Culte du dimanche d’octave de Pâques

7 avril 2024 à Couvet

Lectures bibliques : Actes 4, 32 – 35 et Jean 20, 19-31

Prédication : Yves Bourquin, pasteur et président du Conseil synodal de l’EREN

NB : Culte en présence d’une délégation du Conseil Synodal composé de

M. Jacques Péter, secrétaire du Conseil synodal et Yves Bourquin, président

Chers paroissiennes et paroissiens du Val de Travers,

Chers amis et amies,

Merci tout d’abord de nous recevoir, avec Jacques Péter, conseiller synodal, et merci de me donner l’occasion de prêcher devant vous.

Je suis certain, que vous tous ici présents, avez connu dans votre vie, des moments de doute profond. Je suis certain que nombre d’entre vous ont traversé des épreuves qui vous ont changés. Peut-être certains ou certaines d’entre vous, traversent de telles épreuves actuellement. Les épreuves les plus difficiles, sont toujours celles où il y a une rupture et donc un deuil à faire. Laisser de côté son passé, sa sécurité, ses rêves… On ne veut pas ! On résiste ! On ne voit devant qu’un mur opaque et infranchissable. On doute. On crie… On tente de négocier… pour que la flamme de vie, d’espérance et d’amour, ne s’éteigne pas… alors que on sent qu’elle faiblit, que sa lumière s’amoindrit à vue d’œil… Il y a un temps pour tout, dit l’Ecclésiaste dans le livre du même nom : un temps pour naître, et un temps pour mourir; un temps pour pleurer, et un temps pour rire.

En fait, il y a un temps pour le deuil et un temps pour la Résurrection.

Les disciples de Jésus en sont exactement là dans notre récit. Ils sont en plein dans le deuil. Ils ont perdu abruptement leur maître, qu’ils ont vu se faire clouer sur une croix. Ils ont été confrontés à eux-mêmes. Serais-je capable d’une telle fidélité au risque de perdre ma vie ? Cet homme en qui j’ai cru, en qui j’ai mis toute ma confiance, m’a-t-il abandonné ? Me suis-je trompé sur lui, sur moi, sur ma destinée ? Où Donc est Dieu ? Dans mon absolue infortune, dans ma désolation ? Où est-il ? Où es-TU ? TOI que j’appelais Père.

Crainte et tremblement. Désespoir et incompréhension totale… Heureusement, juste une lueur d’espoir… Je ne suis pas seul dans mon cas ; les autres disciples partagent les mêmes affres et doutes que moi. En plus, il y a la peur concrète de la persécution. Non, on ne rigole pas. Dehors, le danger est réel ! Se calfeutrer à l’intérieur semble être la meilleure idée, la seule possible.

Vous ferez bien sûr les liens avec chacune de vos expériences de vie, lors desquelles, vous n’aviez qu’une envie, vous calfeutrer dans la faible et dernière sécurité que vous aviez, à l’intérieur.

Et c’est là que Jésus débarque ! Sans passer aucune porte ! Immatériel et présent. Totalement lui mais différent. Avec ses plaies mais rayonnant de lumière. Jésus… Tout ce qu’il est en plénitude, c’est-à-dire en Gloire. L’humain, l’ami, le compagnon, l’enseignant, le faiseur de miracle, le guide, le sage, le Fils de l’Homme, l’Envoyé, le Messie, le Crucifié, le Ressuscité… Tout est là. C’est lui.

Il annonce la paix. Non, il proclame la paix. Comme Dieu avait proclamé la lumière ! Que la paix soit ! Qu’elle chasse… la crainte, le doute, l’angoisse, la résignation. Il devra répéter son ordre : Que la Paix soit. Il répétera son ordre jusqu’à ce que la paix advienne.

Et ce qui est important, c’est que pour que cette paix advienne vraiment. Jésus assigne une mission aux disciples. Donner une mission est un des meilleurs remèdes au deuil. Vous avez un sens ! Vous êtes mandatés par la plus haute autorité… Il faut vous mettre en mouvement pour annoncer ! Annoncer quoi ? Annoncer Christ mort et ressuscité !

Je pense que j’ai passé ma vie de théologien à sonder ce que signifie Christ mort et ressuscité car c’est incompréhensible comme ça, surtout par la raison. Il faut aller dans le cœur pour comprendre : Christ mort et ressuscité, c’est croire qu’à Dieu tout est possible ! C’est croire que de toute mort peut surgir un renouveau extraordinaire ! C’est croire que l’échec (ou l’a priori échec) est souvent porteur de très grands fruits ! Que Dieu voit autant clair dans la mort que dans la vie. Que rien ne peut arrêter l’espérance et l’amour. Que les choses comme les gens ont droit à mourir pour renaître ! Etc. vous en trouverez d’autres.

Christ mort et ressuscité est la dynamique, l’énergie de la Bonne Nouvelle. Cette énergie présuppose un générateur qui est Dieu lui-même (qualifié tantôt de Vie, d’Amour, d’Espérance).

Pas étonnant donc, que Jésus souffle sur ses disciples à ce moment-là. Il souffle un vent de Pentecôte. Il réinsuffle l’énergie qu’il faut pour briser le deuil.

