Christ est ressuscité !

Culte du dimanche 27 avril à La Côte-aux-Fées

Lecture de l’Évangile : Jean 20, 19-31 (Version de la TOB)

Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » 20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. 21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit : « La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie. » 22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint ; 23 ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » 24 Cependant Thomas, l’un des Douze, celui qu’on appelle Didyme, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. 25 Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur répondit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n’enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n’enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ! »

26 Or huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d’eux et leur dit : « La paix soit avec vous. » 27 Ensuite il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d’être incrédule et deviens un homme de foi. » 28 Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu. » 29 Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. »  30 Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d’autres signes qui ne sont pas consignés dans ce livre. 30 Ceux-ci l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.

Prédication du pasteur Daniel Mabongo

Les récits d’apparition de Jésus après sa résurrection et qui sont rapportés dans l’Évangile sont pleins de détails, les détails qui sont des symboles qui nous ouvrent les yeux sur le mystère pascal et plus précisément sur l’événement de la résurrection ; la résurrection de Jésus certes, mais aussi la résurrection des disciples que nous sommes. Les Évangélistes ne cherchent pas à expliquer ce mystère qui entoure l’histoire d’un homme qu’on a vu mourir de la manière la plus atroce, la plus cruelle sur la croix et qui trois jours après revient à la vie. Ils ne cherchent pas à nous convaincre de croire que l’homme qui a été ainsi crucifié le vendredi et mis au tombeau était entré mystérieusement dans la maison où les disciples étaient réunis, toutes les ouvertures étant fermées, les portes verrouillées. Relevons en passant que ce n’est pas d’ailleurs, le plus difficile à croire pour nous qui sommes marqués par la croyance que les esprits des morts font partie de notre univers. Rappelez-vous cet épisode de l’Évangile où les disciples ont vu Jésus marcher sur l’eau et l’ont pris pour un fantôme. (Mt. 14, 22-33 ; Mc. 6, 45-52)

Et toutes ces paroles d’adieux prononcées lors du décès d’un être cher persuadés qu’il nous écoute, par exemple : « Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis » de Victor Hugo, ou encore : « Rappelle-toi des moments partagés, des rires, et de tout cet amour qui était si fort… » Et cet adage populaire en Afrique qui affirme que: « les morts ne sont pas morts », une façon de dire que les défunts bien qu’absents du corps continuent à exister de manière subtile dans le souvenir et la mémoire des vivants avec une influence certaine dans leur vie.

Jésus ayant donc apparu mystérieusement aux disciples, pour le disciple Thomas qui n’était pas présent à ce moment-là, ce que les autres disciples racontent n’est que pure invention ; peut-être une hallucination. Thomas ne croit pas jusqu’à ce qu’il soit lui-même en contact avec le Ressuscité. Thomas que beaucoup considèrent comme le mauvais disciple, comme le mauvais croyant, celui qui a besoin des preuves concrètes de l’existence de Dieu dans sa vie pour croire, est un personnage intéressant pour nous. Serait-ce parce qu’il s’appelle « Dydime », c’est-dire, le jumeau, notre jumeau et que tellement, il nous ressemble ?

Oui, Thomas a douté. Doit-on lui en vouloir parce qu’il n’avale pas tout cru ce que disent les autres disciples ? Doit-on condamner l’attitude de Thomas qui n’est pas pire que celle des autres disciples, lesquels, malgré les paroles de paix du Christ et les signes de sa crucifixion qu’il leur a montrés sont restés enfermés encore une semaine plus tard dans la maison, paralysés par la peur ? Jésus avait l’habitude d’appeler ses disciples « gens de peu de foi » ; cela reste encore vrai au-lendemain de Pâques. A Thomas qui exprime son doute, Jésus ne refuse pas de lui montrer les marques de sa souffrance. Jésus ne le juge pas. Il l’invite tout simplement à passer du doute à la foi affirmée ou confessée : « Cesse de douter et crois !» Pourquoi la foi confessée ? Parce qu’il y a toujours un peu de foi dans le doute. D’ailleurs, dans le texte grec, la parole de Jésus, traduite par les mots : « cesse de douter, mais crois » ou encore : « cesse d’être incrédule, mais sois un homme de foi », c’est bien le même mot qui est utilisé. Et on peut littéralement lire ceci : « Mé ginou apistos, allà pistos » « Ne deviens pas un homme sans foi, mais un homme de foi ». Le mouvement est bien celui-là. On part de la foi à l’incrédulité puis de l’incrédulité à la foi.

