Seigneur, viens!

Message apporté dans le cadre de la célébration œcuménique d’Entrée dans l’Avent. A l’église catholique de Colombier, le 30 novembre 2025

 

Oh! si tu déchirais les cieux, et si tu descendais, Les montagnes s’ébranleraient devant toi,

2 Comme s’allume un feu de bois sec, Comme s’évapore l’eau qui bouillonne; Tes ennemis connaîtraient ton nom, Et les nations trembleraient devant toi.

3 Lorsque tu fis des prodiges que nous n’attendions pas, Tu descendis, et les montagnes s’ébranlèrent devant toi.

4 Jamais on n’a appris ni entendu dire, Et jamais l’oeil n’a vu qu’un autre dieu que toi Fît de telles choses pour ceux qui se confient en lui.

5 Tu vas au-devant de celui qui pratique avec joie la justice, De ceux qui marchent dans tes voies et se souviennent de toi. Mais tu as été irrité, parce que nous avons péché; Et nous en souffrons longtemps jusqu’à ce que nous soyons sauvés.

6 Nous sommes tous comme des impurs, Et toute notre justice est comme un vêtement souillé; Nous sommes tous flétris comme une feuille, Et nos crimes nous emportent comme le vent.

7 Il n’y a personne qui invoque ton nom, Qui se réveille pour s’attacher à toi: Aussi nous as-tu caché ta face, Et nous laisses-tu périr par l’effet de nos crimes.

8 Cependant, ô Éternel, tu es notre père; Nous sommes l’argile, et c’est toi qui nous as formés, Nous sommes tous l’ouvrage de tes mains.

9 Ne t’irrite pas à l’extrême, ô Éternel, Et ne te souviens pas à toujours du crime; Regarde donc, nous sommes tous ton peuple.

Esaïe 64, 1 à 9

 

24 Mais dans ces jours, après cette détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière,

25 les étoiles tomberont du ciel, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées.

26 Alors on verra le Fils de l’homme venant sur les nuées avec une grande puissance et avec gloire.

27 Alors il enverra les anges, et il rassemblera les élus des quatre vents, de l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.

28 Instruisez-vous par une comparaison tirée du figuier. Dès que ses branches deviennent tendres, et que les feuilles poussent, vous connaissez que l’été est proche.

29 De même, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le Fils de l’homme est proche, à la porte.

30 Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera point, que tout cela n’arrive.

31 Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.

32 Pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne le sait, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul.

33 Prenez garde, veillez et priez; car vous ne savez quand ce temps viendra.

34 Il en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, laisse sa maison, remet l’autorité à ses serviteurs, indique à chacun sa tâche, et ordonne au portier de veiller.

35 Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin;

36 craignez qu’il ne vous trouve endormis, à son arrivée soudaine.

37 Ce que je vous dis, je le dis à tous: Veillez.

Marc 13, 24 à 37

Chers Amis,

Nous voici réunis pour entrer ensemble dans l’Avent. Et ce “ensemble” est précieux car l’Avent est un temps d’attente, et l’attente partagée renforce l’espérance.
L’Avent c’est un temps de veille, un temps où nous tournons notre regard vers Celui qui vient, et nous le faisons comme une seule famille, même si nos traditions, nos rites et nos expressions théologiques peuvent être variés.

Ce matin, la Parole de Dieu que nous venons d’entendre nous met en route.
Elle nous fait entendre la prière ardente du prophète Ésaïe, elle nous fait écouter l’appel vibrant de Jésus.
Et enfin elle nous invite, ensemble, à nous tenir dans l’espérance.

Le premier texte, celui du prophète Esaïe nous surprend peut-être. L’Avent s’ouvre… par un cri.
« Ah ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais ! »

Et ce cri n’est pas une prière paisible.
C’est une prière où l’homme se tourne vers Dieu avec tout ce qu’il vit, tout ce qu’il ressent. Car Ésaïe porte le poids des souffrances d’un peuple condamnée à l’exil, qui a vécu la déportation avec tout ce que cela signifie et que nous pouvons encore aujourd’hui reconnaître dans l’existence des peuples de notre monde jetés sur les routes. A son retour, ce peuple est encore marqué par la fatigue, les ruines, la désillusion et lorsqu’il retrouve la terre promise, tout n’est pas comme il l’espérait.

Alors Ésaïe fait ce que fait la foi quand elle est écorchée : il appelle Dieu.
Il appelle un Dieu qu’il croit vivant, un Dieu qui peut “déchirer les cieux” et rejoindre la terre. Un Dieu qui ne reste pas indifférent aux souffrances des hommes.

