Prédication prononcée au temple de Bôle, le 8 octobre 2023
Pasteur Jean-Jacques Beljean
Chers frères et sœurs,
Personne ne l’ignore le peuple suisse élira, ce 22 octobre, ses nouvelles autorités législatives fédérales. Une rude tâche attend nos futurs élues et élus car ils devront résoudre des défis qui se posent pour la première fois à grande échelle pour notre humanité. Pensons au réchauffement climatique, mais aussi à la santé, à la pauvreté, aux questions géopolitiques, à la biodiversité et j’en passe. Et tout cela dans un contexte de guerre en Europe, de migrations mondiales et de renaissance des tensions entre anciennes ou nouvelles puissances.
En tant que chrétiens, électrices, électeurs, habitants, à part user du bulletin de vote ou de faire valoir notre opinion, quelle est notre mission à ce propos. Pour éclaircir cette question un tant soit peu, je vous invite à remonter dans le temps…
Nous sommes en 981… avant JC bien entendu ! Un homme, encore jeune, est au seuil du pouvoir. Nous ne sommes pas en Suisse et il n’y a donc pas d’élections fédérales pour lui. Ce jeune homme se met en attitude de prière. Et il demande à Dieu une chose étonnante : non pas le pouvoir, la richesse, la puissance ou la force, ce qui serait normal, mais la sagesse. Vous aurez reconnu le jeune homme. C’est Salomon, fils du premier roi d’Israël, David.
On ne lit pas souvent ce texte sur le début du règne de Salomon. A notre époque la sagesse n’est pas très à la mode. On aime mieux l’action, les positions tranchées, les idéologies et les jugements hâtifs amplifiés par les réseaux sociaux. La sagesse biblique intéresse peu de monde, on la considère démodée et peu reliée à la foi.
Peut-on encore apprendre de cette sagesses d’il y a trois mille ans ? J’incline à penser que oui…
L’état du monde vous inquiète. Moi aussi. Comment se situer dans ce qui se passe ? Comme je viens de le mentionner je pense aux catastrophes climatiques, à la chute drastique de la biodiversité, aux guerres et troubles en Ukraine, au Soudan, au Niger, en Arménie, ä Gaza, en Israël et bien ailleurs. Je pense avec émotion à nos amis chaux-de-fonniers victimes de ce soudain et terrible orage déjà presque oublié. Et c’est même autour des matches de Xamax que la violence s’invite, symptôme inquiétant de ce qui se passe dans une société biberonnée aux réseaux sociaux.
Devant ce marasme local et mondial, devant l’état du monde, je ne peux m’empêcher de me dire que nous manquons de sagesse. Surtout de sagesse. Nous, simples citoyens, paroissiens, habitants de nos villages, mais aussi ceux et celles qui détiennent les clés de l’avenir parce qu’ils exercent des responsabilités politiques, sociales, économiques. Tous, nous manquons de sagesse.
Et Salomon dans tout cela. Malgré la distance chronologique et culturelle, il pourrait nous inspirer dans sa manière de rechercher la sagesse. Pourtant il commence mal son règne. Il est très contesté. Son père David a perdu les pédales à la fin de son règne et les intrigues et chausse-trappes sont nombreuses. Il a bien essayé la géopolitique en épousant la fille du pharaon d’Egypte. Mais son propre frère, son demi-frère, le conteste. Bref c’est le marasme.
Alors en quoi un tel modèle pourrait-il nous inspirer ?
Etrangement Salomon commence sa demande par un aveu : je ne sais pas gouverner. En fait il ne s’agit pas d’un aveu d’incompétence, mais d’un acte d’humilité. Gouverner n’est pas simple, c’est prévoir. Et prévoir c’est difficile même si c’est indispensable et fondamental. Il a besoin d’aide. Il sait qu’il ne se suffit pas à lui-même. Prévoir, c’est le premier aspect de la sagesse.
