Culte du dimanche 3 août 2025 – Les Verrières
Lectures : Exode 23, 1-3 / Luc 8, 40 – 48
Prédication
De Sébastien Berney
Il y a des fois des souffrances qui empêchent de parler… Des souffrances qui ne permettent que peu de mouvements… Des souffrances qui poussent à venir par derrière, en catimini…
Ce jour-là, la foule est grande autour de Jésus. « Au moment où Jésus revint de l’autre côté du lac, la foule l’accueillit car tous l’attendaient. » On peut imager cette foule. Il y a de l’excitation, un peu de cohue… Jésus sort du bateau et est happé par la foule. Ses disciples doivent s’interposer, protéger leur maître, faire rempart de leurs corps. Pour Jésus, c’est le bain de foule, il y a des cris, des regards d’admiration, des regards de haine… Un homme important arrive jusqu’à Jésus pour lui proposer de venir chez lui car sa fille est malade, Jésus accepte et se dirige alors vers sa maison. On peut imager alors Jésus se frayant un chemin dans la foule compacte. Le texte nous dit : « la foule le pressait de tous côtés ».
En relisant le texte, j’essaye d’imaginer la scène, me vient alors l’image d’un homme politique qui vient de gagner une élection. Il descend du train, la foule l’attend et scande son nom. Il essaye de se frayer un chemin à travers la foule, ses gardes du corps font rempart, ensemble ils avancent jusqu’à la limousine qui les emmène jusqu’à son prochain rendez-vous…
La foule est nombreuse… Des hommes et des femmes par centaines. Des histoires de vie par centaines… Des histoires uniques car des hommes et des femmes uniques. Des parcours de vie uniques. Des joies et des souffrances…
Dans cette foule, le texte nous parle d’une femme. Elle est là, dans la cohue. « Il y avait là une femme qui souffrait de pertes de sang depuis douze ans ». Cette femme souffre depuis douze ans. Elle a tout essayé, tous les médecins, tous les rebouteux, tous les remèdes, toutes les prières… Cette femme est dans la foule, avec sa souffrance et son désespoir…
Cette femme n’a plus de mots pour exprimer sa souffrance. Dans la foule en délire, elle ne se sent plus la force de crier. Elle doit lutter pour rester debout… Elle doit se battre contre cette foule pour approcher Jésus. C’est peut-être sa dernière chance… Elle lutte pour sa survie… Elle lutte contre le désespoir… Au moins essayer de l’approcher, peut-être même essayer de le toucher…
De son côté, Jésus, lui, doit également se battre contre cette foule… Il est demandé chez Jaïrus, pour y arriver il doit se frayer un passage. La foule est oppressante…
Il se passe alors quelque chose de formidable dans notre texte. Malgré la foule, malgré la cohue, malgré les cris, malgré les applaudissements et les invectives, Jésus a senti qu’il se passait quelque chose, que quelqu’un l’avait touché d’une manière particulière : « quelqu’un m’a touché, car j’ai senti qu’une force était sortie de moi. »
Certains d’entre vous diront alors, encore un miracle de Jésus, cette femme a été guérie grâce à la puissance de Jésus…
Oui peut-être…
De mon côté, j’ai découvert deux choses dans ce texte…
Premièrement, Jésus nous apprend à être attentif à l’autre, à celui que nous croisons sur le chemin. Sur le chemin de notre vie, la foule est également présente… Elle peut prendre la forme du stress, du travail, de la déception, du manque de reconnaissance, de la solitude, de la joie, de la tristesse… Nous devons tous les jours nous frayer un chemin sous les cris et sous une certaine pression… Sommes-nous capables de savoir si quelqu’un nous touche ? Sommes-nous capables de reconnaître la plainte silencieuse de cet autre qui se cache dans la foule de notre vie ? Sommes-nous réceptifs à celui qui ne peut plus parler car écraser sous un fardeau trop lourd pour l’exprimer autrement que par un simple geste… Suis-je attentif à celui qui vient me toucher, à celui qui vient discrètement derrière moi et qui touche un bout de ma chemise sans rien dire ?
Dans notre vie, la foule est dense, rien n’est donc facile. Par ce texte et ce « qui m’a touché » prononcé par Jésus, il me semble qu’il m’est demandé de prendre le temps de m’arrêter alors que je suis touché.
C’est donc mon deuxième et dernier point. Celui ou celle qui me touche dans la foule de mes soucis quotidiens, bien souvent je l’ignore. Par manque de temps, par manque d’envie, je continue mon chemin. Je ne suis pas meilleur que vous, ne vous en faîtes pas, moi aussi j’ai de la peine à m’arrêter…
Pour certains, la souffrance est telle, qu’il ne reste que des gestes, parfois absurdes, parfois inutiles, parfois incompréhensibles. Suis-je prêt, à l’image de Jésus, à prendre en compte dans la foule de ma vie ces gestes d’appel au secours, et de m’arrêter un moment auprès de celui qui en est la source ?
Avec l’aide de Dieu, je crois que cela est possible… J’en ai la foi en tout cas…
Amen