Maurice et tous les témoins d’espérance

Culte du dimanche 27 juillet 2025 à Buttes

Texte biblique : narration de Genèse 12, 1-9

L’homme finit d’empiler les pierres. Tel un repère dans l’étendue infinie de sable, l’autel se dresse. Signe de présence. Signe d’espérance.

L’homme contemple le paysage : un désert fait de collines et de cailloux. Le soleil a brûlé toute végétation, ne laissant sur son passage qu’une vallée sèche, aride, coincée entre une mer morte et du sable à perte de vue.

L’homme se lève. Il entre dans sa tente. Elle est son unique abri, sa maison.

Demain, il faudra repartir, avec sa femme, son neveu, ses serviteurs et tout le bétail. Car d’oasis en colline, de colline en oasis, ils se déplacent. Tels des étrangers exilés, ils sont désormais nomades.

Il ne sait pas où son voyage le mènera. Il ignore quand il se terminera.

Abram (car c’est son nom) ne connaît qu’une seule chose, la promesse que Dieu lui a faite : LIRE GEN 12, v. 2 et 3

Cette promesse, il l’a entendue il y a à peine quelques semaines…

Les pensées d’Abram partent là-bas où sont restées sa patrie, ses racines. Là-bas, dans la ville d’Ur en Chaldée.

Ah ! Il faisait bon vivre dans cette ville.

Abram voit encore le port d’Ur, avec ses bateaux remplis de tissus soyeux et multicolores, ses chargements de papyrus et de bois d’essences rares.

Abram sent encore les effluves du port, où odeurs de poissons, d’épices et de sueur se mêlent en un parfum si caractéristique.

Abram entend encore le brouhaha des marchands qui vantent leurs produits, les enfants qui se pourchassent en criant.

Oui, il faisait bon vivre dans la ville d’Ur. Tout y était vert et prospère. La maison d’Abram était entourée de champs où chameaux, chèvres et moutons paissaient paisiblement.

Alors pourquoi Abram est-il parti, emmenant avec lui familles, esclaves et bétail ? Pourquoi quitter ce havre de paix et de prospérité ?

Il n’est pas parti sur un coup de tête, ni par goût de l’aventure. Non ! Abram est parti parce que Dieu le lui a ordonné. Le Seigneur ne lui a donné ni explication, ni assurance, ni destination… Rien !

Abram a-t-il pris la bonne décision ? Quelle folie de quitter sa sécurité, ses racines pour l’inconnu !

Mais aujourd’hui, devant sa tente, Abram ressent ce qu’il a déjà ressenti au moment du départ : au plus profond de lui, se niche une sensation, douce, chaude, apaisante… la confiance.

Abram est devenu nomade, avec la confiance et l’espérance comme seules guides…

Texte biblique : Hébreux 11, 1-16

Prédication

De Véronique Tschanz Anderegg

Abram, Abram… Comment vous avouer cela ? Cet homme me divise :

  1.  Il m’agace et me rend envieuse dans sa confiance absolue et sa façon désinvolte de partir pour l’inconnu… quand je pense à toutes les démarches que je fais lorsque je prépare une randonnée (réservations, météo, étude de la carte, provisions, trousse de secours, boussole, etc… !)
  2. Mais en même temps, je me sens tellement en lien avec cet Abram en chemin

Dans le fond, ne sommes-nous pas, à l’image d’Abram, des exilés ?

Chaque fois que l’on doit abandonner une sécurité (quitter l’école pour entrer dans la vie active, déménager, abandonner son indépendance, sa voiture, perdre un être cher) ?

Notre église aussi vit une période nomade. Elle doit apprendre à quitter des sécurités financières, à perdre un certain statut sociologique.

…Oui ! Chaque fois que nous quittons un endroit rassurant, un endroit qui nous rappelle de bons souvenirs, c’est comme laisser sa patrie, ses racines !

Dans le fond, même notre condition d’être humain fait de nous des étrangers et des exilés sur la Terre.

D’ailleurs, l’épitre aux Hébreux décrit la vie humaine comme une sorte de passage dans un espace provisoire, tel un refuge.

