« Est-ce là le jeûne auquel je prends plaisir ? »

Message prononcé lors de la célébration oecuménique du Jeûne fédéral

Lectures: 2 Chroniques 7: 13 à 15 – Esaïe 58, 4 à 11 – Matthieu 23

Nous vivons dans un monde troublé, marqué par la violence, l’injustice, les divisions. Beaucoup de nos contemporains cherchent des solutions humaines, politiques ou économiques, mais la Bible nous rappelle que la véritable guérison commence par un retour à Dieu, par une repentance sincère.

Dans les moments de crise, de confusion morale ou de grand besoin, Dieu appelle son peuple à revenir à Lui. Le jeûne fédéral est une occasion unique pour une communauté, une Église, voire une nation, de se repentir ensemble devant Dieu et de chercher sa face.

Aujourd’hui, le Seigneur nous parle à travers la parole que nous lisons dans 2 Chroniques 7:14. Il nous appelle à revenir à Lui avec un cœur humble, à prier, à chercher sa face, et à nous détourner de nos mauvaises voies. Mais que signifie réellement cette repentance ? Qu’attend Dieu de nous ?

Pour éclairer cette question, nous reviendrons aussi sur les deux autres textes entendus ce matin dans le livre d’Esaïe où Dieu dénonce un jeûne hypocrite, et dans l’Évangile de Matthieu où Jésus reprend vigoureusement les chefs religieux pour leur hypocrisie. Ensemble, ces 3 textes nous appellent à une foi vivante, authentique et transformante.

Commençons par 2 Chroniques : Après que Salomon ait achevé la construction du temple, Dieu apparaît et dit : « Si mon peuple, sur qui est invoqué mon nom, s’humilie, prie, cherche ma face, et se détourne de ses mauvaises voies, alors je l’exaucerai des cieux, je lui pardonnerai son péché, et je guérirai son pays. »

Ce verset est un message d’espoir, mais aussi une invitation solennelle.

Dieu s’adresse à son peuple, c’est-à-dire à ceux qui portent son nom, à ceux qui sont en alliance avec lui. Ainsi, ce message nous concerne directement, en tant que chrétiens, Église de Jésus-Christ.

Et dans ce message, Dieu nous invite à nous humilier, autrement dit, à nous repentir, à reconnaître que nous sommes pécheurs, incapables par nous-mêmes, et dépendants de la grâce de Dieu. Mais ce n’est pas tout, il ajoute ; s’il prie et cherche ma face. Et ne nous méprenons pas, il ne s’agit pas ici d’une prière rituelle ou automatique, mais bien d’une recherche sincère, constante, de la présence de Dieu et de sa volonté.

Et enfin, Dieu va encore plus loin et nous encourageant à nous détourner de nos mauvaises voies. En effet, la repentance ne s’arrête pas à la reconnaissance du péché, elle implique un réel changement de vie, un abandon du péché.

Et c’est alors que Dieu promet l’exaucement : la réponse à la prière du cœur repentant.

Il promet le pardon : la libération du poids du péché.

La guérison du pays, image d’une restauration à tous les niveaux — personnel, communautaire, national.

Dans ce premier texte, Dieu appelle à la repentance. Dans le texte d’Esaïe, cette repentance prend encore pus d’envergure, car elle doit maintenant s’incarner.

Le peuple en Esaïe 58 semble faire ce que Dieu demande : il jeûne, il s’humilie extérieurement, il prie. Et pourtant, Dieu dit qu’Il ne les écoute pas. Pourquoi ?

« Voici, le jour de votre jeûne, vous vous livrez à vos penchants, et vous traitez durement tous vos ouvriers. […] Est-ce là le jeûne auquel je prends plaisir ? »
Dieu dénonce un culte hypocrite, déconnecté de la justice sociale, du soin des pauvres, de la libération des opprimés. Il demande un jeûne actif, incarné dans la vie quotidienne : « Détache les chaînes de la méchanceté, dénoue les liens de la servitude, renvoie libres les opprimés, et que l’on rompe toute espèce de joug. Partage ton pain avec celui qui a faim… »

Autrement dit, la véritable repentance ne se mesure pas aux larmes versées devant l’autel, mais au changement de vie envers Dieu et envers le prochain. L’humilité et la prière doivent produire les fruits que sont la justice, l’amour, la compassion et la miséricorde.

