Des pas sur nos troittoirs

Cette prédication, prononcée lors du culte du 15 mai 2022 au temple de Peseux, s’inspire de l’Évangile de Luc, chapitre 24, 13-35, les disciples sur le chemin d’Emmaüs.

Ces pas qu’on entend… Ou pas

Les entendez-vous, ma sœur, mon frère, ces pas sur le trottoir ?

Rapides, saccadées ? Ce sont ceux d’escarpins et de santiags qui courent sur le pavé.  Où vont-ils si guillerets ?

Et ceux-ci, plus pesants ? Ils s’arrêtent. Une porte s’ouvre… quelques secondes… Les pas repartent vers une autre porte… Quelques secondes… ce sont les pas bien familiers du facteur.

Et il y a encore ceux-là incertains, un peu hésitants… Ils reviennent, s’avancent… changent de direction ; on doit chercher une adresse. Ils ont manqué de croiser le facteur. Dommage !

Les entendez-vous ces pas sautillants, et si joyeux ? Ce sont ceux d’une petite fille qui joue avec son chien.

Ou encore ceux-là, un peu traînant et soutenus par le toc-toc régulier d’une canne.

Tiens ! Deux coups violemment frappés au sol, rageurs, boudeurs, ce sont ceux d’un gosse capricieux qui lui n’a pas de chien avec qui jouer.

Et là encore des pas de course qui en poursuivent d’autres ? Jeu du chat et de la souris…

Vous est-il déjà arrivé d’écouter tous ces pas qui nous entourent au quotidien, au centre-ville, dans la rue, sur les places ?

Avez-vous déjà prêté attention à ces pas sur les trottoirs de nos rues ? Ah, s’il pouvait parler ce bitume qui se fait piétiner à longueur de journée… « On marche sur ma tête… ! » dirait-il.

Ces bruits-là font tellement partie de notre environnement qu’on n’y fait plus attention…  Ou alors seulement, si ces pas dérangent, au point de perturber notre tranquillité, notre besoin de ronronnement rassurant.

C’est drôle aussi, parce que sur les trottoirs de nos rues, il y a des pas qui ne font plus de bruit. Ce sont ceux des compagnes et compagnons qui ne sont plus, mais qu’on n’oublie pas… D’ailleurs, si on tend bien l’oreille… Ah, vous voyez… Vous l’avez entendu, n’est-ce pas ? Non, ce n’est pas un fantôme, c’est un souvenir et c’est très différent !

Des pas qui ne font pas de bruit, et pourtant…

Et il y a encore d’autres pas qui ne font pas plus de bruit. Mais ce n’est pas parce qu’on ne les entend pas qu’ils ne sont pas. Ces pas là, ce sont ceux du Vivant, du Ressuscité du matin de Pâques, de celui qui a fait le chemin de la vie à la mort, l’a remonté dans l’autre sens pour nous montrer qu’un chemin est possible, là où nos pas à nous figent devant l’indicible.

Ce fameux premier matin de la semaine, des sandales martelèrent les chemins en direction d’un village du nom d’Emmaüs.

Deux voyageurs aux prises avec l’incompréhensible, celui de la mort, de la désillusion et de la résignation. Ils marchent certes, mais dans leur tête, ils font du sur-place. Ils tournent en rond. C’est alors que le Vivant les rejoint, ces deux voyageurs de petits chemins.

Lui le Vivant a pressé le pas pour les rejoindre et les accueillir, en marchant, comme il le faisait… avant. Calquant son rythme sur celui de ces hommes devenus ses compagnons de route. Ce n’est pas lui qui impose la cadence. Car si le Vivant veut faire route, c’est avec eux, à leurs côtés. Comme avec nous, à nos côtés.

Une marche pas à pas

Et voilà que la marche vers Emmaüs ouvre à un autre voyage à pas mesurés au Pays des émotions, des regrets, des questions sans réponse. À l’horizon des impasses, le Vivant invite à sauter le pas de la confiance, en faisant un détour au travers des Écritures pour montrer que leur marche n’est pas en terre inconnue. Se saisissant des Écritures comme d’une carte pédestre pour avancer d’un pas alerte et confiant, il leur enseigne que le chemin était tout tracé.

Et c’est justement au moment où leur chemin allait se séparer que le Vivant se révèle autour d’un repas fait de pain… comme avant.

Chacun sa route

Oui, c’est là, que leurs routes se sépareront pour donner à ces deux marcheurs toute la liberté de tracer désormais leur propre chemin, celui de témoins… du Vivant à leurs côtés. Mieux encore, de compagnons du Vivant, parce qu’ils ont partagé un même pain.

Ils rejoindront alors toutes celles et tous ceux qui ont fait quelques pas ou d’innombrables avec celui qui est lui-même le Chemin et la Vie.

Et nous aujourd’hui, nous ici, nous sommes de leur nombre. Ils nous ont rejoints, comme nous les avons rejoints, désormais pèlerins sur un même chemin, celui de la foi, de l’espérance et de l’amour.

De petites pâques sous nos pas

Alors, les entendez-vous, mon frère, ma sœur, les pas du Vivant sur le trottoir de votre vie ? Les voyez-vous ces « Clin-Dieu » devant vos pas ? Cette fleur un peu folle qui a poussé entre deux pavés… Ce hanneton tombé de nulle part qui manque de se faire écraser par des piétons inattentifs, le nez collé sur leur téléphone ? Ce reflet du ciel dans cette flaque d’eau ? Et ce sourire d’un enfant ou d’un vieillard qu’un passant n’a pas eu le cœur d’emporter et l’a laissé, qu’en ferez-vous ?

Les voyez-vous, mon frère, ma sœur, ces petites Pâques qui nous sont offertes chaque jour au gré de nos pérégrinations ?

Les recevez-vous ces invitations à faire un pas de plus, à abandonner les pas perdus, pour embellir alors les chaussées grisâtres de notre monde de mille couleurs, celles de la Vie donnée ? Le faites-vous, vous aussi, ce pas décisif de la confiance ? Et raconterez-vous à votre tour comment le Vivant, le Ressuscité vous a rejoints sur votre chemin ?

Amen.

 

Image par TanteTati de Pixabay