Un cheminement historique et religieux pour découvrir quelques sites du centre-Ville. Aperçu de l’histoire millénaire de la Ville de Neuchâtel et l’arrivée de la Réformation.
En 1529 le réformateur Guillaume Farel (1489-1565), originaire de Gap, France, vient à Neuchâtel avec une recommandation de Berne, dans le but d’y introduire la Réforme.
Suite à un vote des bourgeois le 4 novembre 1530, le culte protestant l’emporte sur la messe papale qui est abolie à une petite majorité de 18 voix. La ville, puis le pays, adoptent la Réforme contre la volonté de leurs autorités, qui demeurent catholiques pendant presque deux siècles, à l’encontre du principe valable ailleurs du « cujus regio, ejus religio ». Dorénavant Neuchâtel connaîtra une hégémonie du protestantisme pendant 300 ans (à part Le Landeron et Cressier).
Guillaume Farel, infatigable voyageur à travers plusieurs pays de l’Europe dans le but d’introduire la Réforme est aussi à l’origine de l’appel à Jean Calvin pour venir renforcer et conduire l’établissement de la Réforme à Genève. Son dernier voyage le conduit à Metz. Il rentre fatigué et mourra peu après le 13 septembre 1565.
1re station : La Collégiale
La Collégiale fut dotée d’un collège de chanoines, chargés du service divin. L’un d’eux, Maître Guillaume y vécut au 13e siècle. Il fut l’enseignant des enfants du comte Rodolphe. Il était chanoine, chapelain, secrétaire et conseiller du comte. Après sa mort il fut considéré comme le saint protecteur de Neuchâtel ayant accomplit plusieurs miracles durant sa vie. L’emplacement de sa chapelle est marqué par des pierres blanches, devant le porche
La plaquette face au somptueux cénotaphe, un mémorial érigé en 1372 pour sa famille par Louis, comte de Neuchâtel, indique : Le XXIII d’octobre (1530), fut ostée et abbatue l’idolâtrie de ceans par les bourgeois. Les Neuchâtelois, en vertu de leur combourgeoisie avec Berne, avaient dû, en 1530, fournir 150 hommes pour se porter au secours de Genève. Rentrés à Neuchâtel, après une marche triomphale, et accueillis par les autorités, ils reçoivent force vin blanc, puis dévastent la Collégiale. On a prétendu qu’un mobile spirituel s’était emparé des bourgeois, alors que la mise à sac est sans doute le fait de soldats sortis éméchés des cabarets de la ville.
2e station : rue de la Collégiale
N°10 : Il s’agit de la maison d’habitation des chanoines. Le chapitre des chanoines de Neuchâtel – ils étaient douze au XIIIe s. fut richement doté et pris bientôt une place importante non seulement dans l’Eglise, mais aussi dans le corps de l’Etat. Il s’enrichit bien vite des dons des seigneurs et des particuliers. Dans leur testament les seigneurs prévoiaient des dons pour le chapitre, afin de bénéficier en contrepartie des prières ou d’autres services de l’Eglise. Mais il y eut un relâchement des mœurs, abandon de la règle. Des peines sévères furent fréquemment prononcées contre ceux qui vivent avec une concubine ou entretiennent un « commerce illicite ».
Cette maison deviendra ensuite celle de Guillaume Farel, le deuxième Guillaume et le réformateur de Neuchâtel.
Guillaume Farel est né près de Gap en 1489 dans une famille bourgeoise. C’est une période agitée de l’histoire. Deux ans avant la naissance de Farel le pape Innocent VIII ordonne de poursuivre et exterminer le petit peuple des Vaudois, disciples de Pierre Valdo : « Ecrasez ces hérétiques sous vos pieds ». Le petit Guillaume doit prier les anges et les saints pour que sa tête devienne comme « un temple d’idoles ».
N° 6 et 8 : C’est l’ancienne maison des écoles. Reconstruite en 1600, avec ses 8 fenêtres accolées (1600), ce fut jusqu’en 1835, le « Collège du Haut ». Les réformateurs prônèrent l’ouverture d’écoles : pour connaître la Bible, il faut savoir lire ! Faites que vos enfantz ayent bons et fidèles instructeurs, recommande Farel en 1525. Un autre bénéfice de la lecture sera d’extirper les superstitions et les traditions populaires, ce qui fut réalisé très partiellement.
N° 2-4 : Cette maison fut également occupée par des chanoines, puis par le premier pasteur de Neuchâtel, Antoine Marcourt, Lyonnais, docteur en Sorbonne, homme cultivé, plus âgé que Farel et auteur des fameux placards affichés dans la cour du roi François Ier.
3e station : La fontaine du Griffon
Son édification fut envisagée en 1664 et on l’avait appelée d’abord la «fontaine saint Guillaume». En 1668 pour que sa visite soit une fête, le nouveau gouverneur de Neuchâtel, le comte Charles-Paris d’Orléans, fils d’Anne de Bourbon, y fit couler du vin (4300l de rouge et du blanc !).
