Chercher l’humain

Texte de la prédication de David Allisson du 15 mars 2015 à Môtiers – Carême 4

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Tenture de Carême 2015 - Tony Nwachukwu, Nigéria www.voir-et-agir.ch
Tenture de Carême 2015 – Tony Nwachukwu, Nigéria
www.voir-et-agir.ch

Textes bibliques

Psaume 8,2-10

Jean 3,14-21

Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé la lumière dans le monde.
Les humains ont préféré l’obscurité.

Ce condensé de l’Evangile d’aujourd’hui est saisissant. Il correspond d’ailleurs assez bien au constat que font celles et ceux qui se soucient de l’impact humain sur l’environnement. Nous en recevons les interpellations pendant la campagne de carême « Moins pour nous, assez pour tous ».
Dieu a tant aimé le monde…
Le monde.
Je ne sais pas comment vous intériorisez ce célèbre Jean 3,16. De mon côté je l’ai le plus souvent entendu comme ça : « Dieu m’a tellement aimé qu’il m’a envoyé son Fils pour me sauver ».

Mais je ne suis pas le monde !
Si le monde est perdu, je suis perdu.
Mais si je suis sauvé, le monde ne l’est pas forcément pour autant.
Je ne me souviens pas que ce terme de « monde » m’ait frappé autant que ces derniers jours quand j’ai relu ce texte pour le culte d’aujourd’hui. En envisageant la relation à Dieu comme un enjeu personnel et privé, nous nous coupons de toute une partie de la relation à Dieu et au monde. Et nous en venons à considérer le monde comme notre « environnement », comme si nous n’y étions pas inclus.

Avec modestie et confiance en mes capacités, j’aimerais nous proposer ce matin de suivre une méditation proposée par la campagne de carême qui s’interroge sur l’être humain et sa place dans le monde. Le psaume 8 se demande : « Qu’est-ce que l’homme ? »

« Qu’est-ce que l’homme ?  », demande le psalmiste surpris et fasciné par ces cieux immenses. Il s’interroge sur la petitesse de l’être humain : 
« Qu’est-ce que l’homme pour que
 tu penses à lui ?  » (Psaume 8.5). Les êtres humains règnent sur les animaux (v. 7-9) en tant que représentants de Dieu. C’est une affirmation forte : Dieu a placé « les œuvres de ses doigts » (v. 4) dans les mains des hommes. Le psalmiste s’étonne de cette confiance que Dieu a en l’humanité.

L’image de la tenture de Carême – voir ci-dessus – montre de façon dramatique ce qu’est devenu ce monde dont le psalmiste s’émerveille dans le psaume 8 : destruction de l’environnement et changements climatiques, exploitation de la création de Dieu. L’homme entre sur le terrain de la création de Dieu, comme le suggèrent les trois cheminées d’usine au bord gauche de la tenture. Les yeux du petit garçon sur le tonneau toxique nous lancent un appel au secours.

Qu’est-ce que l’homme ? Détruit-il la terre ou réussira-t-il à la conserver pour les générations futures ? Aimons-nous et respectons-nous la merveilleuse et excellente création de Dieu ou bien oublions-nous la tâche qui nous a été confiée, la responsabilité qui nous a été donnée ?

D’un côté, quand les êtres humains veulent atteindre les étoiles, ils se surestiment. D’un autre côté, quand ils pensent que leur destin est écrit (uniquement) dans les étoiles, ils se sous-estiment. Les êtres humains peuvent être fiers de ce qu’ils ont réussi, découvert et créé au cours de leur histoire. Or, afin que ces acquis restent une bénédiction pour les générations futures, cette fierté ne doit pas dégénérer en arrogance ou en folie des grandeurs.

L’artiste nigérian Tony Nwachukwu qui a peint cette œuvre a des engagements artistiques, mais aussi ecclésiaux – il crée des vêtements liturgiques – et environnementaux : le dossier de carême mentionne qu’il est intéressé par les sciences naturelles et qu’il conseille ses compatriotes sur les possibilités présentées par l’énergie solaire. Il nous montre la voie : en peignant des usines entourées d’eau fraiche et en défendant l’énergie solaire dans son pays, il mise sur des technologies durables. Il propose un style de vie en accord avec la Création, où il y a équilibre entre les aspects économiques, écologiques et sociaux. Un des quatre dictons africains qui ornent, dans une symbolique un peu mystérieuse, les cheveux de la femme africaine en bas à droite de la tenture dit : « un chasseur ne tire pas sur un oiseau qui est assis sur sa tête ».

A la folie des grandeurs humaine, le psaume 8 oppose le nom magnifique et majestueux de Dieu (v. 2 et 10) de même que – et c’est là pour moi une des affirmations les plus incroyables de la Bible – la puissance des tout petits et des nourrissons : « Par la bouche des tout-petits et des nourrissons, tu as fondé une forteresse contre tes adversaires, pour réduire au silence l’ennemi revanchard. » (v. 3).

Personne ne saurait ignorer le cri des petits enfants car il nous oblige à décider si nous voulons y réagir ou non. Comme le psaume 8 quand il évoque des enfants qui, dans une situation difficile, nous forcent à prendre une décision sur leur vie, leur avenir, l’artiste nigérian peint deux fois le même enfant qui nous lance un regard de défi. Il est à gauche sur le tonneau toxique et tout à droite, dans la rencontre humaine qui réunit des représentant de tous les continents.

Cet enfant nous demande de vaincre « l’inimitié » entre l’homme et la nature ! L’être humain et la nature ne sont pas ces ennemis revanchard – les mots du psaumes – que certains discours décrivent, aussi bien dans les extrêmes écologistes que dans une vision dominatrice qui met l’accent sur l’exploitation des ressources.

La splendeur du nom de Dieu se révèle être une force dans la bouche des plus faibles. C’est par le biais des enfants que Dieu se rappelle à nous : pensez à nous, et donc à la vie, à l’avenir de ce monde, à la bonne création de Dieu.

« Qu’est-ce que l’être humain ?  » Le psaume ne répond pas à cette question. Il s’émerveille de l’attention que Dieu lui accorde malgré le sentiment d’insignifiance de celui qui le prie.

Un élément de réponse se trouve dans l’Evangile de Jean : l’être humain fait partie de ce monde tant aimé de Dieu. Il fait partie de ce que Dieu vient éclairer par la lumière qu’il envoie.

« Qu’est-ce que l’être humain ?  »

Cherchons notre réponse aujourd’hui.

 

Contenu tiré du cahier liturgique de la campagne de Carême 2015