« Les noces de Cana : un déclic contre le déclin ! »

Culte du 19 octobre 2025 au Temple de Fleurier

Prédication de Christophe Allemann

Lectures : Jean 2, 1-11 / 1 Corinthiens 12, 1-11

Chères paroissiennes, chers paroissiens, c’était une magnifique journée en Galilée. La ville de Cana était en effervescence. C’était jour de noces. La fête avait très bien commencé. A l’ombre des figuiers, les invités étaient rassemblés. Les plateaux de dattes et de figues, les gâteaux de raisins secs, la viande d’agneau et de volaille, tout avait été prévu pour que la fête soit belle et mémorable. Les serviteurs étaient attentifs aux moindres détails. Ils devançaient même les souhaits des invités.

Au bout de quelques temps, quelques signes d’agitation furent à peine perceptibles. Les stocks de provision n’avaient peut-être pas été vérifiés avec suffisamment d’attention. Ou peut-être que le nombre des invités avait été sous-estimé. Parmi les serviteurs, il se murmurait qu’on serait bientôt à court de boisson :  le vin commençait à manquer. On craignait que la fête, qui pourtant s’annonçait grandiose, ne soit déjà sur le déclin !

Lentement, l’agitation s’amplifia. Le malaise fut bientôt largement perceptible. Plus aucun convive ne pouvait ignorer le problème : il n’y avait plus de vin, plus une seule goutte ! La fête n’était plus seulement sur le déclin ; elle était sur le point de tourner au fiasco, pour ne pas dire au vinaigre !

Parmi les invités, la plupart se faisaient spectateurs, voire moqueurs. Au milieu d’eux, une femme de Galilée décida de prendre les choses en main. Pour que la fête sorte de son déclin, il fallait qu’elle provoque un déclic ! Entre déclin et déclic, il n’y a finalement qu’une lettre qui change !

Forte d’une espérance insoupçonnable, elle dit à son fils que les organisateurs du mariage n’avaient plus de vin ! Son fils, qui était visiblement entouré de ses amis, n’apprécia pas vraiment que sa mère vienne le déranger en semblant attendre une intervention de sa part. Peut-être cherchait-il quelque peu à temporiser, ou peut-être avait-il juste besoin que sa chère maman lui laisse un peu de liberté ! Mais la femme ne lâcha pas si vite l’affaire. Se tournant vers les serviteurs, elle leur commanda de faire tout ce que son fils leur dirait… car elle sentait bien qu’il allait finir par intervenir. Ce qui ne manqua pas d’arriver !

La foule des spectateurs et des moqueurs commença à saliver. On avait entendu le jeune galiléen ordonner aux serviteurs d’aller remplir d’eau six énormes jarres en pierre. Parmi les curieux, on s’attendait au pire au moment où le maître de la fête eut l’idée de goûter ce breuvage. On voyait que son visage prenait une étrange couleur, comme s’il s’empourprait. Ses yeux brillaient d’excitation. Il fit appeler le marié et le félicita de son audace : avoir gardé le meilleur vin pour la fin, contrairement à tous les usages habituels !

Passée la stupéfaction, certains s’étonnèrent sans doute, voire s’offusquèrent. Il se murmurait que le jeune galiléen n’était qu’au début de son ministère, mais qu’il avait déjà une bonne réputation de glouton et d’ivrogne.

Certains n’appréciaient pas qu’il se soit laissé inviter à cette noce. D’autant qu’il était venu avec ses amis, qui semblaient suivre son exemple. « Par pitié, un peu de piété », semblaient dire les plus religieux d’entre eux !

A Cana, Marie a imaginé qu’un déclic permettrait de sortir la fête de son déclin. Et Jésus l’a provoqué ce fameux déclic.

Chères paroissiennes, chers paroissiens du Val-de-Travers, si nous en restons à cette belle journée en Galilée, du côté de Cana, il y a près de 2000 ans, nous risquons fort de ne pas sortir d’un certain déclin, voire d’une morosité ambiante.

La simple mémoire du passé, fut-il biblique, n’est pas suffisante pour dire quelque chose de notre vie d’aujourd’hui. Mais peut-être est-il possible de faire de la place pour qu’un déclic puisse se produire.

