Le texte ci-dessous, adopté le 28 mai 2025 par le Conseil synodal de l’Église réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN) à la veille de l’Ascension, est une profession de foi pour les temps de guerre et de conflit entre les peuples. Il vise à exprimer, dans un contexte où l’indifférence n’est plus possible, ce que notre Église croit, espère et refuse.
Rédigé à l’heure d’une nouvelle flambée de violence au Proche-Orient, particulièrement dans le cadre du conflit israélo-palestinien, il en porte les traces, les références et l’émotion. Mais au-delà de cette actualité, il se veut un appel universel valable en tout lieu où la guerre menace de briser ce qui fonde notre humanité commune.
Une profession de foi de l’Église réformée évangélique du canton de Neuchâtel
Il est des guerres où l’on meurt sans même comprendre pourquoi.
Des conflits si longs qu’on ne sait plus ce qui ressort de la légitime défense ou de l’acharnement meurtrier.
Des situations où l’on a l’impression que Dieu lui-même a déserté.
Mais nous disons ici, moins pour réconforter que pour tenir debout :
Dieu n’est ni en fuite, ni complice.
Il ne soutient pas d’armée.
Il n’a pas de camp.
Dieu n’a que des enfants.
Et quand l’un tue l’autre, Dieu pleure.
Pas des larmes symboliques, mais les vraies, celles qui brûlent, celles qu’on étouffe dans la gorge, celles d’un Père impuissant face à la haine que ses enfants ont laissé grandir au nom de leurs blessures.
Le conflit israélo-palestinien n’est pas qu’un différend politique, territorial, identitaire.
C’est un abîme spirituel.
Parce qu’on y tue au nom de Dieu.
Parce qu’on y justifie la vengeance par la mémoire et les textes sacrés.
Parce qu’on y appelle justice ce qui n’est que l’extension de la peur et de la haine.
Nous confessons :
Chaque être humain tué est un visage de Dieu arraché à la terre.
Chaque haine semée, un clou de plus que l’humanité plante dans la chair du Crucifié.
Chaque parole de mépris, de méfiance ou de désespoir, une offense au souffle qui nous a tous portés à la vie.
Nous affirmons envers et contre tout que la guerre reste l’une des plus grandes bêtises humaines.
Oui, bêtise. Parce que ce mot fragile dit déjà que l’humanité peut mieux faire.
Que l’intelligence du cœur peut reprendre le dessus.
Que l’autre n’est pas une bête à abattre, mais un humain comme nous.
Que Dieu ne commande pas les armes, mais le pardon.
Que la terre promise est d’abord celle où l’on se parle à nouveau en vue d’une paix durable, et non celle qu’on conquiert en exterminant l’autre.
Nous ne distribuerons pas les torts et les raisons.
Mais nous dirons, fermement, ce que notre foi juge inacceptable :
Qu’on érige la vengeance en programme politique, comme si la douleur d’hier justifiait celle d’aujourd’hui.
Qu’on invoque la justice ou la sécurité pour légitimer l’effacement d’un peuple.
Que les droits humains et le droit international soient bafoués sans conséquence.
Qu’on en réfère à Dieu pour sanctifier l’anéantissement, alors que Dieu est vie et miséricorde.
Nous ne sommes pas neutres.
Nous sommes du côté de la paix.
Et cela exige plus de courage que la guerre.
Nous appelons l’Église, non à se faire juge des peuples, mais à rappeler que tous sont jugés par l’Évangile :
Non sur leur force, mais sur leur amour.
Non sur leur victoire, mais sur leur capacité à faire vivre la justice et à compatir même pour l’ennemi :
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- en refusant de se réjouir de sa chute,
- en reconnaissant qu’il pleure ses morts,
- en confessant que lui aussi est enfant de Dieu.
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Et cela vaut pour tous : Israël, Palestine, Occident, extrémistes, modérés, victimes et bourreaux.
Car en Dieu, les rôles ne sont jamais fixés.
Et la valeur d’un peuple, d’une religion, d’une Église se mesure au bien qu’elle apporte à l’humanité tout entière.
Nous ne pouvons pas faire la paix à la place des belligérants.
Mais nous pouvons veiller, dire – dénoncer même –, prier, marcher.
Et surtout désarmer notre cœur pour ne pas devenir, à notre tour, des meurtriers de la fraternité ici et maintenant.
Nous n’attiserons pas les feux de la haine raciale ou religieuse, et ferons tout pour éteindre ceux déjà allumés.
La paix n’est pas une utopie, mais un chemin ardu, un choix à refaire chaque jour, même quand tout en nous voudrait renoncer.
Enfin, nous confessons ce paradoxe fou :
Dieu n’impose pas la paix par la force,
mais il nous en confie la tâche,
avec pour seules armes : la foi, l’espérance et l’amour.
Et même si cela semble peu,
cela demeure plus puissant que toutes les armes du monde
Conseil synodal de l’Église réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN)