Cultes des 14 et 15 juin
Môtiers et Saint-Sulpice
Lecture : Luc 13, 1 – 9
Prédication
De Sébastien Berney
Un homme se noie dans le lac… Un accident de la route provoque le décès de trois personnes… Une avalanche provoque la mort accidentelle de deux alpinistes… Un drame familial provoque la mort de deux jeunes enfants… Un avion s’écrase et provoque la mort de cinquante personnes… Une inondation provoque la mort de deux cents personnes et entraîne le déplacement de cinquante- mille sans-abri. Une embarcation coule en méditerranée…
Ces quelques phrases sont tirées de mon imagination. Mais rassurez-vous, je n’ai pas dû chercher très longtemps pour les trouver. Il m’a suffi d’ouvrir le journal ou alors d’allumer la télévision. Comme vous, dans mon quotidien, je suis inondé par des faits divers plus macabres les uns que les autres… C’est mon quotidien, c’est votre quotidien. On ne compte plus les morts accidentelles, les morts injustifiées, les morts scandaleuses, les morts incompréhensibles. On ne compte plus les malheurs qui frappent les hommes sur notre terre. Aujourd’hui, on ne compte plus ces faits divers, c’est comme cela qu’on les appelle, qui nous font froid dans le dos. La plupart du temps, ces faits divers frappent les autres, mais parfois, il nous arrive qu’ils nous concernent…
Aujourd’hui, dans le texte de l’évangile de Luc que nous avons lu, nous sommes toujours dans cette ambiance très lourde des faits divers. Deux faits divers nous sont donnés dans le texte.
Le premier est le suivant : Ponce Pilate, le gouverneur romain envoie ses légionnaires massacrer quelques Galiléens, car ces derniers menaces l’ordre public… Sûrement quelques lignes dans « le journal du jour ».
Le deuxième fait divers est le suivant : un accident de chantier fait 18 victimes à la Tour de Siloé aux portes de Jérusalem… Sûrement quelques mots dans « le journal du jour »…
Dans le texte, la foule qui se trouve autour de Jésus, cherche des réponses à donner à ces faits divers. La foule cherche des réponses face à l’incompréhensible, face au malheur, face au mal. Tout le monde autour de Jésus est au courant… Des Galiléens et des ouvriers sont morts. Pourquoi sont-ils morts, pourquoi cette injustice ?
A toutes ces questions, Jésus répond par une autre question, comme bien souvent avec lui : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens pour avoir subi un tel sort ? Et ces dix-huit personnes sur lesquelles est tombée la tour de Siloé, et qu’elle a tuée, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? »
Jésus ne répond pas vraiment… Pas de réponse à l’injustice, au mal qui frappe au hasard…
Derrière cette question de Jésus, une chose apparaît. La foule aimerait bien que tous ces morts, à quelque part, aient mérités leurs morts… Pour la foule, la mort n’arrive pas par hasard… Ceux qui sont morts, ont certainement dû fauter… C’est la justice divine qui a parlé…
Comme bien souvent dans l’Evangile, Jésus refuse ce système de pensée simpliste, celui de la rétribution. Il répond par la négative, non ces personnes n’ont pas mérité leur châtiment…
Mais voilà, Jésus ne s’arrête pas là… Sa réponse dans un premier temps peut nous apparaître plus qu’ambiguë : « Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même… »
Ma première réaction en lisant cette phrase est de dire : et ben, on n’est pas sorti de l’auberge, quelle violence dans cette affirmation de Jésus…
Comment comprendre cette phrase ? Jésus serait-il en train de menacer les non-croyants, les non-convertis ? Cette phrase me dérange… Plus, elle me met en colère…
C’est ici que le sens des mots va prendre tout son poids. Que veut dire le mot « se convertir » ? Certaines versions diront « changer de comportement » ? Dans la bouche de Jésus, se convertir exprime un changement de regard, un changement de regard sur Dieu et sur le monde. Dans la bouche de Jésus, se convertir n’est pas lié à une menace pour ceux qui ne se convertiraient pas, mais plutôt comme à une ouverture.
A travers cette phrase très dure, Jésus nous dit alors la chose suivante : si vous ne changez pas votre regard sur Dieu, si vous ne cessez pas de le voir comme un bourreau des non-croyants, alors votre vie sera surplombée par ce Dieu, ce Dieu bourreau, et vous mourrez dans la terreur de ce Dieu-là. Jésus nous dit donc également, que se convertir, c’est découvrir le visage d’un Dieu ami, d’un Dieu d’amour.
Aucune menace donc dans cette sentence de Jésus, mais bien plutôt une promesse d’amour face au mal qui frappe les hommes…
Cet amour de Dieu est alors expliqué dans la parabole qui suit…
Un figuier ne donne pas de fruit, pourquoi s’en occuper, pourquoi en prendre soin, pourquoi se donner du mal et perdre son temps… La proposition du vigneron est absurde, la logique voudrait plutôt prendre le parti du propriétaire, il faut tout simplement arracher ce figuier inutile.
Mais voilà, la proposition du vigneron incarne la grâce de Dieu pour les hommes. Se convertir, c’est alors remplacer la figure d’un Dieu intolérant (comme le propriétaire) par un Dieu aimant et compatissant (comme le vigneron).
En faisant le bilan, je ne trouve donc aucune menace ni aucune urgence de la part de Jésus dans le texte que nous avons lu… A part peut-être une petite… Il y a urgence à changer son regard sur Dieu…
Amen