Dans ce texte, la notion de patrie est réinterprétée : elle n’est pas envisagée comme un espace limité par des barrières et des frontières, mais plutôt comme une construction dont Dieu seul est l’architecte !

Comment vivre dans cet espace provisoire une existence sereine, sans regrets et avec un minimum d’angoisses ?

Abram a pu vivre son exil par la foi. Celle-ci est décrite ainsi dans l’épitre aux Hébreux : « La foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas ».

La foi est mise en rapport avec l’espérance.  

C’est comme si le monde visible était le domaine des illusions et le monde invisible, celui de la vérité.

Ce passage semble bien philosophique, mais il veut avant tout apporter à ses lecteurs du courage, de la persévérance et une cohérence de vie, dans une période de bouleversement (peut être après la destruction du temple de Jérusalem et du système sacerdotal).

Et pour ce faire, Paul raconte les expériences de vies d’autres témoins, non pas pour se comparer à des gens trop exceptionnels et inatteignables, mais pour préparer la voie de celles et ceux qui allaient venir après eux.

Car la principale force de ces personnages cités était de voir plus loin que leur monde présent. Ils étaient capables d’affronter les obstacles, d’espérer contre toute espérance et aussi de devenir des résistants.

Car la foi, ce n’est pas une consolation pour faire patienter les pauvres, les malades et les désespérés ! Noé, Abram et les autres nous montrent qu’ils sont des gens qui prennent leur vie en main, qui transforment des conditions difficiles en perspectives prometteuses.

Pour eux, la foi n’est pas de la résignation, mais elle décuple leur force et leur courage.

La foi n’est pas non plus un rêve éveillé qui fait l’impasse sur la réalité et l’échec. Les personnages de l’épitre assument les aléas de leur vie.

A la liste d’Hébreux 11, j’aime bien ajouter une figure d’espérance qui m’est proche : Maurice !

Maurice était un ami agriculteur. Avant de sombrer dans la maladie d’Azheimer, il a planté des sapins minuscules au bord de la route qui mène à sa ferme. Contre l’avis de ses enfants, de ses voisins et du garde forestier ! Mais pour Maurice, ces sapins devaient servir à protéger la route des « gonfles » de neige, fréquentes dans sa région.

Maurice est mort il y a plus de 10 ans, bon nombre de ses sapins aussi, mais ceux qui restent forment effectivement un rempart sur la route de la Combe-Boudry !

Espérer, c’est croire que le meilleur reste à venir, qu’il est encore à chercher, qu’il peut encore être découvert.

Espérer, c’est mettre l’accent sur la dimension toujours passionnante, créative de la Vie.

Espérer, ce n’est pas forcément savoir où je vais, mais être prêt à y aller, en comptant sur la présence d’un Dieu qui guide et accompagne.

Probablement que beaucoup d’entre nous sont inquiets pour l’avenir de l’église, de la Terre.

C’est bien de ne pas taire nos inquiétudes. C’est juste de ne pas nous résigner. C’est normal de trouver des solutions…

… Et c’est bon de nous rappeler que le Dieu d’Abram niche la confiance dans le cœur, le corps et l’âme d’Abram.

Et nous, notre confiance ? Qu’en est-elle ? Est-ce qu’elle se verra récompensée par « la cité céleste, préparée par Dieu », dont il est question dans Hébreux 11 ?

Quelle est cette cité pour nous chrétiens du 21ème siècle ? Le paradis, le retour du Christ, la résurrection, les temples remplis tous les dimanches ?

Abram a dû porter un échec, celui de mourir sans avoir atteint le pays promis. N’est-ce pas là une façon de dire que finalement, l’important n’est pas un but à atteindre, mais le chemin qui nous y conduit.

Peut-être est-ce une façon de nous redire que, comme Abram, nous n’avons pas à spéculer sur la cité céleste à venir, mais à nous réjouir de la seule patrie qui compte : la vie voulue par Dieu.

La vie qu’il donne à vivre, comme un cadeau, tel un espace de rencontres, de tendresse, de créativité. La vie qu’il crée pour que nous apprenions et témoignons, comme Abram, Maurice et tous les autres, de la confiance et de l’espérance que nous plaçons en Jésus le Christ.

 Amen