Envoie-moi !

Lecture de Luc 10,1-2 et Luc 8,4-8.

Juste avant d’envoyer ses disciples dans sa moisson, Jésus appelle des hommes à le suivre et il constate leur difficulté à lâcher leurs occupations quotidiennes. Il dit alors : « Celui qui se met à labourer puis regarde en arrière est inutilisable pour le Royaume de Dieu ». Et moi aujourd’hui, est-ce que je suis d’accord de laisser mon passé à sa place et d’en rompre les liens qui m’enchaînent encore, pour vivre une aventure risquée et inconnue dans laquelle le Seigneur de ma foi m’envoie ?

Car, le saviez-vous, Dieu aimerait nous envoyer, il a besoin de nous en ce monde. Et si, intérieurement vous vous dites : les chrétiens ne font pas bien, pas juste, ça ne va pas comme ils font ou comme ils sont, ils devraient faire ou être autrement, eh bien ce n’est pas impossible que le Seigneur soit en train de vous appeler à justement faire autrement, faire mieux.

Le récit que nous venons de lire nous amène à faire route avec Jésus alors qu’il quitte la Galilée. C’est là que s’est déroulé le début de son ministère. Maintenant, il se dirige vers Jérusalem. Pour cela, il doit traverser la Samarie, terrain encore plus hostile; si, en terre juive, Jésus a sans cesse à contrer les Juifs conservateurs, en Samarie, il doit faire face au mépris envers les Juifs puisque les Samaritains considèrent que les Juifs sont théologiquement dans l’erreur.

Jésus envoie donc ses ambassadeurs en avant, là où il doit aller lui-même. Et il les mandate, pour préparer le terrain. Ainsi donc, Jésus les choisit et il leur adresse vocation.

Jésus nous apprend qu’il y a abondance de travail et pénurie d’ouvriers, d’acteurs dans le champ du Seigneur.

Il y a deux manières d’agir ou de réagir à cette pénurie :

    1. entrer nous-mêmes en action,
    2. prier pour que le Seigneur envoie d’autres que nous à nos côtés, dans un esprit de collaboration.

C’est le Seigneur lui-même qui envoie, lui qui est lui-même envoyé par Dieu. Il vient faire connaître le Royaume de Dieu, communiquer sur le sens profond de la vie, sur les priorités qui devraient être les nôtres si nous ne nous focalisons plus sur les aspects matériels, mais spirituels de la vie.

En ce dimanche des récoltes, c’est donc sur l’abondance de la récolte spirituelle que j’aimerais attirer votre attention. Certes, nous ne pouvons pas vivre que d’amour et d’eau fraîche, la vie concrète a son importance, mais le fait de répondre à l’appel de Dieu à servir dans sa moisson rend la vie tellement plus passionnante. Être de ceux que le Seigneur appelle à agir pour lui, à préparer le chemin, à répandre la joie du Royaume de Dieu, voilà qui est à même de nous remplir de satisfaction, même de bonheur, car c’est un grand honneur.

Vous me direz peut-être, oui, mais comment puis-je servir Dieu, où puis-je le servir ?

Il y a une multitude de manières de servir Dieu et je vous encourage à prier pour demander à Dieu comment il aimerait vous utiliser, comment lui être utile, comment communiquer son amour, comment permettre à d’autres de percevoir que Dieu est présent à leurs côtés, qu’il ne les abandonne pas au sein de l’épreuve, que toujours il aimerait les relever et pourvoir à leur bien-être. Laissez-vous simplement inspirer par Dieu, observez où Dieu vous ouvre des portes, quelles opportunités le Seigneur place sur votre chemin et saisissez-les lorsqu’elles s’ouvrent à vous, car personne d’autre que vous n’aura cette opportunité-là. C’est vous que Dieu appelle à agir à ce moment-là, et vous seul !

