Marie, une maman !

  • Maman, fais une pause quelques instants, tu m’as l’air si fatiguée ! Viens t’asseoir auprès de moi. La mort de Jésus a été un tel bouleversement pour nous ; on a eu tellement à faire pour soutenir tous les croyants et les aider à réaliser que Jésus est toujours avec nous. On n’a pas eu une minute pour échanger, partager ! Ce n’est vraiment pas facile de modifier les idées que nous nous étions faites à son sujet ! A mon tour, j’aurais besoin de comprendre certaines choses. J’aimerais que tu m’expliques ce que toi, tu as vécu. Raconte-moi ce qu’il s’est passé avant ma naissance. Étais-tu heureuse d’être mère ? Es-tu encore heureuse aujourd’hui d’avoir été la mère de Jésus ?
  • Bien sûr, mon fils ! Comment pourrais-je oublier tous les instants extraordinaires de ma vie de mère ? Oh, tu ne peux pas t’imaginer : lorsque l’ange Gabriel s’est adressé à moi, j’étais ébahie ! Comment se faisait-il qu’il me choisisse, moi ? Je n’étais pas digne d’une telle faveur ! J’étais issue d’une famille simple, je pensais ne rien avoir à lui offrir, si ce n’était, bien sûr, mon cœur ! Mais il le savait bien, il ne me demandait rien d’autre que mon « oui » à son projet. C’était très nouveau pour moi, c’était la première fois que l’on me demandait de participer à une décision. Dieu voulait que je sois partie prenante de ce qui allait advenir. Rends-toi compte, mes parents avaient tout prévu pour moi : Je n’avais que douze ans et demi. Selon la coutume, j’avais été donnée en mariage à Joseph, ton papa, sans qu’on m’ait demandé mon avis. Mon destin était donc fixé par mes parents. Pour sauver mon honneur, je devrais donner naissance à des garçons. Mon existence était toute tracée. Mais soudain, l’appel de Dieu m’a ouvert à l’inattendu de la grâce.
  • C’est quand même inouï que cela soit tombé sur toi, sur notre famille ! Mais qu’est-ce que tu réalisais vraiment ? Tout cela devait être si mystérieux !
  • C’était extraordinaire ! J’avais conscience que Dieu était avec moi et en moi plus qu’en toute autre femme.
  • Tu te souviens quand, il n’y a pas si longtemps, une femme a crié du milieu de la foule « Heureuse celle qui t’a porté et allaité ! » Te souviens-tu comment Jésus a réagi ?
  • Oui, il s’est empressé de dire : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l’observent ». Il ne voulait pas qu’on fasse de moi une sainte, qu’on m’élève à un statut au-dessus des autres femmes. Ce n’était pas parce qu’il ne m’aimait pas – je sais qu’il m’a toujours aimé – mais il voulait attirer l’attention des gens au bon endroit : sur le privilège de croire ! Bienheureux celles et ceux qui croient et qui choisissent de mettre sa parole en pratique. Je ne suis pas la seule à avoir une telle chance, nous l’avons tous !
  • J’avoue que moi, j’ai assez mal vécu la fois où nous étions venus avec mes trois frères pour le chercher. Tu te souviens ? Nous ne pouvions pas approcher tellement la foule était dense ! Les gens étaient venus de partout pour l’écouter. Ils tendaient l’oreille pour entendre ses enseignements. Et lorsque quelqu’un lui a dit que nous étions là et que nous souhaitions le voir, il a dit «  Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique ».
  • Tiens ! Pourquoi as-tu été attristé de ces paroles ? Moi, je ne l’ai pas mal pris ; je n’ai pas eu l’impression qu’il nous aurait reniés ! A mes yeux, Jésus élargissait simplement notre vision de la famille ; il ne nous a pas exclus de cette nouvelle fraternité. Au contraire, j’ai ressenti de la joie en imaginant combien notre famille s’agrandissait de jour en jour avec tous ceux et celles qui se mettaient à croire et à le suivre. Nous n’étions que sa famille de sang, mais il nous incluait dans sa famille spirituelle et ça, c’est merveilleux !
  • J’ai vraiment de la peine à te suivre, maman, tu ne te fâches donc jamais ?
