Taraudé par l’inquiétude du lendemain

Pour préparer l’accompagnement des chants de ce culte, nous avons dû nous voir plusieurs fois avec Jean-Paul et Gaëlle. J’en profite pour dire que c’était des chouettes moments et que je leur suis très reconnaissante de leur investissement précieux pour ce culte. J’étais en plein questionnement face au thème de la prédication de ce matin et je n’avais pas d’idée ; en effet, ce n’est pas toujours facile de se renouveler ; parfois on se sent inspiré et parfois, on peut avoir l’impression qu’on est en panne d’inspiration. Il n’est pas toujours facile de savoir ce qui va vous intéresser, ce qui va vous rejoindre dans vos questionnements intérieurs, vous êtes tous des personnes différentes avec des attentes et des besoins spécifiques et ça m’aide si vous me dites de quoi vous aimeriez que je parle lors d’un prochain culte.  Car si on aborde un de vos questionnements, il y a des chances que cela rejoigne aussi le questionnement d’autres personnes parmi nous. N’hésitez donc pas à me transmettre vos propositions.

Ce matin, j’aimerais donc aborder la thématique proposée par Gaëlle, et je commence par vous lire le texte qu’elle m’a transmis :

Vis le jour d’aujourd’hui, Dieu te le donne,

Il est à toi, vis-le en Lui,

Le jour de demain est à Dieu, il ne t’appartient pas.

Ne porte pas sur demain le souci d’aujourd’hui.

Demain est à Dieu : remets-le Lui.

Le moment présent est une frêle passerelle :

Si tu te charges de regrets d’hier,

De l’inquiétude de demain,

La passerelle cède et tu perds pied.

Le passé ? Dieu le pardonne.

L’avenir ? Dieu le donne.

Vis le jour d’aujourd’hui en communion avec Lui ;

Et s’il y a lieu de t’inquiéter pour un être bien-aimé,

Regarde-le dans la lumière du Christ Ressuscité. 

Par Sœur Odette Prévost (1932-1995), institutrice entrée à 21 ans chez les Petites Sœurs du Sacré-Cœur du Père de Foucauld en Algérie et au Maroc,
ayant rencontré les moines de Tibhirine,
et qui fut abattue en se rendant à la messe le 10 novembre 1995.

Ce texte, extrêmement riche, évoque pour moi différents textes bibliques, tout d’abord celui-ci, bien connu, mais qu’il fait toujours bon de réentendre :

Ayez confiance en Dieu

Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas au sujet de la nourriture et de la boisson dont vous avez besoin pour vivre, ou au sujet des vêtements dont vous avez besoin pour votre corps. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus important que les vêtements ? 

Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils ne ramassent pas de récoltes dans des greniers, et votre Père qui est au ciel les nourrit ! Ne valez-vous pas beaucoup plus que les oiseaux ? 

Qui d’entre vous parvient par ses soucis à prolonger un peu la durée de sa vie ?

Et pourquoi vous inquiétez-vous au sujet des vêtements ? Observez comment poussent les fleurs des champs : elles ne travaillent pas, elles ne se tissent pas de vêtements. Pourtant, je vous l’affirme, même Salomon, avec toute sa richesse, n’a pas eu de vêtements aussi beaux qu’une seule de ces fleurs des champs. Si Dieu habille ainsi l’herbe qui est dans les champs aujourd’hui et qui demain sera jetée au feu, ne vous habillera-t-il pas à bien plus forte raison vous-mêmes ? Comme votre foi en lui est faible !

Ne vous inquiétez donc pas en disant : “Qu’allons-nous manger ? qu’allons-nous boire ? ou qu’allons-nous mettre pour nous habiller ?” Ce sont les païens qui recherchent sans arrêt tout cela. Mais votre Père qui est au ciel sait que vous en avez besoin. 

Cherchez d’abord le règne de Dieu, cherchez à faire sa volonté, et Dieu vous accordera aussi tout le reste. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain car le lendemain s’inquiètera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine.

Matthieu 6,24-34

L’objectif probable de Jésus lorsqu’il a prononcé ces paroles : nous aider à lui faire confiance pour l’avenir, ne pas craindre, mais lui remettre nos peurs, en tentant de lui faire confiance qu’il prendra soin de nous. Jésus nous invite donc à un lâcher-prise, à tout lui remettre, quant à nos peurs face à l’avenir.

