Il est ressuscité !

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus.

De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil.

Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? »

Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande.

En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc.

Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées !

Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” »

Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

Marc 16,1-8

Dans l’Evangile de Marc, il y a des choses qu’on attend, parce qu’elles figurent dans les autres évangiles : trois femmes vont au tombeau le dimanche matin, la pierre est roulée, et une apparition d’ange leur dit que Jésus n’est pas là, qu’il est ressuscité. C’est le cadre commun des récits du tombeau vide.

Mais il y a deux choses spécifiques à Marc :

Il ne parle pas d’ange, mais de jeune homme. On dira, c’est la même chose ! En effet, les femmes réagissent de la même manière, comme si c’était une apparition céleste, elles ont peur, ou peut-être qu’elles sont émues, bouleversées.

Mais, nous, lecteurs, on y voit une différence : parce que le mot que Marc emploie est assez précis et rare pour que le lecteur s’en souvienne : c’est le terme « néaniskos », qui signifie donc « jeune homme ». Vous vous souvenez peut-être que j’en avais déjà parlé lors de ma prédication de Pâques 2020. Le confinement était total, nous avions l’interdiction de nous réunir en Eglise, si bien que j’avais fait cette prédication sur Youtube et vous l’aviez peut-être écoutée sur ce site.

Ce terme « néaniskos » apparaît deux chapitres avant le moment de la résurrection. Il est alors question de l’arrestation de Jésus. C’est le moment où tous les disciples prennent peur et disparaissent, laissant Jésus seul avec Judas qui l’a trahi, ainsi qu’avec les gardes armés. Mais justement, Jésus n’est pas absolument seul. Un homme résiste à la peur, un jeune homme, en grec « néaniskos ». Il est habillé d’un manière étrange : avec un drap. Ce n’est que lorsque les gardes veulent mettre également la main sur lui qu’il s’échappe, leur laissant le seul habit qu’il portait sur lui. Il se retrouve donc nu, mais étonnamment libre. Libre de la honte liée à la nudité, libre des chaînes de l’arrestation. Il est un peu comme le double de Jésus, libre et heureux, et il disparaît loin des yeux, nous rappelant que les autorités de ce monde ne pourraient rien contre Jésus, si le Père ne leur en donnait l’autorisation.

Puis, c’est Jésus qui, dans le tombeau, est revêtu d’un drap. Mais comme le jeune homme, il laissera ce symbole de la mort et s’échappera.

On retrouve le jeune homme, le « néaniskos » devant le tombeau vide. Il n’est plus nu, mais revêtu par Dieu d’un vêtement de gloire, qui nous fait penser à la promesse de l’Apocalypse d’être un jour tous revêtus par Dieu de vêtements blancs.

La première scène où nous avons découvert la présence de ce « néaniskos », dans le jardin de Gethsémané, est inattendue et presque comique. Elle n’a convenu ni à l’évangéliste Matthieu ni à Luc, qui n’ont pas parlé de ce jeune homme. Dès lors, il n’est pas surprenant qu’au matin de Pâques, ils parlent d’un ange, ou de deux anges.

Chez Marc, le jeune homme qui refuse que les humains mettent la main sur lui devient le porte-parole de Dieu pour annoncer que Jésus est ressuscité. Il y a une puissance de liberté incroyable. La méchanceté humaine, les menaces n’ont pas eu de pouvoir sur lui et l’événement de la résurrection fait de lui l’ambassadeur de Dieu.

Les messagers célestes de même que le « néaniskos » proclament tous le même message : Jésus n’est pas ici, il s’est relevé d’entre les morts. C’est le message de Pâques. Mais il y a entre l’évangile de Marc, le premier évangile à avoir été écrit, et les suivants, Matthieu, Luc et Jean, une énorme différence : dans ces derniers, l’affirmation de l’ange est suivie de nombreuses apparitions du ressuscité, tandis que chez Marc, il n’y a aucune apparition. L’évangile se termine brusquement. En effet, après les paroles du jeune homme invitant les femmes à aller annoncer cette nouvelle extraordinaire aux disciples, ces femmes sortent du tombeau dans la panique et ne disent rien à personne. Point final !

Donc, dans cet évangile, ce qui est important, c’est le témoignage oral venant de ce jeune homme. Et pour les disciples mâles, ce sera sur la base de la parole des femmes qu’ils devront croire. Or, on sait qu’à l’époque, on considérait la parole de la femme peu fiable. Dieu prend donc un risque de passer par elle. Une belle manière pour lui de valoriser la femme et d’affirmer qu’elle est digne de confiance. Dans les autres évangiles, il y a beaucoup plus d’éléments concrets qui étayent leurs paroles : les apparitions de Jésus, Thomas qui veut toucher Jésus, Jésus qui mange, qui leur parle.

Chez Marc, il y a un fort accent sur le tombeau vide et sur la parole du messager. C’est uniquement sur cette base que le lecteur est appelé à fonder sa foi, sur une simple parole, tout comme nous aujourd’hui.

Deux mille ans plus tard, sur quoi fondons-nous notre foi ? Sur la parole à l’état nu ? Une parole qui est dite, et c’est tout. Aucun élément visuel pour attester cette parole.

Les douze  derniers versets de Marc sont, selon les chercheurs, un ajout ultérieur parce qu’il a probablement paru anormal que cela se termine si brutalement.

L’évangile se terminait donc probablement sur un silence qui invite les lecteurs à accorder leur confiance à cette parole : Jésus est vivant.

En résumé, nous lisons dans cet évangile :

  •  la nécessité d’une confiance totale en la parole donnée.
  • En même temps, on y trouve une promesse : ceux qui surmontent leur peur et qui ne laissent pas les humains mettre la main sur eux, Dieu fait d’eux ses porte-paroles.
  • La liberté est une force qui transcende les limites humaines.