Rue du Château 12 (face à la fontaine du Griffon) : Maison de la Prévôté ou vieille chancellerie. Elle était en très mauvais état lorsque Farel y vécut une douzaine d’années, avant d’y mourir en 1565. Farel revient à Neuchâtel en 1538, à la demande des bourgeois; il y restera jusqu’à sa mort. Berne intervient auprès des Quatre-Ministraux pour les encourager à promulguer des lois pour « corriger, amender et châtier les vices comme sont blasphèmes, ivrognerie, jeux, danse, paillardise et autres semblables ». Le Conseil de ville publie alors « Les Articles servant à la réformation des vices ». Ils représentent la nouvelle morale sous le protestantisme, première ordonnance neuchâteloise destinée à établir une discipline ecclésiastique. Ces articles imposent la présence au sermon, interdisent les jeux d’argent, la danse, les déguisements, et ils prônent la sobriété dans tous les domaines. On prévoit à cette fin un vaste réseau de surveillance.
4e station : La fontaine du Banneret
A un « petit borney » du XVe s. alimenté par une source, succéda une fontaine en roc. Le banneret, un porte-enseigne au XIIIe s., fut chargé par la suite de la justice et il devint le défenseur des droits de la Bourgeoisie. C’est la plus ancienne fontaine dans le bas de la ville.
Comment G. Farel a été contesté. Les Bourgeois de Neuchâtel entraînent Farel dans la ville. Se sentant soutenu par Berne, Farel se laisse conduire. Il entre à Neuchâtel par la porte dite du Château pour finir à la Croix du Marché et il prêche de la terrasse qui domine la fontaine du Banneret. Son sermon « fut d’une si grande efficace qu’il gagna beaucoup de monde ». Mais dans la foule on entend tout à coup crier les moines : « C’est un prédicateur hérétique ! Assommons-le ! » D’autres : « A l’eau ! A l’eau ! » Ils s’avancent mais les nombreux partisans de Farel le protègent.
5e station : Rue des Poteaux
Lors de l’office religieux du Temple du Bas le pasteur Jean-Frédéric Ostervald (1663-1747) se plaignit d’être troublé lors du passage de chars : on installa des poteaux qui barraient la rue à l’heure du culte.. Vers la fin du 17e siècle, on remarque une forte augmentation des fidèles à Neuchâtel. La chapelle de l’Hôpital où, dans le bas de la ville se tient le culte, devient trop petite. Cette augmentation est en premier lieu due à la grande ferveur suscitée par la personnalité du pasteur Jean-Frédéric Ostervald (1663-1747), alors au début de son fructueux ministère. On l’appelle aussi le deuxième réformateur de Neuchâtel.
Ostervald est enterré dans le Temple du Bas et, lors de sa transformation, ses cendres sont inhumées derrière une stèle (1974). Depuis 1974, sous son appellation de Temple du Bas – Salle de musique, il est lieu de concert, de réflexion, de rencontre, de fête.
Le Monument du Refuge, oeuvre de Paulo Röthlisberger (1938), représente une famille de Réfugiés pour cause de religion, Neuchâtel leur fut asile et patrie selon l’inscription gravée sur la plaque mémorielle. Le père porte la tenue des pasteurs et tient la Bible avec l’inscription Dieu en tout, Tout en Dieu, la mère porte l’enfant. La grande migration des huguenots lors des guerres de religion, accentuée par la révocation du fameux Edit de Nantes en 1685, a aussi influencé la vie spirituelle du lieu ; 23’000 huguenots et Vaudois du Piémont ont passé à Neuchâtel, 250 sont restés. Il faut les loger et les nourrir, même s’ils ne sont que de passage. L’hospitalité des neuchâtelois est exemplaire : ils trouvent toujours à donner quelque chose et personne ne doit avoir faim.
6e station : L’Atelier de Pierre de Vingle
A l’angle des rues Saint-Honoré et du Bassin se trouvait probablement l’atelier de Pierre de Vingle, imprimeur et réfugié de Lyon où il eut l’interdiction d’imprimer certains ouvrages. « Articles véritables sur les horribles, grands et insupportables abus de la messe » voici le titre des fameux « Placards de 1534 ». Pierre de Vingle les imprima sous la direction d’Antoine Marcourt, ainsi que d’autres livres et pamphlets dénonçant la vénalité des prêtres. Ces publications passérent clandestinement en France. Un de ces Placards fut même apposé à la porte de la chambre à coucher du roi François Ier. Indignation, colère, répression : il décida « l’extermination de la secte luthérienne ». Jusqu’en 1943 aucun exemplaire original de ces affichettes n’avait été conservé, lorsque le directeur de la bibliothèque de Berne découvre dans une reliure neuchâteloise du XVIe siècle une vingtaine de feuillets de ces Placards, ayant permis de confectionner les plats.
