Culte à la maison : l’Ascension

Culte à lire ou à écouter :

En cette fête de l’Ascension, je vous invite à méditer sur ce que cette ascension nous dit sur Dieu et sur nous aussi.

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Alfred Le Petit, « L’ascension du nommé Jésus-Christ, d’après un dessin attribué à St. Luc », dans Gros-Jean et son curé, 1881

Traditionnellement, nous disons qu’après sa résurrection Jésus est monté au ciel, situant ainsi le lieu de la résidence de Dieu en hauteur, comme si Jésus avait pris un ballon pour s’élever vers Dieu, comme le suggère cette représentation amusante d’un Jésus s’élevant sous le regard médusé de ses disciples.

Mais alors, si Jésus n’est pas monté, que s’est-il passé et que célébrons-nous en cette fête de l’Ascension ?

Petit retour au texte des Actes des Apôtres :

Jésus leur dit : « … vous recevrez une puissance, du saint Esprit venant sur vous, et vous serez témoins (…) jusqu’aux confins de la terre. Ayant dit cela, alors que ses disciples regardaient, Jésus fut élevé et une nuée le prit en charge loin de leurs yeux ; et comme ils scrutaient le ciel tandis qu’il s’en allait, voici que deux hommes se tenaient près d’eux en vêtements blancs. Ils dirent : “Hommes galiléens, pourquoi êtes-vous plantés (là) à regarder le ciel ? Ce Jésus qui a été emporté loin de vous vers le ciel, il viendra ainsi, de la façon dont vous l’avez observé s’en aller vers le ciel.” »
Actes des Apôtres 1,9-11
(Traduction de Daniel Marguerat)

Luc  est le seul évangéliste à raconter l’exaltation de Jésus devant des témoins. Les autres évangélistes ne différencient pas l’Ascension de Pâques, c’est à dire de l’élévation à la Croix.

Si Luc a formulé ainsi l’exaltation de Jésus, c’est probablement afin d’aider à sa crédibilité. Luc a à coeur d’accomplir une oeuvre d’historien, non pas au sens d’un chroniqueur mais d’un interprète ; son but est de rendre le sens profond des événements compréhensible à ses lecteurs.

Il faut dire qu’il vit à une époque où les grands hommes du judaïsme tout comme les héros grecs et empereurs romains ont tous besoin d’un récit de ravissement de l’âme pour être reconnus. Pour les Romains, c’est une manière d’appuyer la divinisation de leurs empereurs, tandis que la foi juive y voit la réhabilitation du juste par Dieu.

L’apothéose de Jules César est devenue légendaire : l’apparition d’une comète lors des jeux funéraires qui lui sont consacrés en juillet 44 avant
J.-C. est considérée comme l’indice de son ascension céleste et de sa divinisation. Dans le même ordre d’idées, aux funérailles d’Auguste, (en 14 ap. J.-C.), l’aigle s’élevant du bûcher symbolise son ascension. Dès lors, le témoignage de l’élévation visible du défunt au ciel ou l’envol d’un aigle lors des funérailles permet dorénavant au sénat de proclamer la consécration d’un empereur et son accès à la divinité. La divinisation des empereurs est donc un moyen de légitimer leur pouvoir sur l’ensemble du monde habité. C’est ainsi que des récits de leur montée au ciel circulent.

Dans ce contexte, le lecteur du premier siècle ne peut manquer d’enregistrer la dimension polémique du récit de l’ascension de Jésus qui vise à le positionner au-dessus de l’empereur.

Relevons que si d’autres personnages de l’Ancien Testament ont été enlevés au ciel, comme Hénoch, Elie, Esdras ou Baruch, Jésus est le seul qui ait été élevé après son décès, puisque 40 jours se seraient écoulés avant son enlèvement. Par-là, l’évangéliste Luc insiste sur le fait que le retour de Jésus à la vie ne doit pas être compris comme une réanimation, mais comme une association au pouvoir de Dieu, un accès à la sphère céleste d’où il reviendra à la parousie.

L’enlèvement de Jésus est décrit par Luc sur un mode très visuel ; il utilise en effet quatre verbes différents pour décrire l’observation attentive des disciples.

Le principal acteur de ce récit est la nuée qui, justement, vient perturber leur vision. La nuée nous rappelle différents événements de l’Ancien Testament où elle a soit la fonction de cacher soit de révéler la présence de Dieu. Quand Dieu donne la Torah au mont Sinaï, une nuée pesant sur la montagne symbolise sa présence (Ex 19,16); sa présence est aussi rendue visible lorsque la nuée précède le peuple à travers le désert. Étonnamment, cette nuée révèle la présence de Dieu, tout en la cachant.

De la même manière, au moment de l’Ascension, la nuée n’est pas un véhicule céleste qui enlèverait Jésus. Elle est plutôt présence divine qui enveloppe le Ressuscité, le prend en charge, l’absorbe dans l’espace divin et le cache à leurs yeux.

