Dites-le avec des fleurs

Prédication du dimanche 3 juillet 2022 à Auvernier sur le thème des fleurs, avec le baptême de la petite Rose.

J’entends une voix qui dit :
« Fais une proclamation ».
Mais je réponds : « Laquelle ? »
La voix reprend : « Celle-ci :
Le sort des humains est précaire
comme celui de l’herbe.
Ils n’ont pas plus de vigueur
que les fleurs des champs. L’herbe sèche, la fleur se fane,
quand le souffle du Seigneur
est passé par là.
— C’est bien vrai, les humains u
ont la fragilité de l’herbe —. Oui, l’herbe sèche, la fleur se fane,
mais la Parole de notre Dieu
se réalisera pour toujours. »

Esaïe 40,6-8

 

Jésus dit encore : « A quoi pouvons-nous comparer le Royaume de Dieu ? Au moyen de quelle parabole allons-nous en parler ? Il ressemble à une graine de moutarde ; quand on la sème dans la terre, elle est la plus petite de toutes les graines du monde. Mais après qu’on l’a semée, elle monte et devient la plus grande de toutes les plantes du jardin. Elle pousse des branches si grandes que les oiseaux peuvent faire leurs nids à son ombre. »

Marc 4,30-32

Le langage des fleurs

Découvrir le pot aux roses… Au ras des pâquerettes… Devenir rouge comme une pivoine… Inaugurer les chrysanthèmes…
Les fleurs tapissent notre langage. D’une richesse inouïe, l’imaginaire de la langue trouve mille et une façon de le dire avec des fleurs.

De tout temps, l’observation de la nature, du printemps qui fait son œuvre pour faire émerger de terre de manière presque magique ce qui semblait mort durant l’hiver, a inspiré les poètes et fasciné toutes celles et ceux qui osent s’émerveiller de la vie. La recherche scientifique, l’explication physique et botanique de ce qui se passe lorsque pousse une fleur, n’enlève rien au charme. Même si l’on est capable d’expliquer comment se passe le phénomène, l’émerveillement devant la nature demeure.

Une fleur qui pousse, un bourgeon qui s’ouvre, un arbre qui porte du fruit. Un enfant qui grandit, qui s’éveille à la vie, qui pousse presque à vue d’œil. L’émerveillement est intact. On ne peut que rester fascinés devant le miracle de la vie !

Devant l’insaisissable de la vie, devant les interrogations que cela provoque, devant l’incompréhension de l’injustice et de la mort aussi, l’être humain s’est toujours posé quantités de questions. Alors bien entendu, à l’époque où Jésus sillonnait la Galilée en proclamant que le Royaume de Dieu était proche, nombreux sont ceux qui sont allés lui poser leurs questions. Parfois par réel intérêt, parfois peut-être par fascination vis-à-vis du maître, parfois aussi pour le piéger, lui qui sortait du discours officiel religieux de son époque.

Le langage de la parabole

Une des forces de Jésus, ce sont ses réponses décalées. Jamais frontales ni dogmatiques, il maniait le langage indirect. Par le biais de paraboles, d’images ou de questions retournées à ses vis-à-vis, il oblige son interlocuteur à participer à la construction du sens. Son interlocuteur historique aussi bien que les interlocuteurs et interlocutrices que nous sommes, aujourd’hui, en tant que lecteurs des évangiles.

Il en est du Royaume de Dieu comme…
Non pas le Royaume de Dieu c’est, mais une évocation qui vient nous chercher nous, qui vient éveiller notre imaginaire et inviter Dieu à venir habiter dans nos représentations, dans nos conceptions, dans nos réalités.

La plante de moutarde, appelée sénevé chez les Hébreux, a en effet une graine extrêmement petite. Ce n’est probablement pas la plus petite qui existe, mais chaque graine ressemble à une tête d’épingle. Et c’était sans doute dans les plantes cultivées en Palestine à l’époque celle qui avait la plus petite taille. Ce qui est impressionnant, c’est que la croissance de la plante de moutarde est extrêmement rapide. En à peine 3 mois on passe du semis à la récolte des graines. De longues tiges sortent de terre, grandissant presque à vue d’œil, et de jolies fleurs jaunes éclosent. Cette vivacité, cette rapidité, sont des métaphores de la force de la nature et du miracle de la vie que Dieu offre.

D’un tout petit grain sec, Dieu fait émerger une plante immense. Si grande, illustre la parabole, que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. Je ne suis pas sûre qu’il y a beaucoup de nids d’oiseaux dans les plantes de moutarde. Ce qui est sûr, c’est que la moutarde pousse au printemps. Semée à la fin de l’hiver, elle s’épanouit à la période où les oiseaux tissent leurs nids. Dans le monde de la Bible, les oiseaux sont symboles de confiance. Eux qui ne sèment ni ne moissonnent vivent jour après jour de ce que Dieu leur offrent. La parabole de cette graine de moutarde fait résonner à la fois l’émerveillement devant la magie de l’action de Dieu dans la nature et la confiance, attitude fondamentale attendue de celles et ceux qui vivent au milieu de cette nature.

L’évocation du Royaume…

Le Royaume de Dieu n’est pas un lieu. Un endroit inaccessible ou un pays lointain auquel nous aurions accès hypothétiquement un jour, peut-être même après notre mort. Le Royaume de Dieu évoqué par Jésus est une approche du monde.

Tout en vivant sur la même terre, en foulant du pied le même sol, en travaillant dans une même entreprise, en fréquentant une même école, etc. certains vivent dans le Royaume de Dieu et d’autres pas. Cela dépend de notre approche du monde. Subir les événements qui nous arrivent, ignorer les injustices, jouir de son simple plaisir, porter un regard blasé ou désabusé sur le monde qui nous entoure est une approche de la vie. Mais je crois que ce n’est pas cela, le Royaume de Dieu.

Le Royaume c’est:… Non! Le Royaume de Dieu, c’est comme ! …
… faire confiance qu’il peut faire émerger du beau et du grand même à partir de ce qui nous semblait sec et petit.
… oser s’émerveiller et rendre grâce pour ce qui est et ce qui vient.
… grandir et se laisser pousser au rythme qui est juste.
… accueillir dans son ombre celles et ceux qui en ont besoin.
… c’est aussi aller se réfugier à l’ombre des autres lorsque nous en avons besoin.

Le parole rapportée par le prophète Ésaïe nous rappelle avec justesse la dimension éphémère de la vie humaine. Après le printemps, la récolte des grains de moutarde, vient l’été. Sec. L’herbe sèche, brûle parfois sous la chaleur du soleil. Les fleurs se fanent. C’est nécessaire pour qu’elle puissent donner des fruits ou des graines. Elles doivent mourir pour qu’autre chose naisse à la vie.

Rien n’est éternel, rien n’est immuable dit le prophète. Rien… sauf la Parole de Dieu. Elle seule traverse les temps et les lieux. Traverse aussi nos existences, nous précède et nous dépassera.

Vivons dès à présent dans le Royaume de Dieu.
Dans la confiance et l’émerveillement.
Avec sa parole et sa présence comme appui.

Amen