Qu’est-ce qu’on attend…

Culte du 11 décembre au temple d’Auvernier. Prédication de Catherine Borel.

Chers paroissiennes et paroissiens,

Nous sommes dans le temps de l’Avent, le temps de l’attente. On attend toujours beaucoup dans la vie ; qu’est-ce qu’on attend ? Des tas de choses. On attend la guérison, le retour de la personne qu’on aime, on attend une augmentation de salaire, la nouvelle voiture qu’on a commandée, on attend les vacances, on attend Noël. Ces attentes-là sont de bon augure car elles pointent un plus, un mieux, elles tendent à une espérance. Certaines personnes pourtant ne peuvent s’empêcher d’attendre toujours le pire…Même quand elles vont bien, elles attendent dans l’angoisse que ça aille plus mal ! Je vous donne quelques exemples : « je vais bien, mais je sens que ça ne va pas durer ; je m’entends bien avec mon conjoint mais sait-on jamais, s’il trouvait quelqu’un d’autre ? je suis très content de mon travail mais la boîte pourrait bien fermer un jour… » Là, on n’est plus dans la perspective d’une récompense, d’un plaisir, dans l’accomplissement d’un désir, d’un mieux, non, on est dans l’attente de la chute. L’épée de Damoclès plane sur nos têtes… Alors, peut-être que si on prévoit le pire on arrivera à l’éviter ? C’est peut-être une façon de conjurer le mauvais sort mais alors à quel prix ! Quelles que soient pourtant nos attentes, il est certain qu’elles sont nombreuses. 

Beaucoup de textes bibliques parlent de l’attente : on attend le malheur ou la délivrance, la guérison ou la mort. Il y a deux mille ans, le peuple d’Israël attendait. Les gens savaient-ils toujours exactement ce qu’ils attendaient ? Le Messie certes, mais sous quelle manifestation, sous quelle forme, si je puis dire ? Le Messie sous la forme d’un enfant avait prédit Esaïe, mais un enfant, c’est vague…Même Marie, après l’annonce de l’Ange Gabriel, sait-elle vraiment ce qu’elle attend, qui elle attend ? 

Et nous-mêmes, qu’attendons-nous en ce temps de l’Avent ? Noël bien sûr, Noël, la réponse de Dieu à l’attente des chrétiens. Mais alors, après Noël, nous ne devrions plus rien attendre puisque tout est là, dans l’enfant de la crèche ; nous sommes donc comblés. Bon, j’ergote un peu car je sais bien que Noël ne comble pas nos attentes tout simplement parce que nous ne sommes pas désincarnés et que nous continuons, heureusement, d’avoir des désirs et donc des attentes après Noël. Mais, en dehors du fait chrétien, nous attendons aussi quelque chose pour Noël, même plein d’autres choses que la venue du Christ. Je ne parle pas des biens matériels, cadeaux et repas car, à ce niveau-là, on sait que nos attentes seront plus ou moins comblées, plus ou moins déçues. Non, je pense aux attentes qu’on pourrait qualifier d’affectives. Noël reste un lieu et un temps particulièrement forts qui focalise ce genre d’attentes. A Noël, même dans les familles où bien des tensions se font sentir, on veut croire au miracle des réconciliations, aux trêves des querelles comme l’a été la trêve de Noël entre Allemands et Français en décembre 1914. Un Noël sans querelles est une grande chose pour bien des gens ; si une trêve des conflits a lieu, quel soulagement ! Et si elle ne se produit pas, alors la blessure est intense ; on attendait la paix, elle n’est pas venue ; même à Noël, on n’a pas été capables de s’entendre….

Alors, il faut repenser la hauteur de nos attentes, il faut revoir nos exigences face à nos attentes. Et peut-être vaut-il la peine de faire la différence entre exigence et attente. Exiger c’est croire qu’on aura suffisamment de pouvoir pour plier les autres à nos désirs. Attendre, c’est certes exprimer un désir, c’est souhaiter qu’il se réalise mais c’est aussi accepter qu’il ne se réalise pas ou qu’il ne se réalise pas exactement comme on voudrait. L’exigence est souvent source de déception, de frustration voire même de colère ; l’attente est une tension qui se réjouit de la réalisation d’un désir mais qui est aussi ouverte à une autre réalisation. L’attente devrait être une ouverture à l’inconnu.

Si nous prenons les attentes du peuple juif d’une part et les attentes de Samuel, d’Anne et plus encore de Marie d’autre part, on voit qu’elles sont très différentes. Les Juifs avaient une attente précise : être délivrés des Romains et devenir un peuple puissant, Marie et les autres avaient une attente ouverte aux événements à venir. Les premiers ont une attente statique et ils risquent d’être déçus (ça a été les cas), les seconds ont une attente en suspend, une attente souple qui leur permet d’être réceptifs à ce qui vient. Je noterai encore un point à propos des attentes de Marie, d’Anne et de Samuel : certes les trois attendent la manifestation de Dieu mais en plus ils remercient Dieu de ce qu’il s’est intéressé à eux, de ce qu’il s’est approché d’eux, de ce qu’il les a choisis.

Ainsi, chers amis, sommes-nous invités à être réceptifs à ce qui vient, à Noël bien sûr mais dans la vie en général. Que nos attentes soient nombreuses, qu’elles nous donnent l’élan pour avancer sur le chemin de nos vies, qu’elles soient le moteur de nos existences. Mais…n’oublions pas d’examiner, de jauger la hauteur de nos attentes, revoyons la dose de nos exigences. Car tout est dans la mesure : jusqu’à quel point pouvons-nous attendre des autres qu’ils répondent à nos désirs, jusqu’à quel degré de perfection devons-nous élever la fête de Noël ? 

Ce matin, je ne parle pas des attentes douloureuses dont on ne peut pas se réjouir ; je parle de ces attentes quotidiennes qui peuvent parfois empoisonner notre existence parce que les aléas de la vie les contrecarrent. Essayons donc d’être réceptifs à ce qui vient à nous, aux événements à venir dont nous ignorons encore tout, soyons ouverts à l’agir parfois mystérieux de Dieu. Encore une remarque exégétique à ce propos : les derniers mots de l’Apocalypse sont : « Marana tha ! » On peut les comprendre de deux façons : soit on écrit : « marana tha ! » et ça signifie : « Viens, Seigneur Jésus ! », soit on écrit : « maran atah », ce qui signifie : « Le Seigneur vient ! ». L’un exprime l’attente non encore réalisée (Viens Seigneur Jésus), l’autre l’attente déjà réalisée (le Seigneur vient). Alors, chers amis, comme on ne peut jamais faire un choix définitif et absolu, laissons la question en suspend et soyons sereins et confiants en ce temps de l’Avent. Quel qu’il soit, rappelons-nous qu’il nous conduits à la naissance du Christ, de notre Emmanuel, amen.