Dans ce texte, Dieu par la voix du prophète Esaïe dénonce un culte qui reste superficiel. Le peuple jeûne, certes, fait des sacrifices, assurément, mais continue à opprimer, à négliger les pauvres.

Dieu dit : « Est-ce là le jeûne que je préfère ? Un jour où l’homme s’humilie, baisse la tête comme un jonc, s’étend sur le sac et la cendre ? »

Non, le vrai jeûne, la vraie repentance, ce n’est pas juste un rituel, ou partager le traditionnel repas des gâteaux aux pruneaux, mais un changement concret.

Il s’agit de détacher les chaînes de l’injustice, libérer ceux qui sont opprimés, partager son pain avec celui qui a faim, offrir l’hospitalité aux pauvres et aux sans-abris.

La justice sociale n’est pas optionnelle dans notre foi, elle est au cœur de ce que Dieu attend. Sans elle, notre culte est vide, et notre repentance ne touche pas vraiment Dieu. Et c’est aussi ce que veut rappeler l’association Notre Jeûne Solidaire en proposant de soutenir un projet en Haïti cette année.

Enfin, notre troisième texte met en garde contre l’hypocrisie.

Dans l’Evangile de Matthieu, Jésus s’adresse aux scribes et aux pharisiens qui sont des modèles religieux, mais qui portent en eux l’hypocrisie :

Jésus relève qu’ils mettent de lourds fardeaux sur les autres, sans les porter eux-mêmes.

Qu’ils cherchent la reconnaissance des hommes, les places d’honneur.

Et que leur cœur est éloigné de la justice et de la fidélité.

Jésus leur lance : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! »

Voilà un texte dur, difficile à entendre car violent et qui ne manque pas de nous secouer. Cette dénonciation d’une hypocrisie qui pourrait tous nous habiter nous met en garde contre la tentation de pratiquer une foi extérieure, sans transformation intérieure, sans amour vrai pour Dieu et pour le prochain.

Que retenir maintenant de ces trois textes dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui ?

A un niveau personnel, ces trois textes nous appellent à vivre une foi authentique.

Cela signifie que chacun et chacune devons faire l’exercice d’examiner notre cœur. Ne nous contentons pas d’un culte extérieur, d’habitudes religieuses ou d’une foi sans conséquences concrètes. Soyons honnêtes devant Dieu et devant nous-mêmes.

Chacun et chacune devons chercher Dieu sincèrement. Prions avec humilité et persévérance, désirant sa présence, et sa volonté.

Chacun et chacune devons transformer nos vies. Abandonnons nos mauvaises habitudes, tournons-nous vers la justice, l’amour, la compassion. Servons les pauvres, défendons les opprimés, partageons ce que nous avons.

Chacun et chacune devons fuir l’hypocrisie. Tentons de garder nos motivations pures, non pour la reconnaissance humaine, mais pour glorifier Dieu seul.

Au niveau communautaire, et dans le contexte de l’Église aujourd’hui, cela signifie que nos cultes doivent s’accompagner d’un engagement pour la justice.

Nos prières doivent être suivies d’actes concrets envers les affligés.

Nos jeûnes doivent s’incarner dans une solidarité avec les pauvres.

Et soyons en assurés : Dieu ne reste pas indifférent à notre repentance sincère. Il promet de répondre, de pardonner, et de guérir.

La guérison dont il parle n’est pas seulement une absence de problèmes, mais la restauration de ce qui est brisé : nos vies, nos familles, nos communautés, nos sociétés.

Cette promesse est un encouragement puissant.

Chers amis, frères et sœurs, le Dieu vivant, notre Père, nous appelle à un retour sincère à lui, à une repentance qui va bien au-delà des mots. Il veut un cœur humble, une prière fervente, une vie qui rejette le péché et s’engage dans la justice.

Esaïe nous rappelle que notre foi doit se manifester dans nos actes, spécialement envers les plus faibles. Matthieu nous met en garde contre la tentation d’une religion vide d’amour.

Aujourd’hui, répondons à l’appel de Dieu. Qu’il nous accorde la grâce d’une repentance authentique, afin que nous expérimentions son pardon, sa guérison, et que notre vie soit un témoignage lumineux de sa gloire.

Amen.