Le plus beau chant d’amour

Le Cantique des cantiques, un superlatif qui signifie : le plus beau de tous les chants.

À l’approche de la St-Valentin, nous allons parler d’amour ce matin ! Il s’agit d’un chant aux accents érotiques, qui pourrait sembler profane.

Si son acceptation dans le canon des écritures a donné lieu à des débats passionnés, disons-le, ce livre fascine. S’il fait partie de nos Bibles, c’est parce qu’il est porteur du mystère de l’amour humain, et qu’il est une allégorie de l’amour fou de Dieu pour son peuple.

Un des fondateurs du judaïsme rabbinique, rabbi Aquiba, a dit de ce livre, que s’il est un des plus courts de l’AT, il est le plus nécessaire !

Alors entrons, ou tentons d’entrer dans ce cantique :

« Qu’il me couvre de ses baisers ! »

Étrange commencement ! L’appel au baiser surprend par sa fraîcheur : la révélation de Dieu n’est pas dans une idée, mais dans un baiser…

Et c’est la femme qui ouvre le poème, à l’inverse de la Genèse où c’est l’homme qui parle en premier !

Quel ballon d’envoi ! Une vision égalitaire du couple, très hardie pour l’époque, vient renverser les interprétations patriarcales traditionnelles. Altérité et partenariat seront au coeur de cette prose.

v.2 :« Car tes caresses, tes étreintes, sont meilleures que le vin et meilleures que la senteur de tes parfums.» Pas étonnant que le Cantique des Cantiques ait longtemps choqué et que sa place dans le canon des Écritures ait été beaucoup contestée ! C’est par le biais du sensoriel, voire du sensuel, que étreintes, vin et parfums nous introduisent dans le monde du divin.

Remarquez que dans le NT également, l’irruption du Royaume s’accompagne souvent des signes tangibles d’une expérience de joie et de ferveur :

  1. Premier miracle de Jésus : l’eau changée en vin aux noces de Cana ;
  2. Première manifestation de l’Esprit saint : les 120 disciples au jour de la Pentecôte donnent l’impression d’être enivrés de vin doux…

Le Cantique des Cantiques nous introduit donc à une logique qui veut, comme il le dit, que « ses signes d’amour soient meilleurs que le vin » !

Il exprime aussi la joie de la présence de Dieu par les mots suivants : « ton nom, ta personne, est un parfum raffiné qui se répand… », comme l’huile parfumée brûlait constamment dans le temple. Ainsi, le caractère sacré du parfum émanant de l’aimé est révélé.

Et comment ne pas faire le lien avec celui qui est oint par excellence, le Messie, titre royal qui signifie « celui qui est oint », celui sur qui repose l’Esprit en plénitude.

« Attire-moi à toi, entraîne-moi après toi, et nous courrons… » (1,4a) allusion à la seule façon avec laquelle Dieu a résolu de sauver son peuple : « Je l’ai attirée avec humanité par des liens de tendresse et des cordages d’amour » (Os 11,4) et l’Evangile de Jean reprendra cette même idée en affirmant au sujet de la mort de Jésus : « Lorsque j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tous les humains à moi » (Jn 12,32).

Après cela, la bien-aimée nous confie qu’elle a été maltraitée, malmenée, violentée, au point qu’elle en est devenue noire de peau, nous dit le texte. Elle s’appelle la Sulamite, de la même racine que Shalom, la paix, la sérénité. Son union avec le divin est la seule source de guérison, d’apaisement.

Malgré, ou avec son vécu plutôt, elle entrouvre sa porte à l’amour. Le bien-aimé la respecte et ne brusque rien : « Je vous en conjure, filles de Jérusalem, par les gazelles et par les biches des champs, n’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour, avant qu’elle le désire » (2,7).

« Mon bien-aimé est pour moi ». Sur le plan spirituel, quelle belle introduction à la prière ! Avons-nous cette confiance en l’amour de Dieu pour nous au point de l’appeler « mon bien-aimé » ? Croyons-nous qu’il est pour chacun de nous, même si nous sommes des millions à lui parler en même temps, il est néanmoins totalement pour chacun de nous à l’instant où nous lui parlons ? Et que chacun de nous peut dire, dans son cœur « mon bien-aimé est pour moi »…

En célébrant l’amour humain, ce poème renvoie à l’être même de Dieu et exprime mieux que tout combien Dieu est amour.