Entre déclin et déclic, il n’y a qu’une lettre qui change, je l’ai déjà dit et souligné ! Une seule lettre, signe d’un petit quelque chose qui vient chambouler la dynamique, qui change l’orientation, qui modifie le cours des choses.

Et le mot « signe » est approprié. Dans l’évangile de Jean, la transformation de l’eau en vin à Cana est le premier signe de Jésus. Un signe ne cherche pas établir une preuve formelle, mais il se contente de renvoyer à une réalité différente, qui est toujours à interpréter, à assimiler de manière personnelle.

J’aime ce texte de l’Evangile de Jean qui vient surprendre le lecteur que je suis. Aucune trace de moralisme dans le texte de Jean 2 : ce n’est pas le vin qui est transformé en eau, mais bien le contraire ! L’eau, la simple eau de la rivière du coin, est métamorphosée en vin, boisson qui, déjà il y a 2000 ans, avait de quoi faire saliver.

Avec l’épisode de Cana, le lecteur de l’évangile que je suis découvre la vie sociale de Jésus, dans sa Galilée originelle si je puis dire.

Entouré de ses disciples, presque couvé par sa mère, Jésus est en lien, en relation, avec d’autres personnes dont on ne sait a priori pas grand-chose. L’essentiel me semble être de prendre conscience de l’intégration sociale de Jésus dans le monde qui l’entourait. Simple invité à un mariage, mais prêt à s’impliquer dans l’existence concrète de ceux dont il croise la route.

Dans l’épisode de Cana, je prends conscience que Jésus ne fait pas tout tout seul. Il donne certes l’impulsion initiale, mais en comptant sur l’aide d’autres personnes : les serviteurs de l’hôte sont mis à contribution. Il mise sur les compétences des uns et des autres. Ce que l’apôtre Paul relèvera à son tour, dans sa première lettre aux Corinthiens en parlant de la diversité des dons des uns et des autres, dons qui se révèlent finalement complémentaires, et qui ont chacun leur importance propre pour la vie de la communauté.

Partout dans l’évangile, Jésus met en route les personnes qu’il rencontre. Il ne les fait pas juste bénéficier d’un spectacle. Il ne les conforte pas dans un statut de voyeurs ou d’observateurs. De spectateurs, il préfère voir les gens devenir acteurs de leur vie. Là encore, entre spectateur et acteur, il y a juste quelques lettres qui changent !

Ce que j’apprécie finalement dans l’épisode de Cana, c’est que l’évangéliste Jean reste pour le moins discret sur le comment de la chose. Aucun détail sur la mystérieuse transformation, signe que là n’est pas l’essentiel. Ce que je retiens de l’épisode de Cana, c’est que Jésus accorde beaucoup d’importance à la convivialité. Il rend la suite de la noce, non seulement possible mais surtout palpitante, par l’impulsion initiale qu’il donne. Le déclic qu’il produit procure un élan nouveau sur lequel il sera possible de surfer.

Tout au long de son ministère, Jésus a accordé une importance toute particulière à ces temps de convivialité que constituaient les repas. Et chaque repas était l’occasion d’une réflexion singulière sur la vie et sur la manière de vivre.

Ces repas attestent combien Jésus est proche des gens ; ce sont autant d’occasions pour lui de montrer qui il est et qui est Dieu.

Jésus est souvent à table et ce n’est pas par hasard que les évangélistes le soulignent. En effet, le repas est un moment où l’on se rassemble, où l’on se parle, où l’on se réjouit. C’est le moment par excellence de la convivialité !

Dans l’évangile, je découvre souvent que Jésus lui-même rassemble, parle et se réjouit ! A Cana en Galilée, Jésus met la qualité du vin au service de la qualité de vie ! Là aussi, entre vin et vie, il n’y a qu’une lettre qui change ! Signe possible d’une existence humaine à déguster et à savourer !

Que Dieu nous aide à mettre continuellement la rencontre, la réjouissance et la convivialité au cœur de notre vie et surtout de notre manière de vivre. Amen.