Le bien, c’est tout ce qui augmente l’amour

Prédication d’Yves Bourquin – Collégiale – 24 août 2025

Texte: Romains 7,7 à 8,4.

Frères et sœurs,

Ce texte est difficile, je l’avoue. Et le problème avec les textes difficiles, c’est que nous, pasteurs, avons parfois peur de les prêcher. Alors que c’est justement notre rôle de les rendre compréhensibles. Car même 2000 ans après, ils n’ont rien perdu de leur actualité.


De tous les écrits de Paul, celui-ci est sans doute celui qui m’a le plus rejoint, le plus travaillé. Il a même éprouvé ma foi.

Principalement ce passage :

Le bien que je veux, je ne le fais pas, et le mal que je ne veux pas, je le fais.

Je trouve cet aveu très fort.

Combien de fois ai-je voulu viser le bien, le juste, et me suis retrouvé avec le contraire de ce que j’espérais ? Combien de fois me suis-je engagé corps et âme dans quelque chose, pour finir les bras tombants, devant l’échec ?

Je suis un homme de bonne volonté – et je vous promets – j’essaie de tout mon cœur de faire advenir le bien. Mais voilà, parfois ça échoue.

Peut-être parce que le bien que je veux… n’est pas dans le plan, le grand plan de Dieu.

Et mes échecs ont toujours amené du bien dans ma vie. Paradoxe.

Celles et ceux qui ont des enfants savent bien que l’interdit précède la liberté.

On n’attend pas qu’un enfant comprenne pourquoi il ne doit pas mettre ses doigts dans la prise ou courir sur la route ! On le lui interdit. Parce que c’est ça, le bien. C’est nécessaire à sa sécurité… ensuite, on lui explique en grandissant.

La loi, c’est ça : elle pose des limites. Et heureusement qu’elle le fait. Si je donne une mitraillette à un enfant de six ans, il y a de fortes chances qu’à la première contrariété, ses proches n’y survivent pas…

L’être humain doit apprendre que sa liberté est limitée. Sinon il détruirait tout autour de lui. La loi est donc non seulement bonne, mais absolument nécessaire.

Mais en grandissant, nous le savons tous, nous prenons des libertés avec la loi. Traverser au rouge, rouler un peu trop vite, taguer la Collégiale la nuit… Et là d’ailleurs, on voit que ce n’était pas du courage : de nuit, en douce. Le vrai courage, c’est de faire les choses en plein jour et d’en assumer les conséquences.

Alors oui, la loi est bonne. Mais Paul le dit avec force : si vous essayez de suivre toute la loi, si vous voulez devenir parfaits en cochant tous les commandements… vous allez devenir fou.

Votre vie deviendra insupportable. Vous deviendrez insupportables pour les autres et pour vous-mêmes. Vous accuserez sans doute le monde entier de vous empêcher d’être parfaits. Bref : à vouloir vivre par la loi, la loi deviendra votre mort.

C’est le paradoxe : la loi est bonne, mais elle peut tuer en nous desséchant. Elle éclaire, mais elle ne sauve pas.

Et là, mes amis, nous entrons dans une zone délicate : celle de la transgression.

Je ne prêche ni l’anarchie ni la révolution – je laisse ça aux tagueurs de la Collégiale. Mais je prêche la responsabilité humaine de la transgression. Comme nous l’enseigne Paul. Car oui, l’Esprit-Saint nous laisse libres… même de désobéir à la loi.

Pourquoi ? Parce qu’il existe des zones où aucune loi ne suffit. Des zones de dilemmes, hors-la-loi, où l’on ne peut s’en sortir qu’en prenant une décision responsable.

Je vous donne un exemple exprès très fort: l’euthanasie. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Personne ne peut le dire une fois pour toutes. C’est au-delà du bien et du mal. La loi tente de dire quelque chose, mais dans la réalité, quand un parent voit son enfant souffrir et le supplier, la loi ne suffit plus. Quelle que soit la décision prise, personne n’est ni ange, ni bête. Et seule une prière reste possible : « Seigneur, viens à mon aide. » Car je vais devoir choisir… et peut-être transgresser l’interdit du « tu ne tueras point » par amour, oui par amour !

Cette zone de responsabilité existe aussi dans nos vies plus ordinaires. Une séparation, par exemple. La loi intervient, un juge tranche. Mais reste une marge, hors-la-loi : comment gérer la haine, l’amour, les enfants, la suite ? Dans cette marge, Dieu nous demande une grande responsabilité, celle de choisir le bien.

Et le bien, contrairement à ce qu’on croit, n’est pas si compliqué. L’Evangile l’explique en quelques phrases voir en un mot : c’est tout ce qui augmente l’amour. Aider, pardonner, encourager, partager, penser au bien des autres comme au sien. Savoir regarder le monde avec des yeux d’amour. Voilà ce que Jésus a résumé en quelques paroles simples, limpides :

  • « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent » (Mt 7,12).
  • « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
  • « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit ».

Ces commandements ne sont pas une loi de plus à cocher : ce sont des principes de vie qui font respirer l’Esprit-Saint. Ces principes transforment la lettre morte de la loi en une parole vivante.

Paul a lui-même fait ce chemin. Dans sa jeunesse, il voulait être parfait. Il a tout misé sur la loi, au point qu’il aurait bien cloué le Christ sur la croix pour prouver sa fidélité. Il n’était pas au calvaire, mais pour sûr, il aurait crié avec les autres. Il le dit dans l’épître aux Philippiens.

Mais sur la route de Damas, il a compris que tout cela, ce soi-disant bien, était en réalité le mal qu’il faisait. Il persécutait Dieu lui-même.

Et Dieu ne l’a pas puni. Il lui a dit : « Tu es libre, tu es pardonné. » Alors Paul est devenu adulte : il a lâché la main de la loi pour entrer dans la responsabilité, la liberté, et parfois… la prison.

Et la prison, pour lui, ce n’était pas une défaite. Ceux qui l’y ont jeté le considéraient hors-la-loi. Mais lui, il voyait autrement : la prison était simplement la conséquence logique de sa fidélité à l’Évangile. Il ne s’est pas senti coupable. Il n’a pas crié à l’injustice. Il a accepté la peine comme le prix à payer pour annoncer la bonne nouvelle. Une nouvelle dérangeante. Et là, dans sa cellule, il n’était pas desséché, il n’était pas abattu : il écrivait des lettres pleines de joie, d’espérance et de feu.

Sa foi lui a permis de transformer un cachot en chaire, une punition en témoignage, une souffrance en victoire de l’amour.

Voilà ce qu’est la vraie liberté chrétienne : même en prison, celui ou celle qui a la foi est libre.

Mes amis, je vous prêche donc la liberté, et aussi le courage. Parce que suivre le Christ demande de prendre des risques, de subir des conséquences, voire de donner sa vie pour l’amour. Cela demande une constante attention à la justice : être juste et bon.

L’acte de Jésus sur la croix est très grand. Pourquoi ? Parce que Jésus, malgré toutes les persécutions, est resté fidèle à Dieu, au-delà de la loi. Il a montré que la loi des hommes était parfaitement capable de condamner Dieu, dans sa folie.

Et Jésus sur la croix n’a pas maudit le monde. Il a demandé au Père de pardonner. Car il savait que ceux qui l’avaient crucifié n’étaient pas des monstres, mais des hommes convaincus de faire le bien. Le péché habitait en eux, mais ils n’étaient pas le péché.

Voilà l’immense liberté de Jésus : rester fidèle à l’amour au-delà de la loi, jusque dans la souffrance.
Et cette victoire est la nôtre. En Christ, nous sommes libres.

Alors proclamons haut et fort avec Paul :
« Maintenant, il n’y a plus aucune condamnation !
La loi de l’Esprit qui donne la vie en Jésus-Christ
m’a libéré de la loi du péché et de la mort. »

Amen

Nous prions :

Dieu de liberté et de pardon,
tu connais nos combats intérieurs.
Comme Paul, nous voulons le bien,
et souvent nous échouons.
Viens mettre ton Esprit dans nos faiblesses,
et relève-nous.

Nous te prions pour celles et ceux
qui vivent écrasés par des lois trop lourdes,
humaines ou intérieures.
Rends-les libres par ton amour.

Nous te confions aussi celles et ceux
qui affrontent des choix impossibles,
dans leur famille, leur couple, leur responsabilité.
Donne-leur de discerner le chemin de l’amour.

Que ton Église soit moins un tribunal qu’un espace de grâce.
Et fais de nous des témoins libres et audacieux,
conduits non par la peur,
mais par la joie de ton Évangile.

Par Jésus-Christ, notre Seigneur.

Amen

Auteur/autrice : Nicolas Friedli

Webmaster de l'EREN et responsable de réseaux sociaux.