Culte du souvenir – Môtiers – 22.11.2025
Lecture : Jean 16, 16 – 24
Prédication de Sébastien Berney
La tristesse se changera en joie… Une bien jolie phrase ! Tirée d’un Walt Disney ? Si seulement… mais non, il s’agit bien de l’évangile de Jean, que nous venons de lire.
Homme de peu de foi, me direz-vous ! Vous avez peut-être raison. Ou pas… Car moi aussi je partage cette espérance qui nous réunis, ici, ce soir. Cette espérance qui imagine la mort comme une étape vers autre chose. Un au-delà qui se voudrait meilleur. Une espérance qui devient assurance devant l’inconnu. Mais voilà, Sébastien fait encore de la résistance…
Je sais, je suis un peu rebelle… De plus que notre texte de l’évangile fait des efforts pour être rassurant… 9 versets, et 7 fois les termes « d’ici peu » ou « peu de temps ». Que faut-il de plus à ces disciples, tremblant dans leur finitude d’être humain. Messieurs, il vous l’a dit sept fois, il va revenir tout bientôt, pas de souci à se faire. Alors arrêtez de nous parler de vos petits problèmes de temporalité ! Et Sébastien, fais un effort !
Mais je persiste… Je suis tenace…
Alors que nous sommes là pour nous souvenir, de ceux qui sont partis, je ne peux pas éloigner de moi, tout ce bonheur évaporé, tous ces possibles évanouis… Je suis triste, j’ai peur. Peur de l’inconnu, peur de la mort, peur de la perte, peur de la séparation.
Et voilà que Jésus en rajoute une couche… Il me parle de joie ! « De même, vous êtes dans la peine, vous aussi, maintenant : mais je vous reverrai, alors votre cœur se réjouira, et votre joie, personne ne peut vous l’enlever ».
Je me vois déjà dans une chambre, à la Chrysalide : « Madame, monsieur, personne ne pourra vous enlever votre joie » … De plus que cette famille vient de me dire qu’elle ne supportait pas les « bondieuseries », qu’elle était en colère et que tout cela était totalement injuste. J’ai comme l’impression que la joie, ce sera pour une autre fois !
La mort est toujours injuste, toujours un scandale, toujours un vide dans le ventre, comme un coup de couteau dans le cœur. Je suis têtu ? Sûrement.
L’avantage d’être têtu, chez moi, c’est que c’est valable dans tous les sens. Donc je reste sur mon injustice de la mort, mais je reste également sur le fait qu’il me faut me coltiner cette joie. Et cela, ça va être compliqué pour la suite de mon existence.
Tout ce bonheur possible, disparu, volé !
Une petite étincelle dans mon esprit. Joie/bonheur, bonheur/joie, des différences, pas de différences ?
Quelques définitions récoltées…
« Le bonheur est un état émotionnel qui peut se produire à travers des expériences spontanées et qui dépend souvent de facteurs externes comme une réussite ou l’obtention d’une satisfaction matérielle »
« La joie est une émotion primaire profonde que les individus ressentent lorsqu’ils se sentent véritablement connectés dans des relations, sont en phase avec leurs valeurs et/ou ont un sentiment de sens et d’objectif. »
Il est vrai que dans notre texte, Jésus ne nous parle pas de bonheur mais de joie. Jésus ne remet pas en cause notre sentiment d’injustice, notre peur, notre incompréhension, notre colère, notre tristesse.
Jésus est peut-être en train de nous dire que la joie est possible au milieu de notre tristesse, car la joie ne dépend pas des circonstances.
Oui, cette joie que nous venons de définir, il me faut l’avouer, est parfois présente dans des moments où la tristesse domine. Oui, parfois, l’espérance peut transformer la tristesse en joie. Pas d’atténuation de la réalité ici, surtout pas, mais juste un possible qui s’ouvre, la joie est possible malgré la tristesse.
Des images de la Chrysalide me reviennent. Cette chambre, cette personne, cette famille. Ces moments de grâce où l’espérance, qu’elle soit chrétienne ou autre, opère sa magie. Ces moments où la confiance vient à naître.
L’espérance qui transforme… des possibles qui s’ouvrent malgré… C’est bien beau tout cela, mais faut-il y croire ! Il est vrai que là, la raison mettra un terme à l’argumentation. Si la rationalité prend toute la place, pas de salut possible.
De mon côté, je me considère plutôt du côté des rationnels et pas vraiment du côté des « perchés ». Malgré ma rationalité, j’ai toujours eu de la peine à imaginer la mort comme une fin en soi, après moi le néant, rien, poussière. Certains l’affirment, mais dans tous ces regards rencontrés, dans tous ces moments où la tristesse prend presque toute la place, il me semble que l’espérance résiste.
Oui l’espérance résiste, mais elle me vient de quelqu’un qui me dépasse, pas des hommes, pas de vous, pas de moi. Elle me vient de Dieu, promesse et force d’amour qui transcende mon humanité.
En sachant cela, je peux alors accepter d’entendre : « la tristesse se changera en joie ».
Alors oui, la joie est possible même au milieu d’un chagrin douloureux, car la joie ne dépend pas des bonnes circonstances, comme le fait le bonheur. Vous pouvez éprouver de la joie en toutes circonstances, même dans les moments les plus difficiles.
Là, ce n’est plus un Walt Disney, mais c’est l’Evangile, une promesse d’amour qui nous dépasse.
Amen.
