Dieu suscite une femme prophète

Prendre la parole et affirmer une position, est-ce anodin ? Certes, non !

J’ai trouvé des statistiques concernant la place de la prise de parole de femmes dans le journal Le Temps : la proportion d’Éditoriaux signés par des femmes se situe entre 4% et 16%, entre 2018 et 2020. Dans ce même journal, les contributrices des pages débats se situent à peine à 30%.

Sur Wikipedia, l’encyclopédie participative sur Internet, on ne compte que 10% de femmes contributrices. Non, décidément, il n’est pas facile de prendre la parole, d’affirmer une position. Si ce n’est pas facile aujourd’hui, qu’en était-il à l’époque de la Bible à une époque nettement plus patriarcale qu’aujourd’hui ?

Vous connaissez les instructions, attribuées à Paul, à l’égard des femmes de son temps :

« Que la femme s’instruise en silence, avec une entière soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni de dominer l’homme ; qu’elle demeure dans le silence ». (1 Timothée 2,11)

« Comme dans toutes les Églises des saints, que les femmes se taisent dans les Églises, car il ne leur est pas permis d’y parler ; qu’elles soient soumises, comme le dit aussi la loi. Si elles veulent apprendre quelque chose, qu’elles interrogent leur mari à la maison ; car il est choquant qu’une femme parle dans l’Église ». (1 Co 14,33b-35)

Ces textes m’ont été souvent rappelés lorsque j’étais jeune. À de nombreuses reprises, je ressentais l’appel de Dieu à devenir pasteure, mais régulièrement, le souvenir de ces versets me laissait penser que ce n’était pas ma place, en tant que femme, de prendre la parole dans l’Église. J’avais donc entrepris des études d’infirmière. Mais, bien que ce métier m’apparaissait comme le plus beau métier du monde, je n’étais pas heureuse dans cette profession. Il a fallu différentes circonstances de ma vie, des circonstances douloureuses, pour que je sois comme obligée, contrainte de m’orienter vers la théologie, puis le pastorat. Le dernier bouleversement eut lieu alors qu’on habitait au fin fond de la Suisse allemande, avec deux enfants en bas âge ; j’étais mère au foyer, on venait de nous annoncer que dans trois mois mon mari n’aurait plus de travail et qu’il ne pourrait pas continuer dans sa profession. On habitait un logement de fonction qu’on devait aussi quitter simultanément. On ne savait pas où aller, qu’allions-nous faire ? Qu’allions-nous devenir ? J’avais été coucher les enfants à l’étage supérieur et, en redescendant les escaliers, j’entendis comme une voix me dire : « Ces choses ont dû arriver afin que tu deviennes pasteure » ! Moi qui avais tout fait pour éviter de le devenir par souci d’obéissance à Dieu, voilà que lui-même me demandait d’aller à l’encontre de ces versets. Je n’y comprenais plus rien !

Dans la Bible aussi, il y a plusieurs femmes qui se sont retrouvées, parfois malgré elles, à devoir prendre la parole. On ne les appelle pas pasteures, car à l’époque, le rôle que nous connaissons maintenant – quelqu’un qui met une aube et prend la parole devant une assemblée le dimanche matin – n’existait pas, ni même pour les hommes. À l’époque, on appelait ces personnes que Dieu mandatait pour prendre la parole en son nom, des prophètes. Les prophètes n’étant pas prioritairement des gens qui annonçaient l’avenir, mais des gens qui aidaient à interpréter la parole de Dieu dans le moment présent, et à comprendre le sens des événements qu’ils traversaient.

C’est précisément le rôle de Houlda[1], une femme dont on parle peu, très peu dans la Bible et dans l’Église aussi ! Et pourtant, elle a un rôle essentiel : un rôle prophétique, interprétatif. C’est vers elle que le roi Josias se tourne lorsqu’il ne sait pas comment comprendre les paroles de la Bible, le rouleau du Deutéronome probablement, qu’il découvre au fond du temple, enfoui sous une multitude d’objets servant à l’adoration de nombreuses divinités.

Lorsque Shafân fait la lecture de ce rouleau au roi Josias, Josias en saisit tout de suite l’importance. Il déchire ses vêtements, signifiant par là toute son humilité et sa prise au sérieux de ces paroles. Mais il réalise que le sens exact de cette Loi et ses conséquences lui échappent encore. Il ordonne alors à son entourage composé du grand prêtre, de son secrétaire et de serviteurs, d’aller interroger Dieu sur le contenu du texte. Contre toute attente, cette consultation de Yahwe, va se faire chez une femme, considérée comme prophète, nommée Houlda.

