En chemin ensemble avec le Christ

Prédication du 25 août 2024 à Couvet

Adieux de Patrick et Séverine Schlüter et accueil de Micha Weiss

Lecture biblique : Luc 24, 13-35

Message de Patrick et Séverine Schlüter

Voilà 17 ans passés au Val-de-Travers, 16 ans et 11 mois de ministères pastoraux ! Que de visages croisés au fil du temps, rencontres brèves, plus longues, compagnonnage de plusieurs années : nous en avons vécu des choses avec vous ! Réussites, expériences, échecs aussi. Notre expérience a été riche. Nous ne sommes plus les mêmes qu’à notre arrivée. Nous étions deux en 2007, nous voilà à 4 pour notre départ avec Ricardo et Marc-Arthur qui sont venus agrandir la famille depuis bientôt 4 ans et demi avec la longue attente qui a précédé. Quelle diversité dans notre vécu ici au Val-de-Travers ! Que de couleurs, d’émotions, d’expériences de foi ! Que de chemin parcouru en presque 17 ans !

Quelle diversité d’expérience aussi pour les 2 disciples d’Emmaüs ! Des mois ou des années passées à suivre Jésus jusqu’à Jérusalem, l’expérience traumatisante de sa mort sur la croix, puis cette expérience de rencontre avec le Christ ressuscité au fil du chemin.

Nous avons choisi ce texte qui nous tient particulièrement à cœur pour ce culte d’adieux, car il permet de se questionner sur son propre chemin de foi et d’évoquer une partie de notre vécu ici et de ce qui nous habite au moment de nos adieux. D’ailleurs, si l’un des disciples d’Emmaüs s’appelle Cléopas, on ne connait pas le nom du 2ème… c’est probablement pour nous inviter à faire nous aussi le chemin spirituel de ces 2 personnes.

Ce texte des disciples d’Emmaüs, nous l’avions utilisé dans une animation de catéchisme des adolescents pour inviter les jeunes à se situer dans leur foi. C’est aussi une manière de faire un clin d’œil aux domaines de l’enfance et l’adolescence qui nous tiennent particulièrement à cœur. Et puis, comme faire un peu de caté, c’est bon à tout âge et à tout moment, voici les étapes que nous pouvons identifier dans ce texte. A nous d’être les catéchumènes pour nous demander où nous en sommes aujourd’hui !

Avec l’expérience de la mort de Jésus, les 2 disciples ont vu tous leurs espoirs anéantis. C’est fini, ils rentrent chez eux.

Parfois, on n’arrive plus à croire en Dieu ou il semble tellement loin, qu’on ne voit plus très bien quel rôle il pourrait jouer dans notre vie. C’est la première étape de foi des disciples dans ce récit.

Avec l’irruption de cet inconnu qui s’intéresse à Dieu, les 2 disciples commencent à ouvrir leur cœur et expriment leurs interrogations, leurs espoirs déçus. Ils s’interrogent sur le tombeau vide.

Nous aussi, nous pouvons être dans les questions sur la vie, le monde, la foi, sur Dieu lui-même. C’est la 2ème étape de foi des disciples d’Emmaüs.

Ils ne s’en rendent pas compte tout de suite, mais en cheminant avec cet inconnu, les disciples pressentent que quelque chose d’important se passe. Ils retiennent l’inconnu qui veut poursuivre son chemin. Et ils se diront après coup qu’il y avait comme un feu qui brûlait au-dedans d’eux.

Nous aussi, parfois, nous pressentons qu’il y a quelque chose à vivre avec Dieu, mais sans trop savoir quoi. C’est un élan intérieur à concrétiser, un lâcher-prise dans la confiance. C’est la 3ème étape de foi des disciples d’Emmaüs.

Au moment où l’inconnu rompt le pain, il n’en est plus un : c’est lui, c’est Jésus, il est vivant, ressuscité, avec eux.

Parfois aussi, dans nos vies, nous ressentons cette proximité de Dieu qui nous porte, nous nourrit. C’est la 4ème étape de foi des disciples d’Emmaüs.

Maintenant qu’ils ont reconnu le Christ au moment où il rompait le pain, les 2 disciples ne semblent même pas s’étonner que Jésus ait disparu. C’est évident, le Christ est ressuscité. Ce qu’ils ont vécu les porte et réoriente leur vie.

Nous aussi, dans nos vies, nous vivons des temps où nous croyons sans voir. Nous ne sommes pas dans l’expérience de foi forte et immédiate, mais notre foi est un repère solide dans notre vie. C’est la 5ème étape de foi des disciples d’Emmaüs.

Les 2 disciples refont à l’inverse le chemin qu’ils ont parcouru. Ils reviennent à Jérusalem pour partager leur expérience avec le groupe des disciples. La rencontre avec Jésus les mène vers les autres. Elle les réunit à nouveau avec le groupe qu’ils avaient quitté.

Nous aussi, nous pouvons vivre notre foi quand nous sommes réunis avec les autres. C’est alors la manière principale de vivre notre foi, dans le partage avec d’autres, dans l’expérience de l’Église. C’est la 6ème étape de foi des disciples d’Emmaüs.

Et nous, où en sommes-nous ce matin, laquelle ou lesquelles de ces étapes de foi est la plus proche de notre vécu actuel ? où en sommes dans notre relation à Dieu ?

Bien sûr, nous pouvons être entre plusieurs étapes, toutes les nuances sont possibles, car chaque chemin de foi est individuel et personnel. Ces étapes de foi ne se vivent pas forcément dans le même ordre que les 2 disciples d’Emmaüs. Ce qui compte, c’est d’être en chemin. Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu de la route qui ne nous laisse pas tranquille, mais nous invite à nous déplacer, au moins intérieurement. Alors que nous voudrions nous installer dans une routine, Jésus-Christ nous invite à cheminer avec lui !

