Message apporté par René Perret dans le cadre du culte du souvenir du 15 novembre au temple d’Auvernier
Dans la Bible, l’histoire de Job est celle d’un homme qui aime Dieu, mais qui perd tout : ses biens, ses enfants et sa santé. Il lui reste sa colère et ses « pourquoi » qu’il adresse à Dieu. Voici quelques extraits de ses paroles :
« Pourquoi donner la lumière du jour au malheureux ? Pourquoi donner la vie à ceux qui sont découragés et déçus ? Ils attendent la mort, mais elle ne vient pas. Ils la cherchent plus qu’un trésor.
Je suis un homme qui ne sait où il va, et Dieu m’a enfermé comme derrière une clôture. Si j’ai peur d’une chose, elle m’arrive. Ce qui m’effraie tombe sur moi. Je ne suis plus ni calme, ni tranquille. Je ne peux me reposer : je suis rempli d’inquiétude. »
« Mon Dieu, donne-moi seulement deux choses, et je ne me cacherai pas loin de toi : D’abord, retire ta main qui pèse sur moi, arrête de me faire peur ! Ensuite, prends la parole et je répondrai, ou bien je parlerai et tu répondras.
Combien de fautes, combien de péchés est-ce que j’ai commis ? Fais-moi connaître mes révoltes et mes péchés.
Tu me caches ton visage et tu me prends pour ton ennemi. Pourquoi donc ? Tu cours derrière qui ? Derrière une feuille chassée par le vent ! Qui poursuis-tu ? Un brin de paille tout sec ! »
« Moi, je le sais : mon défenseur est vivant, et à la fin, il se dressera sur la terre. Après que ma peau sera détruite, moi-même en personne, je verrai Dieu. Oui, je le verrai moi-même de mes yeux, c’est moi qui le verrai et non un autre. Que ce moment arrive vite ! Je brûle d’impatience. »
« Par le Dieu vivant qui ne veut pas me faire justice, je le jure : tant que le souffle de Dieu sera dans mes narines, je ne dirai rien de faux, ma bouche n’exprimera aucun mensonge. Jusqu’à ma mort, je dirai toujours que je suis innocent. J’affirme avec force que ma conduite est juste, et je ne dirai jamais le contraire. Ma vie ne me fait pas honte, ma conscience ne me reproche rien. »
J’ai besoin d’un parapluie.
Quand le ciel est nuageux et qu’une averse est à prévoir, je prends un parapluie.
J’ai besoin d’un parapluie solide.
Quand en plus de la rincée que je vais affronter, le vent se mêle à la situation, je m’équipe d’un parapluie qui ne risque pas de se retourner facilement.
Sur le chemin de ma vie, Job m’est un parapluie.
Quand je rencontre l’adversité sous forme de malheur frappant quelqu’un que je rencontre ; ou quand il m’arrive d’être atteint par une épreuve qui me tombe dessus sans prévenir, l’histoire de Job m’aide à faire face.
Son attitude, quand il est foudroyé par la perte de ses biens, de ses enfants et de sa santé, son attitude m’aide à essayer de réagir comme lui.
Dans l’Ancien Testament – mais n’est-ce pas encore un peu le cas aujourd’hui, quelqu’un qui réussit dans sa vie, dans ses affaires, c’est quelqu’un qui l’a mérité : par son travail, par sa persévérance, par son courage d’entreprendre. Dans l’Ancien Testament, une telle personne est bénie de Dieu. Dieu qui récompense les bonnes actions, les personnes justes.
Job est donc un homme béni de Dieu, et c’est d’autant plus évident qu’il aime Dieu activement.
Or ne voilà-t-il pas que, pratiquement du jour au lendemain, Job perd tout, comme nous l’avons dit. Il ne lui reste pratiquement plus que le souffle de la vie.
« Qu’ai-je fait au bon Dieu pour mériter ça ? » dit-on parfois quand un malheur nous frappe.
Job le dit aussi, et même davantage : il se lève et demande des comptes à Dieu. Il n’accepte pas ce qui lui arrive et qu’il n’a nullement mérité. Il exprime sa douleur, sa révolte, sa colère, son incompréhension, et il ne veut qu’une chose : que Dieu lui réponde.
Job, dans sa démarche de protestation la plus vive, est accablé d’un autre malheur encore : il a des amis qui sont venus le visiter.
Et ses amis, après un temps de respect et d’écoute de Job, ses amis ne peuvent s’empêcher de ramener Job à la raison, à leur conception de Dieu et de sa justice.
« Tu as du peut-être fauter ? Dieu ne punit pas sans raison. Tu ne devrais pas te fâcher contre Dieu ; il a ses raisons que tu ne connais pas. » Etc, etc.
Devant le désespoir d’un proche, devant l’inexplicable d’une injustice, je me sens parfois comme ces amis de Job. « Il y a plus malheureux que soi ; Dieu est bon et ce n’est pas lui qui te frappe ; peut-être traverses-tu une épreuve qui t’apprendra quelque chose. » Etc, etc.
Or Job est mon maître, quand il ne se démonte pas, quand il persiste et signe : c’est de Dieu seul qu’il veut une réponse. Parce qu’il croit en un Dieu qui l’aime comme lui l’aime. Dieu ne peut pas le laisser dans ce gouffre qui n’est plus une vie.
Et enfin, après un temps très long de lutte, Dieu s’adresse à Job. Il lui parle, et ce qu’il lui dit est la réponse que Job attendait. Quand je lis ce que Dieu dit, je ne comprends pas en quoi Job trouve que c’est ce dont il avait besoin. Mais je ne suis pas Job.
Dieu ensuite approuve l’attitude de Job, son insistance à vouloir comprendre le pourquoi de l’innommable pour lui.
Et Dieu, pareillement, désapprouve les amis de Job pour avoir essayé d’être les avocats de Dieu.
Je retiens de cette histoire, et je vous le propose, cet enseignement : quand nous traversons l’épreuve qui nous anéantit, nous pouvons nous adresser à Dieu pour lui exprimer tout ce que nous ressentons. Lui dire notre colère, nos pourquois, lui demander sa réponse sur le sens de ce qui nous arrive.
Et, comme Job, je le crois fermement, Dieu qui est vivant et nous aime, Dieu nous donnera une réponse qui nous parlera, même si cela doit prendre du temps et de l’insistance de notre part.
Et quand nous sommes à côté d’une personne éprouvée, évitons absolument ce piège d’être des amis de Job : qui essayent de consoler, rassurer, expliquer, voire défendre Dieu.
La meilleure attitude, à mon avis, dans notre place de proche d’une personne qui traverse une épreuve, c’est d’avoir une présence respectueuse, à l’écoute et sans jugement. L’accompagner par notre prière et attendre en silence que notre ami.e trouve son chemin, et la réponse qui lui parlera.
Amen.
