Nous poursuivons ce week-end notre r\u00e9flexion \u00e0 propos de J\u00e9sus, le pain de vie, le pain descendu du ciel. Dimanche pass\u00e9, la premi\u00e8re partie de ce passage \u00e9tait mise en lien avec la manne re\u00e7ue par les Isra\u00e9lites dans le d\u00e9sert. Aujourd\u2019hui, la deuxi\u00e8me partie du discours de J\u00e9sus est mise en parall\u00e8le avec le r\u00e9cit du d\u00e9couragement d\u2019Elie.<\/p>\n
Apr\u00e8s le r\u00e9cit d\u2019un salut communautaire, vient ce geste de sollicitude de Dieu, intime, particulier et personnel.<\/p>\n
Si le peuple dans l\u2019exode vivait une travers\u00e9e du Sina\u00ef difficile, Elie vit un moment non moins p\u00e9nible de d\u00e9sert int\u00e9rieur.<\/p>\n
Il vient de vivre une confrontation avec les proph\u00e8tes de la reine J\u00e9zabel, adeptes du Dieu Baal\u00a0; il en est ressorti vainqueur, mais la reine veut se venger de lui et le faire mourir. C\u2019est pourquoi il a pris la fuite\u2026<\/p>\n
Elie est d\u00e9courag\u00e9. Peut-\u00eatre pas tant par les menaces (car jusqu\u2019ici Dieu a \u00e9t\u00e9 de son c\u00f4t\u00e9 et l\u2019a fait triompher), mais par l\u2019isolement qu\u2019il ressent.<\/p>\n
Il est loin de chez lui, il a laiss\u00e9 son serviteur derri\u00e8re lui, il se retrouve seul dans le d\u00e9sert \u00e0 une journ\u00e9e de marche\u2026 et le voil\u00e0 assis \u2013 nous est-il pr\u00e9cis\u00e9 dans certaines traduction – sous un gen\u00eat solitaire\u2026<\/p>\n
Livr\u00e9 \u00e0 lui-m\u00eame, il ne voit que le c\u00f4t\u00e9 sombre de la situation\u00a0: il n\u2019en peut plus, il ne vaut pas mieux que ses p\u00e8res, il reste seul et on cherche \u00e0 lui enlever la vie.<\/p>\n
Il en a assez, il est pr\u00eat \u00e0 abandonner.<\/p>\n
Malgr\u00e9 ses victoires, il se sent abandonn\u00e9 de tous.<\/p>\n
C\u2019est l\u00e0 que Dieu intervient. Non plus de mani\u00e8re spectaculaire et triomphale, comme dans l\u2019\u00e9pisode pr\u00e9c\u00e9dent, mais de mani\u00e8re toute personnelle et discr\u00e8te. Il y a beaucoup de tendresse dans le geste de l\u2019ange qui touche Elie avec douceur, et dans ces aliments tous simples et qui ont \u00e9t\u00e9 laiss\u00e9s pour lui. Le pain \u00e9voque ce qui nourrit, ce qui redonne des forces \u00e0 notre corps. Il repr\u00e9sente aussi ce qui est essentiel \u00e0 la vie, ce qui nous permet d\u2019avancer. Dans cette rencontre et cet \u00e9change, Elie re\u00e7oit non seulement de quoi se nourrir et subsister, mais aussi le courage n\u00e9cessaire pour reprendre la route, et poursuivre sa mission. C\u2019est pour lui le d\u00e9but d\u2019une transformation int\u00e9rieure, qui se poursuivra dans l\u2019\u00e9pisode bien connu de la caverne, o\u00f9 Dieu se r\u00e9v\u00e9lera \u00e0 lui au travers d\u2019un l\u00e9ger souffle\u2026<\/p>\n Cette mise en regard de cet \u00e9pisode avec les paroles de J\u00e9sus leur donne je trouve un sens tout particulier.<\/p>\n Quand J\u00e9sus dit \u201cJe suis le pain de vie, le pain descendu du ciel\u201d, ses auditeurs ne comprennent pas, et se f\u00e2chent m\u00eame.<\/p>\n De quel droit s\u2019attribue-t-il une dimension divine\u00a0? N\u2019est-ce pas le fils de Joseph, et de Marie\u00a0? Pour qui se prend-il\u00a0?