Prédication de Zachée Betche – 21 juillet 2024 – Collégiale de Neuchâtel
Texte: Exode 16, 9-15
L’existence humaine est scandée par des envies, des désirs. Elle est étoffée par des vouloirs qui souvent sont relatifs aux besoins les plus profonds. C’est comme la soif ou la faim qu’il faut satisfaire pour pouvoir reprendre son chemin, pour continuer son périple dans la vie. Lorsqu’une promesse tarde à se réaliser, l’impatience nous guette, nous étrangle même au point de nous laisser nous interroger sur le sens des choses, sur leur raison d’être. Moïse et Aaron rencontrent ici cette drôle d’impatience dont les humains sont capables. Mais l’affaire se solde positivement. Le peuple errant dont ils ont la charge reçoit cette nourriture qui vient à point nommé. Quel soulagement lorsqu’on sait que le désert et ses rigueurs n’ont rien d’une ballade de santé! Dans ce lieu de faim et de soif, un peuple est en chemin. Il marche vers la terre promise.
——Sortis de l’esclavage et de ses humiliations quotidiennes, les Hébreux entendront la voix de la libération qui leur est annoncée. Comme dans toute libération, il faut y mettre du sien. La bonté de Dieu est donnée, mais encore faut-il la vouloir vraiment, ouvrir sa main ou emprunter ce chemin singulier qui s’ouvre devant soi – ici en l’occurrence -, pour aller jusqu’au bout. Sur cette faim qui les ronge, Dieu finit par agir. La nourriture leur est donnée de telle sorte que personne n’est oublié. La satisfaction est de toute évidence à son comble. Chaque tente dressée; autrement dit chaque famille reçoit la quantité qui la rassasie. Ici, la notion de partage est une des exigences de cette distribution miraculeuse. Rien n’est fait au hasard et ce procédé que Dieu met en avant est à la hauteur de la justice et de l’amour qu’il a pour son peuple. Personne ni aucune famille n’a droit au superflu. Rien à voir avec notre société postindustrielle blasée qui n’a d’égard pour les plus faibles. Nous n’inventons rien en disant que le déséquilibre torture notre monde. Entre ceux qui en ont trop et ceux qui n’en ont simplement pas le fossé est tout creusé. Cependant, Dieu est véritablement Dieu. Il est le juste, il est le Père de tous. Sur les bons comme sur les méchants, il fait tomber la pluie, il fait briller le soleil. Le remarquons-nous seulement!
Dieu nourrit ce monde errant à la hauteur de la satisfaction de ce dernier. Il donne à manger à tous. Saurions-nous être des Moïse et des Aaron d’aujourd’hui pour le rappeler et surtout pour nous opposer au gaspillage somme toute indécent qui domine notre manière de vivre? Notre rapport à la consommation au quotidien est loin d’être un sujet périphérique. Mine de rien, l’eau de nos vaisselles et douches coulant à profusion, la nourriture encore consommable qui se retrouve malencontreusement dans nos poubelles, etc. en disent long sur notre manière de concevoir la justice, à l’opposé du plan du salut de Dieu pour l’humanité. Loin de nous de nous enliser dans une idéologie égalitariste pour autant. Car, en réalité, dans ce passage du livre de l’Exode, ceux qui en avaient beaucoup ne privaient pas ceux dont les besoins étaient moindres. Les versets 17 et 18 qui suivent le passage lu de ce chapitre battent en brèches cette prétention. Nous n’avons absolument pas les mêmes besoins au gramme prêt. La justice divine n’est évidemment si pas aveugle !
Aussi, le texte lu a ceci de rassurant pour nous aujourd’hui. Quelles que soient nos situations, même dans les déserts les plus austères, il existe une brèche qui laisse Dieu répondre à nos besoins plus qu’à nos envies. Les récits bibliques, dans leur ensemble, déploient toutes sortes de situations qui nous mettent dans l’ultime confidence que toute faim trouve en lui la satisfaction. Le manque n’est donc pas une fatalité. La manne qui tombe n’est pas simplement une nourriture qui nous est donnée. Elle est tout aussi une question; du moins elle suscite en nous une question: man hou est une interrogation. L’expression veut dire «qu’est-ce que c’est?» La manne descendue du ciel a une portée spirituelle. Elle n’est pas une simple nourriture, mais préfigure le Christ. Le pain que Dieu donne au monde, c’est son fils. Notre nourriture, au-delà de ce que Dieu fait chaque jour pour l’équilibre de nos corps mortels, est le Christ que nous recevons à la table du Seigneur, le Christ que nous recevons dans nos vies. C’est le souvenir constant de cette force, cette énergie toujours renouvelée qui nous invite à la reconnaissance profonde.
Autant la manne a satisfait le peuple errant, autant le Christ nous suffit. Nous n’avons pas d’amalgame à effectuer même si la tentation est forte pour gagner l’éphémère de ce monde. Mais nous n’avons pas d’autre raison de vivre que lui. Le Fils de Dieu est, pour nous, la source intarissable de vie. Compagnon de nos routes, il est pour nous indispensable, incontournable et nous fait vivre pour l’éternité.
Chers amis, frères et sœurs, nous ne pouvons dire à quel point nous vivons dans la satisfaction que procure le Seigneur. C’est Paul qui disait aux Colossiens (2, 10-12) qu’«en lui nous avons tout pleinement». Il nous suffit de nous le rappeler avec force. Satisfaction dans la reconnaissance: nous n’avons rien à envier. Nous n’avons qu’à vivre, à progresser sur le chemin incroyablement nourrissant à tous égards. Dieu veille.
Amen.