Son nom, son statut, le nom de son mari, et leur résidence dans le nouveau quartier de Jérusalem sont explicitement mentionnés dans le texte, ce qui fait de cette femme une figure éminente. Cela laisse également entendre qu’elle travaille pour l’administration royale. Une fois consultée par la délégation de dignitaires choisis par Josias, la prophétesse Houlda délivre un oracle et rapporte ainsi une série de paroles divines. Elle agit en porte-parole de Dieu.

L’oracle est construit en deux parties :

Tout d’abord, Houlda confirme que des malheurs vont toucher son peuple. La pratique de cultes idolâtres semble en être la cause.

Ainsi parle le SEIGNEUR : Je fais venir sur ce lieu et sur ses habitants un malheur. (…) Puisqu’ils m’ont abandonné et qu’ils ont offert de l’encens à d’autres dieux, me contrariant ainsi par toutes les œuvres de leurs mains, ma fureur s’est enflammée contre ce lieu : elle ne s’éteindra pas.  (1 Rois 22,16-17)

L’oracle est ensuite adressé directement au roi Josias dont l’attitude pieuse est largement reconnue par Dieu. Cette attitude lui vaudra, selon la prophétie, de ne pas être témoin des malheurs annoncés à l’encontre de la ville de Jérusalem et de ses habitant-e-s et de pouvoir être enterré avec ses ancêtres. Ainsi, il ne connaîtra pas l’exil :

Mais vous direz au roi de Juda qui vous a envoyés consulter le SEIGNEUR : Ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d’Israël — les paroles que tu as entendues : 

Parce que ton cœur a été touché, parce que tu t’es humilié devant le SEIGNEUR en entendant ce que j’ai dit contre ce lieu et contre ses habitants, qui seront livrés à la dévastation et à la malédiction, parce que tu as déchiré tes vêtements et que tu as pleuré devant moi, moi aussi, j’ai entendu — déclaration du SEIGNEUR. 

C’est pourquoi je te réunirai à tes pères, tu seras recueilli en paix dans ton tombeau, et tes yeux ne verront pas tout le malheur que je ferai venir sur ce lieu. Ils rapportèrent cette réponse au roi.

Selon le texte, l’autorité prophétique de Houlda est incontestable. Houlda est celle par qui Dieu choisit de s’exprimer pour expliquer sa Loi et c’est elle seule qui peut consulter Dieu pour avoir une réponse. Elle annonce également toute une série d’événements à venir. Nous savons, historiquement, que ces prophéties vont se réaliser : Jérusalem sera effectivement détruite par Babylone, une partie du peuple sera déporté et Josias mourra avant de voir la destruction de la ville et l’exil de son peuple. C’est ce qui fait d’elle une vraie prophétesse selon les critères du Deutéronome :

Peut-être te diras-tu : « Comment reconnaîtrons-nous la parole que le SEIGNEUR n’a pas dite ? » Quand le prophète parle au nom du SEIGNEUR (YHWH) et que la parole ne se réalise pas, qu’elle n’arrive pas, c’est une parole que le SEIGNEUR n’a pas dite. C’est par arrogance que le prophète l’a dite : tu n’auras pas peur de lui.

L’influence de cette femme est donc considérable. Houlda apparaît comme une intermédiaire privilégiée entre Dieu et les humains, mais aussi comme une interprète du texte redécouvert. En effet, le premier oracle qu’elle prononce ressemble à un véritable commentaire de la Loi ; ce qui signifie qu’elle en connaît le contenu ainsi que les conséquences de son non-respect.

Nous le voyons, les paroles de Houlda jouent un rôle important dans le déroulement des événements, un véritable tournant dans l’histoire du peuple d’Israël, puisqu’il va conclure une nouvelle alliance avec Dieu :

Le roi se tenait sur l’estrade et, devant le SEIGNEUR, il conclut l’alliance en s’engageant à suivre le SEIGNEUR et à observer ses commandements, ses préceptes et ses prescriptions de tout son cœur et de toute son âme, afin de réaliser les paroles de cette alliance, écrites dans ce livre ; et tout le peuple adhéra à l’alliance. (2 Rois 23,3)

Le rôle de Houlda est donc comparable sur certains points avec le rôle de Moïse, qui est le premier intermédiaire entre Dieu et le peuple lors de la transmission de la Loi et la conclusion de la première Alliance. Même si Houlda est beaucoup moins connue que Moïse, sa faible renommée ne dit rien de son importance dans l’histoire d’Israël. Josias, bien qu’ouvert à accomplir la volonté de Dieu, avait besoin des paroles de la prophétesse afin que le texte de la Loi prenne sens pour lui et pour le peuple entier.

