Quand le coronavirus ravive les souvenirs

Par Jacqueline Scheurer

Ce temps de confinement a aussi des aspects positifs ; entre autres, il m’a permis de raviver des souvenirs qui me sont devenus encore plus chers. J’avais une grand-tante qui vivait au bord du lac Léman. Elle était montée à Paris avant la guerre de 14-18 pour travailler au centre protestant, où elle fit la connaissance du pasteur M. Butticaz. Mariage et installation dans le sud de la France. Hélas, son mari meurt en 1918 de la grippe espagnole (le premier influenza virus n’a pu être isolé qu’en 1933 et cette épidémie a fait 50 millions de morts à l’échelle mondiale). Victime collatérale et de plus mère de deux enfants, la veuve a été accueillie par sa belle famille à Treytorrens. Elle portait le même prénom que ma mère, Nancy, et s’est toujours intéressée à elle et à sa famille de Vaudois perdus au fond du Val-de-Ruz: elle nous gâtait chaque année d’un carton de raisins du Lavaux. C’était la fête. Et pourtant, elle vivait très modestement.

Quand, plus tard, je voulais faire connaître la Suisse à mes collègues des institutions de Malvilliers. Nous partions en auto-stop. Je sonnais chez ma tante… Avec des exclamations de joie, elle faisait descendre un panier au bout d’une ficelle où était la clef de la maison. Puis, elle nous accueillait gaiement avec des rires et avec plus de générosité que de moyens. Après le repas, elle sortait des couvertures et mes amies et moi dormions sur le sol. Le lendemain, nous partions pour les Rochers de Naye cueillir des narcisses. A d’autres occasions, nous montions à Chexbres et redescendions à travers les vignes. Cette joie de vivre et ces paysages m’ont fait aimer ce coin de terre plus que tout autre et le Lavaux reste cher à mon cœur.

Certes, l’histoire de cette femme n’est pas un cas unique et comme beaucoup d’autres n’a guère laissé de traces, mais c’était une grande dame et comme on dit actuellement une belle personne. Je tenais –même tardivement – à lui rendre hommage.

***

Cette situation de confinement – inédite pour beaucoup de personnes –m’en rappelle une plus sévère vécue dans mon enfance, la mise en « quarantaine » suite à l’hospitalisation à Landeyeux d’un frère et d’une sœur atteints de paralysie infantile, la poliomyélite.

J’entends encore ma mère au téléphone mural (depuis peu installé au vestibule, près de ma chambre) : « Venez vite docteur, mon fils ne peut plus se lever, c’est la paralysie infantile. » Départ immédiat pour Landeyeux et le lendemain c’était au tour d’une de mes sœurs. Privée d’école, où j’adorais aller, le courrier et les provisions déposés à l’entrée du jardin… nous avons vécu en vase clos…

Fort heureusement, je crois savoir que cette horrible maladie a été mondialement éradiquée.

Pour conclure, j’aimerais citer une phrase d’une très bonne amie : «je prie pour les SDF, les réfugiés, les prisonniers » et j’ajouterai pour nos autorités qui ont su prendre les bonnes décisions pour que nous puissions nous protéger.