Le Samaritain empathique, et toc ! 😊

Prédication du dimanche 13 juillet 2025 – temple de Rochefort  par René Perret

Lectures : Deutéronome 30,10-14 ; Evangile selon Luc 10,25-37

Prédication

   La parabole du bon Samaritain. C’est une des plus connues de l’Evangile, une des plus méditées. Au point que je me demande ce que je peux dire que vous n’ayez entendu cent fois déjà.

   Loin de moi la tentation d’apporter du nouveau par mon message ! Mais cette parabole me titille depuis toujours, car avec l’histoire claire et qui semble d’une conclusion moralement évidente, il y a comme « une chicane », dans le sens où ma raison doit faire, encore et toujours, un effort pour bien comprendre la leçon que Jésus nous donne ici.

   Mais d’abord, si vous le voulez bien, j’aimerais m’arrêter sur l’attitude des deux personnages qui dialoguent : le légiste, c’est à dire le maître de la Loi, et Jésus.

   On voit le légiste questionner Jésus pour le mettre à l’épreuve. Un test qui parait simple, puisqu’il ne s’agit que de savoir que faire pour recevoir la vie éternelle ! Comparaison n’est pas raison, mais ici, on dirait que l’homme demande à Jésus quelque chose d’évident.

   Nullement éprouvé, Jésus lui répond par une question, à laquelle le juif instruit répond correctement.

   Et Jésus d’accueillir sa réponse par un : « Tu as bien répondu », et de l’inviter à vivre cela pour qu’il ait cette vie. Éternelle, cette vie ? Jésus ne le répète pas nommément, mais il ne semble pas réduire la portée de la demande.

   Résultat du premier échange : à sa mise à l’épreuve, Jésus répond par une question qui permet à son interlocuteur de répondre selon sa foi. Et Jésus admettant la justesse des propos, il est bienveillant en conseillant l’homme à faire ce qu’il dit.

   Le dialogue se poursuit par une question du légiste qui cherche à se justifier. Il ne cherche pas « la petite bête » ; il veut savoir quelque chose de très important pour sa foi : qui est son prochain ? Sa question peut être aujourd’hui la nôtre, également centrale pour notre réflexion et notre action. Car face à toutes les sortes de prochains qui nous sont donnés à aimer, lequel aimer particulièrement ?

   Jésus répond par cette parabole qu’il faudrait nommer « Le Samaritain empathique », plutôt que le « bon Samaritain ». Car le Samaritain n’est pas présenté comme bon, mais comme un homme sensible au malheureux qu’il rencontre, et faisant ce qu’il faut pour le tirer de son mortel fossé.

   Jésus ayant demandé au légiste de citer qui a été le prochain dans son récit, il encourage celui qui a une deuxième fois bien répondu à mettre en pratique sa découverte.

   Résultat du deuxième échange : à celui qui voulait se justifier, Jésus répond par un récit qui dévoile à son auditeur une réalité nouvelle ; et il invite son interlocuteur à faire pareil dans sa vie.

   Pourrait-on dire ici que par son affection et sa discrétion, Jésus a su devenir le prochain du légiste ? J’aime bien cette idée. J’aimerais encore que, vous et moi, nous puissions ainsi accueillir les questionneurs et leur répondre avec cette affection, ce respect et cette discrétion.

   Et maintenant, ma question centrale et qui me turlupine depuis très longtemps : au fond, qui est mon prochain ?

   Je m’attendais à ce que Jésus dise : « Tu vois, ton prochain est le blessé. Ouvre ton cœur et tes sens, et tu verras bien qui sont ceux que tu dois aimer comme déjà tu t’aimes ; que tu dois traiter comme d’abord tu te traites. Et que ton amour pour toi comme pour eux soit semblable à celui que tu as pour Dieu, lui-Dieu qui t’aime infiniment.

   Mais Jésus retourne la définition du prochain à aimer :

– le prochain n’est plus l’objet de ma miséricorde, le destinataire de mon aide aimante.

– le prochain est celui qui m’est miséricordieux. Car Jésus le dit bien : « Qui s’est montré le prochain de l’homme blessé ? »

   Autrement dit, si on lui donnait la parole, c’est le blessé qui dirait : c’est le Samaritain qui m’a secouru, c’est lui qui m’est devenu proche, prochain ; c’est à lui que va ma reconnaissance et mon amour.

   Donc, quand Jésus encourage le légiste à vivre sa bonne réponse, il l’encourage à reconnaître celui ou celle, ceux dont il aura besoin tôt ou tard, et peut-être dont il a besoin déjà.

   Si ce n’est pas une entourloupette de langage que Jésus utilise, comme le ferait un philosophe habile, moi je comprends les choses comme ça : mon prochain à aimer comme moi-même, c’est celui ou celle qui m’apporte quelque chose dont j’ai besoin, même et surtout quand je n’en ai pas conscience.

   Un prochain m’a donné une histoire de sa vie qui m’a ouvert l’esprit sur des réalités que j’ignorais. Son vécu a enrichi ma connaissance de la vie, et je lui en suis reconnaissant. Il me l’a dit tout simplement, sans se rendre compte de ce qu’il m’apportait.

   Une prochaine nous a secourus alors que financièrement, nous étions plus que serrés. En attente d’une décision AI, dans le désert brûlant de la justice sociale suisse où plusieurs perdent la raison, voire la vie, écrasés par les procédures autant que par cette remarque des bien-portants : « Toi, tu mérites l’AI ; mais j’en connais tant d’autres qui font semblant et qui l’ont eue ! ». Cette phrase est un poignard pour qui vit cette situation, sachant bien que d’autres vont dire ça de lui, d’elle.

   Mais, au fond, mon prochain, par excellence, n’est-ce pas Jésus ? Lui qui m’a appelé ; qui m’a aimé le premier ; lui qui m’a révélé mon origine – fille ou fils de Dieu, comme lui et avec lui. Lui qui m’accompagne, me secourt, me comprend, m’incite à faire comme lui avec mes forces et mes limites.

   C’est lui qui me montre que la vie éternelle, c’est être reconnaissant pour la compassion que nous recevons, et inévitablement, déborder à notre tour de cette compassion.

   Seigneur, si je n’ai pas trop trahi ta parole avec mes mots, soit loué.

   C’est ton Esprit qui fait le travail en nous. Merci à lui.

Amen.