<\/p>\n J\u00e9sus diff\u00e9rencie alors la manne, nourriture pour le corps, p\u00e9rissable, et ce pain du ciel, venu pour nourrir l\u2019\u00eatre int\u00e9rieur, et apporter la vie \u00e9ternelle.<\/p>\n Quand J\u00e9sus parle de sa chair, c\u2019est une mani\u00e8re de d\u00e9signer en h\u00e9breu toute sa personne, qui il est.<\/p>\n Etre nourri de ce pain-l\u00e0, c\u2019est \u00e9couter et recevoir l\u2019enseignement du P\u00e8re, enseignement que lui-m\u00eame transmet. Or, cet enseignement de J\u00e9sus est la plupart du temps tourn\u00e9 vers les autres, vers notre mani\u00e8re d\u2019\u00eatre ensemble, vers des relations harmonieuses les uns avec les autres, sous le regard du P\u00e8re.<\/p>\n Comme l\u2019ange a rejoint Elie dans sa d\u00e9tresse, J\u00e9sus veut nous rejoindre l\u00e0 o\u00f9 nous en sommes dans notre existence, dans notre quotidien de vie.<\/p>\n Comme la nourriture laiss\u00e9e ont redonn\u00e9 force et courage \u00e0 Elie, il veut nourrir notre existence, \u00eatre cette pr\u00e9sence qui aide \u00e0 vivre, nous donner force, \u00e9lan, \u00e9nergie pour affronter la marche qui nous attend.<\/p>\n Comme Elie a pu ensuite retrouver un but et un sens \u00e0 sa vie, et reprendre sa mission, le Christ se pr\u00e9sente comme ce qui est essentiel \u00e0 notre vie, il vient nous recentrer sur ce qui est au centre\u00a0: Dieu le P\u00e8re, et son enseignement de vie\u2026 Cette vie, cette force offertes sont un don\u2026 un don que J\u00e9sus nous a enseign\u00e9 \u00e0 partager autour de nous.<\/p>\n En pr\u00e9parant ce culte, j\u2019ai pens\u00e9 \u00e0 mes moments de d\u00e9couragement, et \u00e0 ce qui m\u2019avait aid\u00e9 dans ces moments-l\u00e0.<\/p>\n Je n\u2019ai pas eu a cherch\u00e9 tr\u00e8s loin\u00a0! Rien que ce midi, alors que j\u2019\u00e9tais peu inspir\u00e9e, que je s\u00e9chais sur certaines parties de ce culte, et que je d\u00e9sesp\u00e9rais d\u2019en voir le bout, voil\u00e0 que mon mari Patrick avait tout pr\u00e9par\u00e9 le repas\u00a0!<\/p>\n (Je vous rassure, je n\u2019\u00e9tais pas d\u00e9prim\u00e9e comme Elie\u2026 juste un peu stress\u00e9e\u00a0; mais \u00e7a m\u2019a fait du bien\u00a0!)<\/p>\n Plus que le repas en lui-m\u00eame ce qui m\u2019a encourag\u00e9e et motiv\u00e9e \u00e0 m\u2019y remettre, c\u2019est surtout de sentir la pr\u00e9sence de quelqu\u2019un \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de soi, quelqu\u2019un qui prend soin de moi, qui se pr\u00e9occupe de moi.<\/p>\n Cela peut prendre bien des formes diff\u00e9rentes : une parole d\u2019encouragement, un geste de sympathie, des pri\u00e8res, un gentil mot \u00e9crit, des fleurs offertes derri\u00e8re la porte ou laiss\u00e9es dans un vase, des instants de complicit\u00e9 partag\u00e9e, des conseils donn\u00e9s\u2026<\/p>\n Cela n\u2019a pas besoin d\u2019\u00eatre de grandes d\u00e9monstrations. L\u2019important, c\u2019est de savoir que quelqu\u2019un est l\u00e0 et qu\u2019on compte pour lui.<\/p>\n Ces personnes de notre entourage, \u00e0 leur mani\u00e8re, jouent le m\u00eame r\u00f4le que l\u2019ange d\u2019Elie\u2026 elles sont parfois le visage, la main ou le c\u0153ur de Dieu, sans le savoir\u00a0!<\/p>\n Dans tous les temples dans lesquels nous c\u00e9l\u00e9brons, nous trouvons des traces, des t\u00e9moignages d\u2019artistes ayant voulu nous dire comment eux ils voyaient ou ressentaient la pr\u00e9sence de Dieu dans notre monde et notre vie.<\/p>\n Une ancienne brochure raconte une anecdote \u00e0 ce sujet\u00a0:<\/p>\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 \u00ab\u00a0Lors de la r\u00e9novation de 1961, une petite fen\u00eatre romane \u00e9tait mise \u00e0 jour dans la\u00a0partie nord de la nef. Un donateur tenant \u00e0 rester dans l\u2019anonymat offrit le vitrail de\u00a0cette fen\u00eatre et demanda des projets au fils du romancier Jules Baillods, le peintre Edouard Baillods.<\/em><\/p>\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 Il fallut attendre une ann\u00e9e avant que cette \u0153uvre ne f\u00fbt accept\u00e9e par le chef du d\u00e9partement des Travaux publics du canton, Pierre-Auguste Leuba, qui, agissant sur\u00a0 pr\u00e9avis de l\u2019architecte responsable de la r\u00e9novation, commen\u00e7a par la refuser, arguant \u00ab\u00a0qu\u2019il y aurait anachronisme en r\u00e9alisant \u00e0 cet endroit un vitrail de couleur\u00a0\u00bb, parce que \u00ab\u00a0aux XII\u00e8me et XIII\u00e8me si\u00e8cles, les vitraux sont faits en verre incolore\u00a0transparent\u00a0\u00bb.<\/em><\/p>\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 Mais l\u2019architecte Jacques B\u00e9guin, expert de la Commission f\u00e9d\u00e9rale des monuments\u00a0historiques, convainquit chacun, disant\u00a0: \u00ab\u00a0J\u2019ai moins peur d\u2019un anachronisme que d\u2019une faute d\u2019architecture et d\u2019une rupture d\u2019ambiance.\u00a0\u00bb<\/em><\/p>\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 M. Leuba et le conservateur des monuments et sites retinrent finalement celui des quatre projets d\u2019Edouard Baillods qui repr\u00e9sentait une coupe, des raisins, des \u00e9pis de bl\u00e9 et une colombe, ajoutant \u00ab\u00a0que la Commune ou la paroisse de M\u00f4tiers pourraient changer par la suite les vitraux repr\u00e9sentant Farel<\/a> et Calvin<\/a> \u00e0 l\u2019ouest de la petite baie romane en question, afin d\u2019am\u00e9liorer l\u2019ensemble du bas-c\u00f4t\u00e9 au nord du Temple\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb<\/em><\/p>\n (Texte de Pierre-Andr\u00e9 Delachaux, tir\u00e9 de \u201c<\/em>Le temple de M\u00f4tiers-Boveresse – <\/em>Historique \u00e9dit\u00e9 \u00e0 l\u2019occasion de la restauration\u201d \u2013 1961; <\/em>2\u00e8me \u00e9dition 1984. <\/em>Editeur\u00a0: Commune de M\u00f4tiers \u2013 NE et Paroisse de M\u00f4tiers-Boveresse)<\/em><\/p>\n Ce vitrail est diff\u00e9rent de tous les autres que l\u2019on peut admirer dans le temple. C\u2019est le seul ici qui a \u00e9t\u00e9 fait par Edouard Baillods, apr\u00e8s tous les autres. La pr\u00e9sence de Dieu est parfois ainsi\u00a0; elle vient nous surprendre, quand on ne s\u2019y attend pas ou plus\u2026 et elle vient souvent d\u2019une autre mani\u00e8re que l\u2019on aurait imagin\u00e9e.<\/p>\n Sur ce vitrail, on voit une coupe, des grappes de raisin et des \u00e9pis de bl\u00e9, et surmontant le tout, une colombe dans le ciel bleu.<\/p>\n Cela peut nous rappeler la cruche et le pain laiss\u00e9 pour Elie par son ange messager\u00a0; cela rappelle bien s\u00fbr aussi le pain et le vin de la C\u00e8ne, symbole du corps et du sang du Christ, donn\u00e9 pour nous. La Colombe \u00e9voque l\u2019Esprit de Dieu, l\u2019Esprit saint qui fait le lien entre le ciel et la terre.