La plupart des courants philosophiques et psychologiques actuels axent sur le lâcher-prise ; la pleine conscience par exemple. Nous sommes entourés par ces messages qui appellent à se focaliser sur le présent, mais est-ce nous y arrivons ?

Je vous invite à prendre quelques instants d’introspection et à réfléchir à comment ça se passe en nous. Est-ce que nous sommes vraiment ancrés dans le présent ou est-ce que nous sommes taraudés par l’inquiétude ?

Qui se sent à l’aise d’affirmer y arriver ?

On fait le constat qu’on est toujours pris par le passé ou le futur.

Et si Jésus était assis là dans l’Eglise ce matin, comment est-ce qu’il pourrait nous aider à mettre en pratique ce conseil de l’Evangile ? Qu’est-ce qu’on pourrait lui dire qui pourrait nous aider ? Qu’est-ce que vous aimeriez qu’il vous dise pour vous aider ?

Qu’est-ce qui pourrait vous aider ?

A mes yeux, c’est un thème sur lequel il y a besoin de s’ouvrir au mystère. Faire confiance et ne pas chercher à tout calculer.

Juste avant le texte que Fabienne nous a lu, il y a deux enseignements sur notre manière de gérer nos biens, biens qui peuvent nous donner l’impression de gérer l’avenir.

  • L’un nous dit : « Ne vous amassez pas des richesses dans ce monde. (…) Amassez-vous plutôt des richesses dans le ciel, car là où sont tes richesses, là aussi est ton cœur. (Matthieu 6,19-21)
  • Personne ne peut servir deux maîtres (…). Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’argent. (Matthieu 6,24)

Il me semble que Jésus nous appelle à une véritable conversion. Un changement de regard sur nos biens, sur notre mode de vie, sur nos valeurs, car aussi longtemps que nous nous comparons aux autres, nous sommes malheureux. Quels que soient nos revenus, nous pouvons probablement tous être frustrés car il y a des gens plus riches que nous. Nous pouvons donc passer notre vie entière en étant amères et insatisfaits, si bien qu’au final, nous gaspillons notre vie. Jésus nous invite au contraire à être reconnaissants pour la vie.

Dans ce même texte du sermon sur la montagne, il y a un autre verset qui m’a interpellée en préparant ce message.

Entrez par la porte étroite ! Car large est la porte, facile est le chemin qui mène à sa propre perte et nombreux sont ceux qui s’y engagent. Mais combien étroite est la porte et difficile le chemin qui mènent à la vie ; peu nombreux sont ceux qui les trouvent.

Matthieu 7,13

C’est facile d’emprunter un chemin qui mène à notre ruine, au propre ou au figuré. La vie ne s’arrête pas au fait que notre cœur bat. La Vie, avec un grand V, nous est confiée. Libre à nous d’en faire quelque chose de bon, de riche, d’intense, dont la portée ne s’arrête pas là, mais qui perdure dans la Vie éternelle.

 En tous cas, cela nous ramène à cette parole de notre premier texte qui disait : « qui d’entre vous parvient à prolonger un peu la durée de sa vie par le souci qu’il se fait ? » C’est une vérité de la Palice, et pourtant, ça fait du bien de se le rappeler. Se faire du souci ne va pas rallonger la durée de notre vie, ça pourrait même la raccourcir. Laisser les regrets nous tarauder peut également raccourcir la durée de notre vie ou en tous cas l’empoisonner.

Et cela nous ramène aux paroles du texte de Gaëlle :

« Le moment présent est une frêle passerelle :

Si tu te charges de regrets d’hier,

De l’inquiétude de demain,

La passerelle cède et tu perds pied. »

Alors comment gérer ce qui nous charge d’hier et de demain ? Eh bien, probablement en revenant à l’enseignement de Jésus sur la prière, qui se trouve lui aussi dans ce même sermon sur la montagne et où Jésus dit : toutes vos préoccupations, le Père les connaît, il n’y a pas besoin les lui rabâcher. Par contre, le Père aime que vous viviez avec lui, et non sans lui. C’est là qu’il propose la prière du Notre Père, comme modèle pour nos prières. C’est une prière centrée sur aujourd’hui, où l’on commence par regarder à la sainteté de Dieu, avant de demander :

–       le pain du lendemain,

–       de nous pardonner le mal que nous avons commis hier

–       et de nous protéger de la tentation à venir.

Amen

Photo de Nik sur Unsplash