Message du 18 janvier 2020, inspiré du travail de théologiens engagés dans la Semaine de l'Unité, Môtiers

Message par Véronique Tschanz A., selont textes bibliques: Actes 27, 18-21 + Luc 18, 9-14

Le contexte du passage du livre des Actes raconte comment Paul est envoyé à Rome. Il est prisonnier et il embarque sur un bateau en compagnie de ses géôliers, de l’équipage et de nombreux autres prisonniers. Le passage que j’ai choisi décrit une tempête qui s’abat sur le navire.

Cet extrait nous décrit le drame classique de l’humanité aux prises avec la puissance terrifiante des éléments. Les passagers du bateau sont à la merci des flots qui les emportent et de la violente tempête qui fait rage autour d’eux. Ces forces les entraînent vers des régions inconnues où ils se sentent perdus et sans espoir.

Je trouve ces quelques versets hautement symboliques dans le thème de l’unité qui nous rassemble aujourd’hui.

Le bateau pourrait être le symbole du parcours parfois tumultueux vers l’unité que les chrétiens accomplissent ensemble.

Nous, chrétiens issus de différentes Églises et traditions, avons malheureusement accumulé au fil des siècles une lourde cargaison de défiance mutuelle et de suspicion. Il faut parfois lâcher du lest pour alléger l’embarcation de nos a-priori et nos amertumes.

Et puis, il y a notre fameuse propension à croire que nous sommes les seuls à penser, à agir juste. Ce problème ne date pas d’aujourd’hui, puisque Jésus a raconté une parabole à l’intention de « ceux qui se croyaient justes aux yeux de Dieu et méprisaient les autres ».

C’est dans ce contexte que Jésus racontera l’histoire de ces 2 hommes qui sont allés au temple pour prier; l’un était Pharisien, l’autre collecteur d’impôts.

Le collecteur d’impôts est un pécheur standard : il récolte des impôts auprès du petit peuple pour le compte des Romains. Il est souvent soupçonné de garder une partie de l’argent. Bref, c’est un pécheur standard.

Le Pharisien, lui, est la figure de proue de la religion. Son but dans la vie, c’est de devenir bon en suivant la loi le plus fidèlement possible, jusqu’à en devenir parfois incohérent (pas de guérison le jour du sabbat !). Et à force d’être légaliste, il en devient aussi pécheur que l’autre !

Ils prient.  « Le Pharisien se tenait à part et priait ainsi: Lire Luc 19, 11-12.

Le collecteur d’impôts, lui, se tenait à distance et n’osait pas même lever les yeux vers le ciel, mais il se frappait la poitrine et disait: Lire Luc 19, 13b.

L’Evangile relève 2 façons différentes d’être pécheur.

Le pharisien prie avec sa fierté de tenter de faire de son mieux. Il sait qu’il est pécheur et vient rendre compte de tous ses efforts pour tenter de remonter la pente de son incohérence et de son péché.

Le publicain collecteur d’impôts prie avec sa honte de mal faire. Il est inspiré d’une volonté de salut personnel. Il nous montre ce risque de rechercher le salut individuel : car en ne regardant que lui, sa honte de ne pas être comme le Pharisien… eh ! bien il ne voit pas le Pharisien! Il est seul dans le temple et incapable de voir d’autres façons de prier, de vivre la foi.

De son côté, le Pharisien perçoit le publicain comme celui qui a tout faux. Il prie dans la normativité, la règle, le jugement. Il regarde autour de lui, le Pharisien, et il ne se trouve pas trop mal comparé aux autres !

Certes, le Pharisien apparait comme le méchant de la parabole. Mais n’empêche que ce Pharisien, il s’est au moins rendu compte qu’il y a avait quelqu’un d’autre, dans le temple. Dans son inconscience de puriste et de légaliste, il remarque au moins qu’un publicain est là. Qu’il n’est pas seul devant Dieu. Et il regarde les autres… même si c’est pour comparer !

C’est déjà une avance dans un monde d’indifférence et d’exclusion… Se rendre au moins compte qu’il y a d’autres que moi, dans le temple, que je ne suis jamais seul devant Dieu, mais parmi les autres, je suis avec les autres, devant Dieu.

La prière du collecteur d’impôts est modeste, elle semble sincère et elle pose les bonnes questions par rapport à sa condition personnelle.

Mais le publicain pense à lui. A sa personne.

Submergé par son péchée et plongé dans sa prière, il ne remarque même pas le Pharisien dans le temple.

Le publicain vient au temple pour sa quête privée, il pense à lui… Son dialogue avec Dieu est un monologue plein de foi, certes, mais avec le risque d’acquérir une foi aveugle, qui ne voit pas l’autre, qui n’arrive pas à s’ouvrir sur d’autres réalités, sur d’autres manières de croire.

Il ne regarde personne, il n’établit pas de comparaison… peut-être parce qu’il est sûr d’avoir raison, mais aussi parce qu’il est indifférent à ce que peuvent penser les autres.

Oui, nous avons besoin comme Paul et ses compagnons de route de lâcher du frêt, de lester nos préjugés, de jeter par-dessus bord nos méconnaissances, d’abandonner nos prières fermées.

Ne permettons pas que la cargaison de notre passé nous empêche de nous rapprocher les uns des autres.

Ne laissons pas le poids de nos méfiances nous asphyxier au point de ne plus regarder les autres croyants.

Laissons le Dieu de pardon nous délivrer des mémoires douloureuses du passé, qui blessent notre vie chrétienne partagée.

Confions à l’Esprit de réconciliation de nous permettre de changer la peur en découverte, le mépris en respect, la colère en douceur, et la suspicion en confiance.

Dieu, nous te le demandons au nom de ton Fils bien-aimé, notre frère Jésus. Amen.