Josias et Houlda ont formé une bonne paire afin de faire revenir le peuple à Dieu. Et nous aujourd’hui, que nous faut-il, ou qui nous faut-il pour nous motiver à revenir à Dieu ? Si, à l’époque, la prise de conscience du roi Josias a suffi à motiver le peuple entier à abandonner les cultes à d’autres divinités afin de se centrer sur le culte de Yahwe, aujourd’hui, ne sommes-nous pas comme un troupeau sans berger ? Des voix contradictoires s’élèvent ; les uns écoutent les unes, les autres d’autres, mais qui nous fera nous recentrer sur le Dieu de Jésus-Christ ?

Pendant le temps de confinement, beaucoup d’entre nous ont réfléchi à nos véritables priorités, mais le confinement terminé, on a l’impression que les prises de conscience ont tôt fait d’être oubliées. À quoi en sommes-nous, nous-mêmes ?

Je suis très interpellée par l’attention qui est portée à ce que font leurs mains des membres du peuple d’Israël : Ils ont contrarié Dieu par « toutes les œuvres de leurs mains » nous est-il dit, comme si, ce que font nos mains, était la preuve vivante de ce qu’il se passe dans notre cœur.

Ainsi, chers frères et sœurs, que notre amour pour Dieu se manifeste de toutes les manières possibles : dans ce que font nos mains, dans ce qu’elles écrivent sur Internet, dans ce qu’elles confectionnent en matière de nourriture, de bricolage, dans ce qu’elles touchent, donnent, prennent… car « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ».

Amen

 

Prière d’intercession

Dieu dit, en Joël 3,1-2 :

Après cela, je répandrai mon Esprit sur toute chair.

Vos fils et vos filles prophétiseront,

Vos vieillards auront des songes,

Vos jeunes gens auront des visions.

Même sur les serviteurs et les servantes,

En ce temps-là, je répandrai mon Esprit.

Merci  Seigneur pour ces promesses, merci aussi parce que nous croyons que tu tiens tes promesses.

  • Nous te prions : répands ton Esprit encore aujourd’hui sur tous tes enfants quel que soit leur âge, leur appartenance, leur origine, leur niveau social et suscite des prophètes et prophétesses parmi nous.
  • Aide-nous à accueillir leurs paroles, à entendre leur voix et à reconnaître leur autorité pour nous, une autorité qui vient de toi.
  • Comme Josias, que nous sachions demander conseil auprès des bonnes personnes, afin qu’au final ce soit véritablement à toi que nous venions et que nous ne nous égarions pas vers d’autres divinités.
  • Nous te prions pour notre Église, pour ses ministres, pour les membres du Conseil synodal, pour tous les laïcs, les bénévoles. Nous te prions pour tous les chrétiens du canton, de la Suisse et du monde. Renouvelle notre foi, notre enthousiasme de croire en toi ; inspire nos actes et nos paroles afin que nous puissions chacun, chacune, être des disciples du Christ et conduire des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards à te trouver et à mettre toute leur confiance en toi.
  • Nous te prions pour les personnes qui sont malades, seules, isolées, tristes ; soutiens-les et aide-nous à être attentifs aux personnes que tu places sur notre chemin.
  • Nous te prions pour les personnes qui, chez nous, ou de par le monde, continuent à lutter contre la pandémie. Renouvelle leurs forces et inspire leur action.
  • Nous te prions pour les personnes qui sont au chômage, qui perdent leur emploi ou qui ont peur de le perdre, pour les indépendants qui craignent la faillite.
  • Nous te prions pour que les dirigeants du monde dans les sphères politiques et économiques, tiennent davantage compte de la valeur de tout humain, de la planète et qu’ils œuvrent activement pour la protection de notre planète.
  • Et ensemble, nous te disons : Notre Père…
    Amen

[1] Elisabeth Parmentier, Pierrette Daviau et Laurianne Savoy (dir.), Une Bible des femmes, Labor et Fides, Genève, 2018, p. 103