Cet événement nous rappelle aussi la transfiguration de Jésus où la nuée recouvre  les personnages de la vision et, au sein de la nuée, la voix de Dieu se fait entendre (Lc 9,34-35).  On pense aussi à l’annonce de la venue du Fils de l’homme qui viendra « entouré d’une nuée dans la plénitude de la puissance et de la gloire » (Lc 21 ; 27). L’ascension du Ressuscité est donc l’inverse de la parousie, comme si Jésus avait pris un billet aller-retour. Il n’est pas parti pour toujours, il reviendra, de la même manière qu’il est parti, comme absorbé en Dieu.

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Kulmbach, L’Ascension du Christ, 1513, New-York, MET

Voilà qui change passablement des représentations que nous avons parfois de Jésus qui monterait au ciel, les disciples levant la tête pour l’observer, comme si un ascenseur aspirait le Christ au-dessus d’eux, ne nous laissant voir que ses pieds.

Si l’Ascension est un jour chômé, c’est pour célébrer le fait que le Christ entre pleinement dans le monde de Dieu. Si Jésus s’est incarné en prenant vie dans le ventre de Marie, depuis sa mort à la croix, il est déjà en phase de reprendre sa place en Dieu. Mais il est encore en transition, se laissant parfois toucher, d’autres fois pas, mangeant du poisson avec ses disciples, se rendant parfois visible, d’autres fois disparaissant à leurs yeux. Il n’est pas définitivement absent, puisqu’il est un absent présent. Il l’a annoncé en parlant de la puissance du saint Esprit, qui n’est autre qu’un aspect différent de la présence de Dieu parmi les hommes. Jésus n’abandonne donc pas les humains, il inaugure une nouvelle manière d’être présent partout où sa présence est recherchée.

Le dogme de la trinité a malheureusement laissé croire à une dissociation des différentes manières qu’a eu Dieu de se manifester au travers de l’histoire. Or, sous la forme de l’Esprit saint, Dieu a d’infinies manières de se rendre présent à nous. Aucune barrière ne le retient.

L’événement de l’Ascension nous amène donc à redécouvrir Dieu comme existant et probablement présent même si nos sens habituels ne peuvent le percevoir. Le fait qu’il soit invisible nous pousse donc à le rechercher et, pour cela, à développer une capacité de perception souvent sous-développée.

Contrairement à une idée communément admise, ce qui est visible, concret, tangible n’est pas seul véritable. Percevoir la présence de Dieu, c’est croire que dans l’invisible qui m’environne et m’habite, Dieu est présent tout comme Jésus était présent à ses disciples jusqu’au moment où il a été absorbé par une sorte de brume, comme si les pixels de leur vision étaient devenus toujours plus gros jusqu’à le masquer à leurs yeux.

Chers frères et sœurs, en cette fête de l’Ascension, que la certitude de la présence de Dieu à vos côtés soit une force et un soutien. Rappelez-vous que jamais Jésus n’a promis de guérir toutes les maladies et d’enlever tout le mal dans le monde ; c’est nous qu’il a mandatés pour être ses témoins, ses porteurs de lumière. Mais il a promis d’être avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

Amen

Prière

Nuée de mystère, qui le ravit à leur attente,

Les voici seuls, désormais, avec le tombeau désert

Constructions théologiques, Cathédrales inachevées,

J’aime que votre voûte sur le mystère reste ouverte.

Laisse le ciel aux rêveurs, Et la religion aux oppresseurs.

Toi, tu marches la foi nue, sur le sentier de la terre.

Le Livre te gardera mémoire de ses gestes, de ses paroles,

Mais il te faudra les y chercher.

A la table communautaire, le pain rompu, la coupe bénie,

Mais il te faudra les partager.

Dans la brume où tu marches, Entends-tu ces pas ?

Ce sont les frères du même appel.

Je crois ! Maranatha ! Le Seigneur vient. Amen

In : A voix haute, Poèmes liturgiques pour temps de fêtes.
Florence Taubmann et Michel Wagner

Annonces

En ce jeudi de l’Ascension, à 11hoo, nous vous proposons de partager un moment convivial après le culte, que vous l’écoutiez à la radio, sur le site de la paroisse ou ailleurs. Pour participer à cet « apéro-zoom », il suffit de vous connecter à l’heure prévue avec ce lien :
https://us02web.zoom.us/j/3169397432
ID de réunion : 316 939 7432
Ce sera l’occasion d’échanger sur comment chacun·e vit ce temps de déconfinement. Nous terminerons cet apéro-zoom vers midi avec une prière de bénédiction. En espérant pouvoir ainsi vous retrouver !

Si vous souhaitez soutenir la paroisse, vous pouvez faire un don à:
EREN paroisse de La BARC, case postale 198, 2013 Colombier
IBAN CH86 0076 6000 K35218912
Merci!

Bénédiction

Que le Seigneur vous bénisse et qu’il vous garde,

Que le Seigneur fasse rayonner sur vous son regard et vous donne sa grâce,

Que le Seigneur tourne son visage vers vous et vous donne sa paix.

Amen

 

Pour aller plus loin : Daniel Marguerat, Commentaire des Actes des Apôtres (1-12), Labor et Fides, 2015, p. 42-51.