Petit récapitulatif avant d’aller plus loin : Les disciples sont au plus mal, perdus dans la crainte et les doutes, et Jésus arrive, le même mais différent. Il leur donne trois ingrédients majeurs. Notez bien car vous êtes appelés à faire de même : il proclame la Paix ! (Il rassure donc.) Il donne une mission (c’est-à-dire, il ouvre un chemin vers la vie et une nouvelle raison de vivre). Et il donne de l’énergie par le Souffle. Le souffle de son témoignage. En soufflant, il parle et témoigne. Il dit : je suis passé à travers la mort et je suis vivant, je respire !

Jésus va encore donner un dernier ingrédient aux disciples. Et pas des moindres : il va leur donner une autorité, un pouvoir : celui de pardonner ou de retenir les péchés. Il ne faut, à mon avis, pas lire ce verset trop moralement : style le noir versus le blanc. Mais le lire comme un tout, une vraie possibilité éthique. Une liberté de nommer le juste et l’injuste. Pardonner pour libérer ! Retenir pour assumer la vérité. L’un ne va pas sans l’autre dans la vie. Il faut vouloir le pardon, pour être d’accord de se regarder en face dans la vérité, et avec amour.

Etre porteur de cet ingrédient, de cette autorité de Vérité et de Pardon, est une chose essentielle dans la vie du croyant. En résumé, nous pouvons être juges de Vérité (dire la vérité sur les autres et nous-mêmes), mais nous devons laisser le dernier jugement à Dieu seul.

Dernier élément avant ma conclusion :

Le doute ! Ah le doute… Il vient couronner le récit. St Thomas et son doute. Ah la la… Lui, il veut voir pour croire. Il n’était pas là ! Comme nous aujourd’hui. Jésus est merveilleux avec Thomas. Il lui dit que son doute est on ne peut plus compréhensible. Mieux que ça, son doute est une bonne chose. Le doute est l’ami de la foi. Mais, après l’avoir rassuré, Jésus invite Thomas – comme nous tous – à passer par-dessus le doute, à aller au-delà de lui, à ne pas se laisser figer par lui. Bienheureux ceux qui croient sans voir. Cela retourne encore la dramatique du deuil…

Nous retournons donc au point de départ, mais transformés : vous qui êtes dans le noir total, dans l’obscurité du deuil, même si vous doutez, croyez ! Ayez foi ! Tout ira bien… la sortie est possible. Vous aurez des plaies visibles, souvenir de votre traversée, marques prouvant que vous êtes passés au travers des flammes… Mais croyez ! Vous verrez, la Résurrection est juste là. Croyez, car si vous ne le faites pas, les ténèbres risqueraient de vous garder prisonniers.

Voilà, mes amis, chers paroissiennes et paroissiens, notre petite plongée dans cet incroyable récit de l’évangile de Jean.

Tout ce que j’ai dit là peut, je crois, s’appliquer à de nombreux niveaux de l’existence. L’existence personnelle, évidemment, mais aussi l’existence communautaire. L’Eglise est aussi figurée par les disciples et leurs états d’âmes divers. L’Eglise croit, elle est pleine d’enthousiasme, mais aussi de doutes, de contradictions, d’avancées tumultueuses, d’erreurs comme de merveilles. Elle est humaine et divine à la fois, comme nous le sommes tous.

Il est normal qu’elle passe à travers toutes les épreuves de la vie… tantôt elle semble mourir (et il faut prendre soin d’elle), tantôt elle revit (et elle peut d’autant plus prendre soin des autres)… comme le ferait n’importe quelle personne humaine.

Jésus prend soin de notre Eglise, ici et partout, il s’invite dans la chambre où est rassemblée la communauté qui doute, pour lui donner les ingrédients : la paix, la mission, le Souffle et l’autorité de vérité et de pardon.

Voyons derrière chacune des décisions de l’Eglise ces quatre ingrédients, les décisions faciles comme les difficiles. Tantôt la vérité et l’autorité semblent primer, mais c’est la paix qui est le moteur. Parfois on ne voit plus la mission derrière les apparences : Notre Conseiller synodal, Jacques Péter ici présent, par exemple est un homme extraordinaire, (il ne sait pas que je vais le citer en exemple) car derrière tous les chiffres qu’il comprend si bien en tant que caissier de l’Eglise, il voit ce qu’on peut faire avec, il voit la mission de l’Eglise et les ressources dont elle dispose pour cela. Il ne fait pas de la comptabilité pour de la comptabilité, au contraire il investit et invite même parfois à la dépense, tant que la mission est l’objectif… Et parfois, par l’Esprit-Saint, il fonctionne au coup de cœur parce qu’il est touché et ému par une cause…

Alors, ayez confiance… Ayez confiance en l’Evangile de Jésus-Christ : il était mort et il est ressuscité ! Ayez foi à construire le Royaume de Dieu, avec les ingrédients du Christ, et toutes les ressources dont nous disposons, grandes ou petites. Ayons confiance les uns dans les autres. Osons-nous dire les choses, mêmes les difficiles. Construisons ensemble ce petit bout de Royaume ici à Neuchâtel.

Amen