  • Jacques, te rends-tu compte que nous avons un destin unique dans l’histoire du monde ? J’ai eu le privilège incroyable que Dieu me parle ; il m’a donné un rôle important. C’est moi, et non ton papa, à qui l’ange a demandé de nommer Jésus ; c’est tellement rare qu’une femme ait le droit de choisir le nom de son enfant. Mais bien sûr, tout n’a pas été facile : j’ai dû accoucher dans des conditions précaires, pendant un voyage ; je n’avais rien, j’ai dû le faire dormir dans une mangeoire !
  • Ah Maman, est-ce que c’est l’ange Gabriel qui t’a parlé d’une épée qui te transpercerait le cœur ?
  • Non, c’est un juif pieux, Siméon. Lorsqu’on a présenté Jésus au temple, il a prophétisé que tout ne serait pas aussi idyllique que je l’avais cru dans un premier temps. Je sais que toutes les mamans rencontrent des difficultés avec leurs enfants, mais là, il m’a annoncé que ce serait terrible pour moi : j’allais perdre mon fils dans des circonstances abominables. Lui qui pourtant avait tout pour réussir, il allait être méprisé, rejeté, victime d’un jugement profondément injuste, mis à mort à la manière des impies. C’est vrai, mon cœur de mère a saigné ! L’épée qui m’a transpercé le cœur, je l’ai déjà ressentie lorsque le cours des événements commençait à se retourner contre lui. Tu te souviens quand il est venu à Nazareth ? Il est allé à la synagogue ; il s’est levé pour faire la lecture et il a commencé de lire les paroles du livre d’Esaïe ; lorsqu’il a lu : « L’Esprit du Seigneur est sur moi », les gens se sont devenus rouges de colère et ils l’ont chassé ! Les gens du village auraient été prêts à lui faire du mal ! C’est là que j’ai ressenti pour la première fois que les choses risquaient de mal tourner pour lui. Mais, au fond de moi, j’espérais que leur colère s’apaiserait, qu’ils finiraient par réaliser qu’ils n’avaient rien à craindre de Jésus.
  • Jésus était trop brillant ! Ils étaient jaloux de lui, de son influence, de l’écoute dont il bénéficiait, alors que la population était lasse de subir leur morale incessante.
  • A douze ans déjà, lorsqu’on l’avait présenté au temple, il les épatait tous par les réponses qu’il apportait. A cette époque-là, on m’avait dit que mon fils était un peu surdoué. Ils ne sont pas toujours faciles à gérer ces enfants. Ils perçoivent des choses qu’on ne perçoit pas soi-même alors que l’on a toute une vie derrière soi ! Les maîtres juifs se demandaient d’où il pouvait bien tenir tout ce qu’il savait. Ils m’ont même demandé : sais-tu lire, Marie ? Est-ce que tu lui aurais enseigné la Torah en cachette ? Cette question m’était posée sur un ton un peu inquisiteur, l’air de dire : « Tu n’ignores tout de même pas que ce n’est pas la place de la femme de s’instruire ? » Certes, je le savais, mais, depuis ma plus tendre enfance, j’avais envie de comprendre, de trouver des réponses à mes questions et j’avais pris l’habitude d’interroger mon père, lorsque, après une dure journée de labeur, il méditait à la lueur de la lampe à huile. De même, avec Joseph, nous aimions réfléchir au sens des choses. Mais Jésus avait toujours une longueur d’avance sur nous. Je ne sais pas d’où il tenait tout ce qu’il savait, tout ce qu’il percevait !
  • C’était mon frère, mais vraiment, il était le fils de Dieu !
  • Quand on a un enfant, on a parfois l’illusion de pouvoir le posséder; on croit qu’il nous appartient. Mais avec Jésus, plus qu’avec tous mes autres enfants, j’ai fait l’expérience qu’obéir à la volonté de Dieu nous amène à devoir le lâcher, le laisser vivre sa vie. Comme lorsque nous étions aux noces de Cana. J’ai cru bon de lui dire ce qu’il devait faire, mais il m’a reprise, afin que je le laisse libre de faire selon ce qu’il lui semblait bon. J’ai appris à me retirer et à lui faire confiance. Mais je ne le regrette pas. Si c’était à refaire, je redirais à l’ange, et donc à Dieu : « Qu’il me soit fait selon ta parole » !

Image par needvid de Pixabay