La Bible d’Olivétan (1535) y fut aussi imprimée, à l’instigation de Guillaume Farel et des Vaudois du Piémont. En une langue accessible au plus grand nombre, elle fut relue par Calvin, puis par Théodore de Bèze. D’incontestable valeur, base de toutes les versions ultérieures jusqu’à la version synodale de 1905, cette Bible n’est remplacée que par la célèbre édition de Jean-Frédéric Ostervald de 1744.
7e station : Faubourg de l’Hôpital 4
A cet endroit se dressait un nouvel hôpital (1779-1914) qui abritait une chapelle. Il fut construit pour les pauvres par un citoyen (David de Pury). Au fronton est inscrit : Civis Pauperibus – un citoyen pour les pauvres, il n’accepte que les bourgeois de plein droit, c’est un hospice général. Comme l’accès au temple du haut est incommode et dangereux, vu l’âpreté de l’abord de l’église-collégiale en hyver pour les vieillards et les femmes grosses, une messe basse est autorisée en 1425 dans la chapelle de l’ancien hôpital. A l’époque, un deuxième lieu de culte signifiait concurrencer le chapitre de chanoines de la Collégiale et en réduire les revenus. Même la pose d’une cloche est interdite. Farel est autorisé d’y prêcher au début quand il arrive à Neuchâtel. Il aurait dit à cette occasion-là : Quand le Fils de Dieu vint jadis sur la terre, on le reçut au milieu des pauvres, dans une étable, et maintenant c’est dans l’asile des malheureux et des estropiés que l’Évangile sera annoncé.
Cette rue abrite plusieurs communautés religieuses ainsi que le secrétariat de l’Eglise réformée évangélique neuchâteloise, EREN (n°24) siège dans une maison Pourtalès, puis un peu plus loin jusqu’en 2015 la Faculté de théologie et la bibliothèque des pasteurs (n°41).
Le rationalisme des Lumières a stimulé le libéralisme théologique après trois siècles de « règne » de la Vénérable Classe, abolie à la révolution de 1848. Dans ce courant théologique l’Eglise s’ouvre aux idées politiques de son temps et se heurte à l’orthodoxie confessante. Cela conduit en 1873 à l’éclatement de l’Eglise réformée créée par G. Farel. Une nouvelle loi est introduite par un homme plein d’énergie, Numa-Droz. Il s’agit de libéraliser l’Eglise afin d’assurer la liberté religieuse des pasteurs et des paroisses, tout en la maintenant sous le contrôle de l’Etat. Les adversaires de cette loi demandent la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Suite à un vote très serré contre le changement d’un article de la constitution, le désaccord suscite la création de « l’Eglise évangélique neuchâteloise indépendante de l’Etat » qui se sépare ainsi de l’Eglise nationale. Durant quarante ans, avant d’accepter de fusionner, l’Eglise indépendante exige la séparation de l’Etat. Cela est finalement accordé en 1943 : l’Eglise réunie est presque totalement séparée de l’Etat, mais l’Etat la reconnaît comme une institution « d’intérêt publique » et lui verse un petit subside. La création de l’EREN est en quelque sorte une nouvelle forme originelle de l’Eglise indépendante, qui doit prendre en charge tous les frais de fonctionnement et en particulier les salaires des pasteurs.
8e station : L’hôtel DuPeyrou
Pierre-Alexandre DuPeyrou (chef de la secte anticléricale) fait bâtir (1765-1770), sous la direction d’Erasme Ritter, un hôtel majestueux. Il y aménage un appartement pour accueillir éventuellement son ami Jean-Jacques Rousseau, mais celui-ci n’y logera jamais.
Le culte catholique fut rétabli par le prince Berthier en 1806. En 1808, un nouvel hôpital est fondé à l’est dans le quartier de la Maladière, par un vieil huguenot, Jacques-Louis de Pourtalés. A son appel, les sœurs catholiques de la Charité de Besançon viennent desservir l’hôpital qui porte son nom (1811). Une chapelle servait pour les deux cultes. Un rideau tiré lors des cérémonies protestantes dissimulait les objets du culte catholique.
A la limite des terrains de l’hôpital Pourtalès, fut bâtie en 1827 la chapelle de la Maladière, premier lieu de culte catholique depuis la Réforme. Par la suite elle devint propriété de l’hôpital Pourtalès (1903), puis de la paroisse réformée de Neuchâtel (1946). La paroisse catholique s’accroissant, on construisit l’Eglise Rouge en pierre artificielle moulée (architecte : Guillaume RITTER) inaugurée en 1906. Des cloches n’y sont placées qu’en 1932, et depuis 2008, c’est la basilique N.-D. de l’Assomption.