Cet aspect a été au cœur de notre réflexion qui nous a conduit à changer de poste. Nous avons vécu des choses riches et fortes au Val-de-Travers, mais nous sentions aussi à l’intérieur de nous, le besoin ou l’appel à vivre un nouveau défi. Nous croyons profondément que c’est pour nous et pour la paroisse l’occasion de vivre de nouvelles choses à travers un renouvellement de l’équipe ministérielle.

L’Église est partout. Il y a pour nous une continuité. Notre ministère se poursuit ailleurs. Même si le contexte est différent dans le canton de Berne, nous voyons déjà que les défis sont les mêmes. Nous nous sentons en communion avec vous et avec la nouvelle équipe qui se met en place.

Ce récit des disciples d’Emmaüs et ce temps que nous vivons mettent en évidence plusieurs enjeux :

  • La foi, c’est la rencontre avec le Christ vivant qui nous dit un Dieu qui est amour pour porter et orienter notre vie. C’est cette rencontre, toujours nouvelle que nous sommes invités à vivre et à chercher.
  • Ce récit nous invite aussi à trouver et retrouver le sens de l’Église et de la communauté. Pour les 2 disciples d’Emmaüs, il n’y a pas d’hésitation.

La rencontre avec le ressuscité les appelle à rejoindre le groupe des disciples pour partager leur vécu. Pas besoin de vivre sa foi dans son coin ou de garder son expérience pudiquement pour soi-même. C’est une évidence pour les 2 disciples. La nuit tombante n’empêche pas leur voyage de retour vers Jérusalem.

  • Aujourd’hui, cet aspect de la communauté/Église ne va plus du tout de soi. On peut vivre sa foi pour soi-même, croire de son côté et vivre une authentique histoire de foi sans lien avec l’Église. Parfois d’ailleurs, la manière de faire de l’Église et de ses représentants dans le passé ou dans le présent n’est pas étrangère à cette distance !
  • Pourtant, cela m’interroge sur la manière de se rencontrer dans le monde d’aujourd’hui sur des questions essentielles. Comment vivre ensemble en société, en Église ? Comment partager ce qui est essentiel pour nous, nos ressemblances, nos différences pour construire ensemble le monde, la société, l’Église ?
  • Le temps d’aujourd’hui semble à l’éclatement, au conflit, au recentrement sur soi-même et ceux qui nous ressemblent. L’autre fait peur. Il est une menace.
  • Une dimension essentielle de ma foi, c’est que Dieu s’offre pour comme le point de repère, celui qui me relie à l’autre comme les enfants d’un même Père. C’est le rôle de l’Église au sens large d’essayer de vivre cela.
  • Nos Églises sont des lieux imparfaits, mais des lieux où nous sommes appelés à nous rencontrer entre personnes différentes. Comme on l’appelle dans le catéchisme, l’Église, c’est la communauté des chercheurs de Dieu.
  • Aujourd’hui, dans notre société de consommation, on peut aussi consommer l’autre, on peut aussi consommer la spiritualité. C’est une tentation de notre monde.
  • Comment ma foi me met-elle en route véritablement vers moi-même et vers les autres ? Comment m’appelle-t-elle à vivre véritablement ici et maintenant le Royaume de Dieu que Jésus nous annonce ?

C’est un véritable enjeu pour notre monde et nos Églises.

Dans notre vécu au Val-de-Travers, nous gardons des perles pour nous porter dans l’avenir :

  • Une personne m’a dit après un baptême d’adulte et d’enfant que l’Église était l’un des derniers lieux où on affirme la valeur de chacun, au-delà de sa performance qui est sans cesse jugée. J’y pense encore à chaque fois que je célèbre un baptême.
    • Une monitrice parlait de l’importance de ce qui nous réunit en Église et de l’importance d’avoir des amis dans la foi. Merci pour cette amitié.
  • Comme Jésus ressuscité avec les 2 disciples d’Emmaüs, nous lisons et cherchons à comprendre le message des textes bibliques pour aujourd’hui. C’est un trésor qui nous est transmis. Parfois difficile d’accès, ce trésor de la parole de Dieu nous décentre de nous-mêmes. Il nous permet à travers le témoignage de personnes des temps anciens de voir notre réalité et nos vies autrement, à travers le regard de l’amour de Dieu. Ainsi, en nous décentrant de nous-mêmes, nous pouvons nous voir en vérité et finalement nous retrouver autrement pour continuer d’avancer. Merci pour tous les partages autour de la Bible.
    • Au Val-de-Travers, nous célébrons la Cène presque tous les week-ends. Ce partage du pain et vin est un lieu de la présence de Dieu, un lieu d’accueil à la lumière de l’amour de Dieu. Il permet de se raccrocher à la vie de l’Église, à tous ceux et celles qui sont en route avec nous. Cela peut aussi dans des temps difficiles. Nous sommes précédés par d’autres, accompagnés et non pas tout seuls.

Jésus dit : là où 2 ou 3 sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. Je crois que c’est ma définition préférée de l’Église. Elle peut nous porter dans cette période où nos Église doivent apprendre à être plus petite, à faire avec moins.

Il s’agit de retrouver le sens à se rencontrer au nom de Jésus-Christ. C’est une invitation à se recentrer sur ce qui est essentiel, ce qui nous porte et nous fait vivre. Si cela a du sens pour nous, peut-être aurons-nous envie, chacun et chacune, d’inviter nos amis, nos familles à nous y rejoindre.

Amen.