Ainsi, les mots de l’amour humain murmurent le secret de l’amour divin, un amour bien plus fort, un « fol amour », inscrit au cœur de la révélation biblique : l’amour de Dieu pour Israël, l’amour de Dieu pour l’humanité.

Paul affirmera, plus tard, que l’union conjugale reflète le mystère d’amour entre Christ et l’Église ; et dans les Évangiles ou l’Apocalypse, Jésus est présenté à plusieurs reprises comme l’Époux au festin des noces.

À travers ses analogies et sa poésie, le Cantique des Cantiques fait l’éloge de l’amour et de la sensualité. Pas de mariage civil ni religieux dans ce livre, pas de cérémonie, juste un amour fou qui fait brûler les cœurs.

Si la bien-aimée représente le peuple de croyants, son amour nous interpelle : sommes-nous prêts à nous laisser envahir par cet amour qui fait brûler nos cœurs, comme celui de la Sulamite pour le bien-aimé ? Sommes-nous amoureux de Dieu ? Est-ce que nous aspirons à lui appartenir ? Voulons-nous être à lui ?

« Attire-moi à toi, entraîne-moi après toi» (1,4a) dit la bien-aimée. À quoi le bien-aimé répond : « Je vous en conjure, filles de Jérusalem, n’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour, avant qu’elle le désire ». Car l’amour vrai n’est jamais captateur. Il laisse libre.

Si la bien-aimée a commencé le cantique, c’est aussi elle qui le termine par des paroles surprenantes par lesquelles elle rappelle à son bien-aimé que lui aussi est libre : « Fuis mon bien-aimé, sois semblable à la gazelle ou au jeune faon sur les montagnes embaumées » (8,14) !

L’amour ne peut se vivre que dans un climat de liberté. Il exclut toute mainmise, tout étouffement de l’autre. Et contrairement à ce que nous aurions pu imaginer, l’apogée de la liberté ne se vit pas dans l’isolement ou la solitude. La vraie liberté ne peut grandir que dans le climat des relations humaines saines et respectueuses.

C’est l’amour qui nous libère parce qu’il vient de Dieu et crée une relation qui inclut la liberté, la vraie !

Confession de foi

Je crois en l’unique Dieu d’amour.

Je crois qu’il a créé l’être humain
non seulement pour l’amour mais dans l’amour
et que l’humain ne sera véritablement humain
que s’il vit de cet amour.

Je crois que pour nous atteindre,
Dieu a pris forme humaine en Jésus-Christ.
Au sein même de la souffrance,
Dieu nous aime jusqu’au bout.

Je crois que par son Esprit,
Dieu nous habite.
Il insuffle joie et ardeur
dans notre relation avec lui et notre prochain.

Malgré mes limites et mes doutes,
je veux croire que Dieu est avec nous dans la vie,
dans la mort, dans la vie après la mort.
Son amour nous attire tous à lui.
Amen

Paroles d’envoi :

Comme Paul a prié pour les Éphésiens, à mon tour, je prie

qu’en plongeant vos racines dans l’amour du Christ,

Vous soyez rendus capables de comprendre

Combien son amour est large, long, haut et profond ;

Vous pourrez en faire une expérience qui dépasse toute connaissance,

Et vous serez ainsi comblés de toute la plénitude de Dieu ! (Eph 3,17.19)

Bénédiction

Que le Dieu unique vous bénisse et qu’il vous garde,

Lui qui s’est révélé comme le Père qui donne la vie,

Comme le Fils qui nous aime jusqu’à en mourir,

Comme l’Esprit qui nous remplit du feu de son amour.

Amen

Pour continuer la réflexion :

Thérèse Glardon,  Cet amour qui nous grandit : Dialogues avec le bien-aimé dans le Cantique des cantiques (Petite bibliothèque de spiritualité), Labor et Fides, Genève, 2020.

Image par Dariusz Sankowski de Pixabay