<\/p>\n En contemplant ce vitrail, j\u2019 y ai senti un Dieu attentif \u00e0 ce qui se passe ici-bas, soucieux que chacun ait le n\u00e9cessaire pour vivre.<\/p>\n Ce n\u00e9cessaire est au d\u00e9part concret, terrestre (comme les \u00e9pis de bl\u00e9 et les grappes de raisin), mais l\u2019ensemble tend vers le ciel, vers l\u2019Esprit de Dieu, que nous appelons en nous \u00e0 chaque Sainte-C\u00e8ne, pour nous aider \u00e0 discerner dans ce partage du pain et du vin la pr\u00e9sence de Christ, afin qu\u2019elle vive en nous et nous nourrisse.<\/p>\n Je suis impressionn\u00e9e par le soin apport\u00e9 aux d\u00e9tails, la minutie qu\u2019il a fallu pour couper et joindre ces diff\u00e9rentes planches de mani\u00e8re aussi pr\u00e9cise, la pr\u00e9cision avec laquelle tout a \u00e9t\u00e9 sculpt\u00e9 et peint. C\u2019est vraiment un travail magnifique\u00a0! Cette vo\u00fbte\/ce plafond me fait penser \u00e0 un chalet \u2013 je ne sais pas si on peut dire \u00e7a pour une Eglise-\u00a0!<\/p>\n On s\u2019y sent comme chez soi, comme \u00e0 la maison. Quelqu\u2019un a mis du sien, a pris du temps, pour que ce lieu soit beau, accueillant, agr\u00e9able\u2026 et cela fait du bien\u00a0!<\/p>\n En ancienne chaux-de-fonni\u00e8re, je me suis demand\u00e9e si les d\u00e9corations du temple faisaient partie de l\u2019Art Nouveau \u2013 un mouvement artistique datant de la fin du 19\u00e8s et du d\u00e9but du 20\u00e8, tout en courbe et inspir\u00e9 de la nature, n\u00e9 en r\u00e9action contre les d\u00e9rives de l\u2019industrialisation. Les ornementations, qui souvent se r\u00e9p\u00e8tent, sont inspir\u00e9s des arbres, des fleurs, des insectes, des animaux, de ce que l\u2019artiste local a sous les yeux. Ici, on voit beaucoup de fleurs, des plantes entrelac\u00e9es\u2026<\/p>\n Mais dans les descriptions que j\u2019ai trouv\u00e9e sur internet, j\u2019ai lu qu\u2019il s\u2019agirait plut\u00f4t du \u201cheimatstil\u201d\u00a0; c\u2019est un style de la m\u00eame p\u00e9riode, qui utilise beaucoup de bois et de poutres sculpt\u00e9es, qui utilise les mat\u00e9riaux de la r\u00e9gion\u00a0; on y fait \u00e9galement la part belle au folklore local, \u00e0 la nature, \u00e0 la for\u00eat, \u00e0 la montagne\u2026<\/p>\n Quoiqu\u2019il en soit, c\u2019est un style qui renvoie au quotidien, comme pour dire que c\u2019est l\u00e0, dans ce qui est familier, que Dieu se r\u00e9v\u00e8le et que nous sommes appel\u00e9s \u00e0 vivre sa pr\u00e9sence.<\/p>\n Peut-\u00eatre sommes-nous ce soir en plein conflit, comme Elie l\u2019a \u00e9t\u00e9 avec les proph\u00e8tes de Baal\u00a0; peut-\u00eatre sommes dans la solitude ou le d\u00e9couragement\u00a0; peut-\u00eatre sommes-nous au contraire en paix, ou r\u00e9jouis par une bonne nouvelle\u00a0; peut-\u00eatre sommes-nous tout simplement en route\u2026<\/p>\n Quel que soit le parcours qui nous a men\u00e9 ici, que Dieu vienne nous rejoindre, chacun, chacune, l\u00e0 o\u00f9 nous en sommes, qu\u2019il nourrisse notre existence de ce dont nous avons besoin en ce moment\u00a0!<\/p>\n Amen.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
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