Ce cri, je crois, fait écho à nos propres voix.
Nos communautés, nos Églises, nos familles et nos vies personnelles connaissent parfois l’épreuve, la confusion, le doute et peinent parfois à retrouver l’équilibre d’une marche assurée.
Puis nous voyons les tensions du monde, les injustices, les violences, la précarité, les divisions. Nos journaux et nos écrans en regorgent. Alors la prière d’Ésaïe peut devenir la nôtre :
“Seigneur, viens. Nous avons besoin de toi. Descends vers nous.”

Ce qui me semble encore intéressant ici, c’est que la Bible ne nous invite pas à cacher nos fragilités, nos peurs ou encore nos colères.  Elle nous invite à les présenter à Dieu.
Et pour moi, c’est déjà une forme d’espérance.

Dans l’Évangile de Marc que nous a lu Yvette, Jésus répète ce mot plusieurs fois : “Veillez.” Et dans sa bouche, cette injonction : « veillez », signifie vivre pleinement aujourd’hui, en sachant que Dieu vient.

Il ne s’agit pas de veiller par crainte, ni de scruter avec anxiété les signes du temps pour deviner le jour et l’heure de Dieu. Il ne s’agit pas de nous étirer comme un élastique pour tenter de discerner derrière l’horizon ce qui pourrait bien advenir. Non, il s’agit d’être présent à ce qui se vit aujourd’hui, en nous et autour de nous.

Dans l’invitation de Jésus à veiller, on peut lire l’invitation à maintenir en soi une ouverture, une disponibilité intérieure. C’est garder une lampe allumée, même petite, même fragile.
C’est vivre chaque jour comme un cadeau, comme une responsabilité, comme une promesse.

Cette vigilance à laquelle nous invite le Christ, nous pouvons la vivre ensemble. Et lorsque nous la partageons cette vigilance, elle nous est plus facile. C’est ce que nous faisons ce matin et ce que nous poursuivrons tout à l’heure au repas.
L’appel à la vigilance devient alors un appel à la fraternité :

Nous sommes invités par le Christ à veiller les uns sur les autres, à veiller sur l’unité entre nous, sur la dignité des plus fragiles, sur la paix dans nos villes et nos pays, sur nos paroles, nos gestes, nos choix.

Lorsque Jésus invite ses disciples à veiller, lorsqu’il NOUS invite à veiller, il nous prépare à comprendre que Dieu est plus proche que nous ne l’imaginons. Que sa venue n’est pas une menace, mais une bonne nouvelle. La bonne nouvelle que la nuit n’aura jamais le dernier mot.

Ce temps de l’Avent dans lequel nous entrons ensemble aujourd’hui nous rappelle quelque chose que toutes nos traditions chrétiennes reconnaissent :
Nous vivons un entre deux. Il y a eu la première venue, du Christ, humble, dans la chair et la fragilité d’un nouveau-né à Bethléem. Et il y aura son retour, dans la gloire, lorsque Dieu sera “tout en tous”. Mais il y a aussi cet entre-deux, temps dans lequel s’inscrit notre existence. Et dans ce temps, sa venue y est quotidienne dans nos vies et nos communautés, par son Esprit.

Ainsi, cette triple venue nous unit car toutes et tous, nous confessons que Christ est venu, nous croyons qu’il vient chaque jour et nous espérons qu’il reviendra.

Là où nos sensibilités peuvent varier — dans les rites, les formes, les traditions — l’Avent nous ramène au centre : l’espérance du Christ.

Dans un monde souvent déchiré, traversé par les conflits et les inquiétudes, l’Avent nous invite à porter ensemble la flamme d’une espérance qui ne trompe pas.
Non pas une espérance naïve, mais une espérance qui est ancrée dans la fidélité de Dieu maintes et maintes fois réaffirmée.
Une espérance qui sait voir, dans la nuit, les premières lueurs du jour.

Oui, l’Avent commence dans la nuit.
Les jours sont courts, la lumière semble faible. Mais inlassablement, chaque année, cette lumière revient.
Et elle revient pour nous apprendre que même la plus petite flamme peut éclairer un chemin.
Même une petite communauté peut porter une grande espérance.
Même des Églises diverses peuvent faire jaillir une lumière forte lorsqu’elles se rassemblent.

Aujourd’hui, dans notre célébration œcuménique d’entrée dans l’Avent, cette lumière a une force particulière :
elle dit que le Christ n’appartient à aucune Église en particulier, mais que toutes les Églises appartiennent au Christ.

L’Avent nous invite à être, ensemble, des porteurs de lumière. Nous ne pouvons pas sauver le monde par nous-mêmes. Mais nous pouvons, ensemble, éclairer sa nuit.

Chers amis,

En entrant dans l’Avent, nous faisons un geste simple et magnifique :
nous tournons notre cœur vers Dieu et nous lui disons ensemble :

“ Seigneur, viens !”

Entrons dans l’Avent comme un peuple en chemin,
un peuple qui veille,
un peuple qui espère,
un peuple qui attend la lumière du Christ.

Amen.