Si, parfois, nous avons envie de répondre à l’appel de Dieu et à le servir, parfois aussi, nous résistons. Selon les périodes de notre vie, nous sommes un peu comme ces différents terrains dont nous parle la parabole du semeur. Certains jours, nous sommes comme la bonne terre dans laquelle la graine d’espérance du Royaume de Dieu pénètre profondément. Nous prenons soin de cette graine, nous accueillons l’eau qui va la faire croître et se développer. Et nous avons de la joie car cette graine produira à son tour beaucoup de graines que nous allons pouvoir répandre autour de nous afin que d’autres soient bénis par cette nouvelle vision de la vie. A d’autres moments, pour toutes sortes de raison, cette semence a de la peine à se développer en nous, nous y sommes comme étanches, imperméables, manquant du nécessaire pour que cette semence puisse prendre sens en nous. Et puis, parfois, cette semence prend corps, elle commence de croître en nous, puis les influences que nous subissons ont tôt fait de nous entraîner au doute et tout remettre en question. Notre cheminement intérieur est parfois scabreux, la dureté de la vie nous amène parfois à nous refermer.

Si le Seigneur envoie ses disciples deux par deux, c’est probablement parce que nous avons besoin de nous soutenir les uns les autres, de nous encourager, d’échanger nos expériences et nos réflexions afin de tenir bon, de persévérer dans la foi. Jésus dit qu’il envoie ses disciples comme des agneaux au milieu des loups. Lui-même est appelé l’agneau de Dieu, en allusion à l’agneau sacrifié sur l’autel de nos refus et de notre opposition. Je dis « notre » car si Jésus a dû faire face à l’opposition des Juifs, aujourd’hui encore, il fait face à une forte opposition.

Chers amis, la moisson est grande, la mission est grande. Elle est complexe, elle revêt toutes sortes de facettes. Le Seigneur a besoin de toutes nos compétences et il est prêt à en développer encore de nouvelles en nous, selon ce qui nous sera nécessaire pour servir dans sa moisson.

Laissons nos craintes, nos hésitations. Je me souviens d’une personne qui me disait ne pas vouloir servir le Seigneur. En discutant avec elle, elle me dit avoir peur de devoir partir en mission. Et là, je lui ai dit : « Il y a tellement de perspectives par lesquelles nous pouvons servir le Seigneur ! Tous ne sont pas appelés à partir en mission ou à devenir pasteur, même si, oui, c’est nécessaire aussi. Certains sont appelés à semer le règne de Dieu au sein de leur travail, dans leur cercle d’amis, dans leur famille, sur internet, par une action bénévole au sein de la paroisse, en donnant un coup de main pour le caté ou le p’tit caté, en devenant lecteur au culte ou en prenant des responsabilités comme conseiller de paroisse ou au synode. Certains sont appelés à utiliser leurs talents de bricolage pour communiquer l’Évangile aux enfants, d’autres leur sagesse, leurs réflexions pour aider l’Église à prendre de bonnes décisions… Il y a tellement de manières de servir le Seigneur, ne le restreignons pas, mais laissons-le développer en nous ce pour quoi il nous appelle. Car il y a une grande moisson, mais peu d’ouvriers. Prions donc le maître de la moisson d’envoyer davantage d’ouvriers et, pourquoi pas, de nous envoyer, avec nos compétences, mais aussi nos faiblesses et nous incompétences, il saura nous développer et nous aider à devenir compétents pour communiquer son Royaume de paix et d’amour. »

Hier, alors que je réfléchissais au message que j’allais partager avec vous ce matin, j’ai été invitée à fêter un anniversaire au restaurant de l’Aubier à Montezillon. Il y avait une lanterne sur notre table où figurait le texte suivant que je vous laisse à méditer : « Tout ce qu’il y a de grand en notre monde ne survient que parce qu’une personne fait davantage qu’elle ne doit. » (Hermann Gmeiner).

 

Image par Eric Michelat de Pixabay