Ce qu’il demande ensuite à son Seigneur, c’est de l’entendement. Tout le contraire d’une idéologie, ces idéologies qui sont tant à la mode aujourd’hui, ces idéologies qui désignent des coupables (réfugiés, migrants, banques, multinationales, gouvernements…). L’entendement c’est avant tout savoir et comprendre ce qui se passe. Analyser objectivement la situation. C’est seulement ainsi qu’il pourra accomplir sa tâche de dirigeant responsable.
Enfin, et l’on ne s’y attend pas, il demande de discerner entre le bien et le mal. Il veut comprendre l’ensemble des problèmes et veut gouverner avec droiture.
En cette année où nous fêtons les 175 ans de la Constitution fédérale qui doit guider nos élus, ce terme de droiture me fait penser à ces mots clés extraits du préambule : paix, solidarité, ouverture au monde, respect de l’autre, équité, etc. et ce motto qui conclut le préambule : « la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ». Quelle sagesse dans ce préambule et quel beau programme reste encore à accomplir, quel appel à nos futur-e-s élu-e-s !
Il y a encore du pain sur la planche !
Ce qui est passionnant chez Salomon c’est qu’il ne demande pas ce qu’on demande habituellement : l’argent, la richesse, le pouvoir, la sécurité, la mort ou la disparition de l’adversaire comme le désirent certains dirigeants….
Le début de son règne se fera sous les auspices de la sagesse. Les troubles seront vaincus. Le chroniqueur relatera encore le fameux jugement de Salomon, arbitrant entre deux femmes se disputant le même enfant. Il rapportera tous ses actes de justice mais aussi ses découvertes scientifiques et de science politique.
Mais soyons objectifs. Tout cela ne durera qu’un temps. Séduit finalement par le pouvoir, il préfèrera la compagnie de ses nombreuses maîtresses ou encore fusionnera tous les cultes de son Royaume, mécontentant ainsi toute la population au lieu de respecter chacun dans ses options et opinions. Il perdra rapidement ce que Dieu lui avait accordé.
En ce qui nous concerne, à la lecture de ce récit, une piste fondamentale demeure pour notre conduite face aux évènements du monde: apprendre à comprendre ce qui se passe, savoir discerner le bien du mal, le juste du faux, le prospectif du régressif, tout cela demeure comme la meilleure piste en vue de l’avenir. Certes, nous ne sommes pas des grands de ce monde. Mais nous sommes citoyens, voire électeurs ou électrices, parents, grands-parents, voisins…. Et nous sommes appelés à nous forger une opinion, à l’exprimer, voire à voter.
Salomon a régné sur un petit royaume relativement insignifiant à l’échelle du monde et du temps. Pourtant l’on se souvient de lui, non à cause de son royaume mais à cause de sa sagesse, ce trésor qu’il a demandé au Seigneur de lui remettre.
Les échéances son devant nous. Nous avons à nous forger une opinion et à nous exprimer, sachant discerner le juste du faux et le bien du mal. Notre sagesse sera d’un apport modeste, car nous sommes peu nombreux et nous avons peu de pouvoir. Mais nous pouvons mettre à profit le temps présent, comme le dit Paul, pour nous inspirer de la sagesse divine pour nous exprimer avec équilibre, justesse et compétence, pour voter si nous jouissons de ce droit, pour agir là où nous sommes placés ? Saurons-nous demander cette sagesse avec humilité et la rechercher avec vigueur en y mettant le prix nécessaire ?
C’est ce que l’on peut se souhaiter de mieux en ces temps troublés. Demandons-la pour nous comme pour nos responsables, qu’ils ne s’emparent pas du pouvoir mais cherchent à leur tour la sagesse, les équilibres et la justice. La prière pour les autorités est un élément important de l’intercession de l’Eglise. Il ne faut pas oublier de persévérer dans cette prière.
Prions Dieu qu’il nous donne, comme aux puissants la sagesse de préparer l’avenir en toute connaissance de cause.
Amen