Bien aimés dans le Seigneur,

Passer du doute qui paralyse l’être, à la foi qui lui donne l’élan, c’est le chemin que le disciple du Christ est appelé à faire très souvent, tout le long de sa vie, dans les étapes difficiles de sa vie. En accédant à la demande de Thomas, le Christ montre que le doute n’est pas l’opposé de la foi ; le doute fait partie du processus même de la foi, de cette foi qui n’est pas une certitude figée et immuable, mais qui est contraire, un mouvement dynamique et perpétuel dans notre relation avec Dieu. Autrement dit, le Christ souligne que la foi a besoin de se confronter à l’existence et que cette confrontation passe par la critique des évidences, par le questionnement des paroles convenues, suivant les situations et les circonstances que nous traversons, comme Thomas le fait ici.

Si Thomas veut s’assurer que la mort n’a pas pu retenir son Maître, il veut aussi croire que le Ressuscité n’a pas cessé d’être celui qui a toujours été solidaire de tous ceux et celles qui souffrent, de tous ceux et celles dont les blessures ont de la peine à se cicatriser, tous ceux et celles qui sont marqués par la mort. (C’est le sens de vendredi saint). Dans cette perspective, le doute de Thomas devient un doute positif que le chrétien peut assumer sans s’y fondre, quand, devant les difficultés du moment, l’angoisse prend le dessus.

Qui n’a pas connu ces moments dans sa vie ? Oui, qui n’a pas connu ces moments où l’on s’interroge, ces moments sombres où l’on se demande : « Notre Seigneur est-il réellement vivant ? Est-ce qu’il voit ce qui nous arrive ? Ce qui m’arrive ? Est-il avec nous ? Oui ou non ? » comme le peuple d’Israël l’avait fait dans le désert devant le manque d’eau. Il s’était demandé à Massa et Mériba « Le Seigneur est-il parmi nous, oui ou non ? » Exode 17, 7

Bien-aimés dans le Seigneur,

La réaction du disciple Thomas qui ne se contente pas d’entendre la nouvelle, mais qui cherche à rencontrer le Ressuscité ouvre l’horizon des autres disciples, eux qui s’étaient repliés sur eux-mêmes, enfermés dans leur certitude.

Oui, la vie avec Dieu est une vie qui se restaure constamment. La foi en Dieu n’est pas acquise pour toujours ; elle se renouvelle et s’affirme dans les événements et les expériences personnelles de la vie que chacun peut faire, quand nous pouvons entendre le Christ nous dire le jour de notre malheur, « à l’instant T », comme il avait dit à Thomas : « Ne deviens pas un homme sans foi, mais sois un homme de foi »; Chaque fois que nous sommes confrontés au doute, laissons-nous surprendre par cette parole, qu’elle résonne en nous à l’instant même : « Sois un homme de foi » ; Oui, cette foi qui n’est pas une foi conventionnelle se veut dynamique ; elle intègre le doute afin de mieux s’affirmer. C’est une foi qui s’enracine dans la rencontre personnelle voire unique avec le Christ. Cette foi assume le doute, les hésitations, les questionnements, la raison ; car elle est issue de la rencontre authentique avec Dieu au creux de notre histoire. Thomas confesse Dieu en disant : « Mon Seigneur et mon Dieu » Cette confession de foi de Thomas qui est aussi celle de l’Église rend bien compte de l’attachement personnelle indispensable du chrétien à son Dieu. L’esprit libre de Thomas, esprit critique, esprit ouvert, toujours à la recherche d’une expérience relationnelle avec Dieu jusque même dans la contestation, permet à Dieu de rester toujours le Dieu vivant, source de vie, plutôt que d’être un Dieu enfermé dans un concept, une doctrine, une tradition, un rite qui ne fait pas vivre. Cet esprit libre de Thomas permet au Christ Crucifié d’être le Christ Vivant, le Christ de la rencontre, au lieu qu’il soit enfermé dans le tombeau des dogmes, des idées immuables et de la croyance unique pour ne pas dire de la pensée unique.

Christ est ressuscité ! Accueillons cette bonne nouvelle aujourd’hui comme Thomas. Thomas nous inspire par sa force de contestation et sa capacité de témoignage d’une foi personnelle. Avec lui, recevons la paix que le Christ-ressuscité nous donne dans notre existence, quelques soient les situations de vie par lesquelles nous passons.

Amen.