envers elle.

Un signe qui rappelle qu’Anaïs est fille de Dieu et qu’il lui donne sa bénédiction, littéralement sa bonne parole, son regard bienveillant sur elle.

Chère Sophie, cher François, vous avez choisi de faire baptiser Anaïs enfant, accentuant par là l’un des sens du baptême, celui du don qui se reçoit donc comme un cadeau, les mains ouvertes. Un signe de l’amour de Dieu, un amour gratuit et reçu sans conditions préalables.

Le baptême que nous célébrons aujourd’hui n’est pas comme sorti du chapeau. Il suit la parole de Jésus qui, après sa résurrection, s’approcha de ses amis et leur dit : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, faites des gens de tous les peuples mes disciples ; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous, tous les jours jusqu’à la fin des temps. »

Ainsi Anaïs aussi pourra faire sienne cette promesse du Christ : « Je suis avec vous, tous les jours jusqu’à la fin des temps. » Elle pourra trouver, dans toutes circonstances, un appui en Dieu, qui l’accueille dans son alliance, ce lien qu’il tisse avec elle et qu’il s’engage à ne jamais rompre.

Si Anaïs est baptisée aujourd’hui devant notre communauté, c’est que nous faisons part de l’Eglise universelle, celle de toutes celles et tous ceux qui cheminent à la suite de Jésus-Christ. C’est donc avant tout l’entrée d’Anaïs dans cette belle et grande famille que nous célébrons aujourd’hui. Membre de l’Eglise ne signifie toutefois pas être prisonnière. Anaïs sera libre, plus tard, de cheminer activement ou plus passivement, de trouver son propre chemin.

Le baptême d’Anaïs est encore la promesse d’une vie nouvelle, d’une vie à la recherche d’un monde meilleur. Le passage par l’eau du baptême symbolise aussi la vie qui a le dessus sur la mort. C’est donc ce passage vers une vie renouvelée qui est symbolisée par le baptême, une vie que Dieu veut pour chaque être humain, une vie belle, heureuse et joyeuse.

Enfin, le baptême d’Anaïs est un signe qui engage. Aujourd’hui, ce sont ses proches qui vont s’engager pour elle. Plus tard et après un cheminement auprès de vous qui l’accompagnez dans la découverte de la foi chrétienne, ce sera à elle de s’engager. Ce sera à elle d’oser affronter les questions que sa génération se posera, en tentant par sa vie d’y répondre du mieux qu’elle pourra.


[1] Pierre Prigent, aide à la prédication sur Mt 11, 2-6, sur : https://acteurs.uepal.fr/culte/aides-a-la-predication/nouveau-testament/matthieu.

[2] Pierre Prigent, aide à la prédication sur Mt 11, 2-6.

[3] Pour les citations : Enzo Bianchi, Foi et confiance, Paris, Cerf, 2014, p. 17.

[4] Cf. Pierre Prigent, aide